jeudi 10 avril - par politzer

Les luttes de classes en Chine

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Un socialisme pour tous : Réformer le Hukou sans renier la Chine d’aujourd’hui

La Chine socialiste a marqué l’histoire : 700 millions de citoyens arrachés à l’extrême pauvreté, une classe moyenne de 500 millions d’âmes bâtie en quelques décennies. Un exploit monumental, fruit d’un Parti communiste qui a su allier planification et ouverture au monde. Mais derrière ce triomphe, une ombre persiste : 250 millions de prolétaires migrants, ces jeunes ruraux pris dans les filets du système Hukou, travaillent 12 heures par jour dans des usines, dorment dans des dortoirs indignes, et survivent avec des salaires maigres, peu de congés, et un accès limité à la santé ou à l’éducation. Cette fracture n’est pas une fatalité – c’est une dérive bourgeoise dans le socialisme. Il est temps d’y mettre fin, non pas pour une égalité utopique, mais pour une humanité fondamentale.

Le Hukou : un outil devenu chaîne

Créé en 1958, le Hukou devait organiser une nation en mutation. Aujourd’hui, il segmente le peuple : les urbains prospèrent, les migrants ruraux triment. Privés des droits attachés aux villes où ils travaillent – écoles pour leurs enfants, soins décents, logements dignes –, ces prolétaires sont le moteur de la puissance chinoise, mais pas ses bénéficiaires. Cette injustice trahit l’esprit socialiste : un prolétariat uni ne peut naître d’une telle division. Pourtant, abolir le Hukou n’est pas la solution. La Chine a besoin de ses structures, de son plan. Ce qu’il faut, c’est une réforme humaine.

Cinq mesures pour l’humanité

Ils ne demandent pas l’égalité totale – un mirage qui ignorerait les réalités d’un pays de 1,4 milliard d’habitants. Ils exigent des conditions de travail humaines , pour que ces 250 millions de travailleurs ne soient plus des ombres sacrifiées au développement. Voici le plan :

Moins d’heures de travail : Stop aux journées de 12 heures ou au "996". Huit heures par jour, comme la loi le prévoit déjà, mais jamais appliqué pour eux. Les usines devront s’adapter – la Chine a les moyens.

Couverture santé universelle : Une assurance maladie qui suit le travailleur, pas son Hukou. Des soins accessibles dans les villes, financés par les richesses colossales des entreprises d’État. Plus de familles brisées par une facture d’hôpital.

Éducation gratuite : Les enfants des migrants dans les écoles publiques, pas relégués à la marge. Construire des classes là où ils vivent, pour briser la chaîne de la précarité.

Logements humains : Fini les dortoirs où l’intimité n’existe pas. Des appartements modestes, publics, près des usines. Un chez-soi, pas une cage.

Syndicats "Hukou" : Des organisations pour ces travailleurs, sous l’égide du Parti, mais avec des voix élues parmi eux. Pour négocier salaires et conditions, sans menacer la stabilité.

Préserver le socialisme, corriger ses dérives

Ce plan ne renie pas le "socialisme aux caractéristiques chinoises". Le Hukou peut rester un outil administratif, mais ses chaînes doivent tomber : les droits ne doivent plus dépendre d’un statut rural ou urbain. Les plans quinquennaux, la croissance, la puissance mondiale – tout cela peut continuer. Mais les richesses accumulées doivent irriguer ceux qui les produisent, pas seulement une élite urbaine ou une bureaucratie engraissée par la corruption.

Une lutte des classes pour le bien être de tous

Sous le socialisme, la lutte des classes ne s’éteint pas – elle veille. Ces prolétaires migrants ne sont pas des ennemis du système, mais ses oubliés. Leur donner l’humanité, c’est purger le socialisme de ses dérives bourgeoises : privilèges indus, exploitation masquée, corruption tolérée. La Chine a les ressources – trillions de yuans en réserve, capacité à bâtir des villes entières. Il manque la volonté. Une pression des travailleurs, des grèves discrètes mais fermes, pourrait la réveiller. Ou mieux : un Parti qui se souvient que son mandat vient du peuple, pas d’une caste.

L’humanité, pas l’utopie

Ils ne réclament pas un communisme immédiat, une égalité totale . Ils veulent une Chine où le socialisme ne rime pas avec dortoirs et désespoir pour un quart de sa force vive. Ces 250 millions de prolétaires ne sont pas des chiffres : ce sont des bâtisseurss . Leur lutte renforce le socialisme, ce n est pas une trahison . Le Parti doit leur donner voix au chapitre ! 

 



5 réactions


  • sylvain sylvain 10 avril 20:34

    C’est que faute d’avoir change les modes de production, la Chine est dans une situation similaire a l’occident dans les annees 70. La solution de l’occident fut d’externaliser, comme d’hab : le probleme du proletariat fut delocalisee, notamment en Chine qui se transforma en usine geante, ou l’enfer du travail industriel moderne devint le lot commun.

    Mais l’occident pouvait compter sur son hegemonie mondiale, et meme comme ca cette solution commence a apporter ses problemes. La Chine a t elle les moyens de faire pareil ?? et en matiere de communisme, est ce un veritable progres ???


  • SilentArrow 11 avril 09:51

    @politzer

    Il manque la photo de Staline et de Mao sur l’affiche, pour avoir une histoire complète des progrès du rasoir.


  • Luniterre Luniterre 11 avril 10:45

     

    « Ils ne réclament pas un communisme immédiat, une égalité totale . Ils veulent une Chine où le socialisme ne rime pas avec dortoirs et désespoir pour un quart de sa force vive. » 

     

    Ces « prolétaires migrants » ne sont pas des « étrangers », mais des chinois ruraux, auxquels le « Hukou » donne « légalement » un statut de discrimination sociale et économique, et en tant que tels, cette « classe sociale » a un nom, étrangement omis par l’auteur : « mingong ».

     

    Le système « Hukou » tel que mis en place par Mao en 1958 correspond précisément au début du prétendu « Grand Bond en Avant » quasi officiellement rebaptisé depuis « Grande Famine », avec plusieurs dizaines de millions de morts, et « à minima » 16,5 selon l’évaluation de Deng Xiaoping lui-même.

     

    Le système du Hukou qui maintient donc « autour » de 250 millions (*) de prolétaires chinois « mingong » dans un statut « légal » de citoyens de classe inférieure et surexploités montre par son histoire même que la Chine n’a jamais été un pays socialiste, et aujourd’hui moins que jamais, même si elle connaît encore une « embellie » capitaliste comparable à celle de nos « Trente Glorieuses » par bien des aspects.

     

    Mais la surexploitation du « mingong » est à la base même de cette « embellie » pour les classes sociales privilégiées, à commencer par la bureaucratie du PCC. C’est en ce sens qu’elle rappelle plutôt le système des « migrations » en Occident, au sens de faire chuter les salaires et les conditions de travail au profit du capital.

     

    Une autre différence essentielle avec nos « Trente Glorieuses » est que celles-ci reposaient encore sur une économie nationale essentiellement endogène, alors que l’expansion du capital productif « national » chinois a donc été un échec sous Mao, ce qu’il a donc lui-même commencé à compenser en négociant avec Kissinger, Nixon et les USA dès 1972, année où les capitaux US ont commencé à affluer en Chine.

     

    Le développement économique de la Chine actuelle n’a donc jamais été ni socialiste ni endogène et dépend encore aujourd’hui essentiellement de ses exportations, comme on peut le voir avec l’actu récente.

     

    Luniterre

     

    (*«  Un autre sujet… », ou pas ??? Les travailleurs chinois « mingong », une stratification sociale de discrimination héritée de l’ère maoïste !   https://cieldefrance.eklablog.com/un-autre-sujet-ou-pas-les-travailleurs-chinois-mingong-une-stratificat-a214112461 )      *******************************************

  • Seth 11 avril 15:52

    Le communisme en Chine, c’est une interprétation libre d’une pensée occidentale adaptée à la sauce chinoise, c’est exotique et ça n’est certainement pas du marxisme.

    Encore qu’une « révolution culturelle » appliquée aux ultra-riches de nos climats ne serait pas pour me déplaire. Avant bien sûr que ce qu’il en reste aille casser des cailloux au bagne.  smiley


  • CN46400 CN46400 12 avril 12:02

    Pour savoir si le « Hukou » est un scandale où la félicité, il faudrait connaître la situation réelle des individus concernés avant le « hukou ». Nos anciens, maçons de la Creuse dans les chantiers parisiens du baron Hausman, vivaient trés mal à Paris. Mais ils « roulaient les mécaniques » quand ils rentraient dans leur département.... et leurs connaissances techniques, notamment, grimpaient rapidement !


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