Moi, les hommes, je les déteste !
Ebranlé par son titre, j’ai entamé ce livre en me disant, incrédule : est-ce vraiment la teneur de son propos… ?! Assume-t-elle réellement une telle position et surtout une telle généralisation… ?!
Et puis j’ai commencé à lire et, rapidement, je me suis dit : ok, elle pointe des choses plutôt moches et je ne peux pas vraiment lui donner tort… Mais, sa position reste vouée à l’échec : franchement, c’est irréaliste !
Au final, j’ai refermé ce livre en me disant : c’est non seulement compréhensible mais, bon sang, elle a cent fois raison…
J’ai envie de commencer cette année 2021 du bon pied en parlant d’un livre formidable : « Moi, les hommes, je les déteste ! » (publié chez Monstrograph en août 2020). Un texte qui fait parler de lui depuis plusieurs mois (menacé de poursuites pénales par un haut fonctionnaire français qui reconnait ne l’avoir pas lu), écrit par une jeune auteure dont c’est le premier livre, Pauline Harmange
Je l’ai découvert sur les réseaux sociaux (elle tient notamment un blog très intéressant intitulé Un invincible été), à l’occasion de publications qui évoquaient les attaques violentes et le harcèlement permanent dont elle faisait l’objet de la part d’hommes ulcérés par les propos qu’elle tient, notamment dans son livre.
Ebranlé par son titre, j’ai entamé ce livre en me disant, incrédule : est-ce vraiment la teneur de son propos… ?! Assume-t-elle réellement une telle position et surtout une telle généralisation… ?!
Et puis j’ai commencé à lire et, rapidement, je me suis dit : ok, elle pointe des choses plutôt moches et je ne peux pas vraiment lui donner tort… Mais, sa position reste vouée à l’échec : franchement, c’est irréaliste !
Au final, j’ai refermé ce livre en me disant : c’est non seulement compréhensible mais, bon sang, elle a cent fois raison…
Ok. Mais que dit Pauline Harmange, au juste ?
Je précise que ce que j’affirme ici n’engage que moi et s’appuie sur ce que j’en ai perçu (je peux me tromper). J’espère en tout cas ne pas dénaturer ses propos (même si j’imagine ce qu’elle en dirait probablement, soit qu’elle n’a ni besoin de mon soutien ni de la validation de ces propos par un homme pour se sentir légitime dans ce qu’elle exprime…)
Donc.
Quelqu’un qui voudrait le caricaturer aurait beau jeu d’expliquer que l’auteure s’y revendique comme misandre (def : éprouvant du mépris voire de la haine, pour le sexe masculin) et affirme que les femmes n’ont pas réellement besoin des hommes. C’est l’impression que laisserait une lecture survolée. Mais disons-le carrément : selon moi, pour oser conclure qu’elle ne serait qu’une féministe frustrée, agressive et braquée dans une démarche purement conflictuelle de guerre de sexes, il faut n’avoir tout simplement pas lu cet ouvrage. Car nul part, malgré tous les griefs objectifs qu’elle s’accumule sur le dos des hommes, elle n’y réclame une supposée extermination de la gent masculine. Pas plus qu’elle n’exige une éventuelle castration chimique des mâles. En réalité, elle ne prône même pas une procédure généralisée d’éloignement à l’encontre des hommes.
Non, elle se borne à constater une réalité profondément dérangeante mais vraie, soit que : depuis des siècles, consciemment ou non, la moitié masculine de l’Humanité pourrit l’existence de la moitié féminine de l’Humanité de mille manières. Cette injustice (doux euphémisme) génère en elle une colère parfaitement légitime qu’elle a décidé de ne plus taire. Elle explique enfin à quel point il est libérateur de pouvoir exprimer ouvertement cette juste colère, combien c’est sain et régénérant de pouvoir enfin dire cette réalité : globalement, les hommes sont nocifs aux femmes… Pas par essence, non : par habitude, par éducation, par indifférence et par paresse intellectuelle. L’auteure, quant à elle, en conclut simplement qu’elle vit bien mieux, entourée de femmes que d’hommes et franchement… ça peut s’entendre.
Ce que je peux entendre aussi à l’énoncé de ces quelques mots, ce sont les cris d’orfraie : les mœurs évoluent et la situation s’améliore – il est contreproductif de mettre tous les hommes dans le même panier – tous ne sont pas d’affreux phallocrates misogynes – beaucoup sont aujourd’hui conscients du problème et se montrent plus respectueux des femmes, etc. etc. Je vous vois venir parce que c’est aussi ce que je me suis dit en ouvrant la première page de ce livre.
Alors quelques remarques dont j’ai pris conscience au fil des pages :
Pas de généralisation abusive !
Se contenter de l’argument de la généralisation abusive, c’est cacher les problèmes systémiques sous le tapis des exceptions en tassant bien avec le pied pour aplanir : c’est rassurant, c’est facile, c’est confortable et… c’est malhonnête. Le fait que tous les hommes ne soient pas d’affreux phallocrates misogynes n’excuse en rien le poids écrasant d’un système construit par les hommes, pour les hommes et qui perdure depuis si longtemps. Point barre.
Mais c’est n’est plus comme avant !
Confortable aussi l’argument des temps qui changent : ne changeraient-ils pas uniquement grâce à la poussée de femmes qui se battent pour accéder à leurs droits ? Les choses continueraient-elles vraiment à s’améliorer d’elles-mêmes si ces femmes relâchaient leurs efforts ? Et, à ce rythme, combien de temps encore faudra-t-il pour parvenir à une vraie égalité des sexes ? Dernière petite question : est-il seulement normal et satisfaisant qu’une moitié de l’Humanité soit obligée de lutter pied à pied, inlassablement, pour obtenir, exercer mais aussi préserver ses droits ?
En tout cas, moi, je ne suis pas comme ça…
Enfin examinons le problème sous l’angle le plus pernicieux de tous, celui de la fameuse « exception ».
Je vous l’avoue : moi, personnellement, je me considère comme particulièrement respectueux des femmes… ok, mais d’abord, c’est le résultat d’une lente évolution intime (et j’ai presque 50 ans !) : il en aura fallu, du temps pendant lequel je n’ai pas été au-dessus de tout reproche (notamment dans ma jeunesse d’homme certes pas méchant mais cependant lâche et immature… !).
Et puis, à bien examiner les choses, ma situation reste éminemment plus simple, plus confortable que celle de beaucoup de femmes autour de moi (pour ne prendre que quelques exemples très simples : je ne crains guère de me promener en ville, le soir ; je n’ai pas besoin de veiller à ne pas émettre malgré moi des signaux qui pourraient être interpréter par quelqu’un dans le bus comme une invitation à flirter – pourquoi tant de femmes évitent soigneusement le simple contact visuel trop appuyé avec des hommes inconnus dans la rue, d’après vous ?). Et je fais quoi, au juste, pour changer ça ? Vraiment pas grand-chose, soyons francs.
En grattant un tout petit peu, je pourrais identifier et multiplier les éléments à charge mais je vais aller au plus court et au plus universel de tous les sujets : celui ô combien crucial de la contraception. J’ai donc presque 50 ans, je ne veux plus d’enfants depuis longtemps mais suis toujours fertile et le resterait encore un moment (au passage, rien que le terme « impuissance » nécessiterait des volumes entiers de réflexion, quand on y pense honnêtement… !). Chacun de mes rapports sexuels peut donc potentiellement se traduire par une grossesse. Est-ce que je me protège (je devrais plutôt dire : est-ce que je protège mon épouse d’une grossesse) ? Non : le préservatif, avouons-le, n’est pas ce que les hommes apprécient le plus. Du coup, qui doit assumer ce problème et trouver une solution ?! Qui doit choisir parmi tous les moyens contraceptifs celui qui sera le moins nocif à sa santé ?! Qui doit garder ça à l’esprit tout au long de sa vie ? Mon épouse, oui. Quand une vasectomie serait si simple (à mon âge, bien sûr)…
N’empêche qu’après tout ça, je me considère quand même comme un homme « respectueux des femmes », en tout cas fondamentalement différent des affreux machos…
Bref, il y aurait encore mille choses à aborder au sujet de ce livre passionnant. Je terminerai simplement en disant que c’est sans doute le livre le plus stimulant intellectuellement que j’ai lu depuis un bon moment (et je lis pas mal !). Sincèrement, je vous invite non seulement à le lire mais aussi à le faire lire (je l’ai déjà offert à mon épouse, ma fille, ma belle-fille…) tant il est salutaire. Bravo, Pauline Harmange et merci !
https://www.monstrograph.com/product/moi-les-hommes-je-les-deteste-pauline-harmange/