jeudi 3 juillet 2008 - par JL ML

Les agences de presse appuient l’idée d’un Conseil de presse

C’est une étape importante qui vient d’être franchie vers l’instauration en France d’une instance de médiation et de régulation destinée à améliorer la qualité de l’information journalistique.

Le conseil d’administration de la Fédération française des agences de presse (FFAP) vient de décider de « soutenir l’idée de la création d’un Conseil de presse en France » et de son intention de la voir prise en compte lors des ateliers thématiques des Etats généraux de la presse qui devraient démarrer dès le début du mois de septembre à l’initiative du président de la République.

Après une maturation d’un an et demi, l’Association de préfiguration d’un Conseil de presse en France (APCP) avait rendu public son projet de Conseil français de presse lors des Assises internationales de journalisme de Lille qui ont eu lieu du 21 au 23 mai derniers.

Présidée par Yves Agnès, ancien rédacteur en chef au Monde et ancien président du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris, l’APCP réunit des journalistes, des associations (Clemi, AQIT...), des chercheurs, ainsi que des membres de la société civile intéressés par les questions de déontologie dans les médias.

L’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille est également membre de l’APCP. Dès mars 2007, son président, Hervé Bourges, ex-président de France Télévisions et ex-président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), s’était déclaré favorable à la création d’une telle instance de régulation et de médiation.

Protéger la liberté de la presse et le public

Un Conseil de presse français, instance indépendante constituée d’éditeurs, de journalistes et de représentants du public, aurait essentiellement pour but de « protéger la liberté de la presse et protéger le public contre les abus de cette liberté » (définition de Robert Pinker, Press Complaints Commission, Grande-Bretagne). Tel qu’il est proposé par l’APCP, il serait aussi un observatoire des pratiques professionnelles et pourrait mener des actions pédagogiques à destination des professionnels comme du public.

Pour la FFAP, un Conseil de presse serait un outil indispensable pour veiller à l’application de la déontologie journalistique. La fédération, qui compte 126 agences dont les plus grosses, œuvre par ailleurs pour faire évoluer les textes fondateurs des agences. Elle a élaboré un projet de réforme pour que la priorité donnée « à la clientèle » soit transformée en priorité donnée « aux produits » d’information.

En effet, actuellement, les agences sont considérées comme telles si elles fournissent des éléments rédactionnels principalement (à plus de 50 %) à des journaux et périodiques. « Or, les agences qui se développent le plus aujourd’hui, note Jacques Morandat, directeur général de la FFAP, se développent partout sauf dans ce secteur ».

N’est-ce pas déjà trop tard ?

Arnaud Hamelin, PDG de la FFAP, a été parmi les premiers signataires de l’appel en faveur de l’adoption d’une charte nationale d’éthique et de qualité de l’information et la création d’une instance nationale d’éthique. Cet appel, consultable sur journalisme.com, a également été signé par deux anciens présidents de l’Agence France Presse, Henri Pigeat et Claude Moisy, par Dominique Baudis, ancien président du CSA, Jérôme Clément, président d’Arte France, Michèle Cotta, vice-présidente de IDF 1, etc.

Ce qui se dessine ainsi est une tentative de prise en main par la profession médiatique de la surveillance et de l’application des règles déontologiques. Depuis des années, la Fédération des agences réfléchissait à l’idée d’une labellisation ou d’une certification des informations diffusées par ses réseaux. Face à l’extraordinaire déferlement des sites internet participatifs et des blogs, ce serait un moyen de distinguer des informations élaborées selon des règles strictes du reste des commentaires et opinions diffusés sur le net. Et de renforcer ainsi la crédibilité de l’information élaborée par des journalistes professionnels.

La création d’un Conseil de presse permettrait de compléter le dispositif en veillant à la bonne application de ces procédures. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?

(Déclaration d’intérêt : le journaliste rédacteur de cette information est membre fondateur de l’APCP)



9 réactions


  • HELIOS HELIOS 3 juillet 2008 13:15

    Merci pour votre article...

    Toute tentative de d’accord, quel qu’il soit, dans la presse (quel que soit son support) est pour moi nécessairement une entrave à la liberté.

    La societé civile, comme on dit, s’appuie sur des lois simples, indépendantes des acteurs, qui sont censées réguler le milieu... ces lois sont basées sur la vie privée, la diffamation etc. et sont largement suffisantes.

    La possession d’une "carte de presse" est déjà discutable en elle même car elle prive toute forme d’observation indépendante. Il serait déjà fort préférable d’assurer une inscription "volontaire et libre" a un fichier national, avec, eventuellement des niveaux de "confiance" ou une "notation" comme on donne des capacités à un pilote ayant des heures de vols.

    A partir du moment où on met une "frontiere", et quel que soient les modes de fonctionnement de la frontiere, par un organe de type conseil, une habilitation, certification etc, on cré un système ou il y a un "dedans" et un "dehors", rendant le dedans "légitime" et le dehors "deviant".

    Cela implique, par exemple, que les sites internet comme Agoravox et bien d’autres sources d’informations qui n’obtiendrons jamais l’adoubement des conseils, ne peuvent pas fournir d’informations veritables entrainant de fait la brouille complete des messages comme : tout ce qui est publié est faux et par corrollaire, tout ce qui est dit par un media certifié est vrai....

    On saisi tout de suite le danger et si, aujourd’hui, il est question de creer un "conseil" de presse, c’est que ce danger a été bien perçu par les acteurs qui se croient legitimes et qui veulent proteger leur pré carré.... financier par l’assise de légitimité de leur entreprise, et moral par la connotation de sincèrité qui va avec.

    Mon dieu, mon dieu, on va encore une fois se faire abuser. Vous avez raison, l’esprit de ’68 est bien eteint, allez, je ne veux voir qu’une seule tête !!!


  • Forest Ent Forest Ent 3 juillet 2008 13:30

    Une commission chargée de la "liberté" et de la "déontologie" de la presse me semble une menace sur celle-ci, et je pressens bien pourquoi Sarkozy s’y intéresse.

    En effet, la presse en France ne souffre aucunement d’un manque de liberté, mais totalement d’un manque d’indépendance. Je veux dire par là que Bouygues, Arnault, et tous les gens qui sont assez riches pour cela sont tout à fait libres d’acheter des médias pour y faire diffuser leur vérité. Nous sommes tous libres d’en faire autant si nous avons autant de sous. La liberté de la presse est donc un faux problème.

    Par contre, "l’abus de la liberté de la presse" pourrait viser assez clairement les médias qui diffusent des off de Sarko, Cecilia, etc ... Ca me rappelle pas mal l’idée de "commission de déontologie" de Donnedieu de Vabre, que ne renierait certainement pas Christine Albanel, qui pond chaque jour sur ordre un texte pour Bouygues.

    Par ailleurs, la presse cherche à se défendre d’internet, et instrumente pour cela la notion de "déontologie" ("nous au moins on sait ce qu’on raconte", ce qui reste d’ailleurs nettement à démontrer). De la survie à la compromission, le pas est court.


  • alberto alberto 3 juillet 2008 13:40

    Trop tard et sans doute bien inéfficace !

    Car de quoi s’agit-il ? D’abord, me semble-t-il, d’organiser la profession afin d’informer objectivement et correctement les citoyens dans le but que ceux-ci puissent démocratiquement déterminer leur choix quand vient l’heure de s’exprimer par leurs bulletins de votes.

    Or que constate-t-on ? Que les médias sont sous contrôle, soit directement quand ils sont dans la main de l’Etat, et donc du pouvoir, soit indirectement quand leurs organes, presse écrite ou audiovisuelle, sont majoritairement détenus par des amis du pouvoir, et dont les annonceurs qui assurent une part importante des recettes sont dans son sillage.

    A partir de là, vous pouvez mettre en place toutes les instances immaginables et établir toutes les chartes déontologiques possibles, elles ne s’appliqueront qu’au Canard Enchaîné, à Libé (et encore ! ) et peut-être au Monde...

    Alors, pour les individus critiques (vous, moi, les lecteurs d’AV ) il y a les journaux étrangers francophones ou anglophones qui montrent leur indépendance vis à vis de leur propre pouvoir, à fortiori du notre, et surtout, Internet où l’internaute avisé saura faire le tri de l’info !

    Je crois que ce constat s’applique aussi à l’ Italie : c’est bien trisye, mais c’est comme ça !

    Bien à vous.


    • ZEN ZEN 3 juillet 2008 16:28

      Forest a raison
      C’est l’indépendance qui est en question , sinon la liberté ne restera qu’un mot


    • JL ML Jean-Luc Martin-Lagardette 3 juillet 2008 19:32

      Quelques éléments me semblent nécessaires à apporter pour comprendre ce qui est en train de se passer. Et notamment que, contrairement aux quelques réactions négatives qui se sont manifestées ici, la création d’un Conseil de presse serait une avancée - et non un recul - par rapport aux libertés de la presse.

      Il me semble que l’on ne se rend pas assez compte que, d’ores et déjà, l’indépendance journalistique est un quasi-mythe, à part quelques rares titres (le Canard, Alternatives économiques, etc.) et quelques rares rédactions. Laisser faire les dérapages sous prétexte de ne pas toucher à la liberté d’expression, c’est en fait permettre à ceux qui tiennent les règles d’orienter les infos comme ils le souhaitent.

      Car la liberté de la presse est plus que menacée : elle est actuellement gravement réduite par la censure (plus ou moins directe) et surtout par l’autocensure (la plupart des grands journaux sont aux mains de capitaines d’industrie non spécialistes des médias).

      Il faut quand même savoir que le journaliste n’est pas en profession libérale et qu’il est donc lié par un lien de subordination à son employeur. C’est la loi qui le dit pour tous les salariés et un journaliste est un salarié, c’est même une condition pour avoir la carte.

      En outre, dans sa convention collective, il est expressément écrit que sa liberté d’expression, si elle est reconnue aussi bien à lintérieur qu’à l’extérieur de sa publication, ne doit EN AUCUN CAS nuire aux intérêts de son patron. C’est-à-dire, en clair, ni aux actionnaires ni à la pub... On comprend pourquoi les industriels aiment posséder des journaux.

      Qui tranche quand un journaliste tombe sur une info d’intérêt général, dont le public aurait droit de prendre connaissance mais qui gêne l’employeur ? Qui tranche sinon le patron ou l’autocensure ? Dans quelques publications, il existe des sociétés de journalistes qui peuvent dire leur mot. Mais leurs pouvoirs sont encore très limités. Il n’y a pas de discussion au niveau national. Et les syndicats sont débordés pour déjà limiter la casse des effectifs...

      Il n’y a aucune instance pour défendre les intérêts du public et de son droit à recevoir une info vraiment indépendante et de qualité.

      Pour la TV, il faut savoir que le CSA, qui nomme aujourd’hui les patrons de la TV publique, est déjà un instrument du pouvoir politique (3 repésentants sont désignés par le pdt de la Rp, 3 par le Parlement, 3 par le Sénat). Il ne comporte pas de représentants du public... Les journalistes ont donc assez peu de marges de manoeuvre sur les questions sensibles, c’est-à-dire qui touchent les pouvoirs (politique ou économique)...

      Un conseil de presse n’aura rien à voir avec un conseil de l’ordre (comme pour les médecins ou les avocats). Ce serait plutôt une instance de médiation et de régulation (et non de contrôle ; et elle n’interviendra pas sur le fond des articles mais sur le seul respect des règles éthiques).

      Les dossiers de manquements, qui doivent bien être relevés si on veut que la presse devienne plus crédible, seront instruits par des commissions réunissant éditeurs, journalistes et public.

      Une telle instance protégera donc autant le public que les journalistes. On peut imaginer que des sites comme Agoravox, qui seraient prêts à s’engager sur un référentiel minimum d’éthique, pourraient eux aussi rentrer dans le champ d’analyse du Conseil de presse.

      Enfin, sachez que cette initiative, pour l’instant, est le fait d’un petit nombre de journalistes et de citoyens qui aimeraient non pas brider la liberté, mais faire en sorte d’aider à ce que les règles du jeu soient mieux respectées. Tout le monde y gagnera.



    • alberto alberto 3 juillet 2008 20:39

      Zen : édifiant, ton joli florilège...
      Bien à toi.


  • ZEN ZEN 3 juillet 2008 22:58

    Salut Alberto

    L’auteur est Forest , pas moi


  • JL ML Jean-Luc Martin-Lagardette 4 juillet 2008 06:46

    Quelques éléments me semblent nécessaires à apporter pour comprendre ce qui est en train de se passer. Et notamment que, contrairement aux quelques réactions négatives qui se sont manifestées ici, la création d’un Conseil de presse serait une avancée - et non un recul - par rapport aux libertés de la presse.

    Il me semble que l’on ne se rend pas assez compte que, d’ores et déjà aujourd’hui en France, l’indépendance journalistique est un quasi-mythe, à part quelques rares titres (le Canard, Alternatives économiques, etc.) et quelques rares rédactions. Laisser faire les dérapages sous prétexte de ne pas toucher à la liberté d’expression, c’est en fait permettre à ceux qui tiennent les brides d’orienter les infos comme ils le souhaitent.

    Car la liberté de la presse est plus que menacée : elle est actuellement gravement retreinte par la censure (plus ou moins directe) et surtout par l’autocensure (la plupart des grands journaux sont aux mains de capitaines d’industrie non spécialistes des médias).

    Il faut quand même savoir que le journaliste n’est pas en profession libérale et qu’il est donc lié par un lien de subordination à son employeur. C’est la loi qui le dit pour tous les salariés et un journaliste est un salarié, c’est même une condition pour avoir la carte.

    En outre, dans sa convention collective, il est expressément écrit que sa liberté d’expression, si elle est reconnue aussi bien à lintérieur qu’à l’extérieur de sa publication, ne doit EN AUCUN CAS nuire aux intérêts de son patron. C’est-à-dire, en clair, ni aux actionnaires ni à la pub... On comprend pourquoi les industriels aiment posséder des journaux.

    Qui tranche quand un journaliste tombe sur une info d’intérêt général, dont le public aurait droit de prendre connaissance mais qui gêne l’employeur ? Qui tranche sinon le patron ou l’autocensure ? Dans quelques publications, il existe des sociétés de journalistes qui peuvent dire leur mot. Mais leurs pouvoirs sont encore très limités. Il n’y a pas de discussion au niveau national. Et les syndicats sont débordés pour déjà limiter la casse des effectifs qui se réduisent comme peau de chagrin...

    En presse écrite et pour le web, il n’y a aucune instance pour défendre les intérêts du public et de son droit à recevoir une info vraiment indépendante et de qualité, nécessaire pour le bon fonctionnement du débat public.

    Pour la TV, il faut savoir que le CSA, qui nomme aujourd’hui les patrons de la TV publique, est déjà un instrument du pouvoir politique (3 représentants sont désignés par le pdt de la Rp, 3 par le Parlement, 3 par le Sénat). Il ne comporte pas de représentants du public... Les journalistes ont donc assez peu de marge de manoeuvre sur les questions sensibles, c’est-à-dire celles qui touchent les pouvoirs (politique ou économique)...

    Un conseil de presse n’aura rien à voir avec un conseil de l’ordre (comme pour les médecins ou les avocats). Ce serait plutôt une instance de médiation et de régulation (et non de contrôle ; et il n’interviendra pas sur le fond des articles mais sur le seul respect des règles éthiques - et seulement à postériori).

    Les dossiers sur les manquements, qui doivent bien être relevés si on veut que la presse gagne en crédibilité, seront instruits par des commissions réunissant éditeurs, journalistes et public.

    Une telle instance protégera donc autant le public que les journalistes. On peut imaginer que des sites comme Agoravox, qui seraient prêts à s’engager sur un référentiel minimum d’éthique, pourraient eux aussi rentrer dans le champ d’analyse du Conseil de presse. Des rédacteurs de sites internet pourraient même siéger dans cette instance.

    Enfin, sachez que cette initiative, pour l’instant, est le fait d’un petit nombre de journalistes (en décalage avec la profession dans son ensemble) et de citoyens qui aimeraient non pas brider la liberté, mais faire en sorte d’aider à ce que les règles du jeu soient mieux respectées. Tout le monde y gagnera.


  • Lisa SION 2 Lisa SION 8 juillet 2008 04:00

     Bonjour
    "...« soutenir l’idée de la création d’un Conseil de presse en France » et de son intention de la voir prise en compte lors des ateliers thématiques des Etats généraux de la presse qui devraient démarrer dès le début du mois de septembre à l’initiative du président de la République..." Ai-je bien lu ?

    A mon humble avis, malgré l’obtention d’une carte de presse, il faudra néanmoins faire preuve d’allégeance envers le pouvoir en place pour se voir ouvrir la porte d’un organe de presse grand tirage.

    Depuis belles lurettes, il ne suffit pas d’avoir une belle voix et de belles mélodies pour passer de l’autre côté de l’écran audiovisuel Souvent, la recette consiste à s’agenouiller devant un puissant producteur ou faire déjà partie de la grande famille communautaire du showbizz


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