lundi 11 novembre 2019 - par VICTOR Ayoli

Moi mon colon cell’ que j’préfère, c’est la guerre de 14-18

« - Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat…


- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir.


- Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand ! Il n’y a que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie est en danger...


- Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom par exemple, Lola, d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent ans ? ... Avez-vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms ? ... Non, n’est-ce pas ? ... Vous n’avez jamais cherché ? Ils vous sont aussi anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce presse-papiers devant nous, que votre crotte du matin ... Voyez donc bien qu’ils sont morts pour rien, Lola ! Pour absolument rien du tout, ces crétins ! Je vous l’affirme ! La preuve est faite ! Il n’y a que la vie qui compte. Dans dix mille ans d’ici, je vous fais le pari que cette guerre, si remarquable qu’elle nous paraisse à présent, sera complètement oubliée... A peine si une douzaine d’érudits se chamailleront encore par-ci, par-là, à son occasion et à propos des dates des principales hécatombes dont elle fut illustrée... C’est tout ce que les hommes ont réussi jusqu’ici à trouver de mémorable au sujet les uns des autres à quelques siècles, à quelques années et même à quelques heures de distance... Je ne crois pas à l’avenir, Lola... »

................
(Extrait de « Voyage au bout de la nuit »

 

Pendant la grande boucherie 14-18, les profiteurs et fauteurs de guerre se le faisaient belle. Les grands boulevards de Paris affichaient une vie trépidante ; les théâtres, les brasseries, les cafés concerts, les boites de nuits étaient pleins de fêtards…

Pendant que les Français Schneider, De Wendel et autres faisaient discrètement la bringue avec leurs homologues, rivaux et…amis allemands Krupp, Thyssen et autres fabricants de choses en aciers bien pointues, bien aiguisés, qui entrent dans les viandes, qui labourent les chairs, qui brisent les os, qui éclatent les cranes, qui arrachent les yeux, qui explosent en beaux feux d’artifices de mort, la France d’en-bas s’étripait avec l’Allemagne d’en-bas. Pour le plus grand profit des précédents.

La droite la plus bornée, la plus avide, la plus lâche se lâchait, se goinfrait, s’engraissait, se tapissait la tripe de sauces chaudes et onctueuses pendant que les « pauv’cons » se faisaient trouer la viande.

Le monde industriel, les présidents de chambres de commerce et d’organisations patronales, comme le Comité des Forges ne sont pas avares de belles paroles.. Alors qu’est constamment mis en avant un discours patriotique, que la production industrielle est avant tout au service de la France, que les hommages aux combattants abondent dans ces discours le moteur premier de l’effort de guerre de ces grands patrons est plutôt la recherche du profit et la possibilité d’un enrichissement rapide. Un double discours est tenu, celui destiné au public – allez vous faire tuer pour la France ! - et l’autre qui exprime les visées profondes de ces patrons : goinfrons-nous !.

Des "bandits", des "chacals", des "gredins", des "thénardiers"... Ce 21 octobre 1915, dans les colonnes du Midi socialiste, la journaliste Séverine, ancienne secrétaire de Jules Vallès, n'a pas de mots assez durs contre ceux qui "s'engraissent de la chair d'autrui" et "pressurent le soldat" en "raflant à tout prix ce qu'ils sont certains de lui revendre le triple".

Toutes les tentatives de paix ont été tuée dans l’œuf. Et pour cause : chaque "menace" de pourparler de paix faisait plonger les bourses !

La guerre est « l’art » de faire s’entre-tuer des gens pauvres, qui ne se connaissent pas, au profit de gens riches qui, eux, se connaissent… Cette maxime à la véracité sans cesse renouvelée à travers les époques a été superbement illustrée par cette chanson qui marque le désespoir, la résignation mais aussi la révolte de ceux qu’on envoyait à l’abattoir pour rien, sinon transcender la connerie humaine, seule approche que l’on puisse avoir de l’infini…

 

La chanson de Craône

 

Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé

On va reprendre les tranchées,

Notre place est si utile

Que sans nous on prend la pile

Mais c'est bien fini, on en a assez

Personne ne veut plus marcher

Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot

On dit adieu aux civ'lots

Même sans tambours, même sans trompettes

On s'en va là-haut en baissant la tête

 

- Refrain :

Adieu la vie, adieu l'amour,

Adieu toutes les femmes

C'est bien fini, c'est pour toujours

De cette guerre infâme

C'est à Craonne sur le plateau

Qu'on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous condamnés

C'est nous les sacrifiés

 

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance

Pourtant on a l'espérance

Que ce soir viendra la r'lève

Que nous attendons sans trêve

Soudain dans la nuit et le silence

On voit quelqu'un qui s'avance

C'est un officier de chasseurs à pied

Qui vient pour nous remplacer

Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe

Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

 

- Refrain -

 

C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards

Tous ces gros qui font la foire

Si pour eux la vie est rose

Pour nous c'est pas la même chose

Au lieu d'se cacher tous ces embusqués

Feraient mieux d'monter aux tranchées

Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien

Nous autres les pauv' purotins

Tous les camarades sont enterrés là

Pour défendr' les biens de ces messieurs là

 

- Refrain :

Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront

Car c'est pour eux qu'on crève

Mais c'est fini, car les trouffions

Vont tous se mettre en grève

Ce s'ra votre tour messieurs les gros

De monter sur l'plateau

Car si vous voulez faire la guerre

Payez-la de votre peau

 

 

Allez, cadeau : tonton Georges

 

Illustration X - Droits réservés



15 réactions


  • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 11 novembre 2019 13:54

    « Pendant que les Français Schneider, De Wendel et autres faisaient discrètement la bringue avec leurs homologues, rivaux et…amis allemands Krupp, Thyssen .../... la France d’en-bas s’étripait avec l’Allemagne d’en-bas. Pour le plus grand profit des précédents. »

    Le complexe « militaro-industriel » américain dénoncé par Eisenhower a remplacé, ou plutôt supplanté, les les marchands de canons européens, mais la règle du jeu est toujours la même. La guerre enrichit les malins qui distribuent eux-mêmes les cartes d’une partie truquée. Les profits sont intéressants tant que dure la guerre ! La guerre dure tant que des entrepreneurs y trouvent leurs profits.


    • Paul Leleu 11 novembre 2019 21:35

      @Séraphin Lampion

      la guerre représente aussi une bonne opportunité pour toutes les femmes « émancipées » (enfin, si elles sont assez belles)... elles pourront aller faire la bringue avec les marchands de canon... ces féministes là, ne se battaient pas pour être l’égale des hommes dans les tranchées...

      leurs filles qui s’envoyeront en l’air avec des gestapistes pendant qu’on torture des patriotes dans les caves, qu’on affame le peuple et qu’on fusille des innoncents seront tondues à la Libération... mais à en croire la propagande actuelle, elles sont des « viticimes » de l’ordre patriarcal et de la vindicte.

      (je remarque que les féministes actuelles n’ont par contre aucun intérêt pour les milliers femmes patriotes françaises déportées à Ravensbrück)


    • Désintox Désintox 13 novembre 2019 20:07

      @Paul Leleu

      Ce commentaire sexiste est tout particulièrement inapproprié, car il y avait des hommes et des femmes dans la résistance, comme dans la collaboration.

      Et c’est l’extrême-droite qui collaborait, même si les fascistes actuels essaient de détourner les mots de leur sens.


  • Aimable 11 novembre 2019 14:10

    Comme me disait le grand père maternelle de mon épouse né en 1894 ; tu sais min fiu , avec cette guerre , j’ai vu et subit l’enfer avant d’être mort .


  • denis 11 novembre 2019 15:19

    D’accord avec ’’Séraphin’’ : Dans toutes les guerres, les ’’petits débrouillards’’ deviennent riches et gras. Quant à la grande majorité des crétins, elle accepte d’aller se faire tuer dans d’effroyables boucheries ... la sélection naturelle en somme.


    • Désintox Désintox 13 novembre 2019 20:09

      @denis
      ’ la grande majorité des crétins, elle accepte d’aller se faire tuer dans d’effroyables boucheries ... ’

      Vous oubliez qu’on ne leur demandait pas leur avis. Ceux qui refusaient étaient fusillé.

      Les crétins, ce sont ceux qui ont accepté de déclencher cette guerre.

      Les « super-crétins », ce sont ceux qui ne tirent pas les leçons de l’histoire.


    • Désintox Désintox 13 novembre 2019 20:14

      @Tall
      La France agressée par l’Allemagne ? Je pense que vous voyez l’histoire par le petit bout de la lorgnette.

      La propagande de guerre, c’est fini depuis 101 ans !


  • julius 1ER 11 novembre 2019 18:08

    Toutes les tentatives de paix ont été tuée dans l’œuf. Et pour cause : chaque « menace » de pourparler de paix faisait plonger les bourses !

    @Victor, 

    la vraie raison, Victor pour que cette guerre s’éternise c’est le pétrole...

    car même si les allemands après 1916 étaient venus à poil supplier Clémenceau d’arrêter cette guerre les Franco-britanniques ne l’auraient pas accepté pour la raison primordiale qui était que l’Empire Ottoman allié des Allemands possédait les clefs du pétrole et les accords Sykes-Picot toujours restés secrets depuis 1916.. 

    prévoyaient le démantèlement de l’Empire Ottoman et le partage du Moyen-orient en 2 zones d’influence Franco-britannique car le, pétrole en quelques années de guerre avait pris une place prépondérante !!!!

    le constat est simple en 1914 la Chasse française a 3 avions..... en 1918 c’est 3 000 avions et aucun n’a jamais marché au charbon, idem pour tous les autres véhicules car en 1914 le cheval est roi mais lorsque l’on regarde la noria de camions assurer le ravitaillement de Verdun par la Voie sacrée en 1917 ce sont des milliers de camions qui assure le service, on constate que la guerre a changé d’époque !!!!!

    alors on peut toujours commémorer mais même 100 ans plus tard on ne dit toujours pas la vérité sur ce conflit et pour cause car l’essor de toutes les nouvelles technologies et les affaires qui vont avec à l’époque impliquaient que l’on ne s’arrêta sur des considérations humaines ou humanistes .... c’est malheureusement aussi simple que cela !!!!!!


  • lloreen 11 novembre 2019 19:53

    "La guerre est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas."

    Paul Valéry.


    • Paul Leleu 11 novembre 2019 21:40

      @Cadoudal @ lloreen

      je crois que vous avez malheureusement tous les deux raisons...


    • Paul Leleu 11 novembre 2019 23:27

      @Tall

      « Ne devenez pas des héros morts pour votre patrie. Faites de vos ennemis des héros morts pour leur patrie. Patton »

      oui... mais c’est sûr que c’est plus facile à faire quand tu es général que quand tu es simple soldat...


    • Désintox Désintox 13 novembre 2019 19:46

      @Cadoudal
      La guerre de 14-18 n’a servi les droits d’aucun peuple. Les seules guerres menées au nom des peuples ont été les guerres de libération contre l’armée française qui avait envahi l’Afrique et l’Indochine.


    • Désintox Désintox 13 novembre 2019 20:15

      @Cadoudal
      « T’étais aussi à la manif...lol... »

      Oui, et je vous emm...


  • Désintox Désintox 13 novembre 2019 19:40

    Merci pour cet article.

    Je ne sais pas s’il y a eu un jour une guerre intelligente, mais celle de 14-18 était tout particulièrement stupide.

    Avant son déclenchement, tous ceux qui militaient pour la paix se faisaient insulter et traiter de lâches. Et pourtant, c’étaient eux qui avaient raison.

    Le moindre petit village a un monument au mort. C’est une génération entière qu’on a lâchement envoyé à la boucherie.

    Et tout ça pour quoi ? POUR RIEN !!

    Puisse-t-elle servir de leçon à tous ces apprentis sorciers qui agitent la haine en permanence. Mais je n’y crois pas trop, tellement ils sont bêtes et bornés.


  • vesjem vesjem 13 novembre 2019 23:50

    ferdinand, dans « l’école des cadavres » (1938) décrit le peuple français comme du bétail crédule qui va aller à l’abattoir, les (petits) bourgeois comme obéissants et scrupuleux acteurs de la« future », les franc-maçons comme les larbins des commanditaires (« les élus ») de la guerre à venir, et la « city » comme le cerveau de la préparation de la boucherie imminente (avec l’Intelligence Service) et les pousse-au-crime médias américains


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