Les contradictions sémantiques du macronisme
Alors que la ministre du travail n’hésite pas à présenter sa réforme de la formation professionnelle comme un « big-bang », retour sur deux termes révélateurs du discours macroniste
Parmi les différents éléments de langage employés par Emmanuel Macron et ses proches collaborateurs depuis leur arrivée au pouvoir, deux mots – deux concepts – reviennent singulièrement qui sont, l’un et l’autre, des images du mouvement : la révolution et la marche.
La révolution – titre de l’ouvrage programmatique du candidat Macron – est une terminologie que l’on est surpris de trouver chez un libéral assumé comme lui. Qu’est-ce qu’une révolution dans son sens premier du terme ? Un retour à un point d’origine, un mouvement, circulaire ou elliptique qu’accomplit une planète autour d’une étoile pour revenir, au bout d’une certaine durée, à sa position initiale. En politique, c’est différent, même si ça peut signifier aussi le retour à un ordre plus ancien que le régime abandonné (la république en lieu et place de la royauté, par exemple). Plus généralement, la révolution est synonyme d’un grand chamboulement. On change tout pour espérer ainsi repartir à zéro ; c’est une sorte de tabula rasa, selon la formule cartésienne bien connue. Macron veut-il tout changer ? Sûrement pas ! Il s’inscrit parfaitement dans la mouvance néo-libérale qui est celle, à quelques arrangements près, de tous les gouvernants depuis au moins Giscard d’Estaing. Et ce n’est pas le principe de non-contradiction – ni droite ni gauche- qu’il brandit volontiers qui peut faire encore illusion.
Quant à la marche, son autre idée-force inscrite dans la dénomination de son parti, elle ramène aussi aux origines de notre espèce, tant l’homme est un animal voyageur et que l’immobilité durable lui est pesante. Elle n’implique pas moins, tout comme la révolution, une direction, un but, un sens. Or, dans le macronisme - contrairement à d’autres programmes politiques un peu plus anciens comme le communisme - on distingue mal le terme qu’il s’assigne, même si on suppose que, de réforme en réforme, il aboutira à un allègement des dépenses publiques. On a plutôt l’impression d’une exaltation du mouvement pour le mouvement, afin de faire oublier la prétendue inertie de ses prédécesseurs. Les moyens ici sont plus importants que la fin. Il y a peut-être un chemin, mais où mène t’il ?
Enfin, si le mouvement de la marche est généralement rectiligne, celui de la révolution est toujours circulaire. Conjuguer l’un et l’autre s’avère ainsi fort improbable. A l’extrême, c’est l’image d’un homme tournant en rond qui s’impose. A quoi bon aller de l’avant si c’est pour revenir au même point ? Certes, les contradictions ne font pas peur à l’actuel président français. Mais il se pourrait fort que l’immodeste projet d’En Marche devienne bientôt - selon le titre tout aussi laconique d’un roman de J K Huysmans - en rade.
Jacques LUCCHESI