jeudi 14 août 2014 - par Michel DROUET

Une réforme absurde, disent-ils…

La réforme en question, c’est la réforme territoriale, et « ils », ce sont les élus, les seuls qui s’expriment sur le sujet et souvent de façon biaisée.

Seraient-ils les seuls à détenir la vérité ? Toujours est-il que les médias leur déroulent le tapis rouge et accueillent leurs articles, le plus souvent sans apporter la moindre objection ou contradiction. Les élus ont parlé et ils sont légitimes, semble-t-on considérer, ce qui est vrai la plupart du temps, mais sur le thème de la réforme territoriale, les choses sont biaisées puisque les élus eux-mêmes sont concernés par la refonte des Régions et des intercommunalités et la disparition des Conseils Généraux. Nous ne sommes pas loin du conflit d’intérêts.

Que nous disent-ils pour dénigrer cette réforme ?

« Il n’y aurait pas surabondance de niveaux administratifs en France… « 

…si nous nous comparons à nos voisins. Ce n’est peut-être pas faux, mais la question n’est pas là : elle réside dans les compétences octroyées aux différents niveaux de collectivités françaises, leurs zones d’exercice et les financements dont elles disposent.

On sait désormais que la répartition des compétences entre Régions et Départements correspond principalement à un saupoudrage destiné à contenter les barons locaux, sans recherche de cohérence et que la clause générale de compétences (qui permet à toutes les collectivités territoriales d’intervenir dans tous les domaines) génère un gâchis financier.

Les frontières départementales sont aujourd’hui obsolètes et l’intercommunalité est aujourd’hui capable de fonctionner entre deux ou trois départements pour couvrir des bassins de vie. L’intercommunalité est parfois insignifiante et constituée sur des attendus plus politiques que d’efficacité et survit artificiellement grâce aux subventions des conseils généraux. Quant au Régions tout a été dit sur le découpage de 1964 destiné à contenter les barons locaux.

Enfin, les budgets des collectivités locales sont fortement contraints par l’Etat qui détient les cordons de la bourse et par l’endettement.

Il faut rajouter à ce tableau la nébuleuse des syndicats intercommunaux (eau, ordures ménagères, électrification,…) qui font les beaux jours des concessionnaires de réseaux et dans lesquels les élus occupent les postes honorifique avec les indemnités qui vont avec et organisent ainsi une forme de cumul de mandats méconnue des citoyens

« Cette réforme est téléguidée par Bruxelles »

La théorie du complot n’est pas loin. Bruxelles voudrait imposer cette réforme à la France pour imposer le fédéralisme : exit l’Etat Nation selon les opposants à la réforme. Aux armes, citoyens ! La France est en danger ! On agite le chiffon rouge en s’alliant objectivement avec les souverainistes de tous poils et on s’interdit par conséquent de réformer nos structures territoriales obsolètes. Les tenants du statu quo nous rappellent que le Département est l’héritage de la révolution et qu’y toucher, c’est saper un des fondements de la République, en oubliant de dire que le Département, circonscription administrative de l’Etat n’est pas concerné par la réforme mais que c’est le Conseil Général qui est appelé à disparaître. A croire que tout le monde est content de payer des impôts pour un système qui ne fonctionne plus et qui a été perverti par la classe politique qui a fait du mandat électif un métier, piétinant les fondements de la démocratie.

« La réforme projetée sera inutile et coûteuse »

Même l’agence de notation Moody’s ne croit pas à des économies. C’est dire qu’ils connaissent bien les élus, chez Moody’s car s’il y a bien un domaine où les élus sont en dessous de tout, c’est bien le management. Il n’est pour s’en convaincre, que l’intercommunalité, qui a récupéré des compétences communales n’a pas bénéficié des transferts de personnels communaux correspondants. Résultats : 200 000 emplois supplémentaires.

Ainsi donc, les transferts de compétences prévus se traduiraient par la création d’emplois supplémentaires là où il n’en est nul besoin et tout cela coûtera plus cher ! Où va-t-on ? Il faut absolument que la réforme soit assortie d’un plan d’économies sous le contrôle des Chambre Régionales des Comptes, que les postes devenus inutiles et les postes en doublon soient réellement supprimés en les gageant sur les départs en retraite. Il ne faut pas que les élus managent cet aspect de la réforme en direct et que les élus devant disparaître (les conseillers généraux et leurs conseillers politiques de cabinet) ne soient pas recyclés dans d’autres assemblées.

Cela n’en prend pas le chemin puisque la loi sur les régions votée en juillet qui prévoyait le plafonnement du nombre d’élus à 150 dans les nouvelles régions a été modifiée par les élus eux-mêmes. On fusionnera non seulement des Régions mais également les assemblées qui deviendront pléthoriques et les cabinets fusionneront également : on organise déjà les surcoûts pour les Régions : ça promet pour le reste !

Pour un vrai débat

Les élus et les partis politiques opposés à la réforme des collectivités territoriales nous servent leur argumentaire indigeste en espérant une large adhésion de la population à leurs thèses. Pour l’instant, les médias ne se sont pas encore donné la peine de décrypter la manœuvre pas plus que le texte qui sera soumis prochainement au Parlement. Espérons que ce travail sera fait et que nous aurons un débat, un vrai débat qui concerne avant tout les citoyens-contribuables et non exclusivement une caste d’élus professionnels qui s’accrochent bec et ongles à leurs mandats.



17 réactions


  • jef88 jef88 14 août 2014 10:43

    CETTE REFORME EST INUTILE ET COUTEUSE !
    - elle ne supprime aucune feuille au mille feuille français !
    - en agrandissant les régions on va ajouter des niveaux hiérarchiques a l’administration actuelle donc : cadres, secrétariats etc ... donc dépenses accrues.....
    - on éloigne le citoyen de l’administration
    - les intérêts locaux sont zappés .
    - les citoyens n’ont rien a dire : on les ignore superbement

    et je pourrais continuer ...................................................................... ..


    • Michel DROUET Michel DROUET 14 août 2014 11:55

      Bonjour Jeff88

      Le discours des élus a fait des dégâts qui se vérifient à la lecture de votre commentaire.
      Il y a d’autres façons d’aborder cette reforme, avec à la clé des économies substantielles et une citoyenneté revigorée, mais personne n’en parle.


    • epicure 14 août 2014 17:34

      @Par Michel DROUET (---.---.---.227) 14 août 11:55

      le discours néolibéral fait des dégâts, ils se vérifient à la lecture de ton article.
      IL y a de meilleurs façon de faire des économies, et surtout sans perdre au niveau de la citoyenneté.

      Cette réformer ne peut pas renforcer la citoyenneté, mais ne peut que la déliter en éloignant des centre de décisions des citoyens.
      C’est une contre réforme par rapport à la révolution et à la décentralisation.

      En plus avec la disparition des départements il va y avoir de gros problèmes pour les services départementaux.

      Par exemple, un service départemental que j’ai connu, la PMI, et je suppose que c’est pareil pour d’autres services de niveau départemental, c’est un « petit » service avec quelques médecins qui couvrent tout le département, ça ne peut pas se diviser entre les intercommunalité dont certaines ( les plus petites ) pourraient voir l’addition d’un nouveau service comme une charge , ça augmenterait le personnel et donc ce serait lourd financièrement. Quand à passer les PMI au niveau de la superrégion, ben là on aboutit à l’absurdité d’une réforme aveugle, puisque cela éloignerait le service des gens qui pourraient en avoir besoin, les pauvres médecins seraient parfois obligés de faire de très long trajets inutiles, et en plus avec des frais de transport en plus.

      Donc la nouvelle réforme est une réforme aveugle sans véritable objectif global, fonctionnel et démocratique, juste une contre réforme dans la lignée des autres : l’obsession financière.

      Que les élus soient pour ou contre , cela ne change pas la donne.

      Si ton discours pour défendre la (contre) réforme territoriale c’est de dire que les élus y sont opposés, c’est qu’en fait tu n’as pas d’argument pour la défendre.

      C’est comme les défenseurs du oui lors du référendum de 2005, qui ont agité le chiffon de l’opposition du FN pour faire croire qu’il fallait voter oui.


    • Michel DROUET Michel DROUET 14 août 2014 18:00

      Bonjour Epicure

      J’ai travaillé dans un Conseil Général et j’ai pas mal d’arguments pour défendre sa suppression (lire mes articles précédents sur le sujet).

      La question que tu poses sur la PMI est beaucoup plus globale et pose la question du transfert de tous les services chargés de la compétence sociale dans les conseils généraux.

      On peut tout à fait transférer la compétence aux Régions avec maintien des structures d’accueil locales. On peut également envisager de transférer la compétence aux Pays qui remplaceraient les intercommunalités actuelles.

      On peut enfin envisager de conserver un établissement public départemental chargé de la gestion des compétences sociales.

      ...Le tout sans trajets ni frais de transport supplémentaires : il suffit de réfléchir et aussi faire confiance aux organisations représentatives du personnel qui sont très actives dans le social et ne laisseront pas passer une dégradation du service.

      La PMI et les services sociaux sont déjà territorialisés. Pourquoi vouloir à tout prix dire que le transfert à une autre collectivité va détériorer la qualité du service à l’usager ? C’est effectivement le discours que portent les élus dont je parle qui sont davantage préoccupés par la conservation de leurs mandats que par le service aux usagers.

      Des solutions existent à condition que l’on sorte du discours convenu.

      Enfin , l’obsession financière ne fait pas partie de mes motivations premières mais je considère que cette réforme est susceptible de générer des économies (indemnités des conseillers généraux, frais de communication, personnels politiques de cabinets,...).

      Par les temps qui courent, on peut se passer des conseillers généraux (qui par ailleurs pour beaucoup d’entre eux cumulent dans d’autres collectivités) et des coûts de fonctionnement qu’ils induisent.

      Je ne suis pas contre une stabilisation, voire une diminution des impôts locaux, mais s’il y en a qui préfèrent continuer à payer des impôts pour des collectivités devenus obsolètes (les conseils généraux grignotés par les intercos et les métropoles), grand bien leur fasse.


  • amiaplacidus amiaplacidus 14 août 2014 10:58

    Merveilleux, au nom de la décentralisation, le centre décide, arbitrairement, de ce qui doit ou non être une région !

    C’est pas beau le centralisme (même pas démocratique) ?


  • heliogabale heliogabale 14 août 2014 11:31

    Je pense que cette réforme ne produira pas les 10 à 15 milliards d’économie espérées.

    C’est une réforme qui ne vise pas à assainir les pratiques démocratiques locales. Par conséquent, on retrouvera à court terme les mêmes tares et la même complaisance clientéliste à un niveau toutefois plus agrégé... le grand baron local aura toujours autour de lui sa smala d’obligés : il y en aura 100 alors qu’avant ils étaient 50... les petits barons, eux, sont menacés j’en conviens... ils pourront toujours se reconvertir en obligé d’un grand baron...

    Assainir la pratique démocratique, c’est faire adopter un non-cumul des mandats strict, ne pas pouvoir faire plus de deux mandats... dans l’idéal ce serait aboutir au mandat unique. Il faut rendre inéligible à vie les élus condamnés pour corruption, abus de bien social, conflit d’intérêt... C’est enfin faire un audit à la fin de chaque mandature : s’il y a un problème, il rembourse ou il va en prison.


  • heliogabale heliogabale 14 août 2014 11:36

    Une petite commune, bien qu’elle n’ait pas forcément un grand intérêt politique, ne coûte pas aussi chère que cela en fonctionnement... grosso modo les indemnités d’élus qui ne sont pas folichonnes...

    ça a un grand intérêt social : ça crée du lien... dans l’absolu, on pourrait mettre un fonctionnaire mais ce serait revenir à un centralisme... quelque peu démocratique, s’il est tenu de prendre en compte les besoins des habitants réunis en assemblée...


    • Michel DROUET Michel DROUET 14 août 2014 11:59

      Bonjour Héliogabale

      C’est bien la commune qui est à la base de la démocratie et qu’il faut préserver. Maintenant, il n’est peut être pas utile qu’elle puisse tout faire et les intercommunalités peuvent prendre le relais.
      La commune, c’est avant tout le lien social et les élus communaux ne doivent pas perdre tout leur temps à la chasse à la subvention.


    • epicure 14 août 2014 17:46

      D’ailleurs il y a certaiens petites communes sans élus où ce sont des fonctionnaires qui font le boulot.

      Et puis au vu de la morphologie de la france, il ne faut pas oublier la complexité territoriale, qui fait que vouloir regtouper tous les services à des niveaux plus élevés que la comune, n’améliore pas forcément le service, pourrait même le dégrader dans certains lieux selon les services.


    • Michel DROUET Michel DROUET 14 août 2014 18:38

      Bonjour Epicure

      Les communes sans élus sont gérées par des Délégations spéciales désignées par les Préfets et non par des fonctionnaires locaux qui sont placés sous l’autorité de ces délégations.

      Enfin, mettre en avant la complexité territoriale est un argument couramment utilisé par ceux qui ne veulent rien changer.


  • Pascal L 14 août 2014 11:54
    Avant de faire un charcutage des régions, il serait pour le moins intéressant de savoir comment l’ensemble va être structuré. On entend que les départements vont être supprimés, j’aimerai savoir comment tout cela va être articulé.
    La répartition des responsabilités entre l’état et les différentes collectivité locales n’a pas été abordé. De même, pour nous citoyens, il serait intéressant de connaître les contre-pouvoirs que l’on va mettre en face des pouvoirs, car c’est là que la démocratie fonctionne. 
    Aujourd’hui, je ressent cette réforme comme un déni de démocratie, on supprime tous moyens de contrôle entre la commune et la grande région. Les communautés de communes ne sont pas démocratiques, car il n’y a aucun contre-pouvoirs et ce n’est pas le simulacre d’élection directe au dernières municipales qui me rassure.
    J’ai aussi un peu l’impression d’une politique de la terre brûlée. Comme la gauche va perdre les prochaines élections locales, on supprime les prébendes pour que la droite n’en profite pas...

    • Michel DROUET Michel DROUET 14 août 2014 17:31

      Bonjour Pascal L

      Vous posez effectivement les bonnes questions et en premier lieu celle de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités : beaucoup de doublons existent !

      Ensuite vous avez raison de dire que les Communautés de communes n’ont pas de légitimité démocratique compte tenu du mode de désignation des délégués (sur les mêmes listes que les conseillers municipaux)

      Enfin comment les choses vont s’articuler entre Régions et communes ? Il existe des structures de concertation et de projets intercommunaux - les Pays - qui seraient à même de faire le lien entre communes et Régions, à condition qu’elles aient le statut de collectivités locales, en lieu et place des départements.

      S’agissant de la gestion de terrain, les services municipaux et du Conseil Général sont très bien implantés et en cas de suppression de ce dernier, les collectivités qui récupèreront ses compétences -région, notamment - auront tout intérêt à conserver ces implantations locales (services sociaux, agences techniques,...). Il n’y a a priori aucune crainte de voir disparaître des services de proximité pour la population, mais je vous rejoins sur la nécessité de mettre en place des contre pouvoirs sur ce sujet, comme sur le point des économies à réaliser. 


  • zygzornifle zygzornifle 14 août 2014 16:58

    gouvernement absurde = réforme absurde ....


  • Antenor Antenor 14 août 2014 21:38

    Le problème de fond, ce sont les compétences déléguées à chaque échelon territorial. Comment déterminer la bonne taille d’une région si on ne sait pas ce qu’on veut en faire ? Le but des regroupements de régions, c’est juste d’en avoir de plus grosses que celles des Allemands ?

    Ce faux débat sur les régions semble être un leurre destiné à détourner notre attention sur la formation des pays / métropoles qui se dessine un peu partout et qui sont bien partis pour récupérer l’essentiel des compétences départementales ; les régions semblant vouer à n’être que de grosses coquilles vides.


  • Michel DROUET Michel DROUET 14 août 2014 22:19

    Bonsoir Antenor

    J’avoue moi aussi ne pas avoir très bien compris le regroupement régional. Ce n’était pas l’essentiel, à mon avis.

    Maintenant, le texte qui sera bientôt soumis au Parlement prévoit tout de même pas mal de compétences pour les Régions. On ne peut donc pas parler de coquilles vides.


    • Antenor Antenor 15 août 2014 12:30

      Bonjour,

      Régions et métropoles/pays ne risquent-elles pas de se marcher sur les pieds ? Surtout que les intercommunalités devront compter au moins 20000 habitants à l’horizon 2017. Ce qui signifie en pratique le rattachement de toutes les petites communautés de communes rurales à la communauté d’agglomération la plus proche.

      Communes-Pays(&Métropoles)-Régions-Etat : il me semble que cela fait encore un échelon politique de trop. 3 seraient suffisants.

      http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/reforme-territoriale-pour-des-regions-plus-fortes-aux-competences-affirmees


    • Michel DROUET Michel DROUET 17 août 2014 07:56

      Bonjour Antenor

      On peut penser que la répartition des compétences supprimera ce risque.
      Sur le rattachement des communes à l’agglo la plus proche, les réticences politiques joueront ainsi que l’opposition urbain/rural. Maintenant, il faudra regarder de près ce qui se passera dans les départements les moins peuplés. Il n’est pas exclu non plus que des communautés de communes se rapprochent d’un pays situé dans un département limitrophe. C’est la notion de bassin d’emploi qui déterminera le pourtour des Pays et non les frontières administratives.

      Enfin, communes-Pays (et Métropoles) ne constituent qu’un seul et même échelon. Tout dépend également de la répartition des compétences à l’intérieur de cet échelon. Il y aurait donc le bloc communal, les Région et l’État, ce qui fait trois échelons.


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