jeudi 25 octobre 2018 - par Bernard Dugué

TEMPS, ESSENCES et TRINITE

Ce billet s’adresse par la voie des connections numériques aux éditeurs versés dans les livres de sciences humaines et sensibles aux textes se réclamant d’une certaine exigence. Je viens d’achever un essai de philosophie à visée universelle, axé sur la métaphysique. Une présentation est proposée. Merci de lire ce texte et de le recommander afin qu’il parvienne aux bonnes personnes du monde de l’édition. Ce n’est qu’un geste pour la civilisation, bien plus nécessaire qu’un geste pour la planète.

 

 

PROLOGUE

 

 

1. La métaphysique serait achevée, inscrite définitivement dans le marbre de son histoire, pierre tombale recelant un cadavre ontologique, l’Etre. Ainsi pensent les philosophes après avoir lu les longs développements sur cette question rédigés par Heidegger. L’être aurait été oublié alors que l’histoire de la métaphysique s’interpréterait comme une histoire de l’être. En vérité, cette manière de pensée n’est pas forcément la plus appropriée. La métaphysique, de Platon à Nietzsche, se comprend plutôt comme une histoire des essences. Cette métaphysique a encore des choses à nous apprendre, comme du reste la théologie trinitaire et la mystique soufie. De plus, la science contemporaine offre des éléments nouveaux pour comprendre et concevoir les essences, alors nous pouvons raisonnablement penser que l’histoire de la métaphysique n’est pas achevée et que la question des essences est devant nous. Le livre ici présenté chemine autour de quelques thèmes centraux que je résume brièvement.

 

2. Remarquons en premier lieu que la métaphysique accorde une attention particulière au temps. Cette préoccupation est présente chez Platon, Plotin, Augustin. Elle est importante chez Kant et pratiquement centrale pour Hegel et même Nietzsche. Le Temps « produit » chez Nietzsche, « résout » chez Hegel et « questionne » chez Heidegger. Pour les Anciens, le temps qui fascine est celui de l’éternité, des essences fixes, immuables, alors qu’un autre temps est redouté, celui représenté par le dieu Cronos. Pour les modernes, le Temps est inséparable de l’Histoire. L’essai que vous avez entre les mains inaugure une façon inédite de considérer le temps et de l’entrelacer à trois « fondamentaux » ontologiques qui jouent de concert, la puissance, l’essence, l’être.

 

3. La physique classique utilise une conception « ordinaire » du temps, celle qui accompagne les étants et phénomènes, qui est marquée par les aiguilles d’une montre ou indiquée par une horloge atomique. Un autre temps produit du changement, des influences. C’est le temps des métaphysiciens et de la physique statistique sans oublier l’évolution. Les trois déterminations métaphysiques, puissance, essence et être, sont des instances influentes ainsi le résultat de ces mêmes influences. La puissance sera associée au Kronos, l’essence au Kosmos et l’être au Telos.

 

4. Qu’est-ce que l’Etre ? L’Un et le Tout. Il ne peut pas y avoir de Tout sans l’Un ; en revanche, le Un peut être sans le Tout. L’Un est plus que le Tout et c’est ce qui lui permet d’ajouter du Tout ou Tout, de l’être à l’étant, par la médiation des essences. Il faut penser deux différences, la première étant la différence ontologique entre l’essence et l’étant (l’ouvert par la puissance) ; la seconde étant une distance plus qu’une différence, une distance ontologique entre les essences et l’Etre. Ce qui se décline en distance ontologique entre le Un et le Tout. Cette distance peut être réduite mais jamais abolie. Le Un effuse. Le Tout se traduit par de possibles résonances entre les essences particulières. Le philosophe qui se dispose comme partie du cosmos (vécu comme Dasein) est capable de saisir ces résonances avec son intuition. Comment le Tout advient-il ? Comment prendre conscience des relations déterminant l’ordre du Tout ?

 

5. Homo Sapiens s’interprète comme un animal métaphysique, qui installe les choses, la nature, la ville, le monde. Un animal qui utilise sa mémoire pour perfectionner ses actes, ses actions, ses opérations. Sapiens est un homme de la technique. Quelques siècles avant notre ère apparaît l’animal « plus que métaphysique ». La période axiale se dessine dans plusieurs régions du monde et voit l’avènement d’hommes singuliers ayant un lien avec le cosmos, les dieux et la nature. Ce sont les sages. Ils sont d’un temps (d’une essence) qui a dépassé la métaphysique, capables de s’accorder à l’Etre. L’une des thèses fondamentales de ce livre, c’est que l’homme naturel est inachevé et doit s’essencialiser pendant son existence avec les pratiques techniques, sociales, intellectuelles. Les hommes s’essencialisent également tout au long des processus historiques de transformation. En développant les aptitudes métaphysiques ou en se transformant pour se fonder comme un homme « plus que métaphysique » dont l’expérience n’est pas forcément facile à « dire », ce qui suppose d’élargir les possibilités du langage pour dire le dépassement de l’homme au-dessus de la conscience ordinaire. 

 

6. C’est ce dépassement qui a occupé Heidegger depuis la parution d’Etre et Temps, livre qui serait resté inachevé en raison de la faillite du langage selon l’auteur. La formulation de la pensée du Dasein est limitée par une absence de terminologie et de logiques acceptées de manière universelle (Vattimo). Voilà pourquoi Heidegger a dû introduire nombre de néologismes, radicalisant de ce fait son discours pour élargir les possibilités pour dire Le Dasein, son essence et son être. C’est ce qui transparaît en lisant son manuscrit de 1938 sur l’Ereignis (publié après sa mort). Si la langue germanique est privée de ressources pour exposer une pensée de l’Etre, ne dispose-t-on pas d’une langue française qui elle, est puissamment enracinée dans le latin et le grec, deux langues anciennes ayant été travaillée pour dire les réalités perçue par une conscience élargie, en résonance avec la nature, le cosmos et Dieu ? Au fil de la rédaction de cet essai, la langue française s’est montrée avec des possibilités sans doute sous-estimées par nos philosophes. Le français et d’autres langues telles le sanscrit, l’hébreu, le grec, le latin, l’arabe classique, sont façonnés pour écrire des textes savants en liaison avec les gnoses élaborée dans les différentes cultures.

 

7. La thèse centrale de ce livre nous ramène à la question de l’Etre à laquelle est apportée une réponse. Mais auparavant, on aura remarqué une confusion immémoriale entre l’être et l’essence. Après avoir cheminé avec le Sapiens métaphysique, on exposera la doctrine du dépassement en énonçant que l’être est ce qui avec l’étant rend possible et effectif la constitution des essences. En s’essencialisant avec la participation de l’Etre, l’homme et l’Etre se rapprochent sans fusionner. Pour que l’Etre se rapproche de l’essence humain, il faut que l’homme se soit ouvert à l’étant. D’où une réciprocité, l’essence s’ouvre vers les étants et s’ouvre aux étants, elle donne et reçoit. Alliée à la puissance, elle produit ou dévore, détruit. Kronos est le principe de la puissance. Et si l’Etre est associé au Telos, alors nous allons vers l’Etre, vers un accroissement d’être. La téléologie est la fin de la métaphysique, l’eschatologie est la destination par-delà la métaphysique.

 

↕ Présence, ouvert, étant, scène du monde

↕ Puissance

Essence

↕ Etre

 

L’être devient présent et s’offre comme ouverture par la médiation de l’essence alliée à la puissance (spin de l’essence et de l’étant). La puissance permet l’expérience métaphysique des étants, l’ouverture, la rencontre et souvent la confrontation ; elle permet à l’essence de s’enrichir et de se fonder par le retournement vers l’Etre (périchorèse de l’essence et de l’Etre). Le principe universel de l’Etre, c’est qu’en tant que principe du Tout, son efficace rend possibles et effective les relations d’essence à essence. En se reflétant dans l’Etre, une essence se projette au-delà de la singularité qui détermine dans l’ouvert la forme de son étant.

 



6 réactions


  • Decouz 25 octobre 2018 09:28
    La métaphysique n’est complète que par considération du Non-Etre, ou mieux de l’indétermination (le Tao), cette formulation négative ou non déterminative est présente régulièrement dans les métaphysiques orientales, plus rare dans la philosophie ou théologie occidentale qui reste « au niveau » de l’Etre, donc d’une affirmation certaine à la fois d’un principe et en conséquence des êtres/évènements contingents.


    • Tzecoatl Claude Simon 25 octobre 2018 16:31
      @malko

      Entre le crawler relevant les témoignages sur le web, le microscope électronique étudiant les nutriments et minéraux sur les différents tissus, la base de données génomique, le genre, l’âge, le mode de vie, les risques du mode de vie, intégrer toutes les expertises, l’accessibilité à des produits frais et locaux, j’avais envisagé de développer une appli, mais c’est hors de mes champs de compétences. C’est vaste, sans parler des biais des concepteurs, et de la nécessité de retour sur consulting.

  • Decouz 25 octobre 2018 10:41
    Puis il a des problèmes de vocabulaire, chaque système est en effet une globalité qu’il convient ou non d’admettre et dans laquelle les mots/concepts se référent les uns aux autres.
    Est on platonicien, aristotélicien ?
    D’un point de vue à l’autre les termes en arrivent à avoir des sens opposés.

  • Taverne Taverne 25 octobre 2018 17:07

    Il y a de l’Etre là où il y a connexion avec l’essentiel : la Nature, la Vie, l’Univers. Tout ce qui est essentiel (= rapport au grand Tout) enrichit l’Etre : ce que j’ai cité et aussi les relations humaines profondes. Malheureusement aujourd’hui l’Etre est happé par le Moi qui ne se définit plus que par l’image qu’il donne de lui-même. L’Etre est cantonné au second plan à cause des exigences infinies du Moi.

    L’image, toujours l’image ! Les chaînes de bavardage en continu, aussi bien que les politiciens, montrent un bel exemple de ce je veux essayer de dire. La réaction immédiate constamment exigée de l’individu ne permet pas à l’Etre de s’épanouir comme il le faudrait. Elle le prive même de son droit le plus légitime qui est celui de penser par lui-même !

    En résumé, je dirai que ma conclusion est contraire à celle de l’article : nous progressons toujours dans la voie du rétrécissement de l’Etre et non vers son agrandissement. Moins relié au tout, jeté perpétuellement dans l’anecdotique et l’outrance, nous ne creusons plus notre sillon...


  • Taverne Taverne 25 octobre 2018 17:10

    La trinité existe en effet. Ne serait-ce que parce que nous sommes soumis au temps qui a trois dimensions (du moins selon ce que l’entendement humain y voit...). L’Etre vit donc tout à la fois dans le passé, dans le présent et dans le futur tel qu’il l’anticipe. Rien que cette évidence atteste de l’existence tridimensionnelle et d’une trinité essentielle.


  • rogal 26 octobre 2018 12:54

    Pourquoi ne pas s’orienter vers l’auto-édition, maintenant bien développée ?


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