lundi 11 septembre 2017 - par Léonel Houssam

Lobotomie générale des citoyens : votre avis les enrichit

Les données statistiques, la course aux ISO, aux primes, aux dividendes sont les outils essentiels pour les élites afin de justifier tant leurs revenus exorbitants que leur pouvoir démesuré. Or, tout cela n'est possible que grâce à l'attitude consciente ou/et inconsciente de chaque citoyen devenu pour tout, en tout et à chaque instant, un consommateur alimentant les tableaux de chiffres, les bases de données et autres "camemberts" et courbes colorées dessinant l'abêtissement généralisé des individus. 

Les élites politiques, économiques sortant toutes d'un même moule (ENA, Saint-Cyr, HEC, Polytechnique,...) imposent à leurs armées de cadres serviles un verrouillage total des activités humaines, des esprits, des mouvements par la mise en statistiques de tout, de n'importe qui, chiffrant les opinions, inondant de questionnaires de satisfaction bourratifs, incessants, obsessionnels, de calculs pseudo-scientifiques des opinions, de classements rigides sous une façade d'érudition de tous les comportements humains. Cette chape de plomb sectionne les actions de chacun, réduit l'individu à l'état de consommateur perpétuel et en retour transforme les uns et les autres en de véritables clients abrutis, infâmes, grossiers, capricieux, insatiables... Ainsi, ceux que l'on nommait auparavant des citoyens, tapent des crises de nerfs contre les employés de terrain des services publics (Crèches, Sécurité Sociale, Ecoles, Pôle Emploi, CAF, etc.), contre les caissiers/caissières des supermarchés, contre les vendeurs/vendeuses, contre les pompiers, les balayeurs, les guichetiers, buralistes... Chacun est plus pressé que l'autre, chacun compare les "prix" des services comme il consomme des putains de chip's ou des capotes goût fraise. Chacun exige, revendique autant de l'Etat, des collectivités locales ce qu'il réclame à l'hôtel 3* de ses vacances ou de sa barre de Twix.

L'obsession des élites est sans cesse d'optimiser les services, de répondre à la boulimie névrotique de citoyens-consommateurs usant de leurs "droits" pour exiger de se bâfrer toujours plus de tout, partout, tout le temps. Cela induit des comportements pathologiques immondes, comme par exemple empêcher des piétons de traverser (par ceux-là même qui accusent les "jeunes de quartier", leurs incivilités), de ne pas saluer une caissière, de se ruer sur les quais, de se plaindre auprès de collègues, d'inconnus ou de gens qu'ils connaissent à peine de leurs petits soucis matériels, leurs petits problèmes de cahiers à carreaux à la rentrée scolaire ou du manque de sourire du stagiaire au guichet SNCF à 6 heures du matin...

 

Les questionnaires de satisfaction pleuvent dans les boîtes mails, les petits boutons "smileys je souris vert ou jaune ou orange" sur lesquels il faut taper comme un buzzer déclenchant un bombardement nucléaire éventuel sur le type payé au SMIC qui n'avait pas envie de faire plus que de filer son ticket de voyage à une face farineuse prête à le croquer. Le conseiller de la Sécu comme le vendeur chez Darty te balancent désormais, avant de te quitter : "N'oubliez pas de répondre au questionnaire et en bien s'il vous plait"... Pour que leurs supérieurs, ces cadres serviles puissent toucher leurs primes mensuelles, trimestrielles, annuelles au rendement... Plus les "indicateurs" sont "au vert" et plus "l'actionnaire" est content. Le fond de pensions comme "l'état-actionnaire" (Macron a décidé que désormais les Hauts-Fonctionnaires seraient des "entrepreneurs", vous ne le saviez pas ? ça en dit long non ?) réclament des "données chiffrées" pour évaluer et valoriser les dividendes des dirigeants publics ou privés, ministres ou PDG, Président d'un Etat ou Directeur des Affaires Financières, entraînant toute la chaîne de contrôle, du citoyen-consommateur harcelé par les questionnaires et fichés dans des bases de données statistiques tant commerciales qu'étatiques jusqu'au paysan du fond des Ardennes en passant par l'ouvrier au chômage, le propriétaire sur-endetté, l'habitant d'un HLM vétuste ou le retraité asphyxié par sa petite pension...

 

Ces élites n'évaluent donc pas le bien-être ou la satisfaction, ils poussent chacun à mettre les voyants au vert, à faire monter les courbes positives, faire descendre les courbes négatives... telle une automatisation de l'ensemble du corps humain, où chaque individu n'est plus qu'une cellule saine ou une cellule cancéreuse... à flatter ou à éliminer...

 

J'invite donc tous ceux qui liront ce texte à ne plus répondre à aucun questionnaire, à être respectueux avant d'exiger le respect d'autrui, à refuser de travailler à l'amélioration poussive des chiffres sur injonction de leurs managers lobotomisés par les obligations de "performance" dans l'optique de toucher une prime et se voir décerner un bel AVC ou une sublime crise cardiaque après dix ans de bons et loyaux services...

 

Léonel Houssam



6 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 11 septembre 2017 15:44

    Les élites politiques, économiques sortant toutes d’un même moule (ENA, Saint-Cyr, HEC, Polytechnique,...) imposent à leurs armées de cadres serviles un verrouillage total des activités humaines...


    Ils sont « en marche » ....

  • TaumahFrensouah 11 septembre 2017 18:07

    @ Léonel Houssam

    Votre analyse m’a beaucoup parlé. En effet, j’en ai vécu une partie il y a peu de temps : la carotte du capitaliste (ou de l’actionnaire) que l’on pent sous le nez du cadre et qu’il prendra finalement à un tout autre endroit en fin de carrière (aussi courte soit-elle), comme le reste des moutons prolétaires.

    Tout juste sorti de ma « petite » école d’ingénieur, je suis devenu chef de projet en Suisse, dans une filiale d’un des plus gros groupes de luxe au monde.

    Haute-horlogerie, entreprise familiale mythique rachetée par ledit groupe, rendements initiaux au plus bas, bonus des cadres en fonction des performances personnelles, de l’entreprise ainsi que celles de la bourse.

    Ce n’était pas pour déplaire lorsque l’action dudit groupe était à la hausse et que le rendement était bon. Je travaillais personnellement sur la performance en production, allant de projets terrain (rationalisation des postes de travail et des flux) à de gros projets d’investissement en vue d’augmenter la productivité dans un milieu jusqu’alors très manuel et archaïque.

    Avantages : diminutions multiples telles que le taux de rebuts, les gaspillages de toutes sortes, etc. Augmentation forte du rendement et autosatisfaction de l’opérateur à travers ce rendement.

    Inconvénient : à volume de commandes équivalent, diminution de la masse salariale.

    Si je peux tirer une conclusion par rapport à la haute-horlogerie (où je travaillais), c’est bien la suivante : le capitalisme induit une gestion financière stricte et des évolutions de rendements que la direction du groupe souhaiterait exponentielles (en vue d’accroître les dividendes et de faire croître sans cesse le capital), surtout lorsque le groupe qui rachète (en l’occurrence un nom qui se rapproche fortement d’une grande marque de fromages...) les petites entreprises à tour de bras a une base financière et non industrielle. Cette gestion financière stricte identifie rapidement le centre de coût principal : la main d’œuvre. Suivent les industrialisations à outrance (en Suisse : avec les têtes « pensantes » françaises) et la délocalisation (ou sous-traitance) à l’étranger. Et le petit opérateur suisse, mené par le bout du nez au cours de quelques éphémères missions de polyvalence pseudo-valorisantes, vide son casier de vestiaire en 30 minutes sous l’œil du vigile dont la position est finalement tout aussi précaire.

    En ce qui concerne le questionnaire, je l’ai vécu, comme beaucoup, sous forme d’évaluation annuelle personnelle. « L’enquête » n’est conduite que par un seul « client » : mon responsable. Cependant l’état d’esprit reste le même : juger froidement le rendement et la qualité du travail de la personne afin de définir la compatibilité de cette dernière avec le schéma défini par le comité d’administration...


  • Ciriaco Ciriaco 11 septembre 2017 22:02

    Qu’y a t-il d’autre dans la vie d’un homme ou d’une femme de plus unique et de plus ancrée que l’expérience ? Il y a tellement de mesures de bon sens qui seraient à mettre en place. Tenez, un service civique intégré (entretien des jardins, ramassage des poubelles, etc.) dans l’Éducation Nationale (pourquoi cela me paraît-il anachronique ^^), avec plusieurs mois de paroles, de retours et d’enseignement sur l’expérience acquise. Les riches destinées comprendraient peut-être leurs propos et auraient-ils parfois un honorable dégoût à savoir, jusque dans leur chair, de quoi il s’agit.


    Mais je rêve... Désolé d’aller à contre-sens du progrès ^^

  • V_Parlier V_Parlier 11 septembre 2017 22:28

    Moi je suis sûr que pas mal de personnes ayant totalement approuvé cet article recommenceront demain à faire ce qui y est décrit. Mais pour eux, ce ne sera pas pareil.

    Remarque : Les fonctionnaires eux-mêmes (souvent abordés dans le texte) rentrent aussi bien dans ce moule que les autres, mais chacun croit que quand il est client ce n’est pas comme quand il est salarié. (CERTAINS fonctionnaires ont comme argument qu’eux n’ont pas des clients mes des usagers... ouaip...).
    Plus généralement c’est aussi « grâce » à ce phénomène qu’on a fait accepter le libre-échange et la délocalisation aux européens. Et maintenant le deuxième effet kiss cool du libre échange va se produire, 20 ans plus tard (même si c’était ultra-prévisible).


  • Jeff Parrot Jeff Parrot 12 septembre 2017 10:09

    oui, les dirigeants ont besoin d’informations pour diriger, tout le middle management fait essentiellement de la collection d’informations au sein de l’entreprise et ne decide rien, tout est decide au sommet, car seuls les dirigeants ont la vue globale, ce qui permet confidentialite par rapport a la concurrence et maintien du pouvoir en interne.

    LA diffrence par rapport a il y a 30 ans, c’est que le numerique et la mise en reseau ont augmente considerablement la quantite d’information collectee et fait qu’on ne peut plus se cacher et/ou biaiser (de) cette collection d’informations. D’ailleurs on voit souvent les entreprises utilser 2 managers dans 2 hierarchies differentes « traquer » les memes infos quand c’est « chaud ».

    On nous vend une societe numerique ou l’information circule horizontalement, alors qu’en fait elle circule encore plus verticalement.


  • pipiou 12 septembre 2017 16:19

    Blâmer les élites de l’irresponsabilité des citoyens c’est un peu facile.


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