lundi 7 septembre 2009 - par Olivier Bonnet

Y a-t-il un journaliste pour ouvrir le code pénal ?

C’est tout bonnement hallucinant. Le parquet de Paris décide de classer les plaintes contre François Pérol sans suite en arguant, cité par Le Figaro : "Dans son avis, le parquet de Paris précise ainsi que « les autorités compétentes dans l’opération de rapprochement et du soutien financier de l’Etat étaient le ministre des Finances (via la Direction générale du Trésor et de la politique économique) et le gouverneur de la Banque de France » et non les conseillers de l’Elysée. La mission de François Pérol se serait donc limitée « à informer et donner un avis au président de la République sur le rapprochement des groupes Banque populaire et Caisse d’Epargne, sur le soutien financier de l’Etat et sur l’explication à donner à l’opinion publique », selon le parquet." Il en conclut donc qu’il n’y a pas "prise illégale d’intérêt". Or comment le code pénal, dans son article 432 - 13, définit-il ce délit ? "Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 Euros d’amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions". C’est ce que nous remarquions dans notre billet du 2 septembre : le parquet blanchit Pérol parce qu’il n’a fait que donner un avis alors que ce fait est précisément constitutif du délit ! Pour ceux qui ont un doute sur le texte, vérifiez donc sur le site gouvernemental Légifrance, à la page détaillant la prise illégale d’intérêt. Jusque là, c’est déjà énorme : Jean-Claude Marin, procureur de Paris et partant chef du parquet local, est un juriste des plus éminents : "D’abord avocat général à la Cour de cassation, il est nommé le 8 août 2002 directeur des affaires criminelles et des grâces, avant de devenir en 2004 procureur de la République de Paris. Il est également enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris au sein du Master Droit économique", résume sa fiche Wikipédia. Il ne saurait donc ignorer que le simple fait de donner un avis suffit à caractériser la prise illégale d’intérêt mais avance pourtant cette raison pour disculper l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée, passé à la présidence du groupe Banque populaire-Caisse d’épargne après avoir, justement, donné ses avis au président sur ce dossier, qu’il pilotait de notoriété publique. Comment expliquer cet ahurissant avis du parquet ? Nous ne voyons qu’une explication : Marin se dit que personne n’ira vérifier le code pénal et que les médias se contenteront d’annoncer que les plaintes sont classées sans suite, sans songer à contester l’argument conduisant à cette décision. Et c’est là le plus invraisemblable de toute l’histoire : ça marche !

afficheEn effet, après des recherches désespérées sur le Net, seul l’article du Figaro en lien ci-dessus cite l’avis du parquet, les autres médias se contentant d’une "source judiciaire" qui livre peu ou prou la même explication. Mais nulle part n’est pointé le fait que le code pénal contredit le parquet. Nulle part. Pourtant, l’affaire est évoquée partout. A la télé, sur les radios, dans les journaux. C’est là que nous sommes pris d’un vertige : il est proprement invraisemblable que le seul endroit où l’on peut lire cette information soit le modeste blog de votre serviteur, tenu de façon bénévole par un journaliste par ailleurs salarié de la presse locale, simple observateur de l’actualité. Dans quel état est donc l’information dans notre pays ? Question subsidiaire : y a-t-il un journaliste pour ouvrir le code pénal ?



24 réactions


  • sleeping-zombie 7 septembre 2009 13:07

    Excellent... merci pour ça :)

    Hey, ca coute cher de vérifier ce qu’on dit !
    C’est pas a la portée du premier venu... la grande majorité de la presse papier est déficitaire, tandis que les revenus de la presse « télé » n’ont aucun rapport avec la qualité de l’information...


    • Mami 7 septembre 2009 16:56

      Alors ça sert à quoi la presse, si ce n’est pas pour dénoncer les scandales ou les dysfonctionnement de l’Etat ?

      Elle ne sert plus qu’à parler de cecilia, carla , radicha ....
      Ou bien à parler d’elle même ...

      Les journalistes ont fini par me faire pitié !


    • Mami 8 septembre 2009 13:59

      600 Milions d’euros d’aide à la presse par an

      + 600 Millions sur trois ans
      http://www.lefigaro.fr/medias/2009/01/23/04002-20090123ARTFIG00483-presse-millions-d-euros-sur-trois-ans-.php


    • Mami 8 septembre 2009 14:12

      A lire sur le blog http://laplumedaliocha.wordpress.com/2009/02/28/
      « La presse a longtemps mené grand train, versant des salaires de chefs d’Etat africains, remboursant des notes de frais hallucinantes, acceptant sans broncher des coûts de fabrication et de distribution déraisonnables sous la pression de notre cher syndicat du livre. Tenez une anecdote pour que vous ayez une idée du problème : dans un grand quotidien national, un journaliste avait l’habitude d’indiquer sur ses notes de frais ” TMSP”. Je précise que dans ce journal, on pouvait sans difficultés faire passer en notes de frais l’achat d’un smoking pour assister à un cocktail. Un jour, un nouveau comptable osa demander à la star de la rédaction ce que signifiaient ces drôles d’initiales : “Tant Mieux Si ça Passe” lui répondit l’auteur facétieux. Tout cela a fonctionné néanmoins durant des décennies et il faut bien admettre avec le recul que c’était un véritable miracle. »




    • denis84 8 septembre 2009 09:31

      Et c’est là qu’il faut bien choisir son avocat
      Car il y a 2 sortes d’avocat :
      Celui qui connait bien la loi
      Et celui qui connait bien le juge.......


  • Mami 7 septembre 2009 13:37

    Y a-t-il un journaliste tout court ???
    Ils attendent le fax !

    Moi je n’ai pas réussi à en trouver pour écrire sur un dysfonctionnement MAJEUR maintenant entre les mains de MAM

    >> Patron de presse , de gauche, de la France d’en haut, ayant bénéficié de 30 MF grâce à une société du Cac 40, protégé pendant 10 ans pour sauvegarder la presse en difficulté.
    Qui suis-je ?


  • Lapa Lapa 7 septembre 2009 14:07

    bien vu effectivement l’argument n’est pas recevable. Néanmoins s’agit-il du seul argument de l’avis du parquet ou est ce que la formulation a été simplifiée ?
    L’avis du parquet justifiant la fin des poursuites complet et original est-il consultable ? Si oui, où ? Car c’est quand même très gros. (quoique plus c’est gros, plus ça marche...)


  • lord_volde lord_volde 7 septembre 2009 14:28

    C’est la Marinade baignant dans les grandes eux de la turpitude et du déshonneur, à en croire les réquisitoires tout feu, tou flamme qui dressent les faits d’arme de cette personne dont les décisions semblent souvent plus animer par des ambitions carrièristes que par l’applicatiion de la loi stricto sensu.

    N’est pas procureur de la république de Paris qui le voudrait puisque ce poste stratégique est dévolu régulièrement à des hommes à la personnalité bien trempée qui obéissent malgré tout au pouvoir politique en place lui dictant la marche à suivre dans un mode d’emploi revu et corriger en fonction des intérêts de l’élite oligarchique. Les grands patrons ne sont plus inquiétés par la justice, puisqu’elle est complètement dévouée à leurs services et tournée exclusivement contre les petites gens, les populations des ghettos, les rebelles du système proNWO, et la masse informelle des étrangers en situation irrégulière. 


  • lord_volde lord_volde 7 septembre 2009 14:30

    rectificatifs : les grandes eaux de la turpitude. revu et corrigé.


  • lord_volde lord_volde 7 septembre 2009 14:42

    Le parquet ne donne pas un avis, il décide oui ou non de poursuivre selon des modalités qu’il est libre de chosir. Enquête préliminaire, citation directe, saisine d’un juge de l’instruction, procédure transactionnelle du plaidé coupable, médiation pénale, poursuite subordonnée à la non accomplissement d’actes positifs ordonnés par le parquet, et enfin, la décison de classement sans suite qui signifie que du côté du ministère public, aucune poursuite ne sera engagée contre la personne mise en cause. Il existe des alternatives à la poursuite, mais je ne vais pas vous en faire toutes les descriptions dans la mesure où je serais hors sujet. Il faut simplement savoir qu’en France, le parquet bénéficie de l’opportunité des poursuites, c’est-à-dire, qu’il peut poursuivre telle personne pour des faits similaires reprochés contre une autre personne que le même parquet aura volontairement négligé de poursuivre. C’est une brèche qui pourfend le principe d’égalité devant la loi des citoyens que nous sommes. 


  • denis84 7 septembre 2009 16:20

    Si le déshonneur tuait,nos « élites » seraient vite dépeuplées............................. !!


  • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 7 septembre 2009 17:01

    Vous les gens, VOUS avez le pouvoir, celui de voter avec votre porte monnaie, plus souvent consulté que le bulletin de vote !

    En l’occurence, ici, il faut massivement fermer vos comptes chez Caisse d’Epargne ey Banques Populaires !

    Le boycott sera une bien meilleure arme que toutes les protestations.


  • Gourmet 7 septembre 2009 17:03

    Le pire est à venir.
    Finalement, à force, on s’en accommode non ?
    Et les foules s’endormirent afin de laisser libre-court aux dirigeants.
    db


  • Senatus populusque (Courouve) Courouve 7 septembre 2009 17:11

      Cela me rappelle l’époque où il n’y avait pas un journaliste pour ouvrir le Code civil.

    Sur France Inter le 14 mai 2004,Sur France Inter le 14 mai 2004, Noël Mamère prétendait que le mariage n’est pas forcément celui d’un homme et d’une femme. Il avançait que l’art. 75 ne figure pas dans le titre V du Code civil - exact, mais il figure, et c’est ennuyeux pour le maire de Bègles, dans le titre II, chapitre III relatif aux « actes de mariage » :
     
    « L’officier de l’état civil [...] recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. » Cet article ne régissait rien d’autre que … la « cérémonie » à Bègles le 5 juin 2004.

     Dans « Pourquoi le mariage homosexuel » (Le Monde, 2 mai 2004), Daniel Borrillo n’invoquait plus un vide juridique du Code civil, l’article 75 étant pour lui devenu clair. Mais l’allégation de vide juridique (en fait ce vide ne s’étendait que dans les cervelles de Borrillo et de Mamère) avait manipulé l’opinion pendant plus d’un mois, et faussé le sondage Elle/Ifop des 8-9 avril 2004 (cité par Fogiel et par Moati) ; les 6-7 mai 2004, un deuxième sondage Ifop inversait les résultats : 50 % de non, 47 % de oui.


  • Otto Didakt 7 septembre 2009 19:13

    Bonjour,
    Des décisions de ce genre pourraient bientôt devenir courantes, lorsque les procureurs, et eux seuls, auront à instruire toutes les affaires sensibles, financières ou autres, actuellement encore instruites par les juges d’instruction.
    Le problème des magistrats du parquet, c’est leur dépendance statutaire par rapport au Pouvoir politique (président de la République et garde des Sceaux).

    D’ailleurs, elle n’a pas ému beaucoup de monde, la décision de la Cour de justice de Strasbourg, considérant que les magistrats du parquet n’appartiennent pas à l’autorité judiciaire, au motif qu’ils ne sont pas suffisamment indépendants de leur hiérarchie !

    Pauvre France, qui veut toujours donner au Monde entier, des leçons sur les droits de l’homme.
    Qui a dit que les cordonniers étaient les plus mal chaussés ?


  • wesson wesson 8 septembre 2009 00:58

    @l’auteur,

    Bonsoir l’auteur,

    « Y a-t-il un journaliste pour ouvrir le code pénal ? »

    non. Ce qui voulaient bien le faire pointent aux chomage !


  • Start 8 septembre 2009 12:22

    Merci pour cet article et ses sources bien référencées. Qu’une telle chose puisse se dérouler, et que la presse dans son ensemble laisse passer, à l’exception du Canard Enchainé de demain j’imagine/espère, me laisse sans voix. Ca promet d’être beau la justice sans juge d’instruction..


  • beneolentia beneolentia 13 septembre 2009 15:29

    la justice de toute façon c’est bidon, prenons cet exemple :

    quelqu’un commet une infraction quelconque qui est punie de 100.000 euros d’amende

    a) le « déliquant » gagne 1500 euros/mois, soit 1500*12=18000/an

    il lui faudra 100.000/18000=5,55 années pour payer, sans toucher a sa paye.

    b) le « déliquant » gagne 5000 euros/mois, soit 5000*12= 60000/an

    il lui faudra 100.000/60000=1,66 années pour payer, sans toucher a sa paye.

    c) le « déliquant » gagne 20000 aeuros/mois, soit 20000*12=240000/an

    il lui faudra 100.000/240.000=0,41 années pour payer, sans toucher a sa paye.

    entre A,B, et C y’en a un qui en prends pour plus de cinq ans, l’autre pour un peu plus d’un an, et le dernier pour quelques mois.

    A=5.55, B=1.66 C=0.41

    Ou est l’égalité ?, y’en a pas, et si y’a pas d’égalité y’a pas de justice.

    pourtant ils ont tous commis la même infraction, ils devraient avoir la même peine,
    mais le plus punis sera le plus pauvre.

    la solution ? des peines en % et qui s’adaptent à la richesse du « délinquant »
    plus le « déliquant » est riche, plus la peine est élevée

    parce que sinon, la peine n’est pas disuasive.
    qu’est ce que quelqu’un qui gagne comme

    1. Zlatan Ibrahimović Internazionale 9.000.000 € /an
    en a a foutre de 100.000 euros d’amende.

    (http://www.lepost.fr/article/2009/02/10/1418672_les-50-plus-hauts-salaires-de-joueurs-de-football-2008-2009.html)

    TANT QUE LA JUSTICE, SERA BASEE, SUR DES PEINES MONETAIRES ELLE SERA INJUSTE.

    (a moins que tout le monde ai le même salaire)


  • Francis Francis 13 septembre 2009 16:55

    Le Canard a tres bien explique en quoi cette decision est juridiquement recevable : un conseiller du president n’est ni un agent d’une administration publique, ni un fonctionnaire, par consequent l’article 432-13 n’est tout simplement pas applicable. 


    C’est degeulasse, c’est la Rance de 2009, mais c’est legal ...


    • Krokodilo Krokodilo 13 septembre 2009 20:01

      « que le seul endroit où l’on peut lire cette information »
      Je n’ai plus le papier sous la main, mais de mémoire je confirme le message de Francis, le Canard a bien expliqué que c’était alambiqué, tiré par les cheveux et tout ce qu’on voudra, mais juridiquement fondé.
      Quand bien même ce serait autrement, on a déjà eu un faux immeuble plein de faux électeurs sans que les responsables soient plus que chatouillés... C’est mieux qu’une dictature, certes, et mieux que l’Italie de Berlusconi qu’on pourrait appeler le pire de la démocratie, mais on devrait pouvoir faire plus honnête que notre système.


  • moebius 13 septembre 2009 21:35

     Mais qui est ce François Pérol ?


  • Christoff_M Christoff_M 15 septembre 2009 09:52

    dans la presse pipi sponsorisée par le pouvoir, on parle de John aaaaattends !!

    François Pérol, c’est qui ça connait pas ????? il était dans le premier Secret Elysée ????

    j’gratte mes neurones de djeuns mais j’trouv pas dans quel jeu il a joué.... il avait gagné combien Pérol au jeu des menteurs ???? délit de oui oui nini sied à monsieur Pérol !!


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