Rien ne marche dans un système politique où les mots jurent avec les choses ( Napoléon )
Après avoir donné à Marine Le Pen une résonance médiatique sans aucun rapport avec l’intérêt réel de ses propositions politiques fort frustes qui allient les extravagances du café du commerce à l’irréalisme des moyens de leur mise en œuvre ( du moins ceux que la démocratie tolère ) on dirait bien que les médias se sont trouvé un nouveau champion imbu des apparences de la grande compétence et, en tout état de cause, décrété par ledit ensemble comme le nouveau merle blanc de l’aréopage politique : Emmanuel Macron !
Certains chuchotent que son escarcelle programmatique serait encore vide ou tarderait à se remplir.
Allons donc ! Peut-on imaginer que nos médias soutiendraient du vent !
Il est en tout cas celui qui a inspiré l’action du quinquennat, dans l’ombre d’abord, au gouvernement ensuite.
Le personnage ne manque donc pas d’intérêt, parvenant à se soustraire à ses responsabilités majeures dans le quinquennat de Hollande, pour donner l’illusion du piment et parvenant à se présenter avec l’attrait de la nouveauté.
On peut trouver que son passage au plus près du pouvoir n’est qu’une péripétie sinon insignifiante du moins sans réelle importance, qu’il n’y put développer toute l’étendue de son talent, ce que l’on veut bien croire, et qu’il nous propose aujourd’hui d’y goûter pleinement.
Quoi qu’il en soit, il faut en tout cas lui reconnaître un art consommé à se donner des airs de Parangon de vertu qui se met au service du peuple.
Il se revendique ET de gauche Et de Droite, réalisant cette synthèse qu’une partie de la population appelle ingénument de ses vœux : l’union nationale de toutes les bonnes volontés, censées se partager la mission de redresser la France.
Il est indéniable que Macron réalise - en petit - sur son nom une coalition idéologique élargie, celle que les institutions dépassées de la Ve République empêchent au niveau de l’Exécutif condamnant en plus presque mécaniquement le camp vaincu à l’opposition de principe aux actions de la majorité victorieuse.
Cette dernière peut être elle-même, comme on l’a vu, écartelée entre courants parfois opposés mais le système électoral dissuade fortement les récalcitrants de faire sécession.
Bref ce gouvernement de coalition que les institutions dépassées de la 5e République rendent pratiquement impossible, Macron le réalise sur sa personne ( nul doute qu’il trouvera les collaborations si le destin lui est favorable ) et pour le moment, si l’on en croit les indicateurs d’opinion, ça marche plus ou moins .
Au reste, si Macron est, comme on le prétend, une imposture, c’en est une qui remplit les salles tandis qu’un Valls ( pour prendre son équivalent enlisé au PS ) pérore devant des assemblées clairsemées de prébendiers, d’affidés, de redevables avec peut-être qui sait ? l’un ou l’autre convaincu.
Par définition, la soumission de Macron à l’ordre ploutocratique ne peut être contestée et lui-même ne se donne même pas la peine de la masquer.
Cependant le personnage paraît infiniment plus lisse que ces autres qui partagent en gros ses opinions, il est sympathique, portant beau , il symbolise l’éternelle renaissance du sphinx appelé à redonner au peuple désemparé l’illusion d’une direction nouvelle, il est, reconnaissons-le en un mot, élégant dans son conformisme assumé, cet Emmanuel Macron, un vrai produit de marketing !
L’air du temps qui aime apparemment les franc-tireurs joue certainement dans son ascension un rôle non négligeable. On a d’abord très subtilement su éveiller la curiosité des masses sur ce bel inconnu et son couple atypique puis, en aiguillant les esprits à la découverte de ses propositions qui, bien qu’enracinées de longue date dans un libertarisme adouci, trouvent, exposées par Macron, un regain de fraîcheur.
Il serait hasardeux de le voir comme un simple phénomène de mode appelé à se dissiper aux premiers beaux jours du printemps car il ne manque pas d’épaisseur comme il l’a démontré en ayant déjà pris à contre-pied tous ceux qui, derrière la figure avenante dont ils espéraient se servir, n’ont pas vu les crocs de l’ambitieux.
Il parvient même à exciper de ses responsabilités majeures dans le quinquennat de Hollande pour asseoir sa légitimité à présenter, avec l’attrait du neuf, un produit qui a encrassé le carburateur de la gouvernance hollando-vallsiste dont il était l’inspirateur.
Si révolution il y a, c’est surtout dans le renversement des perspectives qui fait croire aux Français qu’ils s’engageraient dans une autre voie en allant dans le même sens.
Sauf erreur monumentale de communication à laquelle le madré ne paraît pas jusqu’ici accoutumé, au contraire, il en maîtrise parfaitement les codes ! on peut difficilement imaginer que la baudruche macronienne pourrait se dégonfler aussi soudainement qu’elle a enflé.
Au mieux, elle pourrait se tasser au terme d’une forme de lassitude dans l’opinion.
En outre, le ressac ( tel que le connaît aujourd’hui Fillon ) fait partie de la course.
Même le socle frontiste est friable en raison justement de l’hétérogénéité de ses composantes.
Alors que Macron connaisse un coup d’arrêt voire de reflux ne contredirait pas la logique des choses.
A part le maire de Lyon et l’un ou l’autre député PS qui « affronte « un parti dont on notera la grande hésitation à déclencher les foudres qu’il annonçait pour ceux qui " trahissaient " , Macron ne devrait d’ailleurs pas nécessairement considérer comme un avantage des ralliements PS trop nombreux.
Cela ne doit pas l’empêcher de se laisser compter fleurette par Ségolène, laquelle ne rate pas une occasion ( et Dieu sait si le monde médiatique lui en procure ) de préciser tout le bien qu’elle pense de son " champion " .
Il enregistre aussi des ralliements contrastés, des personnalités un peu éteintes du Modem ou de l’UDI et beaucoup des personnes qui se détournaient de la politique se laissent séduire par son discours ripoliné.
Tous les protagonistes de cette présidentielle sont au fond plus ou moins d’accord sur l'appartenance - que d'aucuns appellent la sujétion - à l’UE qui bride toutes les initiatives et annihile tous les efforts hors cadre pour peu que l’on se fût résolu jamais à essayer de les mettre en œuvre : cette superstructure pesante, admise comme une nécessité contraignante, fâcheuse parfois mais inéluctable que seuls quelques jean-foutre voudraient encore abattre comme s’il était possible de faire refluer l’eau vers sa source !
Le lecteur attentif aura relevé que je n’ai pas évoqué les primaires socialistes qui me semblent relever d’avantage du théâtre de marionnettes que de l’exercice politique : Guignol ou Gnafron mais sûrement pas Madelon en sortira vainqueur pour prendre aussitôt le chemin de l’oubli.
On donc mettra à part Marine Le Pen et ses escouades qui ne sont d’accord sur rien et même pas entre elles et la France Insoumise qui caresse le rêve de voir la France imposer à ses partenaires un réaménagement total de la structure européenne : une illusion dont la faiblesse est de croire encore en la grandeur de la France qui imposerait sa loi dans un système dont l’Allemagne a pris le mesure…
A l’aube des élections la plupart des candidats s’engagent d’ailleurs à montrer de quel bois la France va se chauffer à tous ces empêcheurs de valser en rond de Bruxelles et, après l’élection, toutes les belles promesses se dissipent au vent mauvais.
En conséquence, il y a sans doute quelque naïveté à imaginer un démontage progressif d’un processus qui a mis plus d’un demi-siècle à se cristalliser : la roche s’est endurcie et la pulvériser équivaudrait à se pulvériser soi-même mais c’est aussi le propre des utopies d’apporter les germes d’un monde nouveau.
Et l’utopie est révolutionnaire.
Si la vie n’est qu’un passage, sur ce passage au moins, semons des fleurs ( Montaigne)