mercredi 21 décembre 2005 - par L’enfoiré

Management : trop de dirigeants, pas assez de rameurs

La course vers le pouvoir dans les entreprises : le but de tout un chacun dans un système capitaliste (ou non, d’ailleurs) est de progresser dans la vie, de gagner de l’argent, et donc de grimper dans la hiérarchie, et cela, le plus rapidement possible.

Une tête bien faite et bien pleine, telle est la tendance.
Avec cette envie toute légitime, on arrive à une situation bizarre : une pyramide inversée, où la base des travailleurs, les exécutants, les sans grade diminue dangereusement par rapport au nombre croissant des dirigeants. Décider de la direction des projets finit pr être moins ardu que trouver les gens qui en assumeront la charge au plus bas niveau. Le patron de grandes sociétés a l’impression d’être en sécurité, de bien "manager" son entreprise parce que des gens de haut niveau motivés sont présents pour le seconder au mieux.

De cet état de la société, on pourrait dégager une série d’effets pervers :

  • Vu le nombre de postes de direction qui augmentent, on remarque de plus en plus de directions cloisonnées à la place d’une hiérarchie pyramidale, on se retrouve face à une série de "tubes" verticaux ayant un chef au sommet et quelques "sbires" au travail (quand il en existe).
  • Les responsabilités sont diluées ou minimalisées. Serait-on devant le principe bien connu du "diviser pour régner" ?
  • Les responsabilités sont tellement disparates, et la ségrégation bien établie, que pour discuter d’un problème, il faut disposer d’une grande table ou s’assurer d’une bande passante de télécommunication importante.
  • Des hiérarchies aux chaînons manquants ou n’aboutissant pas à l’exécution des projets eux-mêmes ne sont plus rares.
  • La complexité grandissante des tâches est bien sûr à mettre sur le tapis comme raison principale, mais ce cloisonnement oblige à avoir plus qu’une vision à trois dimensions, en s’attelant à la quatrième, le temps, dans la synchronisation des agendas.
  • Chaque membre de ces assemblées a son rôle propre à jouer, son bifteck à défendre, ce qui n’est pas nécessairement conforme aux intérêts du collègue en face de lui, ni aux objectifs la société.
  • Les décisions se fondent à la fois sur des expertises pointues et sur une vue générale d’ensemble des procédures de la société, ce qui pousse à trouver l’"oiseau rare".
  • Sans la présence de certaines personnes clés, les négociations se perdent souvent en conjectures interminables et infructueuses. Les conclusions ne sont certes pas prises au quart de tour.
  • Se risquer à éliminer certains membres en réduisant le nombre des participants, c’est s’aventurer dans des décisions qui seront génératrices de situations non appréciées par les utilisateurs réels, et donc rejetées in fine.
  • L’élimination de personnes parfaitement au courant d’une situation et ayant une vue d’ensemble fait vite prendre des décisions qui semblent en correspondance avec le problème soulevé mais dont les fondements réels ont échappé aux interlocuteurs.
  • Prendre la décision de se lancer dans ces conditions consomme souvent plus de temps que d’exécuter le travail lui-même.
  • Plus insidieux encore, un âge de plus de 40 ans pour un candidat qui briguerait une position de pur exécutant (comme développeur Java en informatique par exemple) paraît plutôt "louche".

Conclusions : Les lourdeurs de certaines structures de sociétés ne sont pas une illusion, et la productivité en prend un coup, pour le moins.

"Allégoriquement vôtre", je vous présenterai notre sujet sous cet angle :

La vallée ne serait-elle pas assez belle, qu’il faille grimper absolument sur les sommets souvent enneigés et subir une atmosphère à l’air raréfié ?

Plus gratifiant, bien sûr, de voir loin à partir des sommets. Les montagnes n’auront de cesse d’être vaincues des côtés Nord, Sud, Est et Ouest, par des alpinistes ayant la connaissance et l’expertise nécessaires pour s’assurer le maximum de chance de réussite. Pourtant, les accidents d’ascension ne sont pas rares, et des décrochages mortels surviennent même après les meilleures préparations.

L’aventure toujours renouvelée entretiendra toujours cette motivation de vouloir se surpasser.

Les habitants de la vallée n’ont absolument pas moins de mérite malgré tout cela. Je dirais même qu’ils peuvent y trouver des avantages indéniables.

Avoir un projet à réaliser du début à la fin, en choisissant les techniques, les méthodes, par eux-mêmes et pour eux-mêmes n’est certes pas à dénigrer ni à rabaisser. L’un ne va pas sans l’autre, et l’oublier, c’est s’assurer des échecs retentissants.

Ramons ensemble.



2 réactions


  • Sylvain Reboul (---.---.188.247) 21 décembre 2005 11:07

    Vous analysez très bien les conséquences destructrices des performances d’un système hiérarchique qui ne valorise les individus en tant que tels que par la promesse non pas seulement de gagner plus, mais d’acquérir toujours plus de pouvoir sur les autres, en une compétition qui privilégie l’avantage personnel sur l’initiative et le bénéfice collectifs.

    Reste d’autres modes de fonctionnement et de management : Groupes transversaux de projets hors hiérarchie animés par quelqu’un qui n’aurait pas de pouvoir de sanction direct (chef de projet), direction par objectifs négociés etc... Il va de soi que dans les grandes entreprises ou groupes plus ou moins soumis à la dictature du retour rapide sur investissement, le mode hiérarchique et de sanction et de promotion des individus et non des équipes, voire des entreprises qui peuvent être externalisées à tout moment, privilégie nécessairement la poursuite d’objectifs strictement individuels.

    Le « chacun pour soi » dans la course infinie au prestige, au pouvoir et au fric font que le pouvoir dominant, le capital financier, est en train de scier à terme la branche économique sur laquelle il est assis.

    Philosophie et qualité


  • Gil (---.---.93.79) 5 janvier 2006 10:00

    Réflexion intéressante, applicable a toute sorte d’organisation défectueuse dans son fonctionnement, y compris l’état...


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