mardi 22 mars 2011 - par bénédicte desforges

Violence : info et intox

(suite de Criminalité et délinquants ne sont pas des mots innocents)

 Il est important de mettre des mots sur les craintes d’une population en proie au sentiment d’insécurité, parce que le simple énoncé d’un diagnostic lui procure le sentiment d’être mise en sécurité.
 À peine le mal est-il identifié, qu’un remède est prescrit. Qu’importe l’effet placebo sur un malade imaginaire, la thérapie passe par le verbe : il faut savoir que le sentiment d’insécurité est inversement proportionnel au risque véritable de se trouver en insécurité. Ce qui est tout de même la preuve d’un discours très efficace.

 La grande messe médiatique est la courroie de transmission essentielle, dans un sens comme dans l’autre. À force d’asservissement au discours politique, et de micros-trottoirs pour servir la cause populiste, n’importe quel fait divers est traduit en fait de société.
 Le journaliste-prédicateur quotidien, tout en se donnant des airs d’analyste averti capable de faire autre chose que de la paraphrase de dépêches AFP, sait transformer un épiphénomène délictuel en endémie criminelle.

 Les faits divers, quels qu’ils soient, sont multiples et nombreux tous les jours. Il suffit d’en faire une sélection calculée, et en faire de l’information, pour donner l’illusion d’une aggravation particulière, préambule de mesures répressives ciblées... ou d’effets d’annonce.
 Les relations entre médias et services de presses policiers sont mystérieuses, mais le fait est – par exemple – qu’un accident mettant en cause un chien dit dangereux réveille aussitôt une meute d’autres chiens dangereux partout en France, mordant et mutilant tout et n’importe qui dans un temps limité. Une loi est promulguée dans la foulée, catalysée par les médias et applaudie par les adeptes du tout-sécuritaire. Qui dans leur urgence d’interdiction, ont oublié de relever que les chiens les plus mordeurs sont les labradors, les plus tueurs les bergers allemands, qui eux sont pourtant autorisés à continuer de gambader sans muselière. La loi sur les "chiens dangereux" avait donc un objectif plus obscur, mais là n’est pas le sujet.

 Pour maintenir la peur au niveau nécessaire et suffisant permettant la perméabilité au discours sécuritaire, il faut donc parfois inventer de nouveaux mots, des formules nouvelles. Ainsi, on peut croire à des infractions émergentes, des crimes inédits, produits par des délinquants d’un nouveau genre.
 Un état de crise sémantique, une intensification de la communication, où la prévention s’appelle désormais gestion des risques, et où on met en place des stratégies territoriales de sécurité. Rien que ça.

 Nouveaux mots, nouvelles cibles, potentiel de victimes exponentiel, nouvelles peurs.
 La peur annihilant le jugement, la question de savoir si la frénésie des mots est proportionnelle à une augmentation de la délinquance devient sans objet.

 J’aime beaucoup le mot ultra. Il a le goût d’un point de non retour.
 On connaissait l’extrême-gauche, et on a vu arriver l’ultra-gauche sous les traits d’un exalté sans envergure politique qui aurait balancé des saloperies sur les caténaires du TGV en guise d’acte qualifié de terroriste. Avant, on disait vandalisme.
Alors si le vandalisme est d’inspiration ultra-gauchiste, comment pourrait-on aujourd’hui désigner Action Directe ou la bande à Baader ? Hypra-méga-supra-gauche ?
 La rhétorique s’emballe, joue de surenchère.
 Dans le même ordre d’idée, on a vite fait de rebaptiser un manifestant d’activiste, ou encore un Arabe de musulman, et un musulman d’islamiste, un islamiste d’intégriste, un intégriste de fondamentaliste et un fondamentaliste de terroriste – voire lui coller un muezzine en fond sonore au montage, ces incantations moyen-orientales tout droit sorties d’un minaret laissant entendre qu’un type mal intentionné pourrait exploser d’un moment à l’autre.
 Et après, on nous fait rigoler avec le "vivre-ensemble"...

 Dans la catégorie des ultra-concepts, l’ultra-violence a désormais sa place dans les faits divers, comme s’agissant qualitativement de faits nouveaux.
Faux. Complètement faux.
 Le nombre de crimes très violents, faits de déséquilibrés, viols, actes de barbarie, et autres sauvageries listées dans le code pénal, est linéaire dans le temps. (À condition bien sûr que le temps sur lequel s’opère la mesure soit significatif. Des fluctuations de faits peu nombreux enregistrées sur des périodes courtes n’ont aucun sens, c’est une contrainte de la statistique.)

 Il y a toujours autant de dingues, c'est-à-dire pas tant que ça pour une société qui marche sur la tête.
 On a beau retourner les chiffres dans tous les sens, les homicides sont en baisse constante.
 On a beau regarder les gamins d’un sale œil, depuis des années l’âge du premier délit a tendance à croitre.
 En fait – quitte à faire hurler de réprobation les convertis – globalement, la violence est en baisse.
 Ce serait un affront à l’intelligence de rappeler la violence des pratiques infractionnelles d’un passé lointain, de citer des extraits de Zola, ou de se souvenir que le baron Haussmann a fait installer l’éclairage public dans Paris parce qu’on s’y égorgeait au coin des rues. Etc.
 Et même si les plus intégristes du tout-sécuritaire appellent de leurs vœux une répression implacable, l’histoire du droit et de la criminalité démontre que – hormis un effet de catharsis sur une société qui in fine reconnaît quelques bienfaits à la violence – la brutalité de la sanction pénale (de la torture à la peine de mort en passant par les travaux forcés) n’avait pas d’effet sur la délinquance qui lui était contemporaine.

 La violence scolaire est un autre exemple intéressant. Elle fait partie de ces nouvelles catégories d’infractions, et pourtant elle a toujours existé aussi, à ceci près qu’elle était indifférenciée, et considérée comme du fait divers. Le véritable changement est l’augmentation des effectifs et de l’âge de la population scolaire de l’enseignement secondaire, et de fait, le transfert de délits inhérents aux post-adolescents et jeunes adultes dans l’enceinte de l’école.
 Quoiqu’on en dise aujourd’hui, quelque soit l’écho qu’on lui donne, la vraie violence à l’école a toujours été marginale. Les incivilités et autres dégradations relevées seraient plutôt à mettre en rapport avec les suppressions de postes opérées dans l’Éducation nationale.

 Dans le même esprit de saturation en incantations sécuritaires, la loi se gonfle de mots nouveaux, comme autant d’infractions non encore prévues par les textes.
Mais à y regarder de plus près…
 Le guet-apens rentre dans le cadre de l’association de malfaiteurs
 L’inceste était superflu, la loi dispose déjà qu’une agression sexuelle ou un viol commis sur un mineur par un ascendant ou toute personne ayant autorité constitue une circonstance aggravante.
 Un senior fait partie des "personnes vulnérables." Prévu par la loi aussi.
 Etc.

 Ce gavage de mots doit persuader que tout est mis en œuvre pour que la population se sente rassurée et protégée, tout en sous-entendant de nouvelles pratiques délinquantes très inquiétantes.
Même si les annonces concernant la délinquance sont faites sans aucun paramétrage, aucune indication, permettant une meilleure compréhension.
 Récemment, on apprend que les délits contre les seniors sont en augmentation. L’explication se trouve dans la courbe démographique. La France vieillit et les vieux ont toujours été une cible privilégiée des agressions physiques. Ils ne sont pas plus en danger, ils le sont autant qu'avant.
 La préoccupation sécuritaire occulte tout le reste, et tombe toujours à point nommé pour occuper l’espace médiatique. La vulnérabilité économique et sociale s’efface quand il le faut derrière le sacro saint chiffre de la délinquance et toutes ses déclinaisons. Ce concept-là fait vendre – ou élire – le reste, plus personne n’y croit.
 La sécurité apparait de plus en plus comme un argument électoral par défaut.

 On finira par se convaincre qu’une poubelle qui brûle met davantage en danger la République qu’un système de retraites qui se délite. Ou qu’une police nationale, bientôt sacrifiée sur l’autel de la sécurité privée.
Ou peut-être est-ce un écran de fumée ?

 Et justement, la police dans tout ça ?
Les policiers n’ont pas une vision macroscopique de la délinquance, mais une observation très précise de ses formes et ses modalités là où ils exercent.
Ils peuvent témoigner de certaines formes de radicalisation de la violence, notamment à leur encontre. La preuve la plus infecte que cette option prise sur la gestion de la sécurité et de la paix publiques est une impasse.
 Plus que jamais, la police de proximité fait défaut. Contrairement à ce qui est plaidé, préconisé, annoncé, vidéosurveillance, drones (!), etc, plus la situation s’envenime et plus une police de proximité serait nécessaire. Ou plus exactement l’état d’esprit qui animait cette orientation. La police, c’est par définition de la proximité. Dès lors qu’on fait une partition des missions policières, c’est de la politique.
 Et c’est en partie pour cela que les relations police/population n’ont cessé de se dégrader.
 La police se trouve au cœur de la réalité des effets de la férocité sociale, économique, et la délinquance. Même s’il se trouve aujourd’hui des idéologues pour affirmer qu’il n’y a pas de lien entre la délinquance et la précarité…
 La police doit absorber toutes les conséquences de la politique sécuritaire.
 Intrinsèquement par l’application de la culture du résultat qui va constituer la matière première d’une statistique dopée, et les effets pervers qu’elle génère en interne (esprit de compétition, course au bâton, à la prime au mérite, etc). Mais aussi - le désengagement de l'État en matière de sécurité est limpide - par la baisse de ses effectifs, par un recrutement anémique qui souffre de trop de jeunesse, un encadrement qui prend ses distances avec la base, par une déprime qui se généralise moins à cause du contexte professionnel que de son malaise interne.
 Et face à une population de plus en plus hostile, dans une sorte d’engrenage réciproquement haineux, avec qui la communication n’est pratiquement plus possible.

 Les scénarios-catastrophe plaisent au cinéma, la recette est simple et le public réceptif. Les journaux télévisés sont des feuilletons où tout doit être générateur de peurs. La météo, la santé, la nourriture, la voiture, etc… autant dire qu’avec la délinquance - la menace de l’autre - c’est de la balade…
 L’importance relative des informations d’actualité servies par les médias dominants est hallucinante de mauvaise foi, le fait divers fait la une plus que de raison.
 L’endoctrinement est médiatique, et l’émotion a pris le pas sur la réflexion : si "on" ne parle pas de quelque chose, cette chose n’existe pas, si "on" parle d’un fait, il se doit de concerner tout le monde. C’est ainsi que le suffrage de petites communes tranquilles démontre une paranoïa irraisonnée, et une radicalisation de la peur que les quartiers sensibles ne connaissent même pas.
 L’histoire contemporaine de la délinquance est amnésique, elle se raconte sur les pages rédigées d’avance d’un futur sécuritaire, avec un maigre argumentaire constitué d’une indigestion de faits divers. Jusqu’à une oppression qui finit par rendre hors sujet toute tolérance du minimum de brutalité indissociable de l’être humain, et transforme le citoyen en maniaque de la loi et de l’interdiction.
 L’honnêteté intellectuelle est bannie du débat, le court terme des chiffres, des mots, et des lois, n’est pas raisonnable. C’est de la propagande. À croire que l’objectif est une mutation de la société toute entière, qui avec logique accepterait de vivre de méfiance mutuelle, et sous un contrôle permanent.
 La criminologie est aujourd’hui une discipline quasi négationniste, sans passé, sans recul, sans sérénité, dont la plus belle arme est l’instrumentalisation. De la population, des délinquants, de la police. Et des médias mis au diapason politique.

 Et bizarrement, rien ne sert de leçon.
 Et les uns accuseront toujours les autres de déni de réalité. Et vice-versa.

 

" Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité,
tu ne mérites ni l'une ni l'autre."

Thomas Jefferson

 

Les sources que je consulte régulièrement :

- Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales
- Délinquance, justice et autres questions de société
- Champ Pénal - Nouvelle revue internationale de criminologie
- Cairn.info
- Journal d'un avocat



12 réactions


  • SATURNE SATURNE 22 mars 2011 10:45

    Globalement d’accord avec l’absurdité de cet emballement sémantique qui ne recoupe pas une réalité statistique qui évolue peu.
    Mais un point tout de méme :
    vous dites que la notion de « guet-apens » est redondante par rapport à l’association de malfaiteurs.
    Désolé, mais ça n’a rien à voir. Si , après avoir repéré les lieux, je vous attends ce soir avec un fusil à pompe dans votre parking souterrain, c’est un guet-apens (plutôt d’ailleurs un assassinat, c’est à dire un meurtre avec préméditation), en aucune façon une association de malfaiteurs, pour laquelle la condition première-comme dirait Lapalisse-est d’étre plusieurs.
    Or là, je suis seul, et peut parfaitement préparer un guet apens.
    Par ailleurs, l’association de malfaiteurs demande , pour étre agrée par les magistrats , un continuum et une multitudes d’actes préparatoires au crime ou au délit.
    Donc, vous étes vous-même victime des mots, CQFD....


    • bénédicte desforges bénédicte desforges 22 mars 2011 12:00

      @ Saturne :
      Absolument pas.
      Je précise bien que le guet-apens « entre » dans le cadre de l’association de malfaiteurs, je ne dis pas que c’est la même chose. Mais l’arsenal juridique permettant de caractériser ce qu’on nomme guet-apens existait déjà (complicité, préméditation, etc) avant qu’on parle de la loi portant sur les violences en bande. Et ce n’est qu’à l’occasion des débats sur cette loi, donc s’agissant de bandes, qu’on a évoqué le guet-apens.


    • SATURNE SATURNE 22 mars 2011 12:47

      @ l’auteur :

      Bof, pas convaincu du tout, mais c’est pas grave.
      « Le jury appréciera », comme on dit chez les confrères de feu Karim Achoui... (« feu » pour le port de la robe)


  • voxagora voxagora 22 mars 2011 11:33

    .

    Tout le monde est victime des mots, Saturne,
    le tout est de le savoir et d’essayer de prendre du recul.

    J’ai lu « Flics » et effectivement, Mme Desforges, j’ai regretté un parti-pris trash,
    mais je suppose que le lecteur visé n’était pas seulement le « grand public »,
    le livre m’a été offert par un flic qui l’a beaucoup apprécié.

    Il doit en être de même pour cet article, comme pour toute expression en général des flics,
    une obligation quand même, quand on bouscule le choux, de ménager la chèvre.

    Et donc, abrutis que nous sommes de propagande éhontée,
    par des propagandistes qui utilisent les flics comme ils nous utilisent,
    c’est un article qui fait beaucoup de bien,
    merci.




  • paul 22 mars 2011 12:22

    Face à la politique du chiffre instituée par sarkozy et ses dizaines de lois liberticides couronnées par LOPPSI 2 , on ne peut que répondre par des chiffres :
     + 22 % d’atteinte aux personnes depuis 2002
     11 000 postes en cours de suppression dans la police et la gendarmerie
     - 20% budget de fonctionnement du ministère de l’intérieur , mais ...
     45 000 caméras de surveillance prévues fin 2011 et orientation vers une politique de sécurité privatisée : 170 000 agents de sécurité privée pour 220 000 agents du secteur public .
    Merci pour cet article et le décodage du vocable gouvernemental .


  • Robert GIL ROBERT GIL 22 mars 2011 12:43

    C’est a cause de toute cette delinquance que le FN monte, voici un article sans concession sur l’insecurité....attention, c’est du lourd !

    http://2ccr.unblog.fr/2010/12/10/stop-a-linsecurite/


  • jakback jakback 22 mars 2011 13:13

    Tout cela et bel et bien, mais constatons, constatons juste un phénomène récurent pour le moins récent a ce niveau, pas un jour sans qu’un homme jeune ne meurt victime de coups de couteaux et ce pour des motifs d’une futilité affligeante.
    Alors sans aucun doute la violence est encrée dans l’homme depuis la nuit des temps, mais le minimisée, voir la niée est irresponsable, qui plus est de la part d’un officier de police.
    Le temps est peut être venu vous concernant de changer de fonction.
    Cordialement


  • easy easy 22 mars 2011 16:45

    Je l’avais déjà dit dans l’article précédent de l’auteur puisqu’il évoquait la même chose, les mots s’usent dans tous les domaines, y compris dans l’amour.

    Quand une expression plaît à deux, trois personnes dans sa journée d’avènement, c’est repris et à la fin du mois tout le monde l’a à la bouche (Cf Bling-Bling) et cet engouement pour une nouvelle expression relègue alors la précédente au rang des has been.

    Vandalisme n’est pas d’inspiration d’ultra gauche mais bien plus ancienne, de l’époque où les Vandales avaient la réputation de tout casser sur leur passage. Comme on n’est plus à craindre quelque horde venue de l’Est mais qu’on en est au souvenir plus aigu des attentats du 11 septembre, le mot islamiste a été proposé et c’est celui qui a été plébiscité. Peu importe que dans le cas du vandalisme ou de l’islamisme, ces expressions soient très justes, ce qui compte c’est qu’elles parlent aux gens et qu’elles permettent la coagulation, voire les hystéries.
    Tant qu’on ne trouve pas d’expression nouvelle parlant à une large majorité des gens, une expression qu’ils peuvent réemployer et refourguer sans trop de gênes aux entournures, on ne parvient pas à lever des troupes, des masses, des salles, des stades.
    Des expressions pour coaguler les troupes, dans la Police, chez les CRS, il y en a et il faut régulièrement les renouveler.


    D’autre part, comme plus ça va plus chaque péquin devient media, il y a un plus grand foisonnement d’expressions nouvelles qu’à époque où la majorité des gens se contentaient d’une position passive. Le turn over est plus important, l’obsolescence est plus rapide. 




    Sur les stats de la violence, n’y connaissant rien, je n’en discuterais pas.

    Je dirai seulement quelques mots sur la violence dans l’Histoire. 
    Je crois discerner quelques grandes périodes.

    Aux grandes heures du Colisée, la violence était consubstantielle du plus grand spectacle festif et cathartique à la fois.

    Puis il y eu des siècles à la manière de François 1er où la violence se produisait sur les champs de bataille (dont la magnificence était ramenée à la maison sous forme de tableaux) et aussi la violence pour sceller la justice (tortures où le public était plutôt invité à prendre toute conscience de la force régalienne, des lois divines) 

    Puis, vers 1850, on commence à sortir de l’esthétisation de la guerre et aussi de la torture. Mais comme on ne peut pas retirer un déversoir pulsionnel à quelqu’un sans lui en proposer un autre en échange, des individus se sont mis à travailler davantage la question de l’esthétisation de la violence de manière plus personnelle ou plus confidentielle. C’est alors qu’on a vu apparaître les cabinets de curiosité avec des squelettes, des plâtres d’écorchés... La science très autoritaire offrait un excellent prétexte pour disséquer et c’est donc à cette époque où l’on magnétisait, où l’on hypnotisait, où l’on électrocutait, qu’on a vu des Frankenstein et des Jack l’éventreur. La violence portée par la science alla jusqu’à nous offrir le spectacle du champignon, comble de la violence moderne. 

    Mais donc cette violence par la science (avec ses labos qu’ont été les guerres et les camps) a beaucoup perdu de son prestige quand elle a été censurée. On ne peut pas, en matière de violence collective, aller jusqu’à utiliser la bombe et encore moins aller au-delà.

    Comme il n’y a plus d’avenir à la violence collective, il reste à l’individu à la résoudre par le biais de petits déversoirs nettement plus individuels. La violence s’exprimerait donc désormais de manière plus personnelle, tout au plus en bandes (retour à la horde primitive) mais plus constante, plus quotidienne, jusque dans la chanson et la musique mais forcément limitée en termes d’ambition (puisque la Bombe est taboue)

    Comme elle ne peut donc se déverser que par ce biais allant de l’individu à la bande, il est tout à fait logique qu’elle se retrouve en face à face avec son seul et unique barrage, la Police. Et on en arrive ainsi à la bagarre au quotidien, seul ou en bande contre la Police. 

    Et quand je dis bande, c’est vraiment bande point. Ce ne sont pas les opportunités qu’auraient les bandes à coaguler entre elles puisqu’elles ont tant de choses et d’intérêts en commun. Mais elles n’en veulent pas de la coagulation car elles ne pourraient plus se sentir singulières, personnalisées, taguées. La dimension de bande est la dimension idéale, il ne faut aller ni en dessous, ni au-dessus et elles doivent absolument se taper entre elles car la Police ne suffit pas à les occuper (quand les Romains fatigués s’écartent, les Gaulois se tapent dessus d’ennui).
    Il y a très certainement des chefs qui cherchent à former une très grande bande mais elles implosent automatiquement au-delà d’une certaine taille critique étant donné les grands besoins internes de personnalisation et il ne reste toujours que de petites bandes y compris chez les pirates Somaliens.
    Une bande ne consent à devenir grande que si ses membres ont besoin de se rassembler autour de grands moyens pour subsister. Tant que des gens peuvent vivoter en dealant 300€ de bricoles par jour en provenance de mille filières, il n’y aura pas de grande bande.

    Une surpression policière sur les bandes conduit à ce qu’elles se regroupent et se diversifient. Ce qui donne la situation Mexicaine.


    Si j’ai raison, la Police aurait intérêt à considérer ce fait pour opérer de manière ergonomique, pour faire du boulot sans s’épuiser plus que nécessaire.

    Et si par hasard c’est à peu près comme ça que la Police a fini par comprendre les choses, alors elle doit communiquer le fruit de ses réflexions aux citoyens qui exigent d’elle qu’elle fasse son boulot. Entre faire « du boulot » et faire « son boulot » il y a un monde et les ministres de l’Intérieur devraient l’expliquer à la population. 


  • Leo Le Sage 22 mars 2011 19:04

    La police de nos jours est différente de la police d’il y a 10 ans...
    Comme un gradé de la police me l’avait dit :
    « On ne nous aime plus à cause des quotas qu’il fallait respecter »
    Je comprends donc mieux pourquoi le nombre de suicide de policier est de une par semaine...

    La vraie police doit en priorité poursuivre les vrais délinquants en commençant par les plus dangereux au lieu de vérifier si l’automobiliste a payé son parking correctement.
    Lorsque je vois des policiers c’est dans les parkings...

    Vous confirmez que le 93 est dangereux ou c’est plutôt épisodique et surtout bien concentré dans quelques lieu de non droit ?
    En effet, lorsque j’étais allé au 93, je n’ai rien vu d’inquiétant...


    • easy easy 22 mars 2011 21:06


      «  »«  »«  »« La vraie police doit en priorité poursuivre les vrais délinquants en commençant par les plus dangereux au lieu de vérifier si l’automobiliste a payé son parking correctement »«  »«  »«  »"

      Punaise, si je ne l’ai pas entendu 3000 fois, je ne l’ai jamais entendu.


      Punaise² on devrait partir de cette réflexion extrêmement ordinaire pour décrire l’homme civilisé du troisième millénaire.

      L’Autre, toujours l’Autre.

      La Police n’a pas à me contrôler moi qui suis honnête. Elle doit contrôler l’Autre qui est forcément malhonnête puisque l’honnête c’est moi, combien de fois faudra-t-il que je le répète. Putaingue, ça se voit que je suis honnête non ? Je fais quoi de mal hein ? Je roule avec ma caisse, je fais les courses pour ma famille avé l’argent que j’ai gagné de la sueur de mon front (Ah ce front !). Je suis fringué bon gendre ou bon genre c’est pareil, je paye mes impôts, il y a trois ans j’ai même failli déclarer ma télé et voilà que ce con de flic m’arrête, me fait chier pour rien alors qu’il serait bien plus utile à contrôler les autres.
      Tout ça pour un feu orange quasiment vert.

      Bon reprenons tout à zéro.
      On est au paradis, à gauche au-dessus des nuages, tout va bien, ya pas de méchants, ya pas de police.
      Puis un beau jour, ya une alerte qui passe à la télé qui dit qu’il y a quelqu’un qui a volé la boîte d’hosties. Saint Pierre forme vite fait une police qui contrôle alors les voitures, les sacs, les poches. Bin il va y avoir 100 % des gens qui vont protester qu’on les contrôle eux qui ont tous les certificats de décès en règle et pas les Autres. Quels autres ? Chais pas moi, les Autres quoi, ceux qui ont une tronche de pas clairs, une tête de faux-morts, des manières de clandestins.

      Quel dommage, quelle perte de temps, quelle injustice de ne pas avoir un visage qui transpire l’honnête homme que je suis !

      Avec tout le fric que je donne aux impôts, qu’est-ce qu’ils attendent à la Police pour former enfin les flics à distinguer de loin qui il faut contrôler et qui il ne faut surtout pas contrôler !
       


      Cher Leo le sage, en attendant que la Police soit enfin formée à discriminer à vue, j’ai une tite astuce à vous livrer.
       
      Autour du ghetto de Varsovie, la police était formée à ne contrôler qu’une certaine sorte de gens et à vue (le nez crochu, les doigts griffus, le front bas, le regard torve...). Alors lorsque ces gens, malhonnêtes, forcément, avaient à aller dehors chercher quelques armes et munitions, ils se fringuaient le plus proprement possible, ils s’éclaircissaient les cheveux à l’eau oxygénée, ils marchaient à deux et, chose essentielle mais très difficile à faire, ils rigolaient.

      Alors, en attendant que notre Police soit correctement formée, ne circulez plus qu’avec un complice et dès que vous verrez des flics au loin, faites vite comme ça smiley


      (Attention, j’insiste, ne faites surtout pas ça si vous n’êtes pas accompagné car ce serait alors pire que tout)


  • Annie 22 mars 2011 20:24

    Bonjour,
    J’ai beaucoup apprécié vos articles. Je tenais à vous le dire, parce que l’image de la police est loin d’être bonne dans ce pays, pas sans raison d’ailleurs, et que certains commentateurs auront des difficultés à réconcilier leur opinion de la police avec votre analyse qui est très claire et sans appel et vos positions. (Je dis cela parce que j’ai un peu de mal aussi).
    Vous mentionnez dans votre article, « la baisse de ses effectifs, un recrutement anémique qui souffre de trop de jeunesse, un encadrement qui prend ses distances avec la base, une déprime qui se généralise moins à cause du contexte professionnel que de son malaise interne ».
    Je me demande justement si cet encadrement dont vous faites partie, qui a fait je présume des études universitaires ou peut-être même les grandes écoles n’est pas une espèce d’expédient pour recruter au rabais des jeunes de moins en moins formés et qui sont relativement faciles à manipuler. Il y a maintenant plus de dix ans que l’affaire Lawrence s’est produite en Angleterre, le pays où j’habite. Le rapport McPherson en 1999 avait conclu à l’institutionnalisation du racisme dans la police. Quel est votre diagnostic pour la police française ?


  • Bovinus Bovinus 22 mars 2011 22:28

    @ L’auteur
    C’est une bonne analyse des symptômes, mais il manque une conclusion. Vous décrivez très bien l’offensive sémantique (ou plutôt taxinomique) que nous subissons, et révélez des faits intéressants, mais vous ne dites pas la raison d’être de tout cela. Quelle est-elle, d’après vous ?

    "Et face à une population de plus en plus hostile, dans une sorte d’engrenage réciproquement haineux, avec qui la communication n’est pratiquement plus possible."

    Tiens, ça me rappelle quelque chose... smiley


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