samedi 15 mai 2010 - par Jean-Paul Foscarvel

La quadrature du cercle

En ces temps troublés, alors qu’une nouvelle crise recouvre l’ancienne, nous sommes soumis à des vents contradictoires.
 
Si l’idéologie libérale a essuyé de lourds échecs, la phase présente nous montre qu’elle a des ressources infinies.
 
Nous venons en effet d’assister ni plus, ni moins, à ce que l’on appelle une politique de réajustement structurel. Politique qui consiste toujours à diminuer les dépenses sociales, quelles qu’elles soient, et ne pas toucher aux privilégiés. Je dirais afin de ne pas toucher à ces privilèges.
 
La nouvelle étape franchie dans la soumission des peuples à un programme auquel on ne touche pas est le renforcement du contrôle des budgets par la commission, ce qui vient à supprimer de fait la démocratie en matière d’économie. Dans la foulée, les privatisations continuent, avec leur cortège de hausses, de dysfonctionnements, de réduction du périmètre du service public, jusqu’à sa suppression totale dans les zones peu peuplées (non rentables).
 
Ces ajustements structurels, comme dans les pays du tiers monde (soi-disant en développement), ne font, volontairement, qu’étouffer les Etats, ou ce qu’il en reste.
 
Par la privation généralisée (y compris l’enseignement et la santé), l’Etat se voit restreindre toute possibilité d’intervention, et également toute ressource interne de financement. Restent alors les impôts, mais ceux-ci ne touchant pas les hauts privilégiés, comme dans l’Ancien Régime, par une flopée de défiscalisation, boucliers, et autres mécanismes, ne restent que les impôts sur la population, qui du fait de la crise s’appauvrit.
 
Par ailleurs pour pallier à cette même crise, l’Etat aide les entreprises, ou les particuliers (prime à la casse), et donc grève son budget. Il s’en sort par ’emprunt qui l’enfonce pour le futur.
 
Le cercle se boucle : l’Etat diminue ses budgets sociaux, augmente les impôts des pauvres, ce qui crée de la décroissance et accroît la crise.
 
D’un autre côté, les entreprises, pour diminuer les coûts et dégager des bénéfices, gèlent les salaires, licencient, délocalisent.
 
Le chômage augmente, les rentrées diminuent, les caisses de retraite se vident. Alors, on augmente la durée du temps de vie au travail, sans se soucier de la notion de durée moyenne de vitalité (qui est vers 63 ans) au delà de laquelle l’homme ou la femme n’est plus qu’un souci pour lui-même, une souffrance en survie. Mais ce faisant, soit le chômage des jeunes augmente, soit les "séniors" , c’est-à-dire les vieux, se retrouvent eux-mêmes au chômage et obtiennent une retraite dérisoire, et en fin de vie sont encore ponctionnés, ou "débranchés" (proposition du surdoué Alain Minc qui veut tuer son père cacochyme).
 
La société s’appauvrit, l’Etat perd ses moyens d’intervention, la crise se propage, créant d’autres bouleversements, et la dette, au bout du compte, au lieu de se résorber, ne fait que croître vertigineusement.
 
Pour sortir de ce cercle infernal, il faut rééquilibrer le système, c’est-à-dire casser la ploutocratie, diminuer l’hyper-richesse des seigneurs d’aujourd’hui, rétablir l’équilibre des ponctions de l’Etat entre la part du capital et la part du travail, diminuer la productivité du travail, par la diminution du temps de travail, créer un impôt efficace sur le profit, et également imposer les flux de capitaux. Par ailleurs, des taxes de réajustement social peuvent empêcher les importations massives de pays à main d’oeuvre low cost. Sans parler de renationalisations de certains service publics.
 
Mais cela demande un rapport de force favorable, ce qui n’est pas le cas en ce moment. Ni les grèves, ni les manifestations, ni les pétitions, ni les rendez-vous Facebook, ni les blogs, y compris ce billet, ne changeront celui-ci. Ce ne sont que des goutes d’eau protestataires dans un océan d’indifférence.
 
Seule une prise de conscience généralisée de la population, inquiète de son avenir et de celui des siens peut modifier la donne. Et seule son implication concrète dans un mouvement de fond, un peu identique à la Résistance, pourra faire basculer le réel.
 


7 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 15 mai 2010 11:49

    En lisant votre article, j’ai eu l’impression de me relire.

    Deux mystères restent à résoudre :

    1) Comment un parti aussi sélectif que l’UMP a t-il désigné comme candidat un type comme Sarkozy, alors qu’on se demande encore pourquoi Chirac et Villepin l’ont pris comme ministre de l’intérieur ?

    2) Pourquoi 53% des Français, ont pu pensé une seconde - celle pendant laquelle il glisse leur bulletin dans l’enveloppe - que Sarkozy, l’homme de tous les échecs - pourrait faire un bon président après une campagne aussi démagogique que populiste ?

    Réponse souhaitée avant 2012, svp.


    • herbe herbe 15 mai 2010 16:11

      Tentative de réponse aux deux questions : dans un mouvement tout a fait inverse à celui des américains qui ont enfin arrêté de voter pour un « dadais » et se sont mis à être sélectif un peu à la française (jusqu’à Mitterrand ?) les français se sont mis se duper eux même en désignant ( rupture !) un candidat comme preuve que n’importe qui peut devenir président ( illusion que l’ascenseur social fonctionne encore pour celui là et donc pourquoi pas eux ...) dans un réflexe anti élite.

      On voit la fin de cette illusion avec celle de l’autre illusion qu’était la promesse du pouvoir d’achat ( tenue à commencer par l’auteur de la promesse et d’une certaine minorité déjà fort pourvue en pouvoir et pas que d’achat, pour les autres .....)

      Il est paradoxal de constater que celui qui sert encore toujours plus l’élite dans les actes (dans les discours c’est du Jaurès...) se soit présenté comme étant l’homme du peuple ( la France qui se lève tôt ...), non énarque etc etc ....

      Attention il y a élite et élite : http://www.volle.com/opinion/elitisme.htm et je ne suis pas certain que celle dont on parle le plus soit celle qui veuille "Que tous accèdent au plus haut niveau de la pensée, de la sagesse, de l’habileté" ( souhait de l’élitisme vertueux)


  • finael finael 15 mai 2010 12:49

    Très intéressant !

    En fait, alors que d’aucuns sur ce site voient le système français, voire européen comme « communiste » en raison de ses quelques interventions au niveau social, le principe fondamental de la démocratie : « l’Etat c’est nous » a pratiquement disparu.

    Par le renoncement à la faculté de frapper monnaie (commencé dès Pompidou), par la soumission à des « instances supranationales », à des « fondamentaux économiques » (pour ne pas dire financiers), l’état s’est délité.

    Certains s’écrient :’C’est de votre faute, vous n’aviez qu’a pas élire untel ou untel !« .

    Le problème, comme l’analyse très bien Noam Chomsky, c’est la main-mise sur la (dés)information par de gigantesques groupes financiers qui racontent ce qui leur profite : »Il n’y a pas d’autre solution« , regardez les (pour ne pas dire »nos« ) comptes, »c’est pire ailleurs« (on trouvera toujours un ailleurs pire), etc ...

    Et il y aurait encore beaucoup à dire sur le »guidage« des ressentiments de groupes contre d’autres groupes : diviser pour mieux régner.

    Face à cette surabondance »d’informations« , la plupart des gens n’a pas appris à prendre du recul, analyser la pertinence, regarder les sources de plus près et les recouper, noter comment certaines choses sont mises en avant et d’autres à peine signalées par un entrefilet (quand elles le sont). L’information est disponible, mais la trouver n’est pas facile.

    Cette »fabrique du consentement« comme l’appelle Chomsky rejoint une extraordinaire endurance et une résignation aux sacrifices de la majorité des peuples. Ils ne se rendent plus compte que nos »politiques« ou »médiatiques« ne sont que pantins récitant le credo que leurs maîtres (ceux qui les financent) veulent les voir ressasser.

    Aussi je ne crois pas à un »soulèvement populaire« contre une ploutocratie très bien dissimulée. Au pire on arrivera à une nouvelle guerre européenne : »c’est la faute aux allemands, ou aux grecs, ou aux polonais, peu importe.

    J’ai l’impression que seule une catastrophe d’ampleur nationale, voir multi-nationale permettra aux peuples de se soulever réellement - et ça risque de ne pas être beau à voir !

    J’avais proposé, il y a quelques années, un article intitulé « sauver la guerre ? », au titre provoquant et à prendre évidemment au second degré, où je montrais que dans les dernières situations de conflits les intérêts égoïstes et financiers avaient été obligés de se plier aux exigences nationales et ces conflits avaient été à la source des principales avancées sociales qui sont actuellement en cours de « détricottage ».

    Faudra-t-il en arriver là ?


  • mcjb 15 mai 2010 15:22

    si ca peut vous aider

    c’est tout nouveau ca vient de sortir

    Pour le pari 1, une probabilité P1 = 1 – (5/6)4 = 0, 518 ; probabilité ... Extrait de la lettre du 29 juillet 1654 de Pascal à Fermat, ...

    soit1727/1100= 1.57
    soit 1.5708075/11000=14/27 =0.518518519


  • mcjb 15 mai 2010 15:23

    j’avais pas vu que vous parle politique, excuses 



  • fifilafiloche fifilafiloche 15 mai 2010 18:44

    Camarade Jean Paul, réjouis toi !


    Le grand soir arrive enfin. Tous les privilèges corporatistes vont être abolis par la faillite de l’Etat , la classe moyenne dont tu fais partie à travers ton statut cadre va être dissoute. Enfin égaux dans le dénuement, la loi de la jungle va pouvoir triompher.

    Camarade JP, je te souhaite d’être en parfaite santé, parce que les temps troublés qui arrivent ne pardonneront aucune faiblesse, tu ne pourras compter que sur toi même. Bandits, voleurs, meurtriers reprendront leurs droits en haut de la chaîne alimentaire. L’anarchie ne connait d’autre loi que celle du plus cruel.

    Camarade cadre quadragénaire, quand la cadrature de la cohésion sociale aura disparue, cours sans te retourner, tu seras un met de choix pour les masses en état de choc avides de sacrifices humains expiatoires.

  •  C BARRATIER C BARRATIER 16 mai 2010 11:51

    Oui, le peuple a voulu se faire berner, la République sociale chancelle, mais des citoyens se réveillent. Le film Walter, retour en résistance, remplit les salles grâce à de nouveaux militants. La République, c’est la liberté de penser, l’égalité (pas de passe droit grâce à des services publics d’ Etat et des fonctionnaires résistant mieux que les élus aux pressions et passe droits.). C’est la fraternité qui se manifeste dans la solidarité (nos systèmes de retraite et de santé hérités du programme national de la Résistance). C’est la laïcité par la séparation de l’église et de l’état qui interdit à une religion d’imposer ses vues en remplaçant la loi votée par la loi prétendue divine qui nous a valu de catastrophiques époques de royauté de droit divin. SARKOZY à LATRAN a renoué avec le droit divin, il s’y croit. Pour dépouiller les moins riches au profit des copains milliardaires, ne faut il pas leur enseigner la résignation, l’espoir dans une autre vie (la fameuse et capitale « espérance » de SARKOZY) pour accepter l’exploitation, l’injustice, l’inégalité quotidienne que l’on veut nous imposer à nouveau.

    Le citoyen a lui aussi failli, lorsqu’il comptait plus sur la solidarité que sur ses propres capacités à retrousser les manches. Il a pu parfois ridiculiser la République sociale laxiste devant ses abus. Qui connaît encore la Déclaration des devoirs de l’Homme et du citoyen qui accompagna à la Révolution française la déclaration des droits ? Elle est ici :

    http://chessy2008.free.fr/articles/articles.php?cat=16&id=21


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