TRISTELAND
Je me suis réveillé ce matin dans un drôle de pays. J'étais habitué depuis des années à rigoler avec les potes en me moquant, à l'occasion de quelques blagues éculées mais toujours marrantes débitées façon potache, au zinc du bistrot du coin. L'arbitre a sifflé "la fin du match".
Drôle de sentiment lorsque - et cela m'est arrivé deux fois récemment, la serveuse du bistrot a gentiment rappelé qu'après le deuxième demi de bière, elle ne servirait plus car les consignes du patron engageaient la responsabilité du personnel en cas de souci avec les clients. Que ce soit au comptoir et sur la route. Dans mon cas personnel, le deuxième verre de bière, à 16H30, était la seule fantaisie alcoolisée que je m'étais permis dans la journée. J'ignore - et cela ne me regarde pas - quelle était la situation des copains qui se trouvaient là. Je pense que l'un d'entre eux, honnêtement, justifiait cette attitude de la serveuse. Bien que son état était bien loin de l'Ohio dans lequel je me suis parfois retrouvé il y a quelques lustres !!
Je me suis dit que je n'aimerais pas être restaurateur pour ce réveillon de la Saint-Sylvestre. Le pauvre chat n'a plus guère de gens pour fêter sa date préférée (Ah oui, je parle de Sylvestre, le copain de Titi !!) dans des conditions d'euphorie collective telle que nous, "vieux de la vieille", avons connu.
Je ne vais surtout pas entrer dans la polémique interminable de la consommation d'alcool, de tabac, de cannabis et autre saletés. Puisque ce sont bel et bien des "saletés", je le sais pertinemment. Il n'empêche que ce pays où je me suis réveillé a un ciel bien noir ce matin. La météo est effectivement nulle de chez nul et si ça continue, je passerais la dernière semaine de l'année sans m'envoyer en l'air. Au sens propre du terme... Toutefois, je ne peux m'empêcher de constater que le record de consommation de drogues en tout genre a été remplacé par celui des anxiolytiques. Les labos se frottent les mains.
L'homme, de tout temps, a été une drôle de bestiole dont la vie tient à un équilibre. Le génie et le sérieux ne sont jamais compensés que par des excès dans le mauvais sens. Combien d'artistes formidables avaient les pires défaut, notamment en ce qui concerne le tabac et l'alcool, j'oublie volontairement le reste. De Gainsbourg à l'inévitable Johnny, leur immense carrière aurait-elle été la même sans les excès de toutes sortes qui ont jalonné leur existence... Probablement non.
Les nouveaux "young leaders" du moment se composent une apparence extrêmement "clean", puisqu'on adore les anglicismes, qui, en règle générale, cachent des travers souvent bien plus nuisibles que les vieilles traditions. Quand on apprend que l'une des vedettes médiatiques du moment s'est fait piquer le nez dans la farine - ou ce qui y ressemble - la surprise de composition est de rigueur !! Ooooohh ! C'est pas pôssssibblleeuuu !! Un brave gars comme lui.
Ben oui. Sauf qu'à la différence de beaucoup maintenant, je ne suis pas surpris que ces "premiers de la classe" aient, comme les cocotte-minute une soupape de sûreté qui empêche l'explosion.
Je suis toujours émerveillé d'entendre sur les radios périphériques la pléiade d'animateurs qui jouent à qui sera le plus moralisateur, le plus répressif, voir leur succéder la publicité "Carouf" pour le meilleur champagne que le monde ait produit depuis que les escargots glissent par terre !!
Alors ? C'est oui ou c'est non ?
Comme disait ma grand-mère, dans le doute, on s'abstient.
Arrivé à un certain âge, je prends un malin plaisir à voir tout ce tas de "tristus" se prélasser dans les canapés avec le doudou à la main, sans un mot sans un cri, et juste les deux pouces qui s'agitent frénétiquement. Il paraît que c'est le nouveau "lien social". D'ailleurs, écrire correctement et surtout parler deviennent peu à peu les apanages de ces anciennes générations qui avaient l'habitude - enfin, il paraît - d'échanger des idées sans smartphone, et de façon encore plus passionnée si la bouteille préférée était proche de la fin.
Bref, pour faire court, je me dis qu'avoir été jeune dans les années 70-80 est devenu un privilège rare et savoureux. Non pas parce que c'était les fameuses "trente glorieuses" (tu parles, tiens !!), mais parce que l'époque admettais une relativité entre les qualités et les défauts de chacun qui n'est plus de mise de nos jours.
Allez !! Bon réveillon à tous et ne forcez pas trop sur... Le Lexomil !!