samedi 15 mai 2010 - par
La quadrature du cercle
En ces temps troublés, alors qu’une nouvelle crise recouvre l’ancienne, nous sommes soumis à des vents contradictoires.
Si l’idéologie libérale a essuyé de lourds échecs, la phase présente nous montre qu’elle a des ressources infinies.
Nous venons en effet d’assister ni plus, ni moins, à ce que l’on appelle une politique de réajustement structurel. Politique qui consiste toujours à diminuer les dépenses sociales, quelles qu’elles soient, et ne pas toucher aux privilégiés. Je dirais afin de ne pas toucher à ces privilèges.
La nouvelle étape franchie dans la soumission des peuples à un programme auquel on ne touche pas est le renforcement du contrôle des budgets par la commission, ce qui vient à supprimer de fait la démocratie en matière d’économie. Dans la foulée, les privatisations continuent, avec leur cortège de hausses, de dysfonctionnements, de réduction du périmètre du service public, jusqu’à sa suppression totale dans les zones peu peuplées (non rentables).
Ces ajustements structurels, comme dans les pays du tiers monde (soi-disant en développement), ne font, volontairement, qu’étouffer les Etats, ou ce qu’il en reste.
Par la privation généralisée (y compris l’enseignement et la santé), l’Etat se voit restreindre toute possibilité d’intervention, et également toute ressource interne de financement. Restent alors les impôts, mais ceux-ci ne touchant pas les hauts privilégiés, comme dans l’Ancien Régime, par une flopée de défiscalisation, boucliers, et autres mécanismes, ne restent que les impôts sur la population, qui du fait de la crise s’appauvrit.
Par ailleurs pour pallier à cette même crise, l’Etat aide les entreprises, ou les particuliers (prime à la casse), et donc grève son budget. Il s’en sort par ’emprunt qui l’enfonce pour le futur.
Le cercle se boucle : l’Etat diminue ses budgets sociaux, augmente les impôts des pauvres, ce qui crée de la décroissance et accroît la crise.
D’un autre côté, les entreprises, pour diminuer les coûts et dégager des bénéfices, gèlent les salaires, licencient, délocalisent.
Le chômage augmente, les rentrées diminuent, les caisses de retraite se vident. Alors, on augmente la durée du temps de vie au travail, sans se soucier de la notion de durée moyenne de vitalité (qui est vers 63 ans) au delà de laquelle l’homme ou la femme n’est plus qu’un souci pour lui-même, une souffrance en survie. Mais ce faisant, soit le chômage des jeunes augmente, soit les "séniors" , c’est-à-dire les vieux, se retrouvent eux-mêmes au chômage et obtiennent une retraite dérisoire, et en fin de vie sont encore ponctionnés, ou "débranchés" (proposition du surdoué Alain Minc qui veut tuer son père cacochyme).
La société s’appauvrit, l’Etat perd ses moyens d’intervention, la crise se propage, créant d’autres bouleversements, et la dette, au bout du compte, au lieu de se résorber, ne fait que croître vertigineusement.
Pour sortir de ce cercle infernal, il faut rééquilibrer le système, c’est-à-dire casser la ploutocratie, diminuer l’hyper-richesse des seigneurs d’aujourd’hui, rétablir l’équilibre des ponctions de l’Etat entre la part du capital et la part du travail, diminuer la productivité du travail, par la diminution du temps de travail, créer un impôt efficace sur le profit, et également imposer les flux de capitaux. Par ailleurs, des taxes de réajustement social peuvent empêcher les importations massives de pays à main d’oeuvre low cost. Sans parler de renationalisations de certains service publics.
Mais cela demande un rapport de force favorable, ce qui n’est pas le cas en ce moment. Ni les grèves, ni les manifestations, ni les pétitions, ni les rendez-vous Facebook, ni les blogs, y compris ce billet, ne changeront celui-ci. Ce ne sont que des goutes d’eau protestataires dans un océan d’indifférence.
Seule une prise de conscience généralisée de la population, inquiète de son avenir et de celui des siens peut modifier la donne. Et seule son implication concrète dans un mouvement de fond, un peu identique à la Résistance, pourra faire basculer le réel.