Rwanda : 20 ans après
Questions sur une terrible énigme
"En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50000 Tutsis, sur une population environ de 59000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9h30 à 16 heures, pas les miliciens et voisins Hutus, sur les hauteurs de la commune de Nyamata, au Rwanda..."
Froide relation d'un aspect d'une catastrophe d'une plus grande ampleur, menée comme un "travail" obligatoire, relatée par Jean Hatzfeld dans Une saison de machettes.
Quand le meurtre de masse devient un devoir...
Sidération ! C'est encore le sentiment qui domine...20 an après.
Comment en parler, quand l' ampleur de l'horreur rend muet, pétrifie, quand l'inimaginable nous ébranle ?
Malgré la compréhension des racines (qui ne furent pas tribales !), des causes, proches et lointaines, connues ou encore mal éclaircies, d'un tel cataclysme, l'esprit se heurte à un mur, comme après les horreurs de la Shoah, du Cambodge, celles de l'ex-Yougoslavie : comment fut-ce possible ?
Comment la mécanique de l'horreur a-t-elle pu se propager si vite et si systématiquement, pendant les 100 jours d'extermination, planifiée tous les matins, dans chaque localité ?
Comment parler de l'indicible souffrance vécue par les Tutsis et les Hutus opposants ?
La démesure de ce crime de masse inaudible met en évidence ce que nous oublions souvent : le fragile vernis d'humanité, affectant même les plus cultivés ou religieux...
Mise en évidence aussi de la normalisation de la haine, de l'incroyable force du conditionnement, de la propagande, de la haine programmée, à partir d'une histoire manipulée depuis longtemps.
Un traumatisme toujours présent, malgré le silence des survivants, celui qui suit les immenses frayeurs collectives.
La peur cultivée à jouée contre de faciles boucs émissaires
Le génocide des Tutsi n a pas été improvisé en fonction d une conjoncture. Il n était pas non plus une fatalité inscrite dans les gènes de la population rwandaise : ce n est pas un objet ethnographique. Il est le produit, très moderne, d une option politique extrémiste, jouant ouvertement du racisme comme arme de contrôle du pouvoir. Les médias qui en ont été les vecteurs efficaces l' attestent sans ambages. Mais cette mise en condition de tout un pays aurait été impossible sans l inscription durable dans la culture de la région des Grands lacs d une idéologie intrinsèquement raciste, discriminant, sous les étiquettes hutu et tutsi, des autochtones et des envahisseurs, une majorité naturelle et une minorité perverse, le « vrai peuple » rwandais et une race de « féodaux ». (JP Chrétien)
Oui, les medias ont joué un rôle clé, la propagande de la radio a été permanente, l'appel au meurtre constant, entre deux émissions de variétés.
Ce génocide de proximité a été favorisé par un intégrisme ethnique, que les occupants coloniaux ont contribué à développer très tôt, dans leur intérêt. Toujours diviser pour mieux gérer.
La vérité sur le génocide rwandais reste encore à écrire.
La part prise par la France fait encore l'objet de polémiques.
On a parlé de neutralité coupable. Certains ont fait un pas de plus :
"On a déjà beaucoup écrit sur l’histoire de la présence française à Bisesero, en particulier le remarquable livre de Patrick de Saint-Exupéry, L’Inavouable. Ce qu’il est important de retenir, c’est le geste d’Antoine pour qui la complicité de la France dans le génocide des Tutsis ne fait pas de doute, comme un pan d’Histoire qu’on peut interpréter jusqu’à plus soif, mais dont les faits sont indéniables. De la même manière qu’il y a eu un appui au régime d’Habyarimana pendant toutes les années Mitterrand, y compris avant et juste après le déclenchement du génocide, il y a bien eu des soldats français, peut-être fourvoyés, en compagnie des interahamwe sur la colline de Bisesero, où des dizaines de milliers de Tutsis ont été sauvagement assassinés. Ce n’est pas le genre de chose qui s’oublie facilement au pays des mille collines. C’est une marque indélébile entre les deux États.. Ce qu’il est important de retenir, c’est le geste d’Antoine pour qui la complicité de la France dans le génocide des Tutsis ne fait pas de doute, comme un pan d’Histoire qu’on peut interpréter jusqu’à plus soif, mais dont les faits sont indéniables. De la même manière qu’il y a eu un appui au régime d’Habyarimana pendant toutes les années Mitterrand, y compris avant et juste après le déclenchement du génocide, il y a bien eu des soldats français, peut-être fourvoyés, en compagnie des interahamwe sur la colline de Bisesero, où des dizaines de milliers de Tutsis ont été sauvagement assassinés. Ce n’est pas le genre de chose qui s’oublie facilement au pays des mille collines. C’est une marque indélébile entre les deux États..."
Le débat est loin d'être clos.