Propositions sur les migrations : qu’en pensez-vous ?
Toute question touchant les migrants est à prendre avec précaution. Deux camps se font face aux points de vue diamétralement opposés. On pourrait sommairement caractériser les extrêmes en disant : ceux qui sont pour refuser toute arrivée de migrants et ceux qui voudraient ouvrir les portes sans limitation.
Comment qualifier la solution : épineuse, ardue, impossible infaisable, introuvable ? Lequel de ces adjectifs vous paraît être le plus prês de la réalité ?
Les pays « accueillants »
A sein de l'UE, nous le constatons, il semble qu’on ait abandonné l’envie d’un objectif commun : c’est chacun pour soi. On distingue :
- Des pays aux portes cadenassées : les Hongrois, les Polonais, etc… Nous constatons que la question des migrants provoque : soit de plus en plus l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, soit la montée des partis d'extrême droite voulant préserver le statu quo démographique identitaire actuel, soit aussi l’attirance pour des hommes politiques censés être plus protecteurs de l’identité réelle ou symbolique de la population originaire installée depuis plus longtemps dans le pays.
- Les pays aux portes ouvertes involontairement : la Grèce et l’Italie, ils doivent faire face seuls aux afflux des migrants, si ce n’est l’aide de Frontex (cette aide est-elle suffisante ?), mais, pour l’accueil, les deux sont bien seuls.
- les autres, les pays aux portes entrouvertes : la France entre autres, qui refoule tous les immigrés venant d’Italie. En fait, nous laissons les Italiens se débrouiller tout seul. Et pour ce qui nous concerne nous recevons mal ceux qui sont déjà sur notre territoire, ce qui n’est pas acceptable.
- Les pays ouverts et qui se referment : l’Allemagne. A. Merkel a perdu sa majorité sous les attaques de l'extrême droite. Malgré le nombre, tous ces réfugiés sont bien accueillis, les problèmes soulevés semblent bien moins fréquents qu’en France.
La situation en Afrique
Et si l'on en croit les chiffres donnés par Serge Michaîlof (1) la situation deviendrait très difficile à gérer. S. Michaïlof est l’ancien directeur des opérations à l'AFD (Agence française de développement). Il a été aussi un des directeurs de la Banque mondiale. Prenons l'exemple du Niger, pays sahélien par excellence : à son indépendance, le pays comptait environ 3 millions d'habitants. Dans les années 80, la population atteignait 7 à 8 millions. En 2016, elle atteint 19 millions.
Quelle que soit l'évolution du taux de fécondité, la population sera supérieure à 40 millions en 2035. Entre 2035 et 2050, la population peut varier de 89 millions si la fécondité est identique à celle d’aujourd’hui (7,6 enfants par femme en âge de procréer) à 63 millions pour un taux de fécondité considéré comme minimum par rapport à la situation actuelle. On peut espérer, comme le pensent certains organismes internationaux, que l’élévation du niveau d’éducation des femmes et du niveau de vie global contribuent à diminuer cet impact démographique.
Le Niger n’est pas la République démocratique du Congo, il a un problème majeur comme la plupart des autres pays du Sahel : la pluviométrie. Pour l’agriculture, 400 mm d’eau par an minimum sont nécessaires. Au Niger, seul 8% du territoire reçoit cette pluviométrie. Vous imaginez la situation. En France, la pluviométrie de 81 à 2010 a été en moyenne de 1451 mm à Biarritz et 515 à Marseille. Les pays d’Afrique sahélienne ne sont pas les seuls concernés par les migrations, bien d’autres pays d’Afrique sub-saharienne le sont également, ainsi que les trois pays du Maghreb. Prenons un des pays du Maghreb : la Tunisie, pays le plus en difficulté parmi les trois. En effet, le Maroc se développe mais avec beaucoup d’inégalités, et l’Algérie qui a également beaucoup d’atouts pour réussir, piétine du fait d’une classe dirigeante prédatrice et qui apprécie de rester au pouvoir.
Que peut-on faire ?
PROPOSITIONS : un revenu de base pour des jeunes de 17 à 25/28 ans
Au cours de la campagne présidentielle, un candidat, Arnaud Montebourg a évoqué un plan Marshall pour l’Afrique. Plutôt qu’un plan Marshall qui s’adresserait aux Etats, ne vaudrait-il pas mieux en faire bénéficier les individus ou tout du moins une partie de la population ?
Plusieurs pays du Sahel ne pourraient-ils pas mettre en place avec la coopération étroite des bailleurs de fonds, des programmes de revenus de base (RB) ?
Des revenus de base pour des jeunes des pays du Sahel les plus pauvres : Niger, Tchad, Mauritanie. Et la Tunisie, pays où les jeunes se désespèrent malgré la Révolution qui a chassé Ben Ali.
Des programmes ont lieu en Afrique, en Namibie par exemple. Programme mis en place dans un village par les églises et les syndicats. Les résultats sont surprenants. Nous devrions nous en inspirer et bien étudier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Pourquoi ne pas tenter la même solution pour 2 à 3 millions de jeunes de 17 à 25/28 ans, filles et garçons, qui recevraient ce RB pendant deux ans avec une interruption d’une année de versement ? Certains voudraient que le montant soit réduit la seconde année. Il faudrait que les mécanismes administratifs de distributions, sans doute difficiles à mettre en place, soient bien étudiés, pour que les allocations parviennent bien à ceux qui devraient en bénéficier.
L'UE face à l'afflux des réfugiés
L’UE a conclu un accord avec la Turquie pour permettre à des réfugiés, essentiellement syriens, de rester en Turquie, pays frontalier de la Syrie. Coût pour l'Europe : 3 milliards d’euros, il va être renouvelé.
Le SMIC dans les pays d’Afrique les plus pauvres tourne autour de 45 euros par mois soit environ 30 000 FCFA (540 euros par an). Cette somme serait versée pendant 2 ans puis d’autres en bénéficieraient à la suite. Si 5 millions de jeunes de 17 à 25/28 ans (moitié de filles, moitié de garçons) bénéficient de ce RB dans les 4 pays du Sahel, le total nécessaire serait de 2,25 Mrds d’euros par an.
On y ajouterait la Tunisie où le SMIC pour 40 heures est de 117€ soit 1404€ par an. Les jeunes de 20 à 29 ans constituent 19,5 % sur une population de 11, 6 millions, 30% d’entre eux seraient au chômage (statistiques datant de 7 ans), soit environ 700 000. Le montant du RB pour ces 30% serait au total de moins d’un milliard d’euros. (Est-ce que le « désir d’Europe » serait enrayé chez ceux qui bénéficieraient de cette allocation ?).
Au total la dépense annuelle serait de 3,25 milliards d’euros à répartir entre les 27 (et pourquoi pas la Grande-Bretagne, car si elle refusait, Calais serait le port à destination des côtes anglaises). Cette dépense serait répartie en fonction du PIB de chaque pays.
La France, dont le PIB représente 13,8% de l’ensemble, verserait 449 millions d’euros par an et la Hongrie (1,29% du PIB des 28) 29 millions d’euros. Est-ce coûteux ?
En France, d’après la Cour des Comptes, la dépense annuelle pour l’hébergement d‘urgence atteint 1,44 milliard d’euros en 2016 ! (2)
Les jeunes ne seraient pas livrés à eux-mêmes pendant ces 3 ans. Ils recevraient en plus de leur formation initiale (les uns sont analphabètes, les autres ont une formation secondaire et un certain nombre sont diplômés de l’enseignement supérieur) une formation à l’entreprenariat pour qu’un certain nombre d’entre eux puissent non seulement subvenir à leurs besoins mais aussi employer les jeunes de leur âge.
Ces formations existent déjà en France à l’attention des immigrés, par exemple l’association SIAD forme régulièrement des immigrés à cette fin.
Ce sujet a été traité dans un article sur le site « pupi », « Eléments de Réflexion sur la migration », signé de Xavier Bilbaut qui a été Vice-Président du SIAD. Cet article était un condensé de son livre "Choix militant au fil de la vie" (Harmattan).
En conclusion : va-t-on (peut-on ?) rester les bras croisés ?
Pour information le 23 juillet 2023 sur RFI Boubacar Seye déclarait : « Faisons plutôt en sorte que ces passeurs n’aient plus de clients en nous attaquant à la cause principale de l’immigration : la mauvaise gouvernance, le chômage endémique des jeunes, les inégalités sociales, le bradage de notre zone exclusive de pêche, les ravages écologiques causés par l’exploitation du pétrole et du gaz. »
François Escoffier 6 août 2023 (3)
Mots clefs : contribution, suggestion, proposition, solution (?)
Livret : Accueillir les migrants de Xavier Bilbault L'Harmattan 1
(1) AFRICANISTAN, l’Afrique en crise va–t-elle se retrouver dans nos banlieues ? accompagné d’un bandeau écrit par Erik Orsenna : « un portrait qui fascine et dérange ». FAYARD
(2) ce chiffre comprend le public à la rue et les migrants
(3) texte écrit en mai 2018 par Joseph Chantraine et François Escoffier sur le site www.pupi.fr