mardi 14 janvier 2014 - par
Les lois d’opinion
L'affaire Dieudonné montre à quel point les lois d'opinion ouvrent la porte à l'arbitraire et donnent à celui qui tient le pouvoir les moyens de la dictature : Cela n'est pas étonnant, car ces lois sont par nature contraires à la démocratie. Nous devons les abroger, car il en va de notre liberté.
"L'enfer est pavé de bonnes intentions". Les lois d'opinion préparent l'enfer en affichant de bonnes intentions. Je l'ai d'ailleurs senti dès l'origine, en 1972, je m'en souviens parfaitement : J'avais 14 ans, et je venais d'apprendre qu'une loi venait de paraître pour réprimer "l'antisémitisme".
En ce temps-là, pourtant, j'étais plutôt "judéolâtre" (ces pauvres Juifs, qu'Hitler avait exterminés sauvagement), donnant raison, dans le conflit palestinien, aux gentils Juifs contre les méchants Arabes, admirant Israël et ses kibboutzim fraternels dont quelque cousin était allé bénévolement faire l'expérience un été, et en était revenu ravi de l'amitié internationale qu'il y avait trouvée.
Bref, nous étions en 1972, Israël nous apparaissait comme un pays frère, Bobby Fischer, Juif New-Yorkais, triomphait de l'invicibilité soviétique au jeu d'échecs. Charmé par les assauts d'une pop-music lénifiante ("peace and love"), il me semblait que la fraternité universelle allait arriver bientôt, et Israël était pour moi la terre légitimement rendue à un peuple meurtri et balloté à travers les siècles : J'avais bien appris ma leçon.
Malgré cela, cette loi réprimant "l'antisémitisme" m'avait profondément choqué, car il me semblait plus qu'évident qu'elle instaurait un délit d'opinion, contraire au principe même de la liberté d'expression démocratique : Les Palestiniens ont le droit de penser que les Juifs sont des occupants haineux et méprisants, et les Juifs ont le droit de penser le contraire. La conciliation néanmoins souhaitable ne peut naître d'une contrainte d'opinion imposée par la loi, je dirais même que promulguer une loi voulant forcer cette conciliation ne fait que réaliser l'assurance de la rendre impossible.
J'étais d'autant plus choqué que, dans le même temps, la France, qui était en ce temps-là encore très majoritairement catholique, subissait, au nom de la liberté d'expression, les assauts incessants des "libres-penseurs" contre la religion chrétienne, jusque chez les auteurs de BD pour la jeunesse, où le christianisme était tantôt ridiculisé, tantôt attaqué de front par inversion de ses valeurs : Comment, me disais-je, ces auteurs ont-ils le droit de choquer à ce point ma foi, alors qu'il ne serait pas permis de critiquer le judaïsme ? Voilà, me disais-je, qui est parfaitement contraire, non seulement au principe de liberté d'expression, mais au principe d'équité lui-même.
Il est caractéristique, d'ailleurs, que cette loi soit venue non sous De Gaulle, qui ne l'a pas permise, mais sous Pompidou, dont chacun sait qu'il devait sa carrière aux Rothschild : Une loi pour faire des Juifs une communauté privilégiée par rapport à toute autre était en quelque sorte la reconnaissance du ventre de l'ami Georges à ses maîtres de toujours...
Pourtant, le judaïsme n'est pas sans mérites : La Bible est vraiment un livre révélé, si l'on médite sur le décalogue de Moïse, car il ne faut pas un long temps de réflexion pour admettre que, dans son volet social, la loi qu'il dicte est tout à fait naturelle, et a inspiré de nombreux peuples sans même qu'ils aient pensé à l'écrire : Honorer ses parents, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre de faux témoignage, ne pas commettre d'adultère, ne pas convoiter les biens d'autrui. Cette loi suffit à garantir à chacun le respect de sa vie, c'est à dire de sa personne et de ses biens, et à tous la cohérence et la fraternité indispensable à toute société humaine. Le Christ a précisé que ce devoir était la conséquence logique de l'amour fraternel, lui-même condition naturelle de l'homme avant sa chute dans l'orgueil, résumant le décalogue à une seule formule : "Aimez-vous les uns les autres". Le Décalogue est donc plus grand que les "droits de l'homme" eux-mêmes, qui ressemblent plus à une charte de commerçants qu'à une véritable déclaration de fraternité.
Il n'est donc nul besoin de lois d'opinion, dont l'existence même est une insulte à la liberté d'expression, surtout lorsque l'on a renversé d'innombrables opinions établies depuis des siècles, et qu'on les a renversées au nom de la liberté d'en avoir d'autres : Ces autres opinions, le plus souvent exactement contraires aux premières, ont été promues par de savantes campagnes mêlant propagation universelle d'une télévision souvent vulgaire et dégradante, réforme déstructurante du système éducatif, refus vindicatif de toute notion sacrée, subversions diverses par le biais d'un cinéma et d'une variété pétris de contextes obscènes, immondes ou cruels, promotion appuyée d'humoristes grossiers et simplificateurs, autorisation de la pornographie avec déploiement d'un impressionnant réseau de diffusion, tolérance croissante envers l'usage et le trafic des drogues.
Après quarante ans d'actions de ce type, menées à pas cadencés, l'opinion est totalement retournée. le Bien est devenu le Mal, et le Mal est devenu le Bien : Par exemple, l'homosexualité était un péché mortel, elle est aujourd'hui une vertu devant laquelle il faudrait se prosterner. Pour qui possède à la fois une bonne mémoire et d'assez nombreuses années, le demi-siècle qui vient de s'écouler est quelque chose qui tient de l'hallucination, car il semble que les peuples aient été plongés dans une sorte de transe hypnotique sous laquelle ils ont perdu toutes leurs défenses.
Ainsi, aujourd'hui, ayant retourné les valeurs comme les jetons d'un jeu d'Othello, les défenseurs du retournement voudraient changer les règles pour qu'il ne soit plus possible de retourner les pions dans l'autre sens : Voila donc la preuve de leur malhonnêteté, la preuve que les raisons qu'ils invoquaient pour opérer le retournement ne venaient nullement d'une prétendue grandeur d'âme pétrie de tolérance, mais qu'il s'agissait tout simplement de prendre le pouvoir sur les esprits en inversant les valeurs morales qui empêchaient le contrôle massif des consciences.
Ce contrôle, hélas, est aujourd'hui établi, et les lois scélérates se sont multipliées : Loi Gayssot, loi sur l'homophobie, loi sur les discriminations : Autant de postures morales voulant forcer les opinions à se plier à des valeurs pourtant parfaitement contestables, et dont les motivations réelles sont d'une incomparable sournoiserie.
La seule façon de retrouver notre liberté, c'est d'abroger toutes les lois d'opinion, et de s'en tenir strictement au décalogue, parfaitement compatible avec la démocratie, au moins pour sa partie sociale, la partie intime (la relation à Dieu) étant l'affaire de chacun, car les règles de cette loi ancestrale suffisent à garantir l'intégrité de tous. Oui, les lois d'opinion sont iniques, car en parfaite contradiction avec le principe démocratique. Cette contradiction engendre une tension insoutenable, qui n'a que deux issues possibles : Soit ces lois passeront, soit c'est la démocratie qui passera. L'affaire Dieudonné nous prouve qu'il devient désormais urgent d'exiger leur abrogation, car il en va de notre liberté ! Le plus tôt sera le mieux. Arrachons les pavés de l'enfer, sous lequels nous retrouverons la plage de nos libertés bafouées.
Michel Brasparts.