Ne pas oublier les poilus d’orient !
En ce moment mémoriel, on peut polémiquer sur « le vainqueur de Verdun ». On peut aussi se demander si le 11 novembre 1918 a constitué la fin de la guerre pour tous les poilus...
Sans le vouloir, le président de la République vient de déclencher une nouvelle polémique en évoquant le souvenir du « héros de Verdun ». Mais est-ce vraiment le talent militaire de Philippe Pétain qui a permis ce résultat ou l’abnégation des milliers de poilus qui se sont fait tuer sur place... quand on ne les a pas fusillés « pour l’exemple ».
Quoi qu’il en soit, le 11 novembre 1918 n’a pas constitué la fin de la guerre pour tous les poilus. Ceux de l’Armée d’Orient, sacrifiés dans l’opération mal préparée des Dardanelles de 1915-1916 ont continué le combat à partir de Salonique. Cette guerre, souvent oubliée des manuels d’histoire, a pourtant vu s’affronter près d’un million de soldats pendant près de trois ans, sur un front particulièrement meurtrier de près de quatre cents kilomètres. Près de trois cent cinquante mille soldats de l’Armée française d’Orient, souvent issus des colonies y ont combattu et on estime que soixante dix mille y sont décédé. Le front d’Orient allait de la mer Adriatique à la mer Egée et traversait la Grèce, la Bulgarie, la Serbie... Le sanglant combat autour de la ville de Bitola a duré deux ans. Ce front oublié permit pourtant aux forces de l’Entente de remporter une première victoire avec le retrait de la Bulgarie qui signa un premier armistice le 29 septembre 1918. On la devait à ceux qu’on a ironiquement surnommés « les jardiniers de Salonique » et qu’on a, pour un certain nombre, oubliés sur place.
Ils seront d’abord affectés à l’occupation de la Turquie et de la Bulgarie avant d’être mobilisés, au sein de l’Armée du Danube, pour combattre la Russie soviétique en appuyant les armées russes « blanches » en Crimée. On espérait renverser le pouvoir bolchevik issu de la révolution d’octobre 1917 et alors soutenus par la majorité des travailleurs de l’ancien empire tsariste comme en témoigne ce télégramme du 11 mars 1919 du Gl Franchet d’Espérey, chef du Corps expéditionnaire, à Clémenceau président du Conseil "Nous n’avons plus comme adversaires actuels en Russie méridionale des bandes bolchéviques mais une armée bien commandée, encadrée, parfaitement disciplinée, rétablissant l’ordre à la place du désordre. Autour de nous, et, derrière nous, hostilité presque unanime de la population, dissolue et xénophobe, qui corrompt nos soldats et leur tire dans le dos dès que l’armée bolchevique apparaît. »)
Les mutineries de la mer Noire de février-mars 1919 mettront un coup d’arrêt à l’opération et l’armée française devra quitter Odessa.
Certains soldats du corps d’occupation français de Constantinople, chargé de défendre les intérêts français pendant la guerre gréco-turque, attendront cependant encore jusqu’en 1923 avant d’être enfin rapatriés.