Faut-il supprimer les communes ?
Alors que toute l’énergie est concentrée sur les élections municipales, ne devrait-on pas s’inquiéter du manque de démocratie locale ? Depuis dix ans le succès de l’intercommunalité est flagrant, plus de 92 % des communes sont concernées, 86 % des habitants (et même bien plus de 95 % si l’on exclut Paris)... et toujours pas de suffrage universel direct en vue.
L’idée de diminuer le nombre de communes en augmentant leur rayon d’action n’est pas nouvelle mais, si l’on excepte la création de 9 communautés urbaines en 1966, c’est seulement la loi de février 1992 (loi Pasqua) et celle de juillet 1999 (loi Chevènement) qui ont propulsé la nouvelle intercommunalité.
Le problème est simple à comprendre : une commune ne peut pas résoudre seule des questions qui dépassent son périmètre. Et, la zone de vie des habitants, domicile, lieu de travail, école et zone commerciale débordent très souvent le périmètre d’une commune. Pourtant les roitelets locaux ont longtemps résisté.
Ces deux lois de 1992 et 1999 ont remplacé ou éliminé les constructions précédentes (district, SIVU, SIVOM...). Elles ont totalement changé le paysage des communautés territoriales.
Tout d’abord en créant trois structures, dites EPCI - Etablissements Publics de Coopération Intercommunale à fiscalité propre - : les CU, les CA et les CC.
CU -
Communautés urbaines
- 14 aujourd’hui
Le plus haut degré de coopération. Des compétences qui couvrent un large spectre des activités humaines non traitées au niveau national. Elles tendent à remplacer les communes et débordent de plus en plus sur les départements qui les entourent. Le Grand Lyon regroupe 80 % de la population du Rhône. Un minimum d’habitants fixé à 500 000. Une fiscalité propre qui égale ou dépasse les fiscalités communales.
CA - Communautés d’agglomération
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
CA |
50 |
90 |
120 |
143 |
155 |
162 |
164 |
169 |
171 |
Des compétences presque aussi riches qu’une CU. Une population au minimum de 50 000 habitants (660 000 à Toulouse).
CC - Communauté de communes
1993 |
1999 |
2000 |
2002 |
2004 |
2006 |
2008 |
193 |
756 |
1105 |
1347 |
1733 |
2195 |
2342 |
La forme la plus souple de coopération. Peu d’obligation, le choix est donné aux communes de s’organiser, mais avec la possibilité d’être aussi puissante et riche de compétences qu’une CA.
Des budgets basés sur quatre financements :
- la DGF : Dotation globale de fonctionnement. Part
de l’impôt reversé par l’Etat à toutes les collectivités locales, en constante diminution ;
- les impôts ménages (Taxe d’habitation, Taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties) ;
- la TPU, Taxe professionnelle unique de la
communauté, pour les CU et les CA. Les CC peuvent ou non adopter la TPU, ce qui
implique une plus grande coopération ;
- une dotation bonifiée sous certaines conditions (incitation).
Un personnel propre en constante augmentation avec des risques de redondance avec les communes.
Un succès énorme, mais un déficit démocratique évident.
Les intercommunalités sont gérées par des conseils élus par les conseils municipaux avec un nombre de représentants par commune répartis selon des règles et souvent des discussions préalables très complexes. En général, ce sont les maires qui siègent au bureau de la communauté et le maire de la plus grande ville qui en est le président. Ce système a des avantages... mais les électeurs ne peuvent pas choisir une politique intercommunale et, en cas de conflit, le système s’opacifie au détriment de tous.
Le seul moment où les électeurs peuvent s’exprimer sur leur intercommunalité est l’élection municipale, mais les enjeux des municipales restent au niveau de la commune. Les élus actuels ne peuvent pas toujours défendre les intérêts de l’intercommunalité. Le maire se doit de défendre les intérêts de sa commune, parfois donc au détriment de l’intérêt général.
Quelle réforme ?
Avant de choisir un mode de scrutin, on devrait (idéalement) répondre au préalable à la question de savoir si l’intercommunalité doit rester le prolongement de la commune ou si la commune doit disparaître à terme. On doit aussi clarifier un peu plus la question des compétences, commune, communautés et départements. La question de l’existence des départements doit aussi être posée.
Ensuite on peut choisir le mode de scrutin. Du très drastique élection du conseil intercommunal au suffrage universel de liste dans une circonscription unique au très conservateur élection dans des circonscriptions communales en passant pas l’élection d’un président au suffrage universel. Ce dernier mode pose les problèmes de la cohabitation entre un conseil et son président et aussi de la professionnalisation. Faudrait-il aussi élire le maire au suffrage universel direct ? Que devient le conseiller général ?
Plus tard, il faudra aussi informer les électeurs pour qu’ils s’approprient l’outil intercommunal. Informations nationales sur les rôles et responsabilités. Informations bidirectionnelles au niveau local, écouter le citoyen et l’informer en retour de l’impact des projets et décisions.
Conclusion : après la montée en puissance depuis dix ans et le succès indéniable de l’intercommunalité, une opportunité de réforme s’offre à nous. Il ne faut pas un simple changement du mode de scrutin décidé à la sauvette dans un coin du Sénat et de l’Assemblée comme celle qui était prévue en 2007. Il faut une grande concertation. Il faut aussi savoir saisir cette occasion pour redonner au citoyen le goût et l’envie de se réapproprier la politique locale.
Pour en savoir plus :