vendredi 21 décembre 2018 - par Michael Gulaputih

Le système scolaire allemand (salaire des profs, horaires, finalité et plus encore...). Suite et fin

Cet article comprend 4871 mots et est le dernier d'une série de 3 articles.

Le Gymnasium ou la fabrique des élites.

Depuis 5 ans il y a été jeté dessus une parodie d'égalitarisme destiné à flatter l'opinion publique. A l'origine les élèves subissaient un tri qui les orientaient après la 4ième Klasse (ou CM1) dans une autre structure et parfois d'établissement en 5ième Klasse, à savoir soit dans une Hauptschule, soit dans une Realschule, soit au Gymnasium. Ceci résultant d'une combinaison entre notes et potentiel.

Ce tri était sans appel. Depuis 5 ans donc, les parents peuvent mettre leurs enfants où bon leur semblent. Et certains d'aller à l'encontre des avis des instituteurs et de mettre leurs enfants au Gymnasium. Oncques n'estoit plus funeste erreur !

Allons sur le terrain afin de savoir pourquoi.

J'accompagne une jeune fille douée dont le comportement est gravement perturbée. Elle a été placée en famille d'accueil. Sa tutrice ainsi que son instituteur de l'époque ont estimé qu'elle avait le potentiel et les notes pour aller au Gymnasium. Laura est une gentille fille au premier abord mais je sais qu'elle a subi de graves sévices toute petite. Elle en est marquée lourdement mais je n'ai pas à en savoir plus. Datenschutz et Sweigerpflicht oblige (voir ce premier article).

C'est une chance que cette école l'ait acceptée. Ceci pour de multiples raisons que nous découvrirons petit à petit tout au long de ce reportage. La première est que les profs de Gymnasium ont parfaitement conscience d'être la crème en matière de profs. Ils ont suivi une meilleure formation que leurs collègues. Ils ont donc un meilleur salaire (ce qui pour un A13 avec 11 ans d'ancienneté donne 3646,48 euros net d'impôt par mois après 23 ans d'ancienneté ).

 

Cours d'art plastique

Première différence d'avec la Gemeinschaftschule : je suis le seul Schulbegleiter dans la classe et par la suite j'apprendrais que nous ne sommes que deux dans ce Gymnasium !

Deuxièmement : ici la matière est prise au sérieux (d'où son intitulé un peu ronflant).

Troisièmement les élèves ont droit à une salle spécialement dédiée à la pratique de cet « art ».

Et quatrièmement ils ont droit à une prof spécialement formée à la matière en question.

On arrive au cœur de la différence entre ces établissements. Ici on utilise vraiment et presque exclusivement les compétences acquises par l'enseignant lors de sa formation. La polyvalence y est limitée autant que faire se peut. Le niveau y est donc fatalement relevé.

Les enfants doivent fabriquer un univers onirique qui tient dans un carton d'emballage 30cmx30cmx50cm et qu'on observe par un trou percé dans un des côtés. Pour ce faire ils disposent de tout un tas de matériaux qui va de la boîte de tubes de gouaches à des touffes de mousse véritable en passant par du sable, des coquillages, des allumettes...bref de quoi satisfaire les élévations artistiques les plus exigeantes. La salle de cours dispose d'une réserve en arrière-salle qui semble inépuisable.

Je me présente quand enfin la prof réapparaît (j'avais raté le début du cours pour cause de paperasserie). Je vois de suite que le courant passe entre nous.

 

En effet les français ont la côte en Allemagne pour diverses raisons historiques.

Il y a même un dicton allemand qui dit : « leben wie Gott in Frankreich » qui se traduit littéralement par « vivre comme Dieu en France » et plus simplement par « vivre comme un coq en pâte ».

Je sais qu'il est de bon ton d'être anti-allemand par les temps qui courent (Bruxelles est dirigée en sous-main par Mutti Angela etc...) mais n'oubliez jamais que les allemands nous envient réellement à la fois notre pays et notre mode de vie.

Cherchez un périodique qui s'intitule « Allemagne -y vivre » dans votre kiosque habituel !

Hé bien le contraire existe bel et bien. Il s'appelle « Frankreich erleben ». A le lire on a l'impression que nous autres français on vit au Paradis. Ca se voit qu'ils en sont restés au tandem Mitterand-Kohl !

 

Puis on embraye par un cours d'anglais.

Encore ici c'est le jour et la nuit. La prof est une vraie angliciste (sous réserve de ce que je peux en juger bien sûr !). L'accent, la fluidité, le vocabulaire, la façon de tourner des phrases de façons différentes en cas d'incompréhension, tout y est.

La prof d'anglais est aussi prof principale. C'est elle qui s'est investie afin Laura soit acceptée dans ce Gymnasium malgré les résistances de la direction et de ses autres collègues. En effet, ces messieurs-dames les profs de Gymnasium n'aiment pas du tout la présence d'un adulte dans leurs cours, présence susceptible de les déranger, de les juger, que sais-je encore. Sans préciser leurs griefs ils font bloc et en général obtiennent gain de cause. Il s'ensuit que l'enfant « à problème » n'arrive même pas jusqu'au Gymnasium. Et ce même s'il en largement le potentiel.

Je connais personnellement un enfant diagnostiqué Asperger à 80 %, qui avait très, très largement les notes et le niveau pour aller dans au Gymnasium mais qui y a été refusé au motif que la présence de son Schulbegleiter allait « perturber » les autres élèves, voire même le bon déroulé du cours.

Ben voyons !

Les enfants préparent l'interro de la semaine prochaine. Ils ont le double de vocabulaire à apprendre qu'en Gemeinschaftschule !

 

Cours de latin de deux « heures » à suivre soit en fait 1h30.

Hé oui ! Ce bon vieux latin qui nous vient du fond des âges. La tutrice de Laura a décidé que tant qu'à être défavorisée par le sort autant lui offrir le meilleur pour compenser. Cette femme est admirable !

La prof de latin -une quadragénaire assez débonnaire- n'aime clairement pas Laura car celle-ci n'est pas du tout réceptive à la philosophie de sa tutrice et ne fournit aucun effort. Donc récolte une mauvaise note après l'autre. Soit des 5 et des 6.

Le système allemand note de 1 (la meilleure note) ) à 6 (la pire). L'éventail est donc assez faible. Ce qui fait que dans les grandes classes (12ième et 13ième soit l'équivalent de la Première et de la Terminale) on note de 1 à 15. Bizarrement un "4" vous donne la moyenne. Rassurez-vous même les élèves allemands ont du mal à s'y retrouver et doivent se référer à un tableau de conversion que voici.

La prof a sa chouchoutte qui curieusement se prénomme aussi Laura.

Elle tente d'expliquer les cas en latin. Nominatif, vocatif...

Devant l'incompréhension manifeste de certains élèves elle décide de faire l'analogie avec la langue allemande qui suit ce modèle et possède aussi des cas : nominatif, accusatif...

Et c'est là que je m'aperçois de deux choses essentielles. Différentes réformes ont fait que la grammaire allemande n'est plus systématiquement enseignée après le primaire. Et comme la rigueur n'est pas au rendez-vous tout un pan est passé à la trappe, notamment les déclinaisons. Ce constat met clairement la lumière de l'importance de l'enseignement dès les premier âges. Ce que les décideurs commencent tout juste à comprendre et surtout à y remédier après des années de gabegies qui n'ont pas été aussi violentes qu'en France mais quand même...

Ensuite tous les élèves ne sont pas largués. Ont-ils été dans des écoles primaires d'élite ? Non.

Il faudrait plutôt se poser la question : un enfant de 12-13 ans envisage-t-il spontanément et de lui-même d'apprendre le latin ? Bien sûr que non. Ce sont ses parents qui l'y ont poussé. Et pourquoi ? Car ils sont eux-mêmes issus du Gymnasium et ont eux aussi ânonné les déclinaisons latines en leurs temps. Ils peuvent parfaitement aider leurs rejetons. Et ne se privent pas de le faire !

Du véritable népotisme scolaire ! Mais c'est tellement humain.

Là je ne résiste pas au plaisir de mettre cette vidéo de deux comiques qui caricaturent l'ASI (voir explication dans l'article précédent ) face au bon allemand cultivé en costard cravate. L'un confond allègrement l'emploi du datif avec l'accusatif et ne soupçonne même pas l'existence du terme « datif » qu'il prend pour un prénom ou un nom, tandis que l'autre lui fait un cours de grammaire en répétant correctement la phrase. Mal lui en prend car l'autre lui disait : « je me suis mal comporté avec ta copine » en s'emmêlant entre le datif et l'accusatif.

 

 

Math, deux « heures » à suivre.

C'est sobre, sans fioriture. Ici on sélectionne, on trie le bon grain de l'ivraie.

Laura est ici encore en déshérence. Je sens cependant qu'il n'en faut pas beaucoup pour qu'elle exprime son potentiel. Je sens qu'elle en a sous la semelle. Et j'essaie en chuchotant de la corriger et de lui faire comprendre ses erreurs.

La prof, une quinquagénaire me regarde alors d'un œil mauvais. Je sens tout le transfert qui passe de cette pauvre Laura à moi. Je me sens comme un gueux. Elle se demande sûrement si je n'ai pas été sélectionné pour mon probable retard cognitif, qualité (sic) propre à m'attirer les grâces de ma protégée. Pour elle je suis un sans-diplôme, à peine plus qu'un garde-chiourme. Pure supputation de ma part sans doute mais c'est mon ressenti.

Je n'en continuerais pas moins durant tout mon séjour à continuer mon travail de soutien scolaire, travail qui ne m'est pas demandé.

La prof maintient une discipline de fer et personne ne moufte. Les exercices pleuvent. Puis les corrections se font au tableau. Des volontaires, choisis par la prof, vont à tour de rôle s'y succéder et devant toute la classe écrire leur solution. Je comprends que ceci est un honneur qu'elle leur accorde en voyant le manque d'enthousiasme de Laura à lever la main pour s'y faire envoyer. Elle sent bien que c'est peine perdue.

Là où les élèves de la Gemeinschaftschule comptent sur leurs doigts, leurs homologues font ici les additions simples de tête et pour les meilleurs des additions à deux ou trois chiffres.

 

Musique

Là je suis carrément jaloux. Les enfants disposent d'une salle énorme au milieu de laquelle trône un imposant piano à queue. Partout aux murs sont suspendus des instruments de musique les plus divers et en nombre. Amplis, micros, énormes enceintes, ensemble HiFi s'accumulent sur deux tables.

Le prof, un flamboyant quinquagénaire à la chevelure à la BHL, entame l'enseignement du solfège. Il enseigne aussi les maths mais dans la classe parallèle. Il prend un bongo pour illustrer ses propos. Et ainsi, en trois leçons il va réussir à leur faire comprendre toute la subtilité des noires, blanches, croches et tutti quanti, grâce à sa double formation -prof de math et de musique.

Puis au bout d'une demi-heure, constatant la baisse d'intérêt des enfants, il leur demande quel chant ils veulent chanter. Une majorité se dessine pour un chant populaire bien connu où il question d'un jeune homme, d'un chagrin d'amour suivi par une beuverie d'allégorie.

Le prof s'installe au piano et tel un artiste de Music Hall se lance dans une intro ébouriffante puis commence à chanter d'une belle voix de basse tout en emmenant avec lui sa classe. Avec maestria il jongle avec le fait de continuer à jouer tout en corrigeant les erreurs de tempo en haussant la voix. Il joue sans regarder ses mains. Un vrai virtuose. Les enfants s'époumonent sur le refrain qui est super entraînant. Y'a de la joie ! C'est clair Monsieur Trenet !

Gymnasium 1. Gemeinschaftschule 0.

 

Biologie sur deux heures à suivre.

Dur, dur pour les jeunes pousses. Ils doivent apprendre la pyramide des aliments en en recopiant une sur leur cahier. Les plus rapides ont fini longtemps avant les derniers et la prof leur distribue des livres de cours. De ceux-ci ils devront tirer des exemples précis relatifs au cours puis les présenter aux autres élèves. C'est une technique pédagogique qui s'appelle « Gruppen Puzzle » ou puzzle de groupe. Ici encore on encourage fortement le Streber (voir article précédent). Pas du tout comme dans la Gemeinschaftschule.

D'ailleurs vous vous souvenez dans quel cours était enseigné la pyramide des aliments à la Gemeinschaftschule ? Cours de cuisine.

Ici aussi, la prof -une quadragénaire, sèche et assez petite- n'aime clairement pas Laura. Par contre elle accueille ma présence avec soulagement car elle est super stricte et passait son temps à discipliner Laura ce qui bien sûr empiétait sur son temps d'enseignement.

Pour le dernier quart d'heure de cours -subi avec de moins en moins d'enthousiasme par les élèves- elle propose par vote le choix entre la poursuite de la lecture d'un roman d'aventure et la recette d'un délicieux hamburger sain. Sans surprise les enfants choisissent le roman.

 

Philosophie

Hé oui encore ! A 12-13 ans les allemands estiment qu'un enfant est en âge de comprendre les principes de la philosophie ou du moins ses prémices. Il est tout aussi amusant de voir à quel âge ils considèrent qu'un enfant peut apprendre à faire du vélo ou à nager. En France, différents maîtres nageurs dans différentes villes m'ont assuré qu'avant 7 ans c'était du temps perdu car m'expliquaient-ils doctement, l'enfant n'a pas fini sa maturation psycho-motrice. Je les ai bêtement crus. Imaginez ma stupéfaction de voir en Allemagne, des bouts de choux de 4 ans fonçant sur des petits vélo en bois sans pédale ou nager à la piscine !

Comme c'est une matière facultative le prof de philo est très souple et sa classe n'est qu'une incitation à la causerie sur certains thèmes philosophiques. Ici aussi on s'aperçoit de suite quel enfant est issu du milieu CSP++ des autres. A cet âge certains élèves s'expriment avec le vocabulaire et l'aisance d'un politicien. Sans doute restituent-ils ce qu'ils ont entendu à la maison. Dans tous les cas c'est impressionnant. Un tiers des élèves sont dans ce cas.

Un autre exemple va illustrer mon propos.

 

Récitation d'un poème en anglais.

La prof principale avait demandé aux enfants dans quel ordre ils choisissaient de passer. A raison de 4 à 5 par cours on n'en avait pour deux semaines. Un matin, peu de temps avant le cours d'anglais, alors que tous attendaient devant la porte de la classe, un gentil couple de vieux me salue. Je me demande qui cela peut-il bien être.

Nous entrons et j'ai ma réponse. Le poème met en scène justement un couple de vieux (entre autres choses) et Cecilia a amené ses grand-parents qui doivent faire de la figuration. Elle déclame ses vers sans faute et avec beaucoup d'expression tandis que les grand-parents jouent leur rôle de figuration muette. Un sans faute qui ne peut s'expliquer que par un entraînement fréquent avec les grand-parents et gratifié d'un « 1 ». La prof est conquise !

Anne-Laure prend la suite et soulève un grand sac qu'elle pose sur la table. Au fur et à mesure qu'elle récite son texte elle enfile diverses marionnettes à main et mime les différentes actions liant les divers protagonistes du poème. Il y en a au moins 10. Ce sont des marionnettes de marque Steiff.

Je ne sais pas si vous connaissez cette marque qui est célèbre en Allemagne. Article de qualité certes, mais pas vraiment donné !

Anne-Laure avait dans son stock toute la panoplie relative au bestiaire du poème. Imaginez ce qu'elle a en plus chez elle !

Elle aussi récolte son « 1 ».

Puis vient Vanessa qui a un budget figuration beaucoup plus modeste et qui a fabriqué à l'aide de papiers découpés et de pliage, le bestiaire du poème. Maladroitement elle se débat avec sa production de papier mais s'en tire par un sans faute sur le plan de la récitation pure. Encore un « 1 ».

Puis vient Laura. Elle ne se sert d'aucun support (je ne savais d'ailleurs pas que c'était autorisé). Elle débite son texte dans un sans faute mais d'un ton tellement monocorde qu'elle ne récolte qu'un « 2 ». Je suis vexé pour elle.

Vous pouvez noter la différence entre des parents qui s'investissent dans l'éducation de leur enfant et les autres.

Sport : les enfants vont à la piscine et je n'y suis d'aucune utilité.

 

Classe de physique.

Un gentil presque trentenaire arrive. Malgré son jeune âge ce jeune prof qui entame sa deuxième année de Referendariat est déjà chauve. Il ne maîtrise pas du tout sa classe qui en profite pour semer un joyeux bazar. Il monte une expérience d'optique qui nécessite de nombreux accessoires dont la mise en place dure au moins 10 minutes et dont la finalité est de montrer la nature rectiligne de la lumière. Puis il décrit le protocole d'une expérience que les élèves doivent réaliser avec des bougies et des petits panneaux.

Ca part dans tous les sens et les enfants de brailler « M'sieur, M'sieur » à tour de bras en faisant semblant de poser une question pour le rendre fou. Ils n'y arrivent pas car il est d'un flegme à toute épreuve mais mes oreilles ne supportent pas.

 

Vendredi dernière heure : Klasse Relation

Comme dans la Gemeinschaftschule, un cours par semaine y est dédié. Grosse différence : chacun reste à sa place. Autre différence seule la prof décide des sujets abordés. Ici par exemple elle reprend un incident qui a opposé deux enfants au sujet d'un paquet de biscuit et qui s'est soldé par l'écrasement volontaire dudit paquet par une semelle assassine.

Puis elle passe comme dans l'autre école aux annonces de fonctionnement de l'établissement.

Elle rappelle de nouveau les règles de la chaîne car elle a été rompue laissant la moitié de la classe sur le carreau. Ou plutôt laissant la moitié de la classe venir en première heure pour rien. Encore un truc typiquement allemand : le « Telefonkette ».

Les enfants ont une liste de tous les élèves de la classe dans un certain ordre. Quand un prof est malade, il avise la secrétaire de l'école de son absence le matin avant 7h. Le planning est rebelotté (le fameux Vertretungsplan) par le responsable du planning et en général la première heure tombe. La secrétaire va en aviser par téléphone le premier élève de la liste. Qui va retransmettre l'info au deuxième. Et de fil en aiguille tous sont prévenus. Si un seul mange la commission la chaîne est rompue et les suivants viennent à l'école pour rien à la première heure.

Et c'est ce qui s'est produit cette semaine. La prof rappelle donc l'importance de cette règle. Elle en profite pour rappeler une règle similaire.

Quand un élève est malade il n'est pas pour autant dispensé de faire ses devoirs ! Un gentil camarade « gentiment désigné » qui habite à proximité va les lui apporter. Et c'est à la prof principale de constituer ces petits groupes de solidarité. Ca ne plaît pas à tout le monde. Car pour ne citer qu'un exemple, Laura habite un peu en dehors de tout et le plus proche d'elle est un petit déjà snob qui n'apprécie pas du tout d'être sur la liste de cette pauvresse. Il rue dans les brancards, invente mille excuses mais n'arrive pas à se débarrasser de cette obligation.

Et pour finir nous jouons au Bingo.

 

Dernière « heure » de la journée et trois fois par semaine, soutien scolaire.

Laura a la chance de bénéficier de ces heures de soutien. Si le principe a du bon, son application laisse à désirer. Il consiste à rassembler les élèves en difficulté scolaire de classes différentes dans une salle de classe. Et de faire en sorte qu'ils fassent leurs devoirs sous la supervision bienveillante et parfois active d'un adulte.

Lequel est en l'occurrence une jeune fille d'une petite vingtaine. Elle effectue son « Freiwilliges Soziales Jahre ». Voici encore un sujet typiquement allemand. Qui demande par contre une longue digression.

 

Freiwilliges Soziales Jahre ou FSJ

Un jeune (de 16 à 26 ans) offre volontairement son temps (un plein temps) pour effectuer une activité d'intérêt publique pour une durée de 6 à 18 mois et pour une rétribution maximale de 330 euros par mois.

Cette activité peut être extrêmement diverse : compter les tortues aux Iles Galapagos (pour les plus chanceux), s'occuper des enfants dans une ONG en Afrique (c'est super tendance), plus prosaïquement faire de l'entertainement dans une EPAHD ou comme ici apporter une aide aux devoirs à des enfants en difficulté scolaire.

On pourrait croire que personne ne se bousculerait pour 330 euros/mois. Détrompez-vous ! Il y a un double phénomène qui explique cet engouement. Tout d'abord les jeunes bacheliers (Abitur) n'ont qu'une vague idée de ce qu'ils vont faire après le bac (idem pour ceux qui font leur Real Abschluss ou Hauptschul Abschluss). C'est incroyable mais c'est ainsi. En 13ième classe ils n'ont qu'un objectif : obtenir l'Abi avec la meilleure note possible. Rien n'est fait pour les préparer à l'entrée en Université. Ce qui fait qu'une fois l'Abi en poche ils n'ont pas d'idées concernant leur avenir et décident de se donner le temps d'y réfléchir. Pour ne pas rester oisif ils choisissent cette solution.

Vient se greffer dessus la notion de Numerus Clausus : le fameux NC d'entrée à l'Université. En Allemagne l'Université s'écrit (et se prononce) avec une majuscule. Ce n'est pas du tout l'équivalent de notre université mais plutôt l'équivalent de nos grandes écoles.

L'objectif n'est aucunement d'avoir 50 % d'une tranche d'âge qui a sa licence en 2020 comme en France.

Pour rentrer en médecine il faut un Abi avec un « 1,0 » (égal à notre 20/20). Pour des études de micro Biologie idem. Pour faire de la Psychologie « 1,4 »...Bien sûr chaque Land et chaque Université a ses exigences particulières et tout le monde sait que toutes les Universités ne se valent pas (en exemple l'Université de Hambourg).

Il y a quand même des moyens d'augmenter sa note via certains biais. Ainsi si on n'a pas la note requise, pas de panique.

Travailler donne des points. Faire une formation intermédiaire, type formation professionnelle aussi. Je connais un étudiant qui voulant faire « médecine » mais n'ayant qu'un « 1,6 » au lieu du « 1,0 » requis a continué après l'Abi par une formation d'infirmier. Cela va être payant car ainsi il obtiendra à la fois des points qui lui permettront d'entrer en « médecine » dans 2 ans et demi mais aussi le dispensera durant ses futures études de médecine de faire lesdits stages obligatoires comme infirmier (puisque déjà faits !).

C'est là qu'intervient cette fameuse année sociale et volontaire. Elle donne des points précieux pour augmenter son Numerus Clausus en plus de permettre de « se chercher ».

Attendre aussi donne des points ; moins nombreux par contre.

 

Le thème de l'emploi du temps me permettra de conclure cette série de 3 articles sous la forme d'une série de remarques ou réflexions.

Bien qu'un cours dure 45 mn dans les deux types d'école, quand deux cours différents mais dans la même salle se succèdent il n'y a pas de « petite » pause de 5 mn entre comme dans la Gemeinschaftschule et les « grandes » pauses passent de 20 mn à 15 mn. La pause de midi reste à 30 mn.

Il n'est pas rare de voir des cours de 1h30 (soit « deux « heures » à suivre) dans une même matière. Par exemple math, anglais, latin, allemand, histoire et bio. Pour des élèves qui ont appris à être calmes et qui supportent ça, il n'y a pas de problème.

C'est par contre inconcevable dans une Gemeinschaftschule en 7ième classe sous peine de crises d'hyper-activité !

La conséquence en est qu'au lieu de faire 6 « heures » de cours de 7h30 à 13h, Laura fait aussi 6 « heures » de cours mais de 8h à 13h05. Sa semaine fait 32 « heures » de cours plus 3 « heures » de soutien scolaire au lieu de 31 « heures » de cours.

Comparatif des matières enseignées et amplitudes

Matière

Gemeinschaftschule

Gymnasium

Math

3

5

Physique

1

2

Allemand

4

4

Anglais

2

5

Biologie

2

2

Sport

3

2

Art plastique

2

2

Histoire

 

2

Musique

 

2

Philosophie (option)

 

2

Latin (option)

 

4

Soutien scolaire

 

(3)

WIPO (économie et politique)

2

 

Bureautique (option)

2

 

Découverte du monde

2

 

Cuisine

2

 

Bricolage (option)

2

 

Géographie

2

 

Total

31

32 + (3)

 

On voit tout de suite que l'accent est mis sur les math et l'anglais par rapport à la Gemeinschaftschule.

Les matières qui diffèrent entre ces deux écoles sont les matières qui parachèvent la différence entre former des citoyens au sens de la Grèce antique et des ilotes. Horresco referens...

 

On aura compris que le Gymnasium est le haut du panier scolaire avec la crème des élèves et la crème des profs avec les moyens financiers associés.

Et duquel la chute est possible !

Un élève de Gemeinschaftschule qui ne travaille pas ne redoublera pas. Il sera juste repris par d'autres structures après la 9ième Klasse, avec ou sans son diplôme de sortie. Un élève de Gymnasium, lui, sera proprement éjecté et rejoindra les rangs de « ceux qui ne sont rien ».

Et c'est cette « petite » nuance qui fait toute la différence.

 

Depuis 2010 on s'inquiète du sort des HPI (ou surdoués) qui seraient passés au travers des mailles du filet et qui seraient restés en Gemeinschaftschule. Ils sont détectés...mais rien n'est ensuite mis en place les concernant. Ainsi la classe aisée s'affranchit-elle d'une concurrence qui aurait pu être fatale pour ses chères têtes blondes. Mais quelle perte pour la société en général !

 

Dans l'article précédent je disais que les politiques avaient enfin pris conscience que chaque étape de l'enseignement scolaire était importante. Et que puisque tous les élèves passaient par le primaire, il valaient mieux y attirer les bonnes compétences. Il s'en est ensuivi en 2018 une généralisation des traitements des tous les profs à l'échelle A13. Les instits passent d'une formation de 3 ans à 5 ans, les profs de Gemeinschaftschule de 4 à 5 ans et ceux du Gymnasium restent à 5 ans.

Résistance des instituts d'enseignement oblige, ces divers instits/profs sont cependant formés dans leurs instituts respectifs !

A ceci s'ajoute une réflexion de fond sur la vocation des profs et partant, de la pédagogie de ces derniers.

En Allemagne on s'est rendu compte qu'en fait les profs n'ont pas vraiment la fibre pédagogique chevillée au corps.

La plupart s'endorment dans une routine de laquelle les retirer provoquerait une surchauffe propre à écourter de façon indue leur espérance de vie. Ainsi il est très sérieusement question de faire passer à tout aspirant enseignant un test de pédagogie discriminant en s'inspirant du modèle finlandais, avant même d'entamer une quelconque formation.

Pour l'instant, pas de panique. Dans l'ensemble le corps enseignant est très bien traité en Allemagne. Ils l'est si bien que l'administration leur permet d'accéder à sa caisse d'Assurance Maladie privée. Sans entrer dans les détails, je peux vous assurer que cela vous permet de vous faire soigner au deuxième étage du système de Santé allemand qui est à deux vitesses.

Plus un prof vieillit moins il enseigne : c'est statutaire !

Le corollaire en est qu'ils n'ont pas le droit de faire grève. Qu'un prof retraité peut dans un délai de 2 ans être rappelé si les circonstances l'exigent. Et qu'un prof ça ne remet pas en cause sa hiérarchie.

 

Ce système va sûrement craquer car une mauvaise gestion du personnel n'a fait qu'anticiper sans arrêt la chute de la natalité sans prévoir la vague d'immigration, non plus que la timide reprise des naissances. Résultat : l'Allemagne manque de plus en plus de profs chaque années.

Je suis toujours surpris par le fait que l'école et en particuliers le Gymnasium prépare si peu les élèves à la suite de leur parcours. Alors que c'est justement les Abiturienten qui alimentent le Universités. La conséquence en est que malgré un Numerus Clausus féroce, il y a une grosse casse en première année d'Université (50 % en Sciences).

Il se peut qu'une des explications réside dans le fait que les services d'aide à la personne, qui sont typiquement l'objet d'un FSJ, sont complètement en sous-effectifs. Il est si tentant alors d'y pousser les jeunes postulants au FSJ. Cependant 330 euros/mois pour faire un vrai boulot d'aide soignant à plein temps, y'a que mère Theresa pour s'y coller. Aussi ce FSJ va être fortement valorisé.

Ce qui ne va certainement pas résoudre le problème du conseil à l'orientation des jeunes une fois leur diplôme en poche ; au contraire.

 

Et pour conclure cette série d'articles, quoi de plus rassembleur pour le fameux tandem franco-allemand que cet extrait du cahier numéro 13 de l'OCDE à la page 30 :

 « si l’on diminue les dépenses de fonctionnement [des services publics], il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse ».

Savoureux, non ?

Et pour ne pas se quitter sous d'aussi mauvais auspices je soumets à votre perspicacité ce problème amusant provenant encore d'un site...russe cette fois...(soupir) nul n'est parfait.

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26 réactions


  • velosolex velosolex 21 décembre 2018 11:01

    Article intéressant sur l’Allemagne

    La France effectivement fait rêver de l’autre coté de la frontière. Elle fait aussi rêver quand on a été ailleurs. . Beaucoup d’enquêtes d’opinions pour nous dire que le français n’a pas une image très heureuse de sa vie, qu’il est pessimiste. A pondérer dans le sens où la plainte est assez constitutionnelle de notre culture, par rapport aux anglo saxons par exemple, pudiques, et préférant voir la qualité que le défaut. 

    Le système éducatif dans notre pays a fabriqué en tout cas bien trop d’exclus, uniquement soucieux de son élitisme, et des valeurs formatées autour de ce culte. L’Allemagne est les pays nordiques sont toujours des exemples intéressants à découvrir, car s’articulant autour du participatif, du collectif, et de la valorisation des métiers techniques, bien méprisés toujours dans notre pays. Mais le jour où le boulanger met la clé sous la porte, où quand le couvreur ne trouve plus de sécession, vous comprenez votre erreur. Vive le mélange des genres. La dichotomie intello manuelle, m’a toujours parue totalement débile, et propre à entretenir les positions acquises des notaires délivrant leurs actes

    Je lis actuellement « l’eloge du carburateur » de Mathew Crawford. Un bouquin qui sent le cambouis et l’huile moteur, celle qui entretient la pensée explosive https://bit.ly/2rOVPvd


    • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 21 décembre 2018 12:20

      @velosolex
      J’ai souvent entendu parler de ce livre de Mathieu Crawford mais ne l’ayant pas trouvé en epub gratuit sur le net (nostalgie du Team Alexandriz) je n’ai pas franchi le pas pour l’acheter.
      L’approbatur venant de vous je vais donc l’acheter !


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 12:29

      @Michael Gulaputih

      Sssssssssssssss.... smiley smiley smiley


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 décembre 2018 12:41

      @velosolex

      Un homme qui sait régler une distribution de Ducati ne peut être qu’un bon philosophe.


    • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 21 décembre 2018 12:48

      @Shawford
      Désolé.
      Je ne comprends pas l’anglais...non plus que ses savons.


    • Gauloise très réfractaire Gauloise très réfractaire 21 décembre 2018 12:52

      @Michael Gulaputih

      Même quand il parle français on comprend rien …


    • velosolex velosolex 21 décembre 2018 13:42

      @Aita Pea Pea
      Tout est lié en ce monde. Il faut faire l’éloge de la panne.
      Beaucoup de concepts philosophiques dans un moteur. Mais rester sur le bord de la route, en panne, sera le signe de votre insuffisance de résolution. Un moteur ne se laisse pas abuser par les sophismes !


    • velosolex velosolex 21 décembre 2018 13:45

      @Michael Gulaputih
      Votre article est intéressant, car il nous fait prendre la tangente, et nous montre que l’éducation passe par cette petite lumière qu’il faut trouver, pour allumer l’intérêt des gosses. 


    • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 21 décembre 2018 15:23

      @velosolex

      J’ai deux de mes fils qui ont eu le même instituteur à tour de rôle et qui même à plus de vingt ans me disent qu’il leur a tout appris (je sais qu’ils abusent un peu).
      Tant cet homme a su susciter leur intérêt. Il a vraiment fait de la vulgarisation au sens noble du terme : un grand Monsieur.
      C’était dans une petite école de province où on mettait les CE1 et CE2 dans la même classe. Idem pour les CM1, CM2. De sorte que les élèves les plus éveillés suivaient les deux cours à la fois.
      Cet homme a fait sauter la CM2 à pas mal d’élèves qui n’étaient pas pour autant des HPI au grand dam de l’inspection qui ne voyait pas cet enseignement « individualisé » d’un bon oeil. Mais l’homme étant breton, n’en faisait qu’à sa tête pour le plus grand bien de ses ouailles !


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:30

      @Michael Gulaputih

      Mais peut être son plus grand mal du côté du Barreau de Paris ! smiley smiley smiley


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:34

      @Aux yeux avertis

      Si vous le saviez pas, de l’autre côté du miroir de la vie, votre double en inversé écrit ici même sur Agoravox en symétrie totale de ce que vous même y déverez !!!!

      L’univers est bel et bien une mécanique parfaite ! smiley

      Après pour pouvoir voir ça, disons qu’il faut être placé au bon endroit DANS le miroir, n’est-ce pas Sound of/emohtaryp ?? smiley smiley smiley


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:35

      @#U0, #U1

      Oups, ce petit ssssssssssssssssssssssserpent de Yoyo est toujours là pour ramener sa fraise quand ça se corde !!!!! smiley smiley smiley


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:40

      @Carlo REVELLI

      Tu me mets pseudo/profil/avatar en concordance fissa, stp ? smiley ?


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:40

      @NEMO

      Idem !


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:44

      @

      Puta Madré Mala : FY ! :->

      Bah Bah Bah !!! Bouh !!!!!! smiley smiley smiley smiley smiley


  • benyx benyx 21 décembre 2018 20:06

    19


  • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 22 décembre 2018 11:38

    Le résultat du rébus est 93.

    J’avoue que je n’ai pas réussi du premier coup car je n’ai pas bien observé les « variables » et me suis précipité bêtement tombant ainsi dans le panneau (à deux reprises d’ailleurs).

    Le diable se cache dans les détails !

    x = 30 ; y= 5 ; z = 4

    1/2.x + (x+y+z).z/2 = 93


    • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 22 décembre 2018 11:43

      @Michael Gulaputih

      Et donc je me plante pour la troisième fois !!!
      Résultat = 43

      x = 10 ; y= 5 ; z = 4

      1/2.x + (x+y+z).z/2 = 43


  • benyx benyx 22 décembre 2018 17:43

    Sauf erreur j’aurais posé comme ça :

    2x + 2x + 2x = 30 => x = 5

    y + y + 2x = 20 => y = 5

    2z + 2z + 5 = 13 => z = 2

    5 + (5 x 2) = 15


  • benyx benyx 22 décembre 2018 17:54

    Meuh non, c’est encore faux !

    x.x + x.x + x.x = 30 => x² = 10

    y + y + 10 = 20 => y = 5

    z.z + z.z + 5 = 13 => z = 2


    • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 22 décembre 2018 18:01

      @benyx
      Effectivement toutes les interprétations peuvent exister :
      une chaussure à côté d’une chaussure peut soit s’interpréter :
      une chaussure + une chaussure
      une chaussure x une chaussure
      une chaussure puisssance ( une chaussure) ....
      Je pense que le plus intuitif est 
      une chaussure + une chaussure = une paire de chaussure = variable x
      Idem pour les cornets de frites. Etc...
      Non ?


    • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 22 décembre 2018 18:03

      @Michael Gulaputih
      De plus vous n’avez pas vu la paire de chaussure au pied du garçon de la quatrième ligne !


  • Michael Gulaputih Michael Gulaputih 22 décembre 2018 18:04

    @Benyx

    Je vous rassure : je ne l’avais pas non plus remarquée du premier coup...


  • benyx benyx 22 décembre 2018 18:24

    Plein de pièges tout cela !


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