mercredi 15 avril 2020 - par
Traitement à la chloroquine : un traitement aux effets secondaires totalement aléatoires ?
Cette tribune libre, publiée à titre strictement personnel, ne saurait engager en rien le Centre national des indépendants et paysans.
L'article ci-joint de bfmtv.com
apporte un élément essentiel, peut-être décisif, à la controverse actuelle sur la chloroquine. Cet élément ne réside pas dans son titre, car il est bien connu que la chloroquine peut avoir des effets secondaires graves, surtout quand elle est prescrite aux doses du protocole Raoult. Il réside dans son dernier paragraphe, qui nous dit de manière implicite ceci :
1) la chloroquine provoque des effets secondaires éventuellement mortels, qui ne peuvent être traités qu'à l'hôpital ;
2) la survenance de ces effets secondaires est aléatoire à un point tel que le médecin ne peut les anticiper, et donc que N’IMPORTE QUEL patient, au-delà des patients pour lesquelles la chloroquine est contre-indiquée, peut en être l’objet ;
3) le nombre de décès ainsi provoqués est tel que le "rapport vies sauvées/vies perdues" est défavorable.
Le point 1) est connu depuis fort longtemps. Il est un risque accepté (comme pour les vaccins), en raison de la forte mortalité liée au coronavirus ;
Le point 3) relève de comparaisons statistiques bien difficiles à effectuer en peu de temps. Peut-être l'étude mentionnée clôt-elle le débat ; peut-être des études contradictoires le relanceront-elles. On se trouve au coeur de la médecine de santé publique, et le non-médecin ne saurait rien dire à ce propos.
Le point 2) est le point crucial. S'il se vérifiait, il mettrait en cause tout ce qui a été dit à propos des contre-indications de la chloroquine, qui sont connues depuis des décennies (troubles cardiaques, diabète...). Et en effet, un médecin qui prescrirait de la chloroquine à un diabétique commettrait une faute lourde susceptible, contrairement à une faute légère, d'engager sa responsabilité pénale.
Il est très étonnant qu'un médicament bien connu puisse provoquer des effets secondaires mortels DE FACON TOTALEMENT ALEATOIRE CHEZ UN GRAND NOMBRE DE PATIENTS (bien au-delà, donc, des cas médicaux ne pouvant avoir été détectés par un médecin mettant en oeuvre toutes les règles de l'art). Serait-ce lié au caractère massif des doses prescrites dans le cadre du protocole Raoult ? En tout cas, s'il en allait ainsi, toutes les revendications tendant à rendre aux médecins de ville leur liberté de prescription de la chloroquine tomberaient d'elles-mêmes, puisque les effets secondaires ne peuvent être traités qu’à l’hôpital.
Mais en est-on bien là ? Un non-scientifique ne peut proposer qu'un raisonnement logique fondé sur des faits scientifiques qui lui sont donnés, ou sur des évidences logiques. Si ces faits sont remis en cause de façon irréfutable, le raisonnement tombe.
Si le point 3) provenait d'un organisme officiel helvétique ou scandinave, il serait hautement crédible, sous réserve d'une éventuelle remise en cause d'ordre scientifique. Venant d'un organisme officiel français, il est certes à prendre en considération, mais on ne peut que penser à bien des fâcheux précédents en matière sanitaire dans notre pays, ayant eu à leur source les décisions, les déclarations ou tout simplement l'abstention de tels organismes. La liste en est longue : le nuage de Tchernobyl s'arrête à la frontière ; l'ostéopathie doit être interdite ; les produits Beljanski doivent être interdits ; la vaccination anti-variolique doit être maintenue, alors que la maladie est éradiquée depuis longtemps et que ce vaccin, inévitablement comme tout vaccin, cause des morts ; l'homéopathie ne sert à rien et doit être "déremboursée" ; il faut "dérembourser" un grand nombre de médicaments parce qu'ils sont inutiles ou nocifs... alors que leur mise sur le marché a fait l'objet antérieurement d'une autorisation on ne peut plus officielle ; et, tout dernièrement, la "découverte" par l'Académie de médecine de l'utilité du masque contre la propagation du coronavirus, "découverte" excellente en elle-même, mais faite le... 2 avril 2020.
La nouvelle information évoquée ici doit donc, certes, inciter à la prudence quant à une éventuelle possibilité pour les médecins de ville de prescrire le protocole Raoult mais, au-delà, il semble qu'elle pose un point d'interrogation beaucoup plus qu'un point final. Faute de données scientifiques suffisamment fixées, le raisonnement logique n'a pour l'instant plus rien à dire sur la question. Il reste aux scientifiques à poursuivre le débat. Espérons qu'ils le feront au rythme de l'état d'urgence sanitaire !
Jean-Paul Tisserand