Il n’est pas inintéressant de s’intéresser à l’intérêt
Lorsque nous achetons un véhicule automobile à crédit, une maison individuelle, où lorsque nous mangeons des lasagnes de cheval nous consommons de l'intérêt sans le savoir ; par nos impôts aussi nous ne faisons que contribuer à payer les intérêts que l'état doit aux banques. Bref comme les subprimes en 2007, de la viande de cheval en 2013, de l'intérêt il y en a de partout et nous passons une bonne partie de notre temps à travailler pour payer ces satanés intérêts qui tout en étant discrets nous plument consciencieusement.
LE POIDS DE L’INTÉRÊT DANS L'EMPRUNT
Lorsque nous décidons de devenir propriétaire d'une belle maison , comme nos économies ne me permettent pas un apport supérieur à 20 % du prix d'achat, nous sollicitons la banque pour un emprunt sur 20 ans de 200 000 euros ; on nous propose un prêt avec un TEG à 4.35 % ( oui je sais on peut obtenir moins cher mais pour les besoins de la démonstration gardons ces chiffres ) . L'intérêt s'affiche petit, il est modeste ; 4.35 % dans notre petite tête de consommateur c'est pas beaucoup : 4.35 euros pour 100 euros à l'année, en nous serrant la ceinture nous pourrons rembourser à deux la mensualité ( 1250 euros). En contractant ce prêt, on vient, en échange de 250 000 euros, d'acquérir un logement et généreusement de donner un gros pourboire à la banque pour le service rendu ( qui se résume à taper sur quelques touches d'un clavier d'ordinateur ) : 100 000 euros d'intérêts , soit 50 % de la valeur du capital prêté ; pourboire qu'elle s'empresse d'encaisser dès les premières années du remboursement du prêt, ( au bout de 10 ans c'est plus de 70% des intérêts empochés pour seulement 40 % du capital ). Le coût total de notre achat est de 350 000 euros si nous réussissons à rembourser sans embûche pendant 20 ans le prêt.
Pour l'achat d'un véhicule automobile et un prêt de 10000 euros sur 48 mois c'est 1500 euros d'intérêts à verser à la banque.
Pour une carte FINAREF-FNAC le taux d'intérêt peut atteindre plus de 20 % sur les 2000 € de facilités de paiement. !!!
La part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée n'a cessé de diminuer depuis les années 1980, il a bien fallu trouver un artifice pour maintenir à court terme le pouvoir d'achat du "travailleur-consommateur", c'est la consommation par l'endettement. Mais l'intérêt versé pour les emprunts contractés, c'est à long terme encore du pouvoir d'achat prélevé sur les plus pauvres vers les plus riches.
Une étude réalisée en Allemagne montre comment la concentration de richesse se fait par le versement de l'intérêt. (1 ) ; Seuls les 10 % les plus riches gagnent plus par les revenus financiers importants de leurs placements, les 90 % des autres sont toujours perdants dans ce bilan des intérêts perçus par les placements et des intérêts payés par les emprunts.
ATTENTION UN INTÉRÊT PEUT EN CACHER UN AUTRE !
Dans tout acte d'achat d'un bien ou d'un service, au comptant ou à crédit, se cache aussi de l'intérêt. Sa part dans le prix dépend des investissements nécessaires à la production du bien par l'entreprise. Par exemple dans le paiement de l'eau potable en Allemagne en 2002, la part de l'intérêt atteignait 24 % ! ( 1 ).
On évalue de 30 à 50 % le poids du remboursement d'intérêts dans le prix des produits et services. En supprimant l'intérêt on pourrait augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs de l'ordre de 25 % environ.
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(1) Argent, dettes et banques. Comment sortir de la crise ? A.J. Holbecq Page 87 à 90
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L' IMPÔT SUR LE REVENU EST ENTIÈREMENT CONSACRE AU PAIEMENT DES INTÉRÊTS DE LA DETTE DE L’ÉTAT !
Depuis la loi du 3 janvier 1973, renforcée par le Traité de Lisbonne au niveau européen, l’État est obligé de se financer sur les marchés financiers et donc de payer des intérêts aux banques.
En "roulant" la dette, par le jeu des intérêts, celle -ci, comme une boule de neige n'a cessé de grossir. Ainsi de 1995 à 2010, la dette a crû de plus de 1000 milliards alors que les déficits primaires ' le noyau dur" de la dette représente moins de 200 milliards, soit en moyenne moins de 14 milliards par an . En 15 ans les intérêts représentent plus de 80 % dans le poids de la dette. En 2011 la charge de la dette, le paiement des intérêts aux banques privées, a englouti l'équivalent de l'ensemble de l'impôt sur le revenu soit plus de 50 milliards d'euros, c'est autant qui ne vont pas dans les services sociaux.
Il s'agit bien encore d'une ponction de la richesse publique par le système financier, prélevée sur les revenus du travail par l'impôt.
COMMENT AGITER ÉPOUVANTAIL DE LA DETTE BRUTE DE L’ÉTAT POUR ENCORE DIMINUER LES PRÉROGATIVES DE L’ÉTAT
Avec l'aide des experts dans les médias, l'idéologie dominante martèle sans cesse que notre État est en faillite, que la dette représente presque 100 % du PIB et qu'en conséquence il serait impérieux de diminuer "la dépense publique" et en particulier les aides sociales. Démystifions ce discours qui ne vise encore qu'à sauvegarder les intérêts des détenteurs de capitaux.
Pour cela revenons à notre exemple familiale. Pour l'achat du logement la dette brute est de 200 000 euros alors que les revenus annuels, le PIB familial , sont de l'ordre de 54 000 euros (1500€ x 3 x12 ) ;la dette brute représente alors 370 % de notre PIB !! Alors pourquoi la banque financerait-elle un ménage en faillite ? Par ce qu' elle fait la distinction entre dette brute et dette nette et qu'elle va faire le bilan avec l'ensemble de nos actifs y compris de notre patrimoine non financier, en déduisant de l'ensemble des actifs le passif c'est à dire nos dettes.
A l'échelle de la nation il est nécessaire de faire le même travail en intégrant aussi le fait qu'il y a plusieurs partenaires en économie ; A coté des administrations publiques il y a les entreprises non financières, les entreprises financières et les ménages.
Si en 2011 la dette brute des Administrations publiques et bien de 2178 Milliards d'euros, si on déduit les actifs financiers, la dette nette tombe à 1256 milliards. Si on ajoute le patrimoine des administration, le bilan est positif de plus de 500 milliards d'euros. L’État n'est donc pas en faillite.
Si l'on observe l'évolution de la situation de 2000 à 2011 ( 2 ) de tous les acteurs économiques :
1° Le solde financier est : en 2000 en 2011 (milliards d'€ ) (milliards d'€ )
- pour les administrations publiques : -539 (-717 ) -1256
- pour les ménages : 1930 ( 720 ) 2650
- Pour les sociétés non financières : -1493 (-627 ) -2120
- pour les sociétés financières : 312 ( 38 ) 350
Ainsi, entre 2000 et 2011, les ménages ( aisés en particulier ) se sont enrichis de la même somme que l'état s'est appauvri. Si les intérêts versées par l’État ont contribué à cet enrichissement, la diminution de la pression fiscale à certainement accéléré le phénomène.
2° le solde du patrimoine totale est : en 2000 en 2011 (Milliards € ) (Milliards € )
- Pour les administrations publiques : 280 ( 220 ) 500
- pour les ménages : 4900 ( 5400 ) 10300
- Pour les sociétés non financières : 473 ( 1600 ) 2076
- pour les sociétés financières : 416 ( 209 ) 625
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(2) postjorion:dettes-brutes-et-nettes et INSEE
Le bilan est positif pour tous les secteurs de l'économie mais ce qui faut souligner c'est la grande concentration de richesse chez les ménages les plus aisés. L'observatoire des inégalités souligne la concentration de plus en plus forte du patrimoine au cours des dernières années.
Ainsi de 2004 à 2010 alors que les 10 % les moins riches ont vu leur patrimoine stagné autour de 1300 € les 10 % les plus riches se sont enrichis en moyenne de 850 000 € à 1250 000€, soit de 400 000 € !
CONCLUSION
Dans tous les secteurs de l'économie : administrations publiques, entreprises non financières, consommateurs, c'est bien l'intérêt qui pompe une part de la richesse pour la concentrer entre quelques mains. Tant que les banques auront le monopole dans la création monétaire et tant que nos représentants politiques se feront les complices de ce grand détournement de richesse, rien ne changera dans la confiscation d'une partie du pouvoir d'achat du "travailleur consommateur". L'endettement croissant par le jeu des intérêts cumulés des états, si rien n'est fait, conduira inévitablement un jour à une crise systémique qui se traduira par un défaut généralisé dans le remboursement des dettes publiques et privées et, dans l'effroi l'impensable pourrait se produire. Le système ne pourra pas absorber de tels déséquilibres très longtemps.
Oui il faut bien diminuer " la dépense publique" ... surtout celle captée par les banques par les mécanismes de l'intérêt.
Note : La lecture des livres "Argent , dettes et banques- Comment sortir de la crise" d'André-Jacques Holbecq et "Les secrets de la monnaie" de Gérard Foucher ( 1 ) et des blogs de Paul Jorion et de postjorion. m' ont donné les éléments pour écrire ce billet ; je les remercie de leur clairvoyance.
Voir aussi : A qui profite la dette de Robert Gil