samedi 25 mai 2019 - par Bruno Hubacher

Amnesty Multinational

Dans un article du 20 février dernier le responsable du ressort « International » d’un grand quotidien suisse exprime son indignation face aux « violations des droits de l’homme », perpétrées par le régime chaviste du Venezuela.

« Selon « Amnesty International » écrit-il « le régime du président Nicolas Maduro utiliserait la torture et des exécutions sommaires pour faire taire ses opposants. Il serait donc urgent que la communauté internationale intervienne ». Pour appuyer son propos, le journaliste scandalisé en rajoute une couche sur le réseau social « Twitter » : « Les apologistes du président Maduro seront jugés par l’histoire », pour revenir à la charge le 2 mai lors du coup d’état manqué du « président intérim autoproclamé » Juan Guaido.

Il a raison. Comment ne pas croire une organisation humanitaire dont se seul but est de faire le bien ?

Fondée en 1961 à Londres, forte de 7 millions membres, « Amnesty International » est une organisation non gouvernementale dont les activités sont essentiellement dédiées à la protection des droits de l’homme à travers le monde. Dotée d’un budget annuel de 300 millions USD, elle est entièrement financée par les contributions de ses membres, enfin presque. On trouve tout-de-même un coup de pouce ici et là, du gouvernement britannique, du « Département d’Etat » des Etats-Unis, de la « Commission Européenne » ainsi que de la « Fondation Rockefeller », mais bon. (Wikipedia)

Parmi les nombreux autres soutiens, notamment dans les milieux du « showbiz », on trouve, entre autres, le producteur de films américain, Harvey Weinstein, et sa société « The Weinstein Company » avec laquelle l’ONG avait co-financé un long-métrage sur la vie de la figure de proue de la lutte contre la politique d’« Apartheid » en Afrique du Sud, Nelson Mandela, sous le titre de « Long Walk to Freedom ».

Lors de la première du film, en 2013, le célèbre « séducteur », par ailleurs militant pour de nombreuses autres causes humanitaires, telles que la recherche contre SIDA, la sclérose en plaque et le diabète, la lutte contre la pauvreté dans le monde, le soutien en faveur des femmes metteur en scène et tant d’autres, avait dit ceci : « Il est essentiel qu’un grand nombre de spectateurs s’inspirent de la vie de Nelson Mandela, dans l’espoir que le militantisme social amènera des changements positifs dans le monde. »

Pourtant, il semblerait que ce qui amènerait de réels « changements positifs dans le monde », souhaités par Mr. Weinstein et Amnesty International, serait plutôt l’exercice démocratique libre par les peuples souverains, dans le but de déterminer leur propre destin. Mais voilà.

Il se trouve que le mandat du président vénézuélien actuel découle du résultat des élections présidentielles du 20 mai 2018, lui donnant une légitimité par 68% des votants. Le taux de participation de 46% étant certes faible, en comparaison avec de précédentes élections, mais, toujours bien au- dessus de celui qu’on mesure habituellement lors d’élections européennes.

Le bureau du « Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme », faisant part de ses préoccupations au sujet de présumées exécutions extrajudiciaires, le parlement européen adopte, le 8 février 2018, une résolution, 480 députés pour, 51 contre et 70 abstentions, demandant des sanctions économiques à l’encontre du gouvernement du président Nicolas Maduro. 

Le 23 mars 2018, un haut responsable des « Nations unies » annonçait que, finalement, l’organisation avait décidé de ne pas envoyer de commission spéciale d’observation des élections au Venezuela, sans fournir plus d’explications.

Par ailleurs, le ministre vénézuélien des affaires étrangères, Jorge Arreaza, gendre du défunt président Hugo Chavez, avait fait parvenir une invitation formelle à son homologue européen, Federica Mogherini, à constituer une délégation européenne d’observation. Celle-ci n’avait pas donné suite non plus, invoquant des « difficultés à réunir » une telle commission. Finalement l’exercice fut mené à bien par un collectif de 150 observateurs internationaux.

Certes, l’opposition vénézuélienne invoque l’exclusion du scrutin de certains partis, membres du MUD, majoritaire au parlement depuis les élections législatives de 2015, une coalition, fondée en 2010, rassemblant un groupement hétéroclite de partis politiques d’obédiences idéologiques diverses, droite conservatrice, démocratie chrétienne, libéraux et parties de la Social-démocratie, une sorte de coalition néolibérale, dont l’unique dénominateur en commun est l’objectif de renverser le parti bolivarien au pouvoir, le PSUV.

La décision d’exclure certains partis de l’opposition du processus électoral fut basée sur une résolution de l’ »Assemblée nationale constituante », invoquant l’appel au boycott des élections municipales précédentes par certains membres du MUD.

En réalité, l’opposition n’était pas à son coup d’essai, car le 3 mai 2016, le MUD avait déposé une pétition contre le président de deux millions de signatures, dont 700'000 furent attribuées, après vérification par le « Conseil national électoral » à des personnes décédées ou dépourvues de droits politiques, mineurs ou personnes incarcérées.

On ne peut s’empêcher de comparer les sanctions imposées au peuple vénézuélien, saluées par la communauté internationale et « Amnesty International », aux sanctions économiques et bombardements humanitaires » à l’encontre de l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye et la Syrie.

Le 14 mai dernier, Erika Guevara-Rosas, directrice pour l’Amérique à « Amnesty International » a dénoncé « une importante détérioration des conditions de vie au Venezuela, due à un manque cruel de médicaments et de nourriture, ainsi que des violations systématiques des droits humains « probablement » perpétrées par le régime du président Maduro.

Au sujet de la guerre en Syrie, autre théâtre de l’horreur, l’organisation humanitaire écrit ceci : « Ce pays est ravagé par la guerre depuis sept ans et nous demandons à la communauté internationale d’assumer ses responsabilités, les principes d’impartialité et d’indépendance étant pourtant inscrits dans la charte d’ »Amnesty International », et d’agir de toute urgence pour mettre un terme aux souffrances, infligées par le régime, à des millions d’innocents, faisant allusion, entre autre, aux attaques chimiques, imputées au régime syrien, notamment celles contre le quartier de la Ghouta à Damas en 2013 et la ville de Douma en 2018. »

Il n’est pas inutile de rappeler, à cette occasion, que, une fois de plus, comme pour les précédentes attaques chimiques, imputées au pouvoir en place, (Seymour Hersh, journaliste d’investigation, lauréat du Prix Pulitzer, entre autre à l’origine de la révélation du massacre de My Lai, perpétré par l’armée américaine au Vietnam en 1968) la dernière en date est également débusquée par un rapport, fuité de l’« Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques » OPCW.

Au sujet de l’allégation par l’administration américaine qu’une bombe chimique aurait été larguée par un avion de chasse de l’armée syrienne sur un hôpital au nord du pays, l’OPCW déclare, je cite : « Des observations faites sur place suggèrent que ces deux bombes y avaient été posées manuellement. »

Le 22 mai dernier, selon un militaire russe, Kupchishin, cité par chaîne d’information russe RT « des militants syriens, capturés par l’armée russe, affirmeraient avoir été recrutés dans le but de mettre en scène des attaques chimiques dans les villes syriennes de Saraquib et Jarjanaz, dans le but de les imputer au régime de Bachar el-Assad. »

Justement, à propos des « violations des droits de l’homme », parlons-en !

Un récent rapport du « Center for Economic Policy Research » CEPR, basé à Londres, sous le titre « Des sanctions économiques en tant que punition collective, le cas du Venezuela » signé par les économistes Mark Weisbrot and Jeffrey Sachs, par ailleurs conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, démontre l’effet pervers de cette « punition collective » sur la population civile, sanctions, dont le peuple iraqien garde un souvenir plus qu’amer.

En ce qui concerne l’aspect légal des sanctions économiques, imposées unilatéralement par l’administration américaine actuelle, et précédemment par l’administration du président Obama, cautionnées par l’Union Européenne, elles sont interdites par l’OAS, « Organisation of American States » dont les Etats-Unis sont signataire et membre, ainsi que par le « Droit humanitaire international » régis par une série de traités internationaux, signés par les Etats-Unis. Elles contreviennent également au droit américain, car elles se basent, faussement, sur un présumé état d’urgence. 

La stratégie militaire de l’asphyxie n’a pas été inventé par John Bolton, ni par Elliot Abrams, elle date du Moyen Age. Bien que le Venezuela soit assis sur les réserves pétrolières les plus importantes au monde, pour transformer ce pactole en devises, il faut un accès au système financier international, dominé par le dollar américain et l’euro.

Ces sanctions économiques interdisent à toutes les banques américaines, ou banques étrangères installées sur sol américain, d’effectuer des transactions avec le Venezuela, ce qui restreint considérablement le champ d’action pour le gouvernement vénézuélien pour transformer le pétrole en devises, afin de régler les importations de médicaments et de nourriture. Pour l’année en cours, des estimations actuelles projettent une baisse des revenus pétroliers de 67% par rapport à 2018.

Par ailleurs, dans un acte d’obéissance par anticipation, dont le gouvernement britannique est coutumier, les avoirs du gouvernement vénézuélien auprès de la « Banque d’Angleterre » sous forme de lingots d’or d’une valeur de 1,2 milliard USD ont tout bonnement été bloqués. Les gouvernements et citoyens des pays considérés comme « indélicats » se souviendront de la fiabilité du système financier britannique et réfléchiront à dois fois avant d’entrer en affaires avec les institutions de la « City ». 

Dû à une baisse des revenus pétroliers, les importations de nourriture du Venezuela ont baissé de 11,2 milliards USD en 2013 à 2,46 milliards USD en 2018, contribuant à une malnutrition générale, notamment chez les enfants. Selon une étude de l’ENCOVI (Encuesta Nacional de condiciones de vida), effectuées par trois universités vénézuéliennes, le taux de mortalité général a augmenté de 31% entre 2017 et 2018, ce qui représente une hausse de 40'000 décès.

En outre, l’étude estime que 300'000 personnes souffrent actuellement de l’absence de traitements médicaux, dont 30'000 personnes souffrent d’infection du virus HIV, 16'000 personnes nécessitent des dialyses rénaux, 16'000 nécessitent des traitements contre le cancer et 4 millions de personnes souffrent de diabète et d’hypertension.  

Sans vouloir minimaliser les grandes réussites incontestables des organisations humanitaires, le risque qu’elles se laissent instrumentaliser augmente avec l’accroissement de leurs moyens et de leur influence. Elles contribuent ainsi, sans doute involontairement, à l’objectif des puissants, celui de réduire la contribution publique à la charité. 



9 réactions


  • JP94 25 mai 2019 16:53

    Merci !

    Ce qui rend peu crédible la vocation prétendue d’Amnesty International ... qui est effectivement plutôt Amnesty Multinational est qu’elle est totalement muette sur l’emprisonnement des prisonniers politiques amérindiens et noirs aux Etats-unis : Leonard Peltier ( plus de 40 années de prison :record mondial) et Mumia Abu Jamal ; en plus traité de façon inhumaine et dégradante. 

    Et puis, pas très loin du Venezuela, il y a la Colombie dont on ne parle jamais : 6000 prisonniers politiques, 350 assassinats politiques de militants contre le vol de leurs terres par les latifundiaires comme le Président puis sénateur fasciste colombine Uribe, ou de militants syndicaux dans les usines des multinationales.

    Sans oublier les falsos positivos ces jeunes prolétaires, souvent orphelins  fils de paysans assassinés par les paramilitaires, victimes , eux des militaires qui les ont déguisés en FARC dans le cadre d’une campagne de propagande du ministre d’Uribe prétendant avoir vaincu des FARC : un lâche assassinat de jeunes à qui on a fait miroiter un emploi pour les faire grimper dans des conditions, les sbires du Ministre d’alors les attendant au bout pour les exécuter...

    Et puis encore,les 350 000 morts du conflit colombien...

    De cela, Amnesty Multinational ne s’insurge jamais. Alors pour quels intérêts en réalité, travaille cette « prestigieuse organisation » « apolitique » ? 


  • troletbuse troletbuse 25 mai 2019 21:31

    Pour certains pays, c’est plutôt « Amnésie internationale »


  • Samson Samson 26 mai 2019 12:32

    Si je constate pour certaines actions d’Amnesty International un biais qu’on pourrait qualifier d« occidentaliste », je trouverais regrettable qu’il suffise à jeter le bébé avec l’eau du bain.

    Quel que soit le régime qui la pratique, Amnesty International combat la peine de mort, la détention arbitraire et les excès répressifs.

    Et si ses actions vis-à-vis des régimes syriens ou vénézuéliens sont en toute logique bien plus amplement relayées par les médias main-stream, Amnesty International dénonce avec la même vigueur le recours à la peine de mort aux États-Unisqu’en Arabie Saoudite, en Iran ou en Chine, la détention arbitraire de militants tant palestiniens que LGBT, les excès répressifs à l’encontre des Gilets Jaunes ou les conditions indignes de réclusion de rigueur dans nos prisons, ...

    Donc oui, si certains biais d’Amnesty International sont à raison critiquables, sa voix présente à tout le moins le mérite d’exister et faire entendre la cause des sans-voix.


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 26 mai 2019 16:44

    Merci pour cet article. smiley

    .

    Toutes les institutions sont plus au moins infiltre par les gens du système (notamment les néo-conservateurs) !

    La troublante collaboration d’Amnesty International avec les services de renseignements britanniques et américains
    https://www.investigaction.net/fr/la-collaboration-troublante-damnesty-international-avec-les-services-de-renseignement-britanniques-et-americains/

    .
    INFORMATION IMPORTANTE
    .

    Gilets jaunes en Médoc : le maire de Saint-Yzans devant le tribunal correctionnel

    Lors d’une réunion de gilets jaunes, Segundo Cimbron avait appelé à la désobéissance civile. L’ex-préfet Didier Lallement avait porté plainte contre lui.

    Lundi 27 mai 2019, à 14 heures, Segundo Cimbron, le maire de Saint-Yzans-de-Médoc, est convoqué devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. Au lendemain d’une réunion organisée cet hiver par des gilets jaunes girondins à Moulis, le préfet Didier Lallement avait porté plainte contre l’édile.

    .

    Il faut soutenir ce Maire courageux qui avait « ose » de défendre les intérêts des citoyens de sa commune au lieu de défendre les intérêt de l’oligarchie financière ...

    .

    Rappel :

    Constitution du 24 juin 1793
    Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

    Article 35. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

    .

    L’article 35 s’applique notamment suite à la violation par le parlement français fin 2007 qui avait adopté le traitée établissent une constitution européenne lequel à été rejette au part avant par quasiment 55% des français au référendum en 2005 !

    .

    Depuis aucun référendum n’a été organisé depuis maintenant 14 ans !

    Signe : Un gilet jaune


  • bouffon(s) du roi bouffon(s) du roi 26 mai 2019 21:20

    Ah les ONG droit de l’hommiste, un grand truc soft-power au non du droit d’ingérence, bien pensé, on fait du « bien » d’un côté, pour bien vous baisez de l’autre ^^


  • Spartacus Lequidam Spartacus 27 mai 2019 08:58

    On lit des conneries de gauchistes dans le déni de réalité est un tel déni et aveuglement idéologique que c’est pitoyable autant qu’ignoble pour le respect des victime de ces enculés au pouvoir au Venezuela.

    Il n’y aurait pas une dictature et des prisonniers politiques ?

    https://youtu.be/MK3IeLAazZc

    Quand il faut une brouette de billets pour acheter un oeuf, y’a que les gauchiste qui croient que le peuple vote pour les gens au pouvoir...

    Les sanctions dates de 2017. La nourriture, le papier cul et les médicaments ont manqué dès Chavez.

    Comme si cela datait des blocages financiers americains de 2017..

    Vaste excuse minable, pour ne pas accuser le vrai responsable. Le socialisme !.

    Il n’aurait pas d’argent pour acheter de la nourriture ?

    La nourriture est diffusée en exclusivité par les « CLAP » (comités locaux approvisionnement). (Ils ont détruit le secteur privé).

    Les comités locaux sont alimentés uniquement par des grossistes aux sièges sociaux à l’étranger appartenant tous aux cadres Bolchéviques de Maduro.

    Qui ont un monopole du change, monopole de l’approvisionnement. Ce qui exclue aussi les producteurs locaux. (L’agriculture s’effondre).

    Ils n’ont aucun problème pour avoir de l’argent. Les sanctions n’ont rien changé.

    Ils ont des ressources minières qu’ils vendent à Erdogan en Turquie. L’or revient sous forme d’argent et les denrées sont achetés au Mexique par les sociétés des acolytes corrompus de Maduro. La valeur est gonflée. Les sociétés sont enregistrées au Mexique, Hong Kong et Turquie.

    L’homme de main de Maduro est Alex Naím Saab, chargé de créer les sociétés à l’étranger pour spolier le peuple venezuelien. Ces sociétés sont chargées de détourner les fond des marchés public industriellement.


    C’est assez pathétique de défendre ce gouvernent de corrompus, narco-trafiquants, dictature, autocratie. Qui n’a rien de démocratique.

    Les gauchistes ont ils défendu autre chose que des autocratie depuis toujours ?


    Oui les Américains ont raison de taper du poing sur la table pour que stoppe ces pourris a affamer leur peuple, comme l’on fait tous les pays communistes. 

    Hier ils tuaient. Ici ils les font fuir.


  • Amnesty international est une secte dont les « bénévoles » agressent les passants dans la rue et s’incrustent dans les lieux publics. Je les ai virés du lycée où j’enseignais il y a quatre ans, ils s’invitaient carrément dans les cours sans passer par la direction de l’établissement ni avis des profs (!)

    J’ignore qui est derrière cette ONG très spéciale, mais elle ne sert pas la cause de l’humanité !


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