N’oserait-on plus se syndiquer en France ?
« La faiblesse des syndicats renforcerait les inégalités ». (Le Figaro, 09/03/2015.)
« Un vrai drame français : la faiblesse des syndicats ». (Les Echos, 01/03/2016.)
Le taux de syndicalisation en France est un des plus bas d’Europe, 11% en 2013 et certains le chiffrent à 8,7% maintenant.
Le phénomène a été beaucoup analysé et nombre de causes ont été élucidées. Pourtant, il y a un aspect qui n’a jamais été évoqué, à ma connaissance du moins : n’oserait-on plus se syndiquer en France ?
Cela signifierait donc qu’il pourrait être parfois risqué de se syndiquer, en France.
Syndiqué moi-même, à la suite de beaucoup de mes aînés, entourés de parents, d’amis, de collègues, de connaissances proches ou lointaines de ma génération, eux-mêmes syndiqués, j’ai su ce qu’ils ont vécu parfois et je peux témoigner des injustices que certains ont subi.
Mon père, après avoir été élu représentant du personnel peu avant la fermeture de la grosse entreprise qui l’employait en 1966, a mis un an pour retrouver un emploi. A cette époque le travail était pourtant très abondant dans la région. Dès qu’il évoquait son précédent emploi, la place lui était refusée. Finalement c’est un ancien collègue, devenu chef de chantier, qui l’a discrètement recruté dans son équipe.
Dans l’entreprise où travaillait mon beau-père, les enfants des employés étaient embauchés prioritairement. Militant syndical n’ayant pas voulu se soumettre à un ultimatum de son patron, ses trois enfants ont dû partir travailler ailleurs et parfois très loin. Ses deux aînés ne se syndiqueront jamais.
Mon épouse a trouvé son premier emploi dans une concession automobile où existait une section syndicale d’un syndicat très, très modéré. Exceptionnellement cette organisation avait lancé un mot d’ordre de grève nationale d’une journée. Avec quelques collègues des ateliers mon épouse a suivi le mouvement. Quelques mois plus tard elle a été la seule des bureaux à être licenciée lors d’un dégraissage. Quelques années plus tard, dans son troisième emploi, la chose s’est reproduite dans des circonstances similaires.
Un copain ouvrier leader syndical dans une très grosse société internationale de la région est resté au même poste pénible et au même coefficient de rémunération toute sa carrière.
Cela me rappelle que chez Peugeot, une enquête a abouti à des condamnations importantes puis à des accords de reconstitution de carrière pour des militants et des militantes syndicaux lésés de la même façon.
Regardons le taux de syndicalisation en 2016 selon le secteur puis, par taille des entreprises :
- public, 19,8% ;
- privé, 8,7% ;
- dans les entreprises de plus de 200 salariés, 14,4% ;
- dans les entreprises entre 50 et 200 salariés, 11,5 % ;
- dans les entreprises de moins de 50 salariés, 5%. (source : Capital, 1/9/2017.)
Le fait que dans le public et les grandes entreprises du privé on craint moins de se syndiquer justifie qu’on pose cette question : n’oserait-on plus se syndiquer en France, en tous cas, de manière évidente, dans certains secteurs ?
Quand je regarde parmi la nouvelle génération dans ma famille et leurs copains, chez mes jeunes connaissances, aussi loin que j’élargisse le cercle de ceux-ci, je ne trouve pas un seul syndiqué. Le plus souvent il n’y a pas de section syndicale dans leur entreprise.
Et quand c’est possible parce qu’elle existe, ils savent qu’ils n’y ont pas individuellement intérêt parce que ce serait mal vu par leur hiérarchie et parfois même par certains de leurs collègues.
Pour répondre à ma question, demandez-vous si dans votre petite entreprise, dans votre équipe, dans votre atelier, votre service, votre département, vous proposeriez à quelques-uns d’aller vous syndiquer ou de former une section syndicale si elle n’existe pas.