samedi 28 mars 2020 - par Jean-Pascal SCHAEFER

« Vingtards », une génération à inventer ?

Serons-nous les « vingtards », les « vingtenaires » ? Ceux qui ont vécu 1968 n’imaginaient pas qu’on les appellerait plus tard les « soixante-huitards », qu’ils seraient associés aux pantalons pattes d’eph, que les hommes auraient cette image de barbus-chevelus à sandales, que les femmes seraient associées à ces jolies robes courtes et à ces cheveux longs. Que leur « révolution » aurait un parfum de liberté suivie par un retour assumé dans le rang et une entrée fracassante dans le domaine du fric et du business.

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Oui, il est bien possible que l’on nous appelle plus tard les « vingtards ».

Parce que ce que nous vivons, parce que ce que nous allons vivre est unique dans l’histoire de l’humanité : un confinement à l’échelle mondiale, qui nous transforme, petit à petit, qui fait de nous une nouvelle sorte de survivants.

Certes, le covid-19 n’est pas Ebola, nous n’allons pas tous y passer.

Mais nous sommes en train de cumuler des choses jamais vues ensemble :

  • Une épidémie de grande ampleur, un peu à l’image de la grippe espagnole de 1919,
  • Le confinement lui-même, qui rappelle certains épisodes de peste noire (la grande peste de Marseille de 1720 s’est toutefois arrêtée aux portes de la Provence par une décision Royale et des mesures de confinement couronnées de succès),
  • Une crise boursière qui rappelle celle de 1929,
  • Une crise économique gigantesque qui ne manquera pas d’arriver une fois achevée cette bizarre période de confinement,
  • Et une suite qui n’est pas encore écrite.

Nous vivons une période étonnante. Certains « guerriers du confinement » s’abrutissent du matin au soir avec Netflix et autres Amazon Prime. D’autres passent leur vie sur les réseaux sociaux, ou restent connectés du matin au soir aux chaînes d’information continue.

D’autres jouent aux cartes avec leurs enfants. D’autres continuent à « télétravailler », à enchaîner des vidéoconférences, presque comme si le monde continuait à tourner normalement. D’autres se chargent de continuer à produire des denrées agricoles essentielles, de les distribuer, de les livrer. D’autres transportent les malades, ou bien les soignent.

D’autres font des stocks, se préparent à la fin du monde.

Tous comprennent que le monde que nous avons vécu est terminé. Les propriétaires voient leurs loyers qui ne rentrent plus. Les indépendants voient leurs rémunérations disparaître. Les salariés voient le chômage qui s’avance. Les agriculteurs voient leurs récoltes qui ne peuvent plus être récoltées, leurs productions qui ne peuvent plus être vendues.

Nous sommes au cœur du cyclone. Certains ont peur. D’autres sont inconscients. D’autres se préparent à la suite.

Au cœur du cyclone, tout est calme. Pas de vent. Pas de bruit. Un ciel magnifique. Mais nous sentons tous, nous savons tous que le vent va venir, que la tempête va se déchaîner, que les pluies vont être violentes.

Après la tempête, qu’allons-nous faire ? Recommencer comme avant ?

Le monde d’avant imagine que l’injection massive de capitaux va permettre de recommencer. La fameuse courbe en V.

Malgré nos convictions, malgré nos rêves, malgré Greta, nous les aimions bien nos voyages en avion au bout du monde en low-cost, notre SUV dernier modèle, notre écran plasma, notre chauffage à fond l’hiver, notre climatisation réglée au max en été.

C’est déjà le passé. 2020 sera une ligne de rupture. Et cela s’appliquera à toutes les générations d’aujourd’hui, des adolescents aux adultes mûrs.

Hier, même pour ceux qui se pensaient pauvres, mal considérés, un temps béni.

Demain, un temps de privations. La décroissance dont finalement personne ne voulait, la voilà.

« Sobriété heureuse » ? 

Sobriété, c’est certain.

Heureuse ? Immédiatement après le choc, certainement pas.

Ensuite, on verra. Cela sera à nous de limiter la casse et de reconstruire.

Nous ne serons pas les soixante-huitards. Nous serons les vingtards, et j’espère que nous lèguerons au monde autre chose que des rêves de Rolex.



8 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 28 mars 2020 14:56

    Dans tout ça, le plus factuel est la crise financière en cours et la catastrophe économique qui s’annonce. Le reste est une anticipation sur le contrôle de la société par les dominants.


  • Rincevent Rincevent 28 mars 2020 18:35

    Ces derniers temps, les plus lucides d’entre nous tendaient le dos en attendant une crise plutôt financière, due à un système devenu fou, qui associe libéral (tout doit être profit/privé) et libertaire (tout désir est consommable, tout de suite). La seule incertitude était quand, les vertus de la planche à billets arrivant un jour ou l’autre à bout.

    Au lieu de ça, nous arrive un ‘’bête’’ problème sanitaire, ponctuel, à priori maitrisable, pas de quoi bouleverser vraiment le système. Sauf que, là, le dit système avoue très vite ses limites, et pire une organisation et un fonctionnement qui favorisent et aggravent cette crise. Il sait vous livrer un smartphone en 24/48h mais est incapable de fournir en temps utiles des équipements aussi basiques que des masques en papier…

    Quand ce virus sera épuisé, viendra le temps des bilans. Comptes à rendre de la part de nos ‘’responsables’’, bien sûr, mais pas que. C’est à une véritable remise en cause générale de cette mondialisation à la con qu’il faudrait s’atteler avec, en premier, une remise à plat de ce qui fait nos valeurs essentielles (gros mot, je sais). Et là, je suis (très) modérément optimiste. Une fois la peur passée, quoi de mieux qu’une bonne orgie de consommation pour oublier tout ça, hein…

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  • rogal 29 mars 2020 03:34

    « Soixante-huitard » devait quelque chose à « quarante-huitard » ; du XIXe bien sûr.


    • Jean-Pascal SCHAEFER Jean-Pascal SCHAEFER 29 mars 2020 12:21

      @rogal
      Merci pour ce rappel érudit (pour moi, l’érudition est une qualité, autant le préciser). Comme quoi, « l’histoire ne se répète pas, elle bégaie ».


  • McGurk McGurk 29 mars 2020 22:05

    C’est déjà le passé. 2020 sera une ligne de rupture. Et cela s’appliquera à toutes les générations d’aujourd’hui, des adolescents aux adultes mûrs.

    Hier, même pour ceux qui se pensaient pauvres, mal considérés, un temps béni.

    Demain, un temps de privations. La décroissance dont finalement personne ne voulait, la voilà.

    Bonsoir Irma.

    Moi je ne lis pas dans les boules de cristal ni les capotes usagées.

    2020 n’est rien du tout qu’une date bien réelle sur laquelle vous avez collé vos idéaux fictifs de « déconstruction » et de « souffrance ». Il n’y aura pas plus de changement sociétal après la contamination qu’il n’y en a eu juste avant.

    Tout est prêt pour repartir de plus belle. Au détail près qu’on aura, de fait, perdu à peu près toutes nos libertés car bridées même en ce moment par les hommes de pouvoir qui n’en ont jamais assez.

    Je refuse catégoriquement d’être l’une des générations sacrifiées. On est au 21ème siècle et on a assez de ressources (dans tous les sens du terme) pour que tout le monde s’en sorte.

    Cette « génération » n’aura pas d’effet sur le cours des évènements, contrairement à ce que vous pensez. Il n’y a plus d’échappatoire dans une société autocratique dirigée par un pouvoir monarchique lui-même piloté par un pouvoir despotique délocalisé dont la seule vocation est le business et la destruction des structures nationales.

    La seule manière de changer de société, c’est la mort de l’UE. Et encore, ce n’est que le premier pas...

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    • Jean-Pascal SCHAEFER Jean-Pascal SCHAEFER 31 mars 2020 12:27

      @McGurk
      J’entends votre point de vue.
      Néanmoins, regardons un peu le passé.
      Certes, la crise de 2008 pourrait nous faire penser que rien ne changera.
      Mais 2020 n’est pas 2008, l’écroulement économique va davantage ressembler à 1929 (peut-être en pire) qu’à 2008.
      Voir par exemple ce qui se dessine pour l’Allemagne ici : https://www.usinenouvelle.com/editorial/covid-19-l-allemagne-ouvre-les-vannes-pour-sauver-son-economie.N944746

      Ensuite, regardons ce qu’a fait Roosevelt dans les années trente. 91% d’impôt sur le revenu des plus hauts revenus, au lieu de 25%. Ça, ce n’est pas business as usual.

      A la racine du mal, selon moi, il y a l’incroyable montée en puissance de transnationales et des groupes d’intérêt. Ca commence à se voir, notamment à l’occasion des critiques démentielles qui ont été adressées à la chloroquine. Et quels que soient les espoirs, fondés ou non, que l’on met dans cette molécule et son association avec l’azithromycine.

      Cette montée en puissance a permis l’accession au pouvoir de dirigeants toujours plus favorables au gros business, et effectivement, d’organisations qui de fait, leur ont facilité la vie. C’est le cas de l’UE.
      Mais là, on commence à voir les limites de ce système. Les citoyens le voient, et les gouvernements se rendent compte, qu’ils auront du mal à tenir leurs peuples dans l’ignorance. Même en Chine où le mensonge sur les décès apparaît désormais patent.

      C’est pourquoi, oui, je reste optimiste sur le fait que des citoyens puissent reprendre la main. Mais ce sera long et difficile. Pas un chemin bordé de roses.

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    • McGurk McGurk 31 mars 2020 16:11

      @Jean-Pascal SCHAEFER

      Vous vous méprenez sur un point. Nous n’avons plus de conscience nationale, contrairement aux autres pays.

      Je suis allé l’année dernière au Luxembourg et je peux vous dire qu’il n’y a pas un seul drapeau de l’UE (à part dans le quartier où elle est implantée). Des drapeaux nationaux partout ! Tout comme l’Allemagne sait qui elle est réellement, càd pas un des dominions de l’UE.

      Ce qui nous rassemble, nous, Français...ce sont les matchs de foot...Ou ici une colère qui se dissipera bien vite lorsque le quotidien sera de retour. On ne refonde pas une nation sur la haine.

      Aucune vision d’ensemble car baignés par le fait que « l’UE c’est tout ». Au fond, Macron avait raison sur un point essentiel : la France c’est quoi...(lorsqu’on a détruit ses idéaux et sa réalité) ? Une vulgaire province.

      Honte à nous d’avoir laissé faire alors que des générations de Français ont été rayées de la carte pour nous permettre de survivre.

      D’autre part, à quoi sert de voter ? En temps normal, aucun représentant ne représente. Et les décisions sont prises en amont (parlement UE) pour donner l’illusion que nous avons encore le choix (sinon ce sont les multinationales qui le font pour nous).

      Pour « reprendre la main », il y a cinq choses importantes à faire : sortir de l’UE, reconstruire une identité nationale, rétablir notre système de santé/retraite/administratif, créer un comité de surveillance citoyen pouvant invalider les décisions politiques même au plus haut niveau, rendre la presse/justice indépendante.

      L’ « élite » ne doit plus être intouchable même le président. C’est à la condition qu’il savent qu’il sont sur un siège éjectable qu’on pourra, par la peur, rétablir un semblant (pour commencer) de souveraineté populaire.

      Super programme semé d’embûches...résultat...dans quelques siècles ?

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