Ballade en quête de liberté
(MobiusAnime)
Reconnaissance des lieux.
« Je suis le ruban de Moëbius, une figure abstraite, un symbole mathématique.
Le monde onirique dans lequel j'évolue est absolument clos, et pourtant mon univers est infiniment ouvert. Il fallut que la libre intuition d'un savant se manifesta, savant dont je porte le nom, pour que je naquis dans la complétude. En effet, après une longue gestation le cordon ombilical fut sectionné. Suivit un mouvement de torsion de ma section à 180°, et finalement soudé à mes deux extrémités, j'arborais ma forme dynamique infinie.
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J’écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
Dans cette volute rationnelle en forme de vaisseau spatial, on retrouve l'idée de cercle, d'éternel retour, mais aussi l'idée d'inconscient. Ainsi Lacan reprend souvent dans ses séminaires l'image du ruban de Möbius, qu'il compare au noeud borroméen. Cette bande "qui n'a pas d'envers, dont l'endroit continue l'envers" permet à Lacan d'évoquer l'inconscient.
Inconscient et conscient, mais aussi réel et virtuel sont intimement liés. Le ruban de Moëbius, comme le rêve est un espace de liberté et d’interrogation, Il n'a pas de bord, une seule face, un seul côté, interface et intercession. Continuité et passage. Les bords infinis du rêve. Le rêve équivoque, on veut le séparer du réel, le distinguer. Peut on distinguer le rêve du réel ? A quel moment le réveil se distingue-t-il du rêve ? Le rêve nous ramène du côté de l'entrée dans la vie, c'est une intelligence du monde.
La philosophie puise sa source dans le rêve
C'est René Descartes, le fondateur du rationalisme moderne qui théorisera l'émergence de la raison des limbes oniriques. « Ni l'autorité des Anciens, ni les vérités sensibles ne constituent des principes de recherche. »
Descartes avait fait une expérience du rêve en 1619, alors qu'il était âgé de 23 ans, au cours d'une nuit mémorable. Les trois rêves qu'il avait faits (fiches 44 à 46) l'avaient profondément marqué, au point qu'ils orienteront sa vocation et qu'il en gardera le récit sur lui durant toute sa vie.
Dans la première Méditation, il conclut qu'il n'y a guère de différence significative entre l'état de veille et le sommeil. Toutefois, sa réflexion progresse et, dans la sixième, il reconnaît entre ces deux états une différence essentielle, qui réside dans la mémoire et la liaison des faits cognitifs et des images mentales.
« L'illusion est mère de tous les états de conscience » Alain
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur chaque bouffées d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Poursuivre la méditation en évoluant en toute liberté dans le ruban c'est permettre au rêve d'ouvrir toujours la possibilité d'un avenir. Vivre l'intemporalité.
(mobiusescher)
Bergson, qui fut un peu le philosophe du rêve parle du rêve comme étant le « souvenir du présent et la nostalgie de l'avenir, le futur antérieur. » La philosophie puise sa source dans le rêve. Le philosophe qu'il était affinait cette vision.
Dans cette course impromptue, le rêve est réel et le réel est un rêve. Pas de vie humaine sans rêve, et pas de jour sans souvenir de rêve. A l'état de veille, rêve et réalité s'entremêlent dans une action discontinue. Le rêve est prisonnier d'une réalité qu'il reconfigure. Les grands rêves traumatiques s'invitent et le cauchemar fracasse la vie du rêveur. Vise-versa, le rêve nous invite aussi à sortir d'un trauma.
Le rêve est intemporel, c'est un signal. Rêver, c'est mettre la raison en sommeil.
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
L'interprétation des rêves fascine depuis la plus profonde antiquité. La grille de lecture qu'il offre est un immense creuset, un réservoir sans fond, le vivier du collectif humain. La puissance poétique du rêve n'est pas entamée par le désir de l'analyser. J'ai mêlé intentionnellement la volute de Moëbius à l'évocation de la liberté selon Eluard, au mélange ludique du réel et du rêve. Le ruban référentiel, par l'interrogation qu'il suscite, nous engage dans un rêve éveillé. Cette volute magique n'a pas de bord, possède une seule face, un seul côté.
Interface et intercession, comme le rêve, elle représente un processus d'intercession, de continuité et de passage. Les bords infinis d'un rêve. L'équivocité semble de même nature. On voudrait séparer le rêve du réel, le différencier. Mais nous est il possible de distinguer le rêve du réel ? A quel moment le réveil appartient-il toujours au rêve ?
« Le rêve nous ramène du côté de l'entrée de la vie, le rêve est une intelligence du monde » « Intelligence du rêve » Anne Dufourmantelle.
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer ...Liberté
Paul Eluard, Poésies et vérités, 1942
Cette vision onirique et vénusienne de la liberté est l'enfant naturelle de celle, plus martiale préconisée par F. Nietzsche, dans le Crépuscule des Idoles, § 38
A l'instar des grands livres religieux qui instaurèrent la tyrannie et la misère en proférant la la gloire de Dieu et la liberté, Nietzsche ne fait pas exception à la règle. Il eut fallu méditer sur le caractère du guerrier avant de s'engouffrer dans la guerre moderne, rationnellement destructrice et complètement inique.
La liberté pour Nietzsche est liée au caractère guerrier. Elle est la volonté de répondre de soi. « C'est devenir plus indifférent aux chagrins, aux duretés, aux privations, à la vie même... Liberté signifie que les instincts virils, les instincts joyeux de guerre et de victoire, prédominent sur tous les autres instincts, par exemple sur ceux du "bonheur". L'homme devenu libre, combien plus encore l'esprit devenu libre, foule aux pieds cette forme méprisable de bien-être réaliste et immédiat. L'homme libre est guerrier. A quoi se mesure la liberté chez les individus comme chez les peuples ? A la résistance qu'il faut surmonter pour rester en haut. Le type le plus élevé de l'homme libre devrait être cherché là, où constamment la plus forte résistance doit être vaincue : à cinq pas de la tyrannie, au seuil même du danger de la servitude... Premier principe : il faut avoir besoin d'être fort, autrement on ne le devient jamais. » La présence séculaire du guerrier amérindien donne sens à cette vision contemporaine. C'est pour moi un des seuls concepts qui honore la pensée de Nietzsche.
Le Guerrier est vertical et présent. C’est l’intelligence du corps, l’expression moderne de la fonction sensation, kinesthésique, la perception au monde à travers les cinq sens, l’attention au réel, au présent. C’est le fondement de la personnalité. Un homme qui pose en lui la présence du guerrier intérieur sécurise son environnement, il dit ce qu’il fait, il fait ce qu’il dit. Il est assimilable à la fonction sensation qui positionne, ancre, affirme, structure, l’épine dorsale de la vie, le bon sens terrien, l’oxygénation des cellules, le mouvement, la santé du corps. « Une âme saine dans un corps sain. » Un sportif de haut niveau est pourvu d’un guerrier intérieur de qualité, mais aussi toute personne bien dans sa tête, animée de projets dans tous les domaines. La vie est affrontée comme un défi, dans un profond respect de la nature...La métaphore mobiusescher)