dimanche 11 novembre 2018 - par VICTOR Ayoli

MONUMENT AUX VIVANTS !

 

Notre « itinérant mémoriel » connait-il cette histoire ?

 Il y a sur la commune de Babeau-Bouldoux, dans l’Hérault, à une trentaine de kilomètres au nord ouest de Béziers, un hameau nommé Cauduro où onze jeunes gens appelés à la Grande Tuerie, sont partis pour la « Der des Der » la fleur au fusil espérant que huit jours plus tard ils seraient à Berlin et que l’Alsace et la Lorraine seraient récupérées. Hélas le pronostic ne s’avérera pas correct… Eh bien figurez-vous que tous sont revenus ! Alors, en 2005, quelques descendants de ces valeureux veinards ont décidé d’ériger… un monument aux vivants ! Sur une plaque, au bas de la liste des onze « Pas morts pour la France », il y a cette inscription : « LE PIRE N’EST JAMAIS SÛR ! »

Pourtant – entendu sur une radio – ce 11 novembre, avant 1 heure du matin, heure officielle du cessez-le-feu, 11 000 soldats seraient morts, disparus ou blessés par l’incommensurable stupidité d’officiers continuant à envoyer leurs hommes mourir alors que chacun savait que l’armistice était signé ou sur le point de l’être. Vrai ? Faux ? Cela me semble exagéré car ce serait alors autant de victimes que lors du premier jour du débarquement en Normandie. Mais la konnerie humaine étant la seule approche que l’on puisse avoir de l’infini, rien d’impossible, d’autant plus que ce onze novembre les combats continuaient sur les fronts de l’est. Ces morts pour rien ont été « antidatés » au 10 novembre… La mort surréaliste.

Les Français et les Allemands commémorent donc ces jours-ci non plus la victoire marquant la fin de la grande tuerie mais la Paix. Merkel et Macron main dans la main. Comme autrefois Mitterrand et Kohl. Côte à côte et non plus face à face avec un flingue… Sacré progrès à mettre au crédit de l’Europe. Eh oui.

Arriveront-ils par réalisme à conduire France et Allemagne à un mariage de raison à défaut d’amour ? Il serait temps, car la tentation du cavalier seul de l’Allemagne est à redouter. Cette tentation est due pour une bonne partie au décrochage économique de la France par rapport à son grand partenaire. Pourtant, hors de cette imbrication entre les deux pays, pas d’espoir de salut pour cette Europe ayant trahi ses fondateurs, dévoyée en froide machine « américaine », ultralibérale, technocratique, honnie par les peuples qu’elle est censée représentée parce que n’ayant plus rien à donner à rêver..

Le grand ratage de De Gaulle et Adenauer a été de ne pas avoir plus imbriqué, obligé à se connaître les peuples français et allemands. Pour se connaître, il faut d’abord se comprendre. Cette compréhension passe par la langue. Ils auraient dû imposer à leurs systèmes éducatifs respectifs l’apprentissage obligatoire, dès le primaire, de la langue de l’autre. Actuellement, chaque Français parlerait le français ET l’allemand, et chaque Allemand parlerait la langue de Goethe ET celle de Molière. Les préventions, les incompréhensions tomberaient alors naturellement devant le débat ouvert et approfondi, chacun parlant parfaitement la langue de l’autre. Alors qu’aujourd’hui, pour communiquer basiquement il faut baragouiner le globish, le sabir du suzerain étasunien… Lamentable. Mais l’histoire est longue, cela peut devenir réalité en une génération, en donnant l’impulsion politique à une entité « Françallemagne ».

Il n’est pas inutile de revenir à ce qui a été la véritable volonté des Pères Fondateurs : la paix et la réconciliation entre l’Allemagne et la France. Ce but — ô combien difficile à seulement envisager à cette époque — est atteint au-delà de toute espérance. Dès lors, faut-il que ces deux grands pays se diluent dans une construction complexe, molle, sans ambition ni frontières qui les met au même niveau que Malte, Chypre ou la Lituanie ?

Cette Françallemagne, cohérente géographiquement, atteindrait la taille critique tant en matière démographique (autant que la Russie) qu’économique (autant que le Japon). Elle constituerait une entité stratégique réelle capable de parler d’autant plus haut et fort – à la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil mais aussi aux États-Unis - qu’elle pourrait s’appuyer sur une puissance militaire conséquente, restant à bâtir (faut pas être angélique). Dès lors le siège de la France — de la Françallemagne — au Conseil de sécurité de l’Onu ne pourrait plus être contesté. Et le reste de l’Europe aurait un noyau fort autour duquel constituer politiquement, sur une base d’indépendance européenne, une confédération de nations indépendantes mais décidant de leur plein gré de vivre ensemble. Les Suisses le font bien, pourquoi pas les Européens ?

Si cette utopie ne devient pas réalité rapidement, l’histoire montre que les relations entre les deux pays glisseront vers l’incompréhension, de l’incompréhension vers la défiance, de la défiance vers la rivalité, de la rivalité vers… Ne cauchemardons pas. Merkel et Macron en sont maintenant aux bisous ! C’est plus rassurant !

Si l’Europe veut continuer d’exister dans un monde infiniment plus dangereux qu’au temps de la guerre froide, elle ne peut se diluer à l’infini. Il lui faut des frontières, un projet, une intégration sociale, une défense digne de ce nom car le mouton bêlant ne fait pas le poids parmi les loups. Donc elle doit se resserrer en une entité politique cohérente. Pas à vingt-sept comme en fait la preuve l’impuissance actuelle de la deuxième puissance économique mondiale, humiliée, houspillée, ridiculisée par son « protecteur » (dans le sens de proxénète) étasunien.

Alors, à la suite des chamboulements des prochaines élections européennes, on tente le coup ?

Chiche !



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14 réactions


  • Clark Kent NEMO 11 novembre 2018 17:55

    « ...par l’incommensurable stupidité d’officiers continuant à envoyer leurs hommes mourir alors que chacun savait que l’armistice était signé ou sur le point de l’être. » 

    Ce ne sont pas seulement les officiers de première ligne qu’il faut incriminer, car ils obéissaient aux ordres, après tout,mais aussi et surtout les états-majors et les représentants des belligérants.

    L’armistice a été signé à 5 h 02 et le cessez-le-feu aurait pu intervenir immédiatement, mais, dans le but de frapper les esprits et sans doute pour fournir aux écoliers une astuce mnémotechnique, il n’a pris effet qu’à la onzième heure du onzième jour du onzième mois. Pendant les cinq heures et cinquante huit minutes qui se sont écoulées entre la signature et le cessez-le-feu, environ 2 738 hommes sont morts. 

    Le dernier soldat tué a été l’Américain d’origine allemande Henry Gunther, à Chaumont-devant-Damvillers (Meuse). Les Allemands, qui occupaient une position à proximité, ont vu surgir du brouillard deux soldats américains baïonnettes au canon. Ils ont tiré au-dessus de leurs têtes et les soldats se sont couchés sur le sol. Henry Gunther s’est relevé et a continué à avancer. Il a été abattu de cinq balles de mitrailleuse. Il était 10 h 59.


    • Clark Kent NEMO 12 novembre 2018 11:40

      @Jelena

      combien de morts pour rien entre temps ?


    • Ouallonsnous ? 12 novembre 2018 19:49

      @l’auteur

      "Alors, à la suite des chamboulements des prochaines élections européennes, on tente le coup ?

      « 

      Qu’en attendez vous de ces élections pour rien, oubliez vous que les français ont rejeté l’UE/OTAN à 56% en 2005 et qu’ils la rejetterais à 95% maintenant !

      Même si on les trompaient à nouveau avec un autre coup d’état genre »achat des voix du parlement" comme l’UE/OTAN/USA a fait pour la Macédoine, ça ne changerait rien !


  • Sergio Sergio 11 novembre 2018 18:05

    Cela me fait penser à Carmen, « — tu sais je t’aime ....., — je sais, mais tu ne fais que le répéter ... »

    Après 100 et 70 ans après les guerres, nous en sommes encore à se réconcilier. C’est pas encore parti pour un couple franco-allemand, à la tête d’une Europe, soit dit en passant : de nantis.


    • baldis30 11 novembre 2018 20:31

      @Sergio

      bonsoir
       les allemands ? pourquoi pas ....
      un par un seulement ...et surtout jamais trois par trois  !


    • Alren Alren 12 novembre 2018 13:32

      @Sergio

      Les Français et les Allemands commémorent donc ces jours-ci non plus la victoire marquant la fin de la grande tuerie mais la Paix. Merkel et Macron main dans la main. Comme autrefois Mitterrand et Kohl. Côte à côte et non plus face à face avec un flingue… Sacré progrès à mettre au crédit de l’Europe. Eh oui.


      Pardon ! pardon ! Moi le 11 novembre et le 8 mai je célèbre la VICTOIRE !


      Il n’y a pas de main dans la main entre ce pauvre Macron et frau Merckel. Elle décide pour les intérêts des retraités allemands par capitalisation et les patrons allemands, il obéit en trahissant les intérêts de son peuple.


      La guerre intra européenne ne peut plus avoir lieu car les grandes puissances ont été jusqu’à ce jour hors de l’Europe depuis 1945.

      Et accessoirement que la France est sanctuarisée par l’arme nucléaire.


      L’UE actuelle c’est une parfaite soumission aux intérêts US, la guerre néocoloniale et la détestation artificielle de la Russie coupable de multilatéralisme.


  • Clark Kent NEMO 11 novembre 2018 18:20

    Pour ce qui est de la « Françallemagne », vous devez bien savoir que les Britanniques ont toujours tout fait pour qu’aucun état du continent ne soit plus important en taille et en population que leur île qui n’est pas, elle, à géométrie variable, et il n’est pas impossible que leur décision de mettre un pied dans la place sans s’engager dans la monnaie unique n’ait pas eu pour motivation quelque chose qui ressemble au cheval de Troie, pour veiller à ce qu’une intégration sociale et une fédération politique ne voient jamais le jour.

    C’est à cette même volonté, d’ailleurs que la Belgique doit son existence aux Britanniques qui voyaient d’un mauvais œil les mines et la sidérurgie belges rejoindre les équipements industriels de la France à une époque où leur industrie était encore dominante.

    Après la chute définitive de Napoléon,les Anglais ont décidé de démembrer l’empire français et réunifié d’autorité, au Congrès de Vienne, les anciens Pays-Bas de l’époque de Charles Quint dans le but d’en faire un État tampon. Cette construction politique, le « royaume uni » des Pays-Bas, a abouti rapidement à la Révolution belge de 1830 qui s’est traduite pas à une scission créant en 1831 un état neutre sous l’autorité d’un gouvernement provisoire et d’un congrès national, état qui existe toujours.


  • zygzornifle zygzornifle 12 novembre 2018 08:44

    Monument a la GSG ?


  • Ruut Ruut 12 novembre 2018 10:05

    Combien de morts tués par leur propre camp ?


  • Odin Odin 12 novembre 2018 11:37

    « pas d’espoir de salut pour cette Europe ayant trahi ses fondateurs »

    « ce qui a été la véritable volonté des Pères Fondateurs »

    Ah ces grands fondateurs humanistes, philanthropes qui ne pensaient qu’au bien être des peuples par le brassage ethnique et la création d’un état fédéral avec ses « länder » pour la paupérisation des peuples au profit de l’oligarchie financière.

    Ces Richard Coudenhove-Kalergi / Walter Hallstein / Adenauer / De Gasperi / Schuman / VGE…, devraient être canonisés au rang des saints de Mammon. 


  • titi titi 12 novembre 2018 13:48

    @L’auteur

    Très bonne idée que ce « monument aux vivants ».

    Mais la France est un pays de pessimistes toujours tournés vers le passé...


    • velosolex velosolex 12 novembre 2018 17:49

      @titi
      Faudrait savoir si tous les conscrits de ce patelin sont revenus. S’ils c’est vrai, ce n’est absolument pas l’expression de l’ordinaire des villages de France ! J’ai été hier assister aux commémorations émouvantes du village de La Feuillée, dans les monts d’arrée à 60kms de Brest. 
      Des silhouettes grandeur nature ont été peintes par un artiste anglais le fronton des maisons. Des poilus qui vous ramènent à la réalité de la disparition. 
      112 hommes ainsi représentant ceux disparus ; la population en comptant alors 1700.....Ce qui signifie que les deux tiers des hommes jeunes ont été fauchés." L’ombre des poilus dans la commune.
      A vrai dire j’ai rarement vu quelque chose de si émouvant, et de si parlant. https://bit.ly/2PRClUt


  • seken 12 novembre 2018 16:36

    Bonjour,

    Thème intéressant et bizarre !

    Choc de problématique

    Le big data historique, le fait de rêver pour ses descendant d’avoir dans 500 ans, des archives exactes de chaque bataille, chaque perte, chaque obus ou balle tirée des GM, c’est a dire, mieux que ce que nous on as sur les guerre du 16-17éme.

    Pour pouvoir y réfléchir par eux même, dans leur contexte futur.

    Le devoir de mémoire, le fait de vouloir tirer une leçon politique d’une période historique, confronté au problème de chute des civilisation, des révolution, qui détruisent les archives, plus souvent que les monuments.

    Pour leur expliquer notre point de vue collectif contemporain, notre conclusion.

    Les monuments ne remplace en rien les millers de rapports de batailles et la diversité de sauvegardes, mais il en fait une synthèse populaire a morale, a conclusion. Il exprime le point de vue des décideurs municipaux élus entre deux guerre et post 2GM, pour tout ceux qui n’irons pas lire l’histoire détaillée.

    Note : J’exclus les monument « commémorant et situant une bataille », « un acte d’héroïsme », « une violation des loi de la guerre » ... qui relevé d’une tradition martiale stricte assez indépendante je pense du devoir de mémoire, des litanies de morts.)

    Evolution en un siècle.

    Ainsi entre deux guerre on grave des « Monument aux morts neutre » (la guerre arrive parfois) « monument aux morts pour la France/la patrie » (la guerre et les pertes sont nécessaires a la défense de notre organisation suprême)

    Entre deux guerre, Triste des pertes et fiers de la victoire.

    Post 2GM, La réinterprétation historique, l’utilisation de l’histoire a des fin de promotion politique, amène des monuments unifiant ou non les victimes des deux guerres mondiale et de celle d’avant(1870). Certains vide, d’autres verbeux.

    Post 2GM, Neutres et grave, mais pas pacifiste.

    Des cas de murs ou figurent les victimes des deux camps cote a cote (littéralement, ou géographiquement) ressemble déja a une évolution considérable de l’interprétation du conflit par les élus municipaux en 1960

    Période de déplacage de cadavres et de monumentalité.

    Encore plus tardifs +80, les monuments pacifistes. « monument aux victimes de la guerre », (honnie-soit-t’elle, de la bêtise des hommes... ) construction européenne et promotion de la paix.

    Post-soviétique, L’amitée franco-allemande toussa toussa.

    ++

    PS : Appuyant ce propos de milliers de km de nationale parcouru et de centaine de salutations devant ses monuments de divers village ou j’ai pris une pause ou dépanné quelqu’un, et que je n’ai jamais cessé de lire.


  • velosolex velosolex 12 novembre 2018 17:34

    Vous brassez énormément de choses assez différentes. Pour le monument que vous évoquez,« Le pire n’est jamais sûr », il me semble moi une belle marque de connerie.

    Je préfère les monuments pacifistes, qui condamnent la guerre, et ses horreurs. Mais faire le malin pour la bonne raison que leurs ancêtres s’en sont sortis relève à la fois d’un mépris pour les autres, leurs familles.

    Bien dans l’air du temps : Une bande de cons qui ne voient pas plus loin que le bout du nez, et à qui on pourrait l répondre qu’ils sont eux, l’expression du pire.

    La rencontre de la bêtise, de la flagornerie, et celui de faire du bruit, en pétant au nez des autres. 

    Pour le reste, on ne peut reprocher à De Gaulle et à Adenauer de ne pas avoir fait les maximum, et d’avoir réussi. Plus de contentieux guerrier entre ces deux pays ; Les souvenirs de guerre, sont ceux d’un grand gâchis. Les deux pays qui ont le plus donné avec l’Angleterre,, et pourtant plus trace de ce nationalisme que vous rencontrerez dans les pays de l’est ou des Balkans, à la Turquie et jusqu’en Grèce. Je suis européen jusqu’à l’extrême. J’ai des amis anglais. Un autre allemand reste traumatisé par le bombardement d’Hambourg, où il était gamin, fuyant avec sa mère et la soeur la maison bombardée. Je n’aurais pas la cruauté de lui dire « le pire n’est jamais sûr » ! On peut se comprendre sans connaitre toutes les langues ; L’anglais fait office tout de même de passeport bien commode. Et jamais il n’a été si facile de s’y mettre. Mais il est de bon sens de coupler avec les livres d’histoire, de sociologie, et de philosophie ; Ce qui évite de faire des pieds de nez aux autres, comme cette étrange plaque le suggère.


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