lundi 7 novembre 2005 - par Francis Pisani

Comment aborder la nanotechnologie ?

Je n’ai bien sûr pas la prétention d’avoir la réponse à cette question, mais je crois que nous devons tous nous la poser. Essayons voir.

Mes deux derniers billets portaient sur le sujet, notamment sur la production d’eau potable et d’énergie propre, mais aussi sur un ascenseur spatial auquel plusieurs laboratoires et entreprises travaillent en ce moment. Ils rapportaient des choses entendues lors d’une conférence organisée par le Foresight Institute, une institution pilote en la matière. Après s’être intéressé pendant plusieurs années aux perspectives à très long terme, il invite maintenant les chercheurs à apporter des réponses concrètes aux problèmes pressants de tous les jours (voir leurs « Six défis »).

Le sujet semble avoir déclenché de sombres passions, et la majorité de ceux qui se sont exprimés penchent pour le rejet pur et simple. J’ai du mal à comprendre, et je trouve cela plutôt enfantin, voire dangereux.

Qu’on le veuille ou non, la nanotechnologie arrive. Elle peut-être utile. Elle présente des risques. Il faut donc se pencher sérieusement sur le problème, en discuter publiquement et agir, pour en réduire les dangers et en maximaliser les bénéfices.

Dans ce sens j’avais prévu, et je le ferai bientôt, d’écrire un ou deux billets sur les risques tels qu’ils ont été évoqués à la conférence du Foresight Institute.

En attendant, je vous invite à visiter un site où les problèmes me semblent abordés de façon équilibrée : le Center for Responsible Nanotechnology (CRN).

Le CRN rappelle que la nanotechnologie augmentera l’efficacité à presque tous les niveaux, mais qu’outre ses usages commerciaux, elle peut avoir des usages militaires extrêmement préoccupants. « Elle présente donc des bénéfices merveilleux pour l’humanité, mais aussi de graves risques. »

Outre ce qu’elle produit, la nanotechnologie a la capacité d’améliorer les moyens de production.Comparant avec le monde digital, CRN écrit : « Le jour où fabriquer certains produits sera aussi bon marché que copier des documents n’est peut-être qu’une question de temps. Tel est le vrai sens de la nanotechnologie, et la raison pour laquelle elle est parfois perçue comme la prochaine révolution industrielle. C’est peut-être aussi là que les risques les plus grands sont susceptibles de se manifester.

Bref, un vrai débat sur la nanotechnologie est nécessaire.

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3 réactions


  • Alexandre Santos (---.---.166.143) 7 novembre 2005 14:35

    Je dois avouer que je vois mal comment aborder un débat sur les nanotechnologies.

    Tout d’abord c’est un champ très vaste qui inclut des technologies tellement différentes que c’est difficile de faire des généralisations utilies.

    Ensuite je vois mal quel est l’originalité des nanotechnologies (en termes de risques, bénéfices) par rapport aux technologies actuelles.

    Les nanotechnologies vont apporter des avantages et des problèmes, comme c’est le cas de l’industrie chimique aujourd’hui et dans le passé.

    Comme d’habitude, plus une technologie est puissante, plus les erreurs que l’on peut faire avec peuvent être lourds de conséquences.

    Mais en réalité les nanotechnologies bien comme toutes les industries actuelles devraient être évaluées de la même façon :

    - étudier la dangerosité des produits pour l’homme et la nature avant la production en masse

    - étudier les coûts et risques du cycle entier de production et recyclage/traitement des déchets de l’industrie considérée, et non pas seulement la phase de production.

    Bref, rien de spécifique par rapport aux nanotechnologies. En réalité, la méfiance dont font objet les nanotechnologies devrait aussi être d’actualité pour les autres industries (nucléaire, chimique, pharmaceutique).

    Pendant trop longtemps on a laissé l’homme s’exposer à des milliers de produits chimiques sans études d’impact à long terme, alors qu’il devient évident que ces produits peuvent produire des troubles de santé graves.

    D’où l’intérêt d’initiatives européennes comme REACH, qui veulent établir un meilleur contrôle de l’industrie chimique.


  • François Monbellet (---.---.51.206) 28 novembre 2005 15:08

    Une chose m’a fait bondir à la lecture de l’article « Qu’on le veuille ou non, la nanotechnologie arrive. Elle peut-être utile ». Cette phrase sous-entends l’inéluctabilité de tous les progrès techniques, comme s’ils avaient une autonomie propre, avec une priorité supérieure à la volonté humaine. Le progrès arriverait « ex nihilo » poussé par la « main invisible » ? C’est totalement irrecevable, la recherche est éffectuée par des hommes, avec des budgets qui sont accordés par d’autres hommes, et ceux-ci indiquent aux chercheurs la directions dans laquelle ils doivent chercher.

    Une autre phrase m’a fait tiquer : « Elle présente des risques. Il faut donc se pencher sérieusement sur le problème, en discuter publiquement et agir » D’une part le fait que cette technologie présente des risques. Je ne connais pas une technologie comportant des risques et pour laquelle ces risques ne se sont pas produits ; il est interréssant de noter que les risques à court termes, sont moins graves que ceux à long terme et qu’ils ne sont jamais pris en compte lors du lancement de ces nouvelles technologies . Quelques exemples : l"industrie chimique, les risques immédiats sont l’explosion, la pollution massive mais passagère ; ça on sait régler, on ramasse les morts et on nettoie, les risques a long termes sont la pollution à long terme des eaux potables, la destruction des sols par l’agriculture intensive chimique, la proliférations des cancers notamment de jeunes, la liste n’est pas exhaustive, et çà on ne sait pas traiter. Les exemples sont nombreux, on pourrait citer l’automobile le danger immédiat c’est les morts et les bléssés sur les routes, les effets secondaires c’est l’émision des gaz à effet de serre, le réchauffement de la planéte, et comme l’a noté Alexandre Santos, plus la technologie est puissante plus les dangers sont grands Qu’adviendra-t-il des déchets nucléaires si on se référe à l’échelle des accidents que furent Yroshima, Nagasaki et Tchernobyl, quel avenir pour les OGM ?

    D’autre part le débat sérieux. Comme toujours dans ces cas là le sérieux sera inversement proportionel aux intérêts financiers en jeu. D’après ce que relatent les rares articles de presse généraliste, les enjeux seraient énormes. On peut donc penser qu’il n’y aura de débats que si le gouvernement et les industries y sont contraints, comme tentent de le faire de nombreuses organisations à propos des OGM auquelles le gouvernement et les sociétés refusent de répondre si ce n’est par la répression. Que veut dire débat public ? certainement pas un discret « débat d’experts » sur internet et en anglais, mais que l’ensemble de la population puisse décider de la voie dans laquelle elle veut s’engager, avec des arguments contradictoires, et non sur des dossiers fournis uniquement par les industriels concernés et tenus secrets (secret industriel oblige). Le progrès n’est pas une sorte d’entité immatérielle que rien ne peut entraver (une sorte de dieu pour ceux qui ont fait de la science une religion) il n’est pas linéaire et uni-directionel, il est le résultat de choix qu’on fait certaines civilisations et dans ces civilisations certains hommes. Hélas les conditions de la recherche dans notre société ont fait que les chercheurs ont perdu beaucoup de leur prestige et de leur crédibilité. C’est profondément regretable, mais je ne pense pas que de traiter d’enfantin et de dangereux le fait de se poser des questions sur le dernier joujou des technoscientifiques soit de nature a restaurer leur image de marque.


  • Tibo (---.---.60.226) 22 décembre 2005 18:24

    La façon dont est abordée la question me laisse perplexe. D’une part parce qu’on n’« aborde » pas les nanotechnologies comme on aborde une jeune fille pour lui demander l’heure, d’autre part parce qu’à aucun moment n’est réellement défini ce qui se cache derrière le mot nanotechnologie. Nano =10e-9 m et technologie (tekhnologia en grec) « exposé des règles d’un art ». autant dire que c’est vaste : entre le déplacement d’un « hélicoptère » moléculaire grace à l’ATP, et les clusters dans les matériaux composites, en passant par les nanotubes, la palette est large, c’est meme à la limite du fourre-tout. Le vers est dans le fruit dès le début de l’article : les limites du sujet n’étant pas posées avec précision (bien involontairement), il va donner le flan à toutes sortes de fantasmes et certaines réactions le prouvent : Le débat a dérivé.

    A prendre la définition par le bon bout, C’est à dire l’ensemble des techniques de travail concernant la manipulation d’objet de l’ordre du nanomètre, on se rend à l’évidence : les nanotechnologies ne portent pas plus de dangers en elles-memes que les techniques de forges, pourtant à l’origine de la culasse du canon du char Leclerc. Il est possible, et meme sans aucun doute utile d’ouvrir le débat sur la nécessité de progrés, où le controle du progrés. Il est possible et meme certain aussi que certaines trouvailles en nanotechnologies soulèvent des questions d’éthiques. Mais les nanotechnologies n’ont pas de risque propre.

    A ceux qui croient pouvoir enfermer les nanotechnologies dans une case pour etre « pour » ou « contre », alors qu’ils ne s’y trompent pas, ils disent : « les nanotechnologies arrivent », je leur réponds « elles sont déjà là ». De votre écran LCD d’ordinateur à la puce de votre airbag en passant par les matériaux aéronautiques récents (voire automobiles : certaines garnitures contiennent déjà des nanotubes), elles ont envahi les applications indutrielles récentes, les high tech. des nouveaux capteurs de toute sortes, des nouveaux écrans, des tissus, etc. toutes ces applications ont mis en oeuvre de mécanismes de nanotechnologies. Ce n’est pas « surprenant, tout est dans tout est inversement... »

    Thibault


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