Londres provoque-t-elle l’islamisme ?
Salman Rushdie a passé ces quelques dix-huit dernières années dans la clandestinité. Clandestinité qui risque de se poursuivre de plus belle jusqu’à sa mort, emportant avec lui son nouveau titre de Sir Salman Rushdie.
Sa Majesté la reine Élizabeth II célèbre ses 81 ans. Tout n’aurait été qu’un simple anniversaire, malgré ses fastes et ses défilés, s’il n’était pas survenu, entre-temps, un événement fâcheux : Salman Rushdie, le blasphémateur, qui a été contraint de vivre dans la clandestinité pendant des années en raison d’une fatwa lancée contre lui, vient d’être fait chevalier à l’occasion de l’anniversaire royal. Anoblissement jugé offensant par le Pakistan.
Dans la liste des nouveaux Commandeurs de l’Empire britannique figure la journaliste de la chaîne d’information CNN, Christiane Amanpour, qui a la double nationalité iranienne et britannique.
Âgé de 59 ans, la vie de Salman Rushdie a basculé lorsqu’il a été menacé par une fatwa lancée, en 1989, par le fondateur de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny. Ce dernier a « condamné à mort » Rushdie en raison de son roman « Les Versets sataniques », jugé blasphématoire pour l’islam.
Il a passé ces quelques dix-huit dernières années dans la clandestinité. Clandestinité qui va se poursuivre de plus belle.
Le Pakistan vient de manifester son plus vif désaccord au fait de voir ennoblir l’écrivain blasphématoire. Son exigence, formulée auprès de Londres, est de retirer à Salman Rushdie le titre de chevalier qui lui a été décerné par la reine Elizabeth II. Ce titre noble offenserait les musulmans. Le ministre pakistanais aux Affaires religieuses a même estimé que cette distinction justifierait des attentats-suicides.
Les députés pakistanais ont approuvé une résolution présentée par le ministre des Affaires parlementaires, Sher Afgan Khan Niazi. « Le titre "Sir" accordé par la Grande-Bretagne à Salman Rushdie le blasphémateur blesse les sentiments des musulmans dans le monde. Chaque religion a droit au respect. Je demande au gouvernement britannique de retirer immédiatement ce titre car il crée une haine religieuse », a déclaré le ministre devant l’Assemblée nationale pour qui l’anoblissement de Salman Rushdie est également : « une source de souffrance pour les musulmans et cela va encourager les gens à commettre des blasphèmes contre le prophète Mahomet ».
Dans sa logique imperturbable, le ministre des Affaires parlementaires, Sher Afgan Khan Niazi, poursuit : « L’Ouest accuse les musulmans d’extrémisme et de terrorisme mais quelqu’un qui ferait exploser une bombe sur son corps aurait raison de le faire à moins que le gouvernement britannique ne présente des excuses et ne retire (à l’écrivain en exil) son titre de Sir ».
Dans l’est
du Pakistan, à Multan, des étudiants islamistes ont brûlé des effigies de la
reine Elizabeth II et de Salman Rushdie. Une centaine de manifestants portant
des banderoles condamnant l’écrivain ont également scandé « Tuez-le ! Tuez-le ! ».
Un nouveau
tsunami se profile à l’horizon.
L’Iran mesure
sa position en qualifiant d’acte d’« islamophobie »
cet anoblissement : « Donner
une médaille ou anoblir quelqu’un qui est l’une des figures les plus haïes de
la communauté islamique est un signe très clair d’islamophobie chez les hauts
responsables britanniques », a déclaré le porte-parole de la diplomatie
iranienne, Mohammad Ali Hosseini.
Téhéran a
promis en 1998 de ne pas appliquer sa fatwa contre l’écrivain britannique. Par
contre, l’Organisation to
Commemorate Martyrs of the Muslim World offre une récompense de 75 000 livres à
quiconque mettra à exécution la Fatwa. Le secrétaire de l’Organisation, Forouz
Rajaefar, a déclaré dans une entrevue au TimeOnLine,
de Londres : « The British and the
supporters of the anti-Islam Salman Rushdie could rest assured that the
writer’s nightmare will not end until the moment of his death and we will
bestow kisses on the hands of whomsoever is able to execute this apostate ».
Avec bien sûr une infinie gratitude financière de 75,000 livres Michael Binyon, du Time,
évalue à environ 10 millions de livres le coût de la protection de Salman Rushdie
depuis 1989.
En 1989,
l’ayatollah Khomeini avait lancé une fatwa condamnant Salman Rushdie à mort
suite à la publication des Versets sataniques. Le guide suprême de la
Révolution islamique iranienne jugeait le livre blasphématoire envers l’islam.
L’écrivain britannique d’origine indienne avait alors dû entrer dans la
clandestinité.
Le groupe Iran-Resist propose une théorie qu’il faut traiter avec beaucoup de circonspection. Pour les fins d’un éclairage complet, sur la question de l’écrivain blasphématoire, aux yeux de l’Islam, il convient de la présenter.
« Quand Rushdie publia les
Versets Sataniques en septembre 1988, personne en Iran n’a réagi.
Rushdie n’était pas perçu comme un élément hostile. Le livre avait alors passé
inaperçu. La date correspond au moment de la fin de la guerre
Iran-Irak quand, comme maintenant, Rafsandjani voulait renouer avec
les Américains.
Et comme aujourd’hui, ce rapprochement
n’était pas du goût des Russes qui étaient alors des Soviétiques. C’est alors
que certains services de KGB ont traduit les bonnes feuilles du livre afin
d’inciter les mollahs à réagir en intégristes et ce afin de saboter le rapprochement
avec les Américains.
L’inspiration du KGB a été bien fondée, les
mollahs ont saisi l’occasion sans probablement saisir la portée négative de
leur geste. C’est en février 1989, au moment de la commémoration de la
révolution islamique, que les cerveaux du régime ont lancé leur fatwa contre
cet écrivain quasi inconnu et son livre franchement indigeste et illisible que
le fondateur de ce site avait acheté en 1989 en signe de protestation contre
cette fatwa.
Depuis cette date, les menaces contre Rushdie sont renouvelées chaque fois que le régime des mollahs est en baisse de popularité dans l’opinion islamique internationale. D’ailleurs l’autre pays qui a protesté est le Pakistan, un autre État islamique dont le président est en difficulté. »
Chinua Achebe, père de la littérature africaine moderne, vient d’obtenir le prestigieux prix « Booker Prize » (équivalent britannique du Goncourt) d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Des écrivains tels qu’Ian McEwan, Philip Roth et Salman Rushdie étaient également en course pour le prix doté d’une bourse de 60 000 livres.
En conclusion, Londres
refuse de revenir sur sa décision, estimant que le titre de Salman
Rushdie est amplement mérité. Mais il faut se rappeler ce vœu formulé par Forouz
Rajaefar : « We will
bestow kisses on the hands of whomsoever is able to execute this apostate ». Salman
Rushdie n’aura jamais droit à une retraite dorée.