La guerre de l’information russe
On a beau dire, c'est mieux en le lisant. Cela fait belle lurette que je ne lis plus les médias mainstream ( et j'y inclus Politis et Mediapart) , en bon français parce que courant principal ne le fait pas, mais la magie web, en bon français toujours, fait que je reçois un truc appelé « Sauvons l'Europe » dont je ne sais d'où il vient et que je supprime avant ouverture. Pourquoi l'ai-je ouvert aujourd'hui, je n'en sais fichtre rien, peut-être à cause du titre : « la guerre de l'information russe : pour une réponse globale ».
J'ai du mal à comprendre ceux de mes concitoyens qui relayent le discours dominant, ce que j'ai lu là aggrave mon incompréhension, mais au moins ai-je les mots sous les yeux.
« La guerre de l’information est l’une des composantes de la guerre tout court. Elle combine ce qu’on appelle soft power et hard power et n’est pas limitée à la Russie. Moscou l’a toutefois développée avec une ampleur inégalée en termes de moyens financiers et humains et d’extension géographique. Cette guerre a une dimension à la fois interne et externe : elle vise, d’un côté, à laver le cerveau de ses citoyens en leur faisant perdre tout repère tout en instillant la crainte et, de l’autre, à gagner à ses thèses une partie des dirigeants et de l’opinion publique à l’étranger. »
Ça commence comme ça, et ça donne envie de continuer :
« La pratique de la désinformation ne se limite pas au mensonge, mais elle combine fausseté et vérité partielle. Elle entend chambouler le monde et priver les citoyens de toute référence et de toute évidence. Elle dérobe le sol où nous nous tenons, déforme l’histoire, subvertit le sens des mots et annihile la distance entre le jour et la nuit, la réalité et le cauchemar, la guerre et la paix. En cela, 1984 de George Orwell reste la référence indispensable. Cette mécanique a été bien décrite pour la face interne de la désinformation par Peter Pomenrantzev. Elle la conduit à reproduire l’argument de cour de récréation : « C’est celui qui dit qui est. » Elle dénoncera avec d’autant plus d’aplomb la guerre de l’information de l’Occident ou la menace de l’OTAN qu’elle lance la première et envahit ses voisins. »
Là je relis deux fois, voyons, une autocritique ? Le dernier bout de la dernière phrase me détrompe.
Je n'ose dire depuis combien de temps je ne supporte pas ceux qui accusent, avec force conviction, les autres de leurs propres turpitudes. À l'époque je ne connaissais cela que pour des broutilles de jalousies scolaires, puis amoureuses, broutilles qui pourtant faisaient mal ; grandissant en même temps que ma tranche d'âge, je n'ai pas rencontré ce type de comportements pendant des décennies, et voilà qu'à presque sixty four je retrouve cela dans les plus hautes sphères de l'État, par l'intermédiaire il est vrai, de gens ordinaires qui ne savent pas qu'ils le sont.
Dans les premières phrases de cet extrait, si elles étaient en exergue, on jurerait une vérité. Seulement pour moi, les protagonistes sont inversés ; dans un extrait la dernière phrase nous éclairerait. Ici nous savons d'où vient le texte aussi ne nous attendons-nous pas à lire quoique ce soit d'impartial. Je me demande si ceux qui sont convaincus de la dangerosité de Poutine ne s'arrêtent pas à un texte qu'ils croient neutre sorti tout droit d'esprits droits. À moins que le préssuposé idéologique ne soit le leur, il y a tant de gens issus de la reproduction, et pas de la procréation. J'ai, parmi mes connaissances, énormément de gens sincères, qui lisent, s'instruisent et qui n'ont pas manqué de me regarder avec effroi et ce petit rien de condescendance quand je leur disais que l'occident était responsable des guerres au moyen Orient, tout persuadés qu'ils étaient des révolutions non seulement sincères mais encore nécessaires en ces contrées , sans se rendre compte qu'ils pensaient : pour nous ressembler puisque nous sommes les meilleurs, et qui, aujourd'hui ayant un peu dessillé, ponctuent néanmoins leurs phrases, de, oui bon, quand même, Poutine el Assad sont des dictateurs sanguinaires ; ceci bien entendu sans avoir jamais écouté leurs discours ou entrevues mais ayant entrevu dans les médias quelques entorses à leur bien-pensance ; ils se maintiennent donc dans un vacillement autorisé. À leur égard c'est juste moi qui ai changé car il y a désormais beaucoup trop de motifs d'énervement pour que je puisse les suivre tous.
Donc en lisant ces phrases, qui m'écorchent vive, je me dis que le préssuposé de l'occident terre de liberté, à la presse libre, unique au monde, est bien ancré. Et je comprends pourquoi nous n'avons que des râleries quotidiennes et pas de violentes colères dans les rues : notre fonds de pensée reste : nous sommes un peuple libre, rien à voir avec les masses malmenées de par l'Histoire, chacun d'entre nous étant responsable, libre bien sûr, et qui, cela coule de source, le vaut bien.
Mais poursuivons :
« Représentation du ministère de la Vérité, l’un des lieux du roman de George Orwell : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. ».
Wikimédia Commons, CC BY
À l’extérieur, cette stratégie emprunte plusieurs voies. L’une des plus connues est la mise en service de la propagande d’une armée de trolls, très présente sur Twitter, qui vise à la fois à harceler l’adversaire, à lui répondre par des contre-vérités, à essayer de le faire douter si ses certitudes ne sont pas suffisamment assises et à saper son moral, y compris par des remarques agressives, parfois racistes et antisémites. Les trolls sont des taons dont l’impact est fort chez les personnes vulnérables.
Cette propagande est aussi développée par les canaux officiels du Kremlin, comme Russia Today et Sputnik, qui diffusent et tweetent dans plusieurs langues. Ces canaux répètent les thèses de Moscou : pas d’armée russe en Ukraine jusqu’au demi-démenti officiel, guerre contre Daech en Syrie alors que les forces russes attaquent principalement les rebelles qui s’opposent au régime d’Assad, « nazis » de Kiev, etc. Mais ils font aussi appel à tous ceux qui, à l’étranger, soutiennent la politique de Poutine. Selon une tactique classique, ils visent aussi à saper le moral de l’adversaire, en propageant prioritairement les nouvelles qui peuvent l’affaiblir – ainsi en montrant à l’envi l’irrésolution de certains responsables européens en matière de sanctions. »
J'en connais qui seraient capables d'en rire, malheureusement j'ai le rire sain, le jaune, l'aigre, la dérision ne font pas partie du panel de mes exutoires.
Là on atteint des sommets tout de même ! Il est notable qu'il va sans dire qu'il n'y a pas de nazis en Ukraine, que la Russie a principalement bombardé nos amis qui font du bon boulot, pardon, je m'égare, Poutine ne bombarde que nos alliés, disons ceux qui ont le même ennemi que nous. Nulle part n'est ne serait-ce que rappelé pourquoi donc el Assad est notre ennemi, ah mais bien sûr, un homme qui réprime les manifestations de rue ; pas comme chez nous où le dialogue est ouvert, mais comme eux sont des barbares, c'est dans le sang, dans l'horreur qu'on réprime ; il faut bien faire la différence.
Bachar el Assad est notre ennemi parce qu'il a réprimé dans le sang des manifestations de rue, Poutine, lui, c'est parce qu'il emprisonne ses journalistes qui ne sont pas aux ordres ; je crois qu'il est milliardaire aussi et qu'il a des visées impérialistes. Pas comme les nôtres. Nous sommes grands tout de même, des ennemis, à ce point haïssables, juste parce qu'ils sont arriérés, comparés à nous. Ça nous grandit tout ça, nous œuvrons pour le bien, pour le juste, pour le beau. On en pleurerait.
Mais le plus drôle et qui nous touche de près, ce sont les trolls, drôles de trolls.
On me dit taon mais qui n'impacte que les personnes vulnérables. C'est déjà ça. Mais on note que les amis de Poutine sont racistes et antisémites, cela ne coûte rien de le dire.
La jalousie patente est que les Russes propagent en plusieurs langues ; nous, nous n'avons que l'anglais ! Il nous faudrait peut-être faire un petit effort ! C'est vrai que les Russes ont à se hisser, à conquérir, nous nous n'avons qu'à nous baisser pour ramasser les idolâtres à nos pieds. Nous devrions peut-être nous réveiller non ? ( si vous saviez ce qu'il me coûte ce « nous »)
Encore, ils sont intarissables :
« La présence régulière sur ces chaînes de personnalités d’extrême droite et de partisans du Brexit – soutenu par le régime russe –, ainsi que la reprise des propos de ceux qui demandent la levée des sanctions, en constituent un signe. Cette guerre est aussi le fait de médias apparemment plus anodins qui diffusent des informations de toute nature de manière apparemment neutre, mais qui soit reprennent les positions russes dès qu’il s’agit de la Russie, de la Syrie ou du Brexit, soit alimentent les thématiques que Moscou agite en Europe, notamment la peur des réfugiés. Leur action installe dans le paysage, de manière discrète, les thèses du Kremlin. »
Là on resserre un peu le champ : extrême-droite, Brexit. On touche à la culpabilisation du lecteur ; si jusqu'ici vous aviez été pas tout à fait convaincu par un argumentaire inexistant qui met le lecteur d'office dans le camp des bons, voilà que votre hésitation vous plaçant à l'extrême droite, vous la zapper pour rentrer dans le droit chemin. Car, c'est l'argument ultime, et ceux de mes connaissances , ou ici même, le brandissaient à mon encontre, avec un étonnement apitoyé.
Je ne dis pas que certains ne se laisseraient pas convaincre par l'extrême droite, après tout, hein, pourquoi pas ? C'est un peu facile, mais très efficace.
Quant au Brexit !!!
Enfin :
« Cette stratégie de désinformation ne peut avoir un impact large qu’en prenant appui sur les nationaux. Ceux-ci relaient beaucoup plus efficacement les thèses de Moscou que les réseaux aisément identifiables. En leur sein, il existe toutefois plusieurs catégories. Les plus connus sont les thuriféraires quasi officiels du régime de Moscou, comme certaines personnalités politiques, universitaires ou médiatiques qui ne cachent pas leur attachement au régime de Poutine.
Une partie est située à l’extrême droite : le Front national, certains sites « complotistes », des personnes connues pour leur révisionnisme, le journal Valeurs actuelles, le révisionniste Alain Soral, récemment invité en grande pompe à Moscou. D’autres à l’extrême gauche : Mélenchon et un universitaire, Jacques Sapir, qui fait le pont avec l’extrême droite, mais aussi Chevènement… Enfin, certains sont membres de partis de la droite classique – Sarkozy, Fillon, Mariani, Pozzo di Borgo, etc. –, et ne font pas mystère de leur allégeance. Il en va de même pour une partie de la communauté d’affaires située en Russie qui fait le lien, parfois direct, entre Poutine et certains grands patrons français.
Il faut aussi citer ceux qu’on nomme les « idiots utiles », peu au fait de la réalité russe et de son action, mais dont l’anti-américanisme et la nostalgie sentimentale d’une Russie éternelle font des jouets aisés pour la propagande russe. Parce qu’ils ont une forme d’expression moins brutale, leur pouvoir de conviction paraît parfois plus élevé. Cette catégorie doit toutefois être complétée par quatre autres qui concourent à populariser les thèses du Kremlin de manière plus argumentée. Citons d’abord les « gentils », toujours prompts à l’apaisement, qui ne sont que les successeurs des pacifistes de la guerre froide, soutenus par Moscou, et sur lesquels Mitterrand avait eu une phrase définitive.
Viennent ensuite les naïfs – sincères ou non – qui pensent que la négociation avec la Russie peut permettre de maîtriser la situation, qu’on ne peut oser un bras de fer avec elle et qu’elle peut nous aider à combattre le terrorisme – ce que les faits infirment. Une troisième catégorie est constituée par les « modérés », ceux pour lesquels les fautes sont toujours équilibrées entre les deux côtés, qui estiment que l’Ouest n’a pas toujours fait ce qu’il fallait avec la Russie et rejouent le refrain de l’humiliation de l’Allemagne après la Première Guerre mondiale.
Viennent, enfin, ceux qui se désignent eux-mêmes comme réalistes ou pragmatiques, mais dont le réalisme se résume à la non-riposte. »
Ici, vous choisissez votre catégorie : Idiots utiles ? Naïfs ? Complotistes ?
Racaille ? Non, c'est pas marqué.
La question que l'on peut se poser à ce stade, est celle de savoir si le PS, si malin si supérieur, a bien réalisé que les idiots naïfs et complotistes modérés d'extrême-droite sont, à n'en pas douter majoritaires dans ce pays, d'autant plus qu'il y inclut Mélenchon, Chevènement, Sarkozy...
Je n'ai pas le rire facile aujourd'hui, mais la larme oui ; tout ça est triste à pleurer, je ne vais pas m'empêcher de dormir à cause de ce pauvre PS, efflanqué ridicule, mais c'est encore lui qui gouverne.
Ce texte a un auteur, que je ne nommerai pas, parce que j'ai oublié son nom et que je ne le connais pas, mais il est noté dans le texte intégral que je vous donne en lien.
Mais pour finir, si vous avez la flemme de lire tout, voici le sommet :
« Comprendre comment ces relais sont utilisés dans la guerre de l’information requiert la connaissance des intentions de Poutine. Son objectif central consiste à avoir les mains libres pour continuer ses actions agressives en Europe et en Syrie et, partant, à annihiler toute velléité de réponse. Dans cette perspective, il entend démanteler l’Europe – « divide et impera » – et propager la discorde entre ses membres et chez chacun d’entre eux. Pour ce faire, sa propagande entend simultanément faire apparaître la Russie comme un pays plutôt victime qu’agresseur et propager une forme de peur – risque terroriste, migrants – à laquelle Moscou pourrait apparaître comme une solution. Les tensions internes aux pays européens ne peuvent aussi que favoriser la montée des partis extrêmes. Tout ce qui vise à baisser la garde et à minimiser le risque russe va dans ce sens. »
L'heure est grave.
http://sauvonsleurope.eu/la-guerre-de-linformation-russe-pour-une-reponse-globale/