mardi 15 avril - par C’est Nabum

Du rififi chez les couteaux à pain

 

Ils ne vont pas y couper.

 

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De tout temps jusqu'alors, le couteau à pain a su se montrer très utile pour couper le pain en tranches fines ou épaisses grâce à sa lame crantée. C'est ainsi qu'il trônait, posé sur une planche à pain au milieu de la grande table de cuisine et s'accordait l'insigne honneur de n'être utilisé que par le maître de maison. Depuis, les choses ont bien changé !

Mais pour les béotiens de la pratique, il convient de revenir sur l'usage qu'on faisait jadis de cet ustensile qui symbolisa lui aussi l'art de vivre à la française. La caractéristique principale de ce couteau résidait dans sa lame puissante et longue avec un fil dentelé qui permettait alors de couper le pain sans effort et sans l'écraser.

Ce geste ancestral était parfois précédé d'un rituel cultuel à l'entame de la miche ou de la boule. L'ancien retournait le pain pour y tracer une croix lors d'un moment de recueillement collectif. Du reste, il convient de préciser à tous ceux qui ignorent tout du culte que l'on portait jadis au pain, qu'il eut été inconcevable de le poser sur la table comme sur sa planche à l'envers. Nul autre que le bourreau avait droit à cette infamie.

De nos jours, quand il n'est pas de forme triangulaire ou de toute autre figure géométrique incongrue, il se fait baguette molle, flasque, incertaine au point qu'un député fort mal avisé mais soucieux de faire parler de lui à longueur d'antenne, désire l'inscrire au patrimoine immatériel de l'humanité. Crime de lèse gastronomie que cette campagne pour un pain qu'on nomme baguette parisienne, tant elle a perdu toute authenticité régionale. Le Jacobinisme en tête pour le chantre supposé de la ruralité.

Le malheureux couteau à pain est d'aucune utilité avec ses mollassonnes qui plient à la moindre humidité dans l'air, s'effondrent au premier orage et surtout, tombent en miette sur les dents d'un couteau digne de ce nom. Même rompue, l'indigne baguette fait de la bouillie à moins qu'elle ne soit tout juste sortie du fournil. C'est alors quelques heures plus tard, qu'elle se fera flasque sans qu’on n’en ait jamais l'idée ni même le désir d'en faire des mouillettes.

Par ailleurs, il a désormais un redoutable rival qui tranche singulièrement avec la tradition. La terrifiante trancheuse de nos boulangeries contemporaines, double à plaisir la queue et propose de manière sournoise de vous coller toutes les tranches pour peu que le pain soit encore chaud. Profitant alors des vertus d'un hammam sous sachet en plastique, vous aurez la surprise de retrouver votre pain parfaitement reconstitué et désormais incoupable.

Le couteau à pain, condamné à l'inemploi trouve parfois des usages qui sortent de son cadre traditionnel. Il est à ce titre remarquablement efficace pour éplucher un ananas mais le reste du temps, il se casse les dents sur d'autres fonctions qui ne seront jamais siennes. Il se morfond dans un tiroir de cuisine, se demandant quand enfin, il retrouvera cette pleine lumière qui en faisait le symbole de la maison.

Les maies ont disparu à tout jamais. Le four à pain n'existe plus dans nos demeures et comble de blasphème, le pauvre pain, lui-même, sort du congélateur ou d'un sachet en cellophane. Ce pays sacrifie sa culture sur l'autel d'un consumérisme de pacotille qui ne laissera que des miettes à ce qui faisait jadis la grandeur de cette nation.

Il serait grand temps que les couteaux à pain lancent la grande révolte du retour aux valeurs et au saveurs d'antan. C'est là l'espoir que je formule en ce billet qui prendra son temps pour lever l'esprit de révolte qui sied à un juste et nécessaire retour à une grande tradition française.

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23 réactions


  • babelouest babelouest 15 avril 08:49

    Il est vrai que « prendre un pain » aujourd’hui incite davantage à porter plainte...

    Ah les pains de quatre livres d’antan ! Avec parfois des trous monstrueux selon le bon désir du levain...

    Tout minot, j’étais chargé une fois par semaine d’aller chercher chez un boulanger encore fariné deux énormes pains de 4 livres, cela faisait les bras ! Curieusement il s’appelait Peltier, alors que son voisin Pannetier était forgeron.... ils ne travaillaient pas la même pâte !


  • Seth 15 avril 09:03

    Faites comme moi : ne mangez plus de pain.

    Il reste une utilité au couteau à pain : servir de scie pour couper du surgelé.  smiley


  • Enki Enki 15 avril 10:28

    Pour couper un ananas, le plus simple :

    https://www.youtube.com/watch?v=AHSY9Y_cgDc

    Je ne l’étête pas avant pour le couper en quatre, je prolonge même dans les feuilles.

    Cela fait quatre barques à présenter, avec la touffe au bout pour chacune, c’est plus joli.


    • Seth 15 avril 12:08

      @Enki

      Et j’espère que vous n’oubliez pas de l’assaisonner de piment fort en poudre.  smiley

      Ça vaut aussi pour les fraises.


    • Enki Enki 15 avril 12:11

      @Seth

      Ils sont tellement sucrés chez moi, que rajouter quoi que ce soit est un sacrilège.


    • Seth 15 avril 13:55

      @Enki

      Mais justement, le piment renforce le parfum et la douceur.


    • C'est Nabum C’est Nabum 15 avril 14:41

      @Enki

      Et les yeux ?


    • Enki Enki 16 avril 07:07

      @Seth

      Le piment pousse tout seul chez moi, pas besoin d’en acheter en poudre.
      Sinon, j’ai peut-être un caractère pimenté, mais c’est bizarre quand manger mouille les cheveux.

      On a quatre aromates pour donner du pétant aux saveurs : le piment, le citron (la lime, ou le combavaaah...), le gingembre, l’ail. De quoi composer. Le piment avec vers la fin le citron, toujours pour moi : le plein de forces dans l’assiette, sans passer l’œsophage au Destop.

    • Enki Enki 16 avril 07:17

      @C’est Nabum

      Des yeux d’ananas ? Je n’ai jamais compris l’attrait les rondelles borgnes qui ont l’air de sortir d’une boite de conserve. Cette image met l’oeil à la bouche (sauf son plat qu’il a oublié de cacher). Et avec beaucoup moins de temps de préparation nécessaire. Pour ma part, j’enlève la partie fibreuse, mais chacun fait comme il veut. 
      Et s’il faut vraiment tout dire pour réussir dès le premier coup : le grand couteau pour couper en 4 et ôter la partie fibreuse, puis un banal couteau de couvert à bout rond pour évider et tronçonner : ça permet de ne pas perdre de chair sans entailler l’écorce. 

    • C'est Nabum C’est Nabum 16 avril 08:03

      @Enki

      L’œil est dans la boîte


  • xana 15 avril 11:55

    Merci C’est Nabum pour ce joli petit article.

    Ca fait du bien un peu de fantaisie dans ce site de plus en plus tristement « mainstream »...


  • Jean Keim Jean Keim 16 avril 09:12

    Le couteau à pain, il faut le dire également, excelle dans d’autres domaines comme découper une tomate en fines tranches.


  • juluch juluch 17 avril 21:55

    Dieu merci, on trouve encore du pain digne de ce noble Nom !!

    Et surtout PAS tranché !!

    c’est un crime !!


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