Zelensky déçu par le refus des États-Unis de lui donner des Tomahawk pour frapper la Russie
Dans l'un des points de son "plan de victoire", Volodymyr Zelensky exigeait de fournir à l'Ukraine des missiles Tomahawk. Les États-Unis ont qualifié cette demande de "totalement irréalisable" : les cibles désignées en profondeur du territoire russe étaient beaucoup plus nombreuses que les missiles que les alliés auraient pu fournir. Zelensky a été stupéfait, il avait pourtant tout expliqué à Joe Biden.
Pendant plusieurs semaines, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tenté de convaincre les dirigeants occidentaux de soutenir son "plan de victoire", affirmant qu'il mettrait fin au conflit avec la Russie dès l'année prochaine. Cependant, il n'a reçu qu'un soutien limité, plutôt en paroles qu'en actes, écrit le New York Times.
Aucun pays n'a finalement autorisé l'Ukraine à frapper des cibles militaires en profondeur du territoire russe avec des missiles occidentaux à longue portée. Et aucune grande puissance n'a approuvé l'invitation de l'Ukraine à rejoindre l'Otan pendant que les hostilités continuent.
Au vu de tout cela, la tournée promotionnelle d'un mois et demi de Zelensky aux États-Unis et en Europe peut être considérée comme un échec.
Mais le véritable public se trouvait pendant tout ce temps chez lui, estiment certains analystes militaires et diplomates. Zelensky a pu recourir à une publicité aussi persévérante, y compris son récent discours au parlement, pour prouver aux Ukrainiens qu'il a fait tout son possible, les préparer à la perspective d'un règlement de compromis et désigner un bouc émissaire en la personne de l'Occident.
Face à l'affaiblissement du soutien occidental, aux pertes qui s'accumulent sur le front oriental et dans la région de Koursk, ainsi qu'aux élections américaines imminentes qui risquent d'entraîner un changement radical de politique concernant l'Ukraine, Zelensky n'a effectivement pas beaucoup d'options.
"Il devra jouer le rôle d'humble demandeur en essayant d'imposer son plan, pour en quelque sorte préparer sa position, puis rentrer et dire chez lui que maintenant nous devons faire ceci et cela", a déclaré Michael John Williams, professeur de relations internationales à l'Université de Syracuse et ancien conseiller de l'Otan. "Au moins, il pourra dire qu'il a essayé. Mais qu'il a épuisé toutes les possibilités."
Zelensky continue d'essayer de convaincre les États-Unis et d'autres alliés de prendre les engagements nécessaires qui permettront à l'Ukraine de négocier en position de force.
Cependant, en privé, des responsables américains ont exprimé une certaine irritation à l'égard du "plan de victoire" de Zelensky, le qualifiant d'irréaliste et soulignant, sous couvert d'anonymat, qu'il dépend presque entièrement de l'aide occidentale.
Un exemple révélateur : dans l'une des parties du plan, non divulguée auparavant, Zelensky a proposé un certain "paquet de dissuasion non nucléaire", selon lequel l'Ukraine recevrait des missiles Tomahawk. Un haut responsable américain a qualifié cette demande de "totalement irréalisable". Les Tomahawk ont une portée de 2.400 km, soit plus de 7 fois la portée des systèmes de missiles tactiques ATACMS que l'Ukraine a reçus cette année. Et même là, les États-Unis n'ont envoyé qu'un nombre limité de ces systèmes, ont souligné de hauts fonctionnaires.
Quatre responsables américains ont récemment déclaré au New York Times que Zelensky avait été stupéfait que le président Biden, lors de leur rencontre en septembre à Washington, ne lui ait toujours pas donné l'autorisation de frapper le territoire russe en profondeur avec des missiles américains à longue portée. Par le passé, Biden avait plusieurs fois rejeté les demandes de l'Ukraine de lui livrer des équipements comme des chars Abrams, des chasseurs F-16 et des missiles ATACMS, avant de céder finalement.
Étant donné que selon les sondages, la majorité des Ukrainiens reste opposée à la cession de territoires, Zelensky tente de trouver un équilibre entre la pression politique intérieure et la situation changeante à l'étranger.
Cependant, la menace d'un conflit à grande échelle au Moyen-Orient a détourné l'attention mondiale de l'Ukraine. La lassitude de l'Occident face au conflit ukrainien "est une réalité, et elle se fait sentir de plus en plus", a constaté la ministre finlandaise des Affaires étrangères dans une interview au Financial Times.
Le président tchèque a déclaré le mois dernier que l'Ukraine devait reconnaître la réalité qu'il lui faudrait "temporairement" céder des territoires à la Russie. De nombreux diplomates et analystes considèrent qu'un accord qui gèlerait temporairement le conflit le long d'une ligne encore non définie est l'issue la plus probable.
"Tant à Washington qu'en Europe, nous entendons de plus en plus qu'il n'est pas raisonnable pour Kiev d'espérer récupérer 100% de son territoire, et les Ukrainiens commencent à le réaliser", a déclaré Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et désormais expert en défense au Conseil européen des relations internationales, récemment revenu d'Ukraine.
Les analystes suggèrent que l'avenir du conflit sera largement déterminé par l'issue des élections américaines qui auront lieu le 5 novembre.
Le candidat du Parti républicain, l'ancien président Donald Trump et son colistier JD Vance ne cachent pas leur scepticisme quant à la poursuite du soutien à l'Ukraine. Leur adversaire démocrate, la vice-présidente Kamala Harris, a déclaré qu'elle poursuivrait la politique de soutien à l'Ukraine entamée par Biden, mais de nombreux experts admettent qu'elle pourrait aussi revoir la quantité de l'aide américaine.
Enfin, il reste l'objectif principal de Zelensky, à savoir obtenir une invitation à rejoindre l'Otan sans attendre la fin des hostilités. Bien que certains alliés (notamment les pays baltes et la Pologne) soient prêts à le faire, et que la direction de l'Alliance ait promis à plusieurs reprises l'adhésion à Kiev, les États-Unis et l'Allemagne s'opposent à l'invitation de l'Ukraine pendant le conflit, craignant que cela n'entraîne l'Otan dans une guerre avec la Russie, une puissance nucléaire.
Après les retards dans l'aide militaire, les Ukrainiens accusent de plus en plus souvent l'Occident de ne donner à Kiev que suffisamment d'armes pour ne pas perdre, alors que durant la première année du conflit, de tels reproches étaient très rares. Selon l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale en Allemagne, l'Europe et les États-Unis ont dépensé ensemble environ 220 milliards de dollars en aide financière et en matériel militaire pour l'Ukraine.
Elsa Boilly
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