Manif pour tous... « tous » les hypocrites ?

Ils sont revenus. En ce milieu de matinée à Chartres, après avoir traversé le quartier de la cathédrale, je me suis dirigé vers la gare pour attraper le train semi-direct pour Panam. Balade dominicale traditionnelle de beaucoup d'exilés de la capitale dans mon genre. Le quai, déjà habituellement très encombré, était aujourd'hui noir de monde. Ou plutôt rose et bleu... car une foule de militants de la "manif pour tous" s'était donnée rendez-vous pour descendre à la grande manifestation de ce dimanche 5 octobre 2014.
Arrivés à la guerre Montparnasse le ton était donné. Si les manifestants étaient nombreux, accompagnés de leurs nombreuses progénitures et déterminés, il n'y avait rien de belliqueux dans leur attitude. Que des gens propres sur eux et présentables ; rien donc qui justifiait les marées de cars de CRS stationnés devant la gare ni les bataillons de policiers en civil qui surveillaient tout ce petit monde.
N'étant pas descendu à Paris pour me joindre au cortège mais pour des raisons familiales, je n'ai pas suivi mes compagnons de voyage et je ne le regrette pas. Certes, les gens présents étaient certainement sincères dans leurs revendications contre la loi Taubira. Une loi controversée sur la procréation artificielle, un truc comme ça, où selon certains le commerce de bébés serait encouragé (?)...
Non. C'est plutôt la récupération politique du mouvement qui interroge. Je me souviens l'an passé de la toute première manif pour tous, trans-politique, où on retrouvait aussi bien des gens de "gauche " que de "droite" inquiets par le sort éventuel des enfants adoptés par les couples gays, et les risques pour leur équilibre psychologique. Beaucoup ont déchanté suite à la récupération de la contestation par la droite la plus conservatrice et la plus antisociale. Frigide Barjot elle-même a pris ses distances...
Le mieux étant de se faire sa propre idée des choses, j'ai dialogué avec des gens de LGBT, sans tabous. Le ton est parfois monté. Toutefois j'ai reconnu qu'aucune statistique ne montre qu'un enfant serait en danger (grand mot je l'avoue) au sein d'un couple d'invertis. De plus, le professeur d'école primaire que j'ai été en a rencontré des enfants maltraités ou négligés... mais c'était le fait de couples de parents "hétéros" immatures et irresponsables. Quant aux placements d'enfants en familles d'accueil... accrochez vos ceintures ! Ce commerce de Thénardiers rémunérés pour loger et entretenir au minimum de pauvres gamins, c'est un vrai scandale ! J'en ai vu des mômes qui "pêtaient les plombs", cantonnés par leur "tata" et leur "tonton" d'adoption provisoire à un coin de chambre, une console de jeu pour s'occuper et un steack hâché-purée en guise de repas quotidien. Quid de l'affection dans tout cela ?
Après tout, qu'un couple de gays cultivés et sérieux adopte un enfant de la DDASS et lui propose lectures et sorties culturelles me semble préférable aux solutions bidons, hypocrites et en plus coûteuses(!) décrites ci-dessus. Mais revenons à la politisation de la lutte pour les "droits de l'enfant" de cette manifestation massive. Qui étaient les responsables politiques présents dans le cortège ? Essentiellement des gens de l'UMP, proches de Mister Sarkozy, dont la philanthropie à l'égard de nos benjamins peut laisser songeur...
En effet il est paradoxal de se prétendre défenseur des plus faibles quand on a mené une politique antisociale qui a remis en cause leur éducation. Avez-vous déjà oublié les suppressions de poste massives dans l'éducation nationale sous l'ère Châtel, les fermetures de classes, le démantèlement de la médecine scolaire et des aides à l'enfance sous la période 2008-2012 ? Dégats dont nous payons encore le prix aujourd'hui ! Quand un Fillon annonce son intention de sabrer la fonction publique, donc les crédits des écoles des milieux populaires et les aides aux familles les plus humbles, il y a de quoi crier "au fou !" : en effet que pouvait venir faire les amis de ce monsieur dans une manifestation affirmant défendre les droits des enfants ? Il faut être cohérent, soit on défend les banques d'affaires, soit le petit peuple.
Enfin il y a autre chose qui indispose dans la démarche de la "manif pour tous". C'est le fait que ces gens se mêlent du mode de vie de leurs voisins. En quoi le fait que d'autres cherchent à avoir des gosses par des moyens artificiels les concernent ? Ces gens qui se proclament "libéraux" ne sont-ils pas parisans du chacun pour soi ? Tout cela fait désordre...
Il y en aurait pourtant des raisons pour manifester en masse : le droit au travail pour les jeunes, le coût du logement, les retraites... et voilà que des gens redescendent dans la rue pour exiger de leurs voisins qu'ils reviennent au mode vie préconisé par l'église catholique au moyen-âge, avec une clique de politiciens aussi véreux qu'incompétents pour chapeauter le tout !
Pour conclure on peut se demander quel projet de société défend ce paradoxal mouvement qu'est la "manif pour tous" ? Quand on rouspète contre les împôts et le social on peut difficilement se prétendre défenseurs des plus faibles. Quant à la loi Taubira elle n'est que la déclinaison d'une directive européenne à laquelle la région France doit obéir, en vertu des traités que les politiciens qui ont défilé aujourd'hui ont signé par le passé. Hypocrisie est donc bien le terme qui convient...