jeudi 25 avril 2013 - par Gabriel

Quelques accords de guitare

   Assis sur un banc public, le regard en oblique, Sam fait gémir sa guitare de quelques plaintes andalouses aux rythmes cadencés du bruit des souliers des badauds martelant le pavé.

   Un flot humain pressé, traversant en tout sens la citée, ignorant superbement cette mélopée ensoleillée, s’engouffre dans les bâtiments, les bus ou se fait dévorer par les bouches édentées du métropolitain. Le ballet incessant et bruyant des autos déverse à quelques mètres de lui ses particules de carburant fossile.

   Employés, patrons, écoliers, ménagères ou chômeurs, kaléidoscope humain de cette société, tous semble ignorer les notes qui caressent leurs oreilles et qui essayent de pénétrer leurs conduits auditifs pour leurs dire : « Ecoutez, déstressez, n’oubliez pas que vous aller mourir alors stop ! Prenez votre temps, celui de vivre, de ressentir et d’aimer ».

   Qu’est ce qui fait que presque tous court vers l’aliénation de la consommation, de la possession, de l’éphémère programmé et passe à côté des sensations naturelles et exceptionnelles que la vie leur a données ?

   Quelques uns, tournant à peine la tête, posent machinalement un peu de monnaie à ses pieds. Geste sympathique qui fait apparaître un sourire sur le visage de Sam. Ils croient qu’il est là par nécessité, ce n’est pas faux, mais celle-ci n’est pas pécuniaire mais plutôt d’ordre médical. Une thérapie de la douceur par la musique pour une foule d’humain en perdition dans ce monde d’illusions qu’elle s’est créée.

   Les hommes se soumettent chaque jour à de faux prophètes (princes de la finance), de fausses valeurs (monétaires) et ainsi, se punissent par des obligations en croyant se faire du bien. Ils s’échinent à accumuler pour pensent-ils mieux vivre mais, vivent rarement mieux par manque de temps de ce qu’ils ont accumulé. Le fait est qu’on perd de sa sérénité dans la convoitise.

  L’anamorphose affiche de façon éclatante la fragilité du paraître. L’homme ne devrait pas oublier qu’il n’y a pas de vrai, il n’y a que du vraisemblable, des perspectives à travers un prisme qui donne des propositions pour se rapprocher de la vérité.

   Les notes que font naître les doigts de Sam sur son instrument sont bien plus réelles et bien plus bénéfiques à l’esprit et à l’âme que les écrans plats, les 4x4 ou autres dérisoires phantasmes matériel qui iront à terme encombrer les décharges. Laissez tomber quelques instants vos objets, car une des principales erreurs et causes de la souffrance est d’avoir réduit le monde à la physique, à sa matière.

   Pensez autrement, une nouvelle société, un nouveau paradigme ou l’argent serait un moyen partagé et non un but convoité. Je sais c’est du rêve, mais l’utopie c’est la réalité qui n’a pas encore eu lieu et n’oubliez jamais que les apparences sont bourrées d’incertitudes et que le monde est une anamorphose car on n’est jamais au bon endroit pour juger de sa perspective réelle.

 Merci lecteur du temps consacré à cet article.



23 réactions


  • Nicolas_M bibou1324 25 avril 2013 10:15

    Merci pour cet article que je trouve très bien écrit. Ca fait du bien de se souvenir qu’on n’a qu’une vie et que ce n’est pas en étant une machine de la société qu’on pourra la remplir de bonheur.


    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 11:38

      Bonjour bibou, comme vous dites on a qu’une vie alors, autant la vivre pleinement en prenant son temps, avec le sourire et peu de dérision… merci de votre commentaire


  • rosemar rosemar 25 avril 2013 10:40

    Bonjour Gabriel


    Merci pour cet air de guitare, une bouffée d’air : pendant ces vacances, j’ai visité un village du Gard : Montpezat, avec tout autour une nature sauvage, intacte : des horizons de prairies, d’oliviers : il nous faut préserver ces espaces qui nous permettent d’atteindre notre véritable essence, notre humanité...

    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 11:39

      Rosemar, quelle chance, vous avez goûtez au bruit du silence, au vacarme du chant des oiseaux et du vent dans les branches et c’était, je n’en doute pas, plus agréable et valorisant que de lécher les vitrines des boutiques un samedi après midi dans la pollution sonore d’un centre commercial. Cordialement 


    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 12:59

      Une partie de la tristesse qu’on lit sur les visages citadins est sans doute due à la grisaille des constructions urbaines, à la circulation engorgée, aux horaires obligatoires et incompressibles. Entre les murs de la cité, des millions d’individus méfiants se croisent sans se regarder, se parler, partager... Restez dans votre village au milieu de vos champs et de vos forêts car il n’y a pas d’endroit plus reposant pour méditer sur la vie et la chance de jouer une de ses partitions.


  • gaijin gaijin 25 avril 2013 12:28

    " Pensez autrement, une nouvelle société, un nouveau paradigme ou l’argent serait un moyen partagé et non un but convoité. Je sais c’est du rêve, mais l’utopie c’est la réalité qui n’a pas encore eu lieu « 
    dans une interview brel disait
     » la folie c’est de voir le monde tel qu’il est et non pas tel qu’il devrait être "
    a méditer ....


    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 13:04

      Gaijin, le grand Jacques avait vu juste et quand on lui demandait ce qu’il représentait, il répondait : « Rien de plus que quiconque, nous ne sommes qu’une suite d’incidents biologiques doué de raison… » L’important est de ne pas dévoyer cette raison et d’en faire bon usage. 


  • lulupipistrelle 25 avril 2013 13:11

    Le contrepoint : je baigne dans les ondes sonores des accords de guitare, entre deux concertos de violon... et ça jusqu’à 3 h du mat... 

    Vous comprenez sans doute maintenant Monsieur Pelletier pourquoi je viens me noyer dans vos textes... il y a des moments où il faut faire le break... Observez, je vous prie, qu’à haute dose , la musique n’adoucit pas... 
    Sinon, pour me délasser et m’attendrir , je préfère jouer avec mes chatons

    • lulupipistrelle 25 avril 2013 13:15

      Excusez mon lapsus, je m’adressais à Gabriel, bien sûr, mais j’étais encore sous l’influence de l’autre.


    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 13:30

      Lapsus pardonné lulupipistrelle. Merci de vous baigner dans les eaux de ce texte et donner votre avis sur sa fraîcheur, vous êtes la bienvenue. Quant à la musique à haute dose, je vous l’accorde elle n’est pas toujours adoucissante d’ailleurs cette citation de Woody Allen rejoint votre analyse : « Quand j’écoute trop Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne… »


    • lulupipistrelle 25 avril 2013 16:22

      Très très bon...

      Heureusement que j’ai pas un orchestre symphonique à la maison...

      Mais je déconseille aussi le jazz à forte dose...


  • kane85 kane85 25 avril 2013 13:34

    Merci de ce texte plein de mélodie.

    Chez nous, en ce moment, le coucou chante !... Coucou ! Coucou ! Coucou solitaire cherche belle pour chanter au soleil et plus si affinité !

    Il me réponds de temps en temps quand j’essaye maladroitement de l’imiter à la tombée du jour...

    L’assourdissant bruit du silence coupé de temps à autre par un magnifique Coucou ! Que du bonheur !

    Bonheur que j’aimerais tant que les citadins puissent goûter pour qu’ils comprennent à quel point la ville est silencieusement bruyante et stressante !


    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 13:44

      Méfiez vous tout de même un peu de ces cuculidés, leur spécialité est de squatter votre lit quand vous l’avez quitté. Merci de votre passage sur ce post black panther…


    • kane85 kane85 25 avril 2013 13:53

      Je sais, je sais Gabriel ! Ces adorables chanteurs sont d’abominables squatters... smiley

      Mais comme il est agréable, le chant du coucou à la tombée de la nuit !!!

      Cher archange, que la journée vous soit belle !


    • cevennevive cevennevive 25 avril 2013 14:10

      Bonjour à tous,


      Et en mai/juin, la nuit, le chant du rossignol, qui résonne dans les bois silencieux : tu... tu... tu... TirluIttt en prélude. Puis suivent des trilles magnifiques, des arpèges incroyables. Du Mozart !

      Bon... En ce moment, mon voisin démonte son vieux tracteur depuis quelques jours. Imaginez les coups de marteau sur la ferraille ! Les autres voisins font marcher débroussailleuses, tondeuses, motoculteurs... Un peu plus loin, des maçons refont une charpente...

      Tout cela pour vous dire : ne venez pas à la campagne, n’y venez surtout pas !

      Allez, Gabriel, je rigole : le silence de la nuit, ici, est si palpable que l’on peut entendre le petit bruit que font les hérissons courant sur les feuilles. Puis, de temps en temps, le cri effrayant de la chouette chevèche qui troue la nuit vous fait sursauter (j’ai ma chouette dans le grenier, fidèle habitante à titre gratuit, mais qui paie un peu de loyer en assassinant mes souris)

      Quel bonheur que le silence habité (car le silence total est mauvais présage dans la forêt vierge, n’est-ce pas ?)

      Cordialement.

    • cevennevive cevennevive 25 avril 2013 14:19

      J’oubliais : ce matin, au marché de Bessèges, un tout jeune adolescent (11, peut-être 12 ans) jouait de l’accordéon entre les étals (très bien d’ailleurs).


      Ici, dans cette petite bourgade, les gens ne passaient pas devant lui avec la mine grisâtre, empreinte d’indifférence. Ils s’arrêtaient, écoutaient, puis donnaient la pièce.

      Personnellement, lorsque j’allais à Paris, pour mes études d’abord, puis un peu pour des conférences, je m’arrêtais toujours devant les musiciens du métro. Il y avait de véritables virtuoses.

      Et j’étais toujours étonnée de voir ce troupeau de parisiens indifférents passer à toute vitesse devant eux. D’ailleurs, s’il y avait des « ravis » comme moi, ils faisaient partie des provinciaux. Je le sais, je leur parlais, ils me répondaient... Et il n’y a que des provinciaux pour se parler à Paris, n’est-ce pas ?

    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 14:33

      Bonjour cevennevive, 

      Une vie de ruralité peu paraître pour certain un luxe qu’ils ne peuvent s’offrir, du moins le pensent ils à cause des choix à faire trop important à leur yeux. Le principal c’est l’Eden que nous construisons dans nos têtes et nos cœurs, le lieu géographique n’a guère d’importance bien qu’il soit plus agréable hors des villes. Un petit salut à la noctambule qui vieille à la non prolifération de vos rongeurs. Cordialement


    • Gabriel Gabriel 25 avril 2013 14:36

      @cevennevive

      Et oui que voulez vous, on n’est jamais aussi bien isolé que dans une foule qui s’ignore…

  • rocla (haddock) rocla (haddock) 25 avril 2013 20:31

    Les arts de la rue . 


    Joli sujet d’ article en perspective . 

    Amuseurs saltimbanques bonimenteurs tricheurs au boneteau chanteurs de rues 
    jongleurs conteurs gonfleurs de ballons en forme de chiens mimes cracheurs
     de feu acrobates camelots cyclistes à une roue montreurs de perroquets 

    où sont passés les moins que rien qui valent plus que tout ?

    • Gabriel Gabriel 26 avril 2013 07:47

      Bonjour capitaine, belle remarque humaniste que vous faites là : « Où sont passés les moins que rien qui valent plus que tout ? » Cordialement. 


  • Bobby Bobby 25 avril 2013 20:41

    Bonsoir,

    Article bien écrit et chantonnant... deux bonnes qualités !

    Ici le merle chantait ce matin, c’est peut être lui qui m’a incité à faire une longue promenade à bicyclette cette après-midi ?

    De plus en plus de musiciens de rues dans les villes, ceci dénonce à mon sens l’inéquation de l’économie capitaliste moribonde monsialement adoptée... mais changer drastiquement de paradygmes, condition essentielle à notre simple survie à tous, va demander plus qu’un petit effort...

    Bon courage !


    • Gabriel Gabriel 26 avril 2013 07:47

      Exact Bobby, changer de paradigme va demander plus qu’un petit effort. Je pense que chacun doit commencer par faire un travail sur lui-même en changeant sa façon d’aborder la vie et en revoyant ses priorités. Pensez globalement en agissant individuellement pour le bien général. La terre est un bateau et nous sommes tous ses passagers, à mal la traiter, tous nous allons couler…Merci de votre passage.


  • norbert gabriel norbert gabriel 26 avril 2013 18:26

    Jolie musique des mots .. et des notes en filigrane... Merci.


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