Frégates de Taiwan : l’heure des « comptes » publics a sonné !
Depuis des années, avec la mise en avant du fameux et fumeux « secret-défense », les gouvernements successifs de toutes couleurs politiques ont essayé d’empêcher l’opinion publique de connaître la vérité sur les dessous réels du gigantesque scandale des frégates de Taiwan. Or, du fait de l’entraide judiciaire entre Taiwan et la Suisse, et du fait du labeur tenace et patient des enquêteurs, journalistes et magistrats taiwanais, la vérité qui était cachée en France surgit maintenant d’un Rapport de synthèse rédigé en mandarin et basé sur les documents bancaires abondants remis par les autorités suisses aux magistrats taiwanais. Et, maintenant, avec internet, au prix d’un travail de traduction bénévole, nous pouvons briser le mur du secret-défense et dévoiler publiquement ce qu’on cachait aux citoyens par ce douteux moyen. L’heure de l’accès des citoyens aux « comptes » cachés a sonné... (voir le lien vers TOUS ces comptes en fin d’article afin de ne pas alourdir ce dernier).
La surface des faits et les intérêts de la France, en fait ceux de ses entreprises militaires
Ce que nous révèle le rapport de synthèse taiwanais, à compléter encore, sur les réseaux financiers qui ont permis ce qu’on devrait maintenant appeler les « trois scandales des armes françaises vendues à Taiwan », est une réalité plus que honteuse, d’où l’Etat français comme ses dirigeants politiques de l’époque ne sortent pas grandis.
Ce qui va être conté ici n’est, pour l’heure, que la partie déjà mise à jour des trois affaires citées, qui ont permis de vendre à Taiwan six frégates de classe Lafayette, cent Mirage 2000 et un millier de missiles MICA de la société Matra.
Rien ne nous dit qu’il n’existe pas encore des dessous encore plus glauques à découvrir, mais les juges suisses et taiwanais s’y emploient activement.
Rappelons d’abord la chronologie de quelques faits qui étaient publics et connus, mais qui, aujourd’hui, s’éclairent d’une tout autre manière avec les documents publiés par les médias taiwanais.
Le 23 décembre 1989 : la France et Taiwan signent un mémorandum qui indique que la France, via la DCN et la société Thomson, vendra à Taiwan six frégates de la classe « Lafayette », avec leur équipement de combat complet, pour le prix de 13 259 100 000 FF.
Au niveau des plus hautes autorités de l’Etat, cette vente est surnommée du nom de code « Opération Bravo ».
Du fait des difficultés diplomatiques et politiques que ce contrat génère avec les autorités chinoises, un réseau dit « Lily Liu » va s’occuper, avec de l’argent public qui sera appelé « versements de commissions commerciales légales », de "lever" les oppositions des hauts dirigeants chinois, mais cela prendra du temps.
Un article antérieur a fait le point complet sur ce volet de l’affaire.
Lien : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=38764
Le 27 juillet 1991 : la France et Taiwan signent un nouvel accord valant contrat définitif pour la valeur, cette fois-ci, de 15 420 793 000 FF.
Le prix des frégates dites de Taiwan a donc augmenté de 2 161 693 000 FF en près de dix-huit mois ! Soit avec une parité mensuelle de 6,07 FF par dollar en ce mois de juillet 1991, le somme de 356 127 347,60 dollars américains.
Retenons ces chiffres et ces parités car nous verrons qu’ils sont aussi instructifs de ce dossier.
Les années suivantes, seront signés des contrats qui porteront sur la vente de Mirage 2000 avec leur équipement complet de combat et des missiles de la société Matra.
A chaque contrat, malgré les changements de gouvernements en France, après 1993, les mêmes intermédiaires commerciaux négocieront et l’Etat appuiera les contrats de toute sa puissance politique.
On suivra dans cet article une partie significative des commissions et rétro-commissions versées pour les trois contrats successifs. Le reste est pour le moment entre les mains des enquêteurs taiwanais qui ont remonté quasiment toutes les pistes et tous les réseaux pour les trois contrats.
Dès que ces éléments seront communiqués par les autorités taiwanaises, ils seront publiés sur Agoravox.
Tout ce qui est écrit ci-dessus est l’apparence des faits publics, même si tout cela se passe dans une relative discrétion. Regardons maintenant le dessous des trois contrats.
Sociétés fantômes, intermédiaires suspects, comptes bancaires off-shore, commissions et rétro-commissions en tous sens
Maintenant, quittons les palais nationaux, temples de l’intégrité morale, les ministres dignes emplis d’esprit civique sincère, les chefs d’entreprises vertueux aux franches déclarations et regardons enfin ce qui a été caché aux citoyens, à savoir l’envers du spectacle officiel.
Notre guide pour cette visite dans les bas-fonds des affaires en question sera un citoyen taiwanais du nom anglicisé Andrew Wang.
C’est un guide qui a laissé derrière lui de précieux fils d’Ariane pour le suivre si on le perdait de vue un instant.
Cet homme est en 1989 le représentant à Taiwan de la société d’armements Thomson, qui donnera naissance à Thalès plus tard. Il connaît bien le pays, ses élites, ses cadres politiques et ses difficultés politiques pour se procurer des armes pour ses forces de défense. Cela fait sa force tandis que son savoir-faire financier et bancaire le rend même « indispensable » pour des opérations délicates.
Suivons notre guide et les faits, sans respect de la chronologie, mais en s’attachant à des comptes bancaires.
Le 13 mai 1991 : M. Wang, représentant de Thomson, quitte Taiwan et se rend aux îles Vierges, territoire britannique. Il y ouvre deux comptes off-shore secrets à l’agence locale UBS au nom d’une société fantôme, Euromax Ltd, le compte n° 710.741 et SUB ACC n° 710.781.
Le 29 juin 1991 : M. Wang est à Zurich, en Suisse. Il va à la banque UBS et y ouvre un compte secret PO 60580. Il en ouvrira beaucoup, de comptes, à l’UBS, à la LGT, à la banque Julius Baër, à la BNP et ailleurs. Comme par hasard, depuis quelques mois, certaines de ses banques sont souvent citées dans l’actualité, comme la banque LGT et Julius Baër.
Le 14 juillet 1991 : le jour de la fête nationale française, M. Wang notifie à ses contacts à Thomson que les commissions prévues peuvent être versées sur les comptes de la société Euromax Ltd aux îles Vierges.
Rappelons ici que c’est le 27 de ce même mois de juillet 1991 que le prix des frégates a brusquement augmenté dans le contrat proposé à Taiwan et a été accepté par cet Etat.
Le 8 septembre 1991 : M. Wang est de nouveau à Zürich et ouvre le compte secret PO 60581 toujours à l’UBS.
Le 20 septembre 1991 : Taiwan paie à la France 30 % de la somme fixée par le contrat du 27 juillet 1991, soit plus de 5 milliards FF, mais réglés en dollars américains !
Le 30 septembre 1991 : le compte bancaire de la société Thomson à la banque Indosuez est débité de 140 888 900 dollars américains en sept virements distincts.
Le 14 octobre 1991 : aux îles Vierges, la banque off-shore locale UBS crédite très précisément sur le compte principal de la société Euromax Ltd la somme de 140 888 900 dollars américains par le biais de sept virements distincts reçus.
Ce même jour, le solde des comptes de la société Euromax Ltd atteint le solde formidable et exceptionnel de 340 353 140 dollars américains, soit avec la parité moyenne du moment FF/ dollar- environ 5,76 FF pour un dollar, un montant de 1 858 328 144 FF.
Constatons ici un fait qui peut interroger : la chute du dollar, entre juillet et octobre 1991, par rapport au franc français, a créé un différentiel favorable en l’espèce au payeur en dollars américains, donc à Thomson en termes de parité FF/dollar.
En clair, si le montant déposé sur les comptes de la société Euromax Ltd devait servir à rembourser quelqu’un ou des personnes diverses, les récipiendaires potentiels gagnaient au change en prenant les paiements en dollars, et perdaient s’ils acceptaient les francs français ou encore une parité monétaire reliée au franc français.
Le 15 octobre 1991 : le compte Euromax Ltd- UBS n° 710 741 SUB ACC n° 710 781 qui avait le 14 octobre un solde de 340 533 140 US$, alimenté par sept transferts d’un total de 140 888 900 US$ en provenance du compte de la société Thomson à la banque Indosuez est débité de la somme de 123 535 190,55 US$.
Le 27 septembre 1993 : le compte de la banque Indosuez de Thomson envoie au compte Euromax Ltd la somme de 4 760 461 francs suisses.
Le 18 février 2000 : le compte Euromax est débité de 8 340 328 US$. Son solde indique après l’opération un montant de 207 498 698,29 US$.
Le 21 décembre 1994 : Andrew Wang ouvre à Zurich le compte UBS n° 377 373 au nom de la société Middleburry Ltd.
Le 3 mars 1998 : Andrew Wang ouvre le compte UBS n° 204 000 à Zurich au nom de la société Middleburry Ltd.
Le 5 janvier 1995 : le compte UBS n° 377 373 de la société Middleburry Ltd reçoit vingt-neuf transferts en provenance de la société Thomson pour un total de 122 546 720 US$.
Le 20 octobre 1996 : le compte UBS n° 377 373 de l’UBS au nom de la société Middleburry Ltd reçoit de la société Thomson douze transferts pour un total de 125 786 004 francs suisses, soit à l’époque l’équivalent de 144 770 399,60 US$.
Le 13 septembre 1993 : la somme de 77 601 165 US$ est transférée du compte UBS n° 60 581 appartenant à Andrew Wang au compte d’Andrew Wang UBS n° 955 591 KD.
Il s’agit de sommes visiblement prévues pour des destinataires taiwanais, selon l’avis de la justice taiwanaise.
Le 9 septembre 1998 : le compte UBS n° 204 000 de la société Middleburry Ltd reçoit sept virements pour un total de 78 248 378 francs suisses de la part de la société Thomson.
Tels sont quelques mouvements "significatifs" sur les comptes gérés par notre "guide", Andrew Wang, recherché depuis plusieurs années par la justice de son pays, Taiwan, pour, entre autres délits présumés : meurtre en bande organisée (celui du capitaine Yin), blanchiment d’argent, faux et usage de faux, escroquerie en bande organisée...
Arrêt sur image, comptes gelés et accords entre Etats
Selon le communiqué de la justice suisse du 10 avril 2008, plus de 900 millions de dollars américains ont été gelés sur les comptes d’Andrew Wang, de ses familiers ou proches.
C’est l’arrêt sur l’image 2008 de ce qui reste de ces scandales étalés sur plus de dix ans !
A cette heure, Taiwan n’a récupéré que la somme de 34 millions de dollars américains.
Il est intéressant de noter que les seuls vingt comptes personnels gelés au nom de Bruno Wang, un des fils d’Andrew Wang, se montent à 526 500 000 dollars américains.
Il est aussi vrai que les longues heures de travail solitaire passées dans les salles protégées de banques suisse, comme la LEU, par Bruno Wang ont attiré l’attention et attisé les soupçons de l’EBK, l’organisme de surveillance des banques en Suisse.
Notons juste les noms de certaines sociétés-écrans qui pourront donc intéresser médias et magistrats français maintenant que la vérité sur les comptes apparaît avec clarté :
- la société Bucellati International pour qui un compte off-shore est ouvert le 7 décembre 1992 ;
- la société Sableman International pour qui un compte off-shore est ouvert le 18 octobre 1994 ;
- la société Middleburry Ltd pour qui un premier compte off-shore fut ouvert le 21 décembre 1994 ;
- et enfin la société Euromax Ltd dont le siège social aux îles Vierges est tout un programme.
Pour les lecteurs, journalistes d’investigation comme d’information qui refusent que le « secret-défense » invoqué ne serve à cacher des pratiques que les citoyens ont le droit imprescriptible de connaître, voici le lien électronique vers les sources issues des enquêteurs, en mandarin traditionnel, certes, mais incontestées et incontestables, car nourries des éléments fournis par les banques et deux justices nationales, la suisse et la taiwanaise.
http ://mypaper.pchome.com.tw/news/windsontw/3/1274491703/20061020005729
Comme le dit le titre de cet article, le temps des « comptes » publics a sonné.
Les comptes bancaires cachés jusqu’ici aux citoyens et à la justice de la République sont dorénavant « publics » et accessibles.
Il appartient maintenant aux vrais médias d’information de faire leur travail, aux députés de la République d’enquêter jusqu’au fond des choses sur ces dossiers sordides afin d’en tirer la vérité complète et à celles et ceux qui ont retiré de ces affaires des ressources illicites de rendre l’argent illégalement perçu à son légitime propriétaire, spolié à trois reprises : l’Etat taiwanais et ses 23 millions de citoyens.
Ce qui évitera à tous les contribuables français de régler le solde des impayés comme la France s’y est engagée en avril 2006 envers Taiwan dans un accord officiel d’Etat à Etat.
Ce qui contribuera aussi à des relations futures apaisées où la confiance peut de nouveau être présente entre les pays dans leurs diverses relations à venir.
C’est là la voie de la sagesse, de l’intelligence et de la transparence. La France et ses citoyens ont tout à y gagner.
NB : les militants taiwanais anti-corruption ont créé un lien vers l’ensemble du tableau synthétique en français des comptes bancaires gelés des Wang :