lundi 9 novembre 2009 - par bob

Le paradoxe de la révolution

La notion de rébellion possède en France une indéniable origine dans la révolution française. Son évolution au travers des siècles va refléter un changement de mentalité au sein de la société et souligner que les raisons de ses origines sont devenues non seulement anachroniques à l’heure actuelle mais aussi radicalement différentes.

La rébellion revêt une grande importance dans l’esprit des français. Elle consacre une originalité et une marginalité qui prouve son absence d’appartenance de l’individu à la société. Elle permet à tout à chacun de se désolidariser d’un groupe d’idées incompatibles intellectuellement avec les siennes tout en conservant les bases d’un axiome reflétant ses propres choix de vie. La rébellion se doit d’être ostentatoire car une personne qui agit à l’encontre du système honni ne saurait y être opposé s’il ne le montre bruyamment.

Initialement basée sur la révolution française, légitimée sur les difficultés de réforme de l’ancien régime, la révolution ( attitude rebelle poussée à son paroxysme) s’est faite jour et a posé les jalons d’une philosophie sociétale et par la même politique radicalement différente. Il est à noter que cette révolution n’a rien de démocratique puisqu’elle a été imposée par une minorité. Celle-ci a d’ailleurs payé très cher ses excès puisque les meneurs ont tous été tués dans le cadre de leur politique relativement agressive vis-à-vis d’un pouvoir dont ils dépendaient antérieurement. Cela deviendra par la suite une constante : les personnages fomenteurs de révolution passent généralement à la trappe dans une durée plus ou moins longue.

Les révoltes qui ont émaillé le dix-neuvième siècle utilisaient davantage le principe d’égalité et de justice que celui de réforme recherchée par son ainée. Cela explique sans doute la plus grande démocratisation des révoltes au cours de ce siècle qu’au siècle précédent. Cela répond aussi à la question de la spontanéité de ces jacqueries ainsi que des explosions sporadiques de violence simultanées sur tout le territoire français.

Au vingtième siècle, l’attitude rebelle change radicalement : ce qui était un facteur de progrès dans les faits, se mue en facteur de progrès dans la politique. Du nationalisme avant guerre, omniprésent dans les universités, jusqu’à son corollaire : la myriade anarchiste, tous ces mouvements partent d’un principe de rébellion officiellement face à un pouvoir, officieusement face à des vestiges affectifs jamais résolus.
Le mouvement " rebelle" a produit le pire comme le meilleur pendant l’occupation. Autant une part de réformistes ( euphémisme utilisé à escient pour se présenter comme rebelle) a rejoint la collaboration dans un esprit plus ou moins hostile à la France ( gérer le pire ou s’enrichir), autant une part de résistants aux allemands mais aussi à l’état d’après guerre constituée bon gré mal gré a rejoint le maquis afin de faire valoir leur mécontentement.
Le ralliement à De Gaulle pendant l’occupation démontrait un esprit libertaire et résistant face aux nazis. Le ralliement à ce personnage après la guerre tient davantage de l’opportunisme politique que d’une quelconque autre démonstration de sentiment.

Bien entendu, il ne serait être question de parler de rébellion sans citer le mouvement de mai 68. A l’instar de la révolution française, ce mouvement a été mené par une minorité fortement politisée. Présentée comme une révolution culturelle, elle diffère néanmoins grandement de son modèle. Le changement requis était davantage basé sur le renvoi des "vieux" au profit d’une jeunesse qui lui était le plus souvent apparentée. C’est là que l’attitude rebelle peut être remise en question : Il n’était pas question de changer les structures pour une autre plus efficiente et plus adaptée aux changements mondiaux mais de remplacer tout ou partie des politiques pour pouvoir bénéficier des mêmes avantages ( privilèges ?). L’expérience prouve que depuis les années 80, une grande partie des apparatchiks de ce mouvement se sont retrouvés à des postes enviables alors que leur philosophie prônait davantage un partage équitable des richesses ainsi qu’un humanisme plus prégnant dans la société. Il est aussi important de constater une confiscation des valeurs de la rébellion au profit d’un ou plusieurs types de parti politique tout en rejetant bruyamment les notions autocratiques ainsi que les valeurs y afférant.

La question est de savoir si un rebelle à notre époque peut se considérer comme tel en votant pour des partis en place depuis soixante ans avec la politique que l’on connait. Ces mêmes partis sont gouvernés par des énergumènes provenant des mêmes écoles, des mêmes réseaux, et quelquefois de la même famille. Il est tout aussi stupéfiant de constater que certains "rebelles" obéissent aveuglement à leurs chefs tout en affichant un caractère marginal.
Dans un autre registre, face à l’enrichissement des classes moyennes et populaires ( les classes supérieures ayant toujours été riches) en près de deux siècles, certaines questions se posent : Peut-on se présenter comme marginal en allant faire ses courses dans des entreprises cotées en bourse tout en stigmatisant le système financier ? A-t-on le droit de vouer aux gémonies un système capitaliste tout en possédant une ou plusieurs propriétés ainsi que les veéhicules y afférant sans même mentionner les avantages liés à sa classe ? Est-on vraiment impuissant face au système alors qu’il appartient à chacun de ressortir ses billes de celui-ci tout en sachant pertinemment que cela produira sa chute avec, il est vrai, des effets imprévisibles. Peut-on réellement parler d’humanisme alors que le projet de vie professionnel se borne à écraser le voisin pour une augmentation quelquefois puérile ?
 


5 réactions


  • Gabriel Gabriel 9 novembre 2009 10:45

    Quand nos dirigeants s’affranchissent des lois qu’ils nous imposent,

    Quand les travailleurs n’arrivent plus à se nourrir décemment ou à se loger,

    Quand les restos du cœur augmentent chaque année la distribution de repas,

    Quand les tentes se multiplient dans les parcs et le long des canaux,

    Quand on construit des prisons et qu’on ferme des écoles,

    Quand le nombre de mort de froid par faute de toit est de plus en plus nombreux chaque hiver.

    Quand les hôpitaux ferment parce qu’ils ne sont pas rentables,

    Quand les chercheurs s’expatrient parce qu’ils n’ont plus de moyens,

    Quand nos anciens sont traités comme des animaux dans des maisons de retraites privées,

    Quand un dixième de la population vit avec moins de 800€ par mois,

    Quand un président fait revoter des lois parce que celles-ci ne lui conviennent pas,

    Quand les nominations ne se font plus aux mérites ni aux compétences mais par connaissances,

    Quand les agriculteurs, les pêcheurs et les artisans ne peuvent plus vivre de leurs activités,

    Quand les travailleurs commencent de plus en plus à se droguer ou à se suicider,

    Quand les violeurs et les criminels sont remis en liberté à cause d’un vice de procédure,

    Quand un ministre de la république vante ces voyages exotiques et sexuels,

    Quand les grands distributeurs écrasent leurs fournisseurs, exploitent leurs employés et trompent leurs clients,

    Quand on profane les cimetières, les lieux de cultes et que l’on torture celui qui est différent,

    Quand on casse la justice en soudoyant ou en supprimant ses juges,

    Quand un sportif ou un saltimbanque gagne le salaire de cinq cent infirmières,

    Quand un gouvernement désigne l’étranger comme problème afin de masquer ses incompétences,

    Quand des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage parce que les anciens ne peuvent pas arrêter de travailler,

    Quand on licencie des milliers de personnes dans son pays pour aller exploiter la misère ailleurs,

    Quand les banquiers peuvent nationaliser leurs pertes et privatiser leurs bénéfices,

    Quand des laboratoires accumulent des milliards pendant que des pays se meurent de maladie

    Quand les médecins, les pompiers, les policiers ne sont plus en sécurité quand ils interviennent dans les quartiers,

     Etc, etc, etc…

     Alors peut être, y a-t-il là un terreau fertile à la colère ainsi que de nombreuses conditions réunies pour une imminente révolution.


  • Bardamu 9 novembre 2009 11:33

    Très bon article qui a le courage de démythifier le faux rebelle... et le démystifier !

    Maintenant, il serait temps de laisser place à l’authentique révolté !
    Le temps presse, et, à commenter le monde sans rien faire, on se dirige tout droit vers un univers où l’on ne pourra... plus rien faire ! avec la seule possibilité laissée à l’homme... de commenter !
    Soit prêcher dans le désert !
    Soit l’esclave, condamné à soliloquer.


  • Moristovari Moristovari 9 novembre 2009 14:35

    Tout comme le chômage est une composante nécessaire du capitalisme, la contestation est une composante nécessaire de la démocratie. L’intéressant n’est pas dans l’existence de ces phénomènes mais dans leur relation, notamment via les facteurs d’inhibition qui les régulent. A ce titre l’histoire est sans doute plus claire que le présent. Souvenons-nous de tout ce que les juifs ont connus d’humiliations et d’horreurs, en temps de paix, avec résignation - bref la capacité d’adaptation, d’oubli, de résistance immobile, de l’être humain - et à quel point nous sommes encore loin d’un tel contexte pourtant encore impropre à la révolte. Un poème de René Cousinier, dit la branlette, est en ceci fort symbolique.

    Dans le ghetto de Varsovie
    Marchait sans but Samuel LEVY
    Calotte noire, vêtements usés
    A petits pas désabusés
    Il sifflotait d’un air joyeux
    Chantant la gloire des Hébreux
     
    Dans le ghetto de Varsovie
    Marchait sans but Samuel LEVY
    Un air allemand lui vint en tête
    Et il pensa, quel trouble-fête !
    Que les allemands, gentils nazis
    Depuis un mois, étaient ici
     
    Dans le ghetto de Varsovie
    Marchait pensif Samuel LEVY
    Intellectuel il fut maçon
    Et sans chercher d’autres raisons
    Il construisit avec ses frères
    Ce mur qui devint leur lisière
     
    Dans le ghetto de Varsovie
    Marchait fourbu Samuel LEVY
    Rudes hivers aux froides nuits
    Famine, typhus, épidémies
    Salaire unique : pain quotidien
    Gentils cadeaux des purs Aryens
     
    Dans le ghetto de Varsovie
    Marchait transi Samuel LEVY
    Il passent muets, livides et pâles
    Cortège puant et en haillons
    D’un pas boiteux, lent et fatal
    Tout est fini : déportation
     
    Dans le ghetto de Varsovie
    Pleurait sans bruit Samuel LEVY
    Ils sont restés longtemps ainsi
    Hébétés, apeurés et transis
    Mais un matin couleur de suif
    Ils ont criés « courage, Juifs ! »
     

     
    Dans le ghetto de Varsovie
    Se battait Samuel LEVY
    Tous ils sont morts dans la bataille
    Et rien ne reste du ghetto que quelques pierres
    Dernier véto barricadé dans la muraille
    Dans le ghetto de Varsovie
    Vivra toujours Samuel LEVY !

  • Melchior Griset-Labûche 10 novembre 2009 16:10

    Il me semble que la tradition de rebellion, en France, est bien antérieure à la Révolution. Ne risque-t-on pas, en se refusant à remonter au-delà de 1789, de se priver d’éléments d’analyse indispensables ? (C’est juste une suggestion).


  • bob 10 novembre 2009 18:08

    @ Melchior Griset-Labûche

    Oui et non, la révolution englobant la nation ainsi que les sentiments qui l’accompagne est véritablement née en 1789. Avant cette date se déroulaient des jacqueries ( au niveau du tiers-état) ou des guerres de territoires effectuées par des chefs locaux pour des questions de pouvoir davantage que de révolution. Avec l’instauration des « lumières », des chefs prétendant posséder le bagage culturel nécessaire se sont auto-proclamés provenant et representant du peuple et ont mené la majorité vers leurs intérets. Désormais un grand nombre de personnes se réclamant d’une quelconque révolution vont le faire non pas pour la société mais pour des raisons internes ( quête de pouvoir, d’argent, résolution de conflit infantile tardif etc...).


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