mercredi 29 mars 2006 - par

Banlieue : classe chômeuse, classe dangereuse

Comme promis, place de la République à Paris, les « casseurs » ont offert le spectacle final de la manifestation du 28 mars. Mais quelle est cette jeunesse venue perturber la belle unité syndicale et citoyenne anti-CPE ?

Quelle est-elle, cette jeunesse dévastatrice ?

La question est trop complexe pour prétendre y répondre avec toute l’intelligence et la modestie nécessaires mais tout au moins ai-je vu de près ce jour-là, cette partie de notre population. Voyageant en direction de la Place d’Italie autour de 14 heures, de très jeunes banlieusards s’étaient entassés dans une rame de métro de la ligne 5, où certains manifestants qui ont eu le mauvais destin d’embarquer à la même heure, ont été copieusement agressés, dépouillés, effrayés. La police nationale et de la RATP sont finalement intervenues à la station Quai de la râpée, juste après Bastille. Là, les voyageurs interloqués ont vu s’extraire de la rame une bonne centaine de jeunes pour avancer vers la sortie, d’une démarche solidaire et chaloupée. Dans les mains des expulsés, des téléphones portables dont certains à moitié cassés, des portes feuilles en cours d’exploration, des cartes bancaires muettes. Un butin dont la valeur possédait avant tout le goût de la vengeance stupide et aveugle.

Au croisement de deux mondes.

A cet instant, deux mondes totalement inconnus l’un à l’autre se sont croisés. Avançant en colonne large et serrée, ces jeunes sont passés, la mine hilare et glorieuse, sous le nez des voyageurs sans leur jeter le moindre regard. Dans leurs yeux, la haine, le mépris mais aussi et plus dérangeant, la colère, le ressentiment, un désir terrible de révolte. Parmi les voyageurs à la fibre revendicative, l’envie première que cet étrange et dérangeant désordre social cesse au plus vite.

Une interrogation.

Ici, point d’excuse au comportement de ces jeunes dont la moyenne d’âge ne dépassait pas les 17 ans. Comportement inadmissible et légitimement répréhensible. La répression, c’est peut-être la seule et dernière mesure d’égalité de traitement que l’on sait encore leur offrir. Non, point d’excuse ou d’évangélisme mais au lendemain de cette manifestation monstre qui s’est poursuivie par un rodéo entre casseurs et force de l’ordre, jusqu’à 21 heures, place de la République : une interrogation. Combien de temps encore laissera-t-on le feu de l’inégalité et de l’exclusion sociales couver, puis éclater de temps à autres, aux portes de Paris ? Faudra-t-il y construire des zones de rétention où la police retiendra cette population déchaînée le temps nécessaire à la colère légale de s’exprimer ? Où va-t-on, à tenter ainsi d’endiguer cette révolte primaire car inorganisée, abandonnée de toute bannière politique et laïque ? Combien de temps pourra-t-on tirer le rideau républicain sur les stigmates d’une population objectivement dangereuse et délinquante qui n’a semble-t-il rien à faire de la défense d’un réseau de solidarité dont elle ne bénéficie pas ou ne voit pas dans quelle mesure elle en bénéficie tout de même ? Le chômage des jeunes ? C’est en banlieue qu’il sévit le plus sévèrement sans compter celui de leurs parents. Chômeurs, fils de chômeur et bientôt petit fils de chômeur...

La souffrance des "sans-travail "

Quel que soit le type de contrat, c’est du travail, de la dignité et du salaire qui en découlent, que ces jeunes réclament, voire sans plus le savoir. Un grand spécialiste du travail, l’ergonome François Danielou, a pour habitude de répéter que « la plus grande souffrance au travail est celle de ne pas en avoir ». Combien a-t-il raison ! "Silence , on casse et on dépouille"

 Et pourquoi ces scènes d’agression sur le réseau RATP sont-elles si peu rapportées dans les médias ? N’aurions-nous aucune solution à proposer ? Ce vilain spectacle gâcherait-il par trop le beau tableau de la grande fête citoyenne, revendiquant un CDI pour tous , et comme disait ma mère, nous renvoyant à nos piètres ou impossibles revendications, un p’tit cheval et une voiture avec ?  

Casseur et chômeur, même danger

Dommage que les patrons des centrales syndicales, que les membres des partis politiques n’aient pas pris le même moyen de transport que le nôtre, pour se rendre à la manifestation. Peut-être alors auraient-ils mesuré toute l’urgence à se pencher vraiment sur le sort de cette classe chômeuse, de cette classe dangereuse. Un chômage et un danger qui ne peuvent, pour l’heure, que s’aggraver. Gare !

 



217 réactions


    • Scaton l’africain (---.---.1.1) 30 mars 2006 16:03

      Lor,

      La particularité du Net c’est que toutes les opinions peuvent s’exprimer. Prendre le site CFTC POLICE je ne sais quoi et dire qu’il est la preuve de ce que vous avancez est pitoyable. je me mets dans ton raisonnement : tu as des relents xenophobes par défense pcq tu crois avoir affaire à une génération raciste anti-blanc et tu refuses à cette même génération d’avoir les même réflexes que toi. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, cette génbération est bel et bien victime de discriminations (à savoir qu’un français sur 3 se dit ouvertement raciste, inquiétant d’ailleurs). De plus ce n’est pas pcq tu vois des noirs et des arabes qu’ils sont forcément des « casseurs » de banlieue, bcp son étudiants et ne font que manifester.

      Tout cela pour dire qu’avoir des jugements racistes sur ces évènements n’a rien de constructif et ne résoud en rien le problème. D’ailleurs à part la couleur ces jeunes n’ont rien d’étranger toute leur culture, leurs comportements sont typiquement « français » dans le sens où ils naissent, vivent et grandissent ici tu ne peux qu’admettre que leur « culture » est française et donc il s’agit bien d’un pb franco-français. Quand à parler des chinois et indochinois pour faire une comparaison, sont-ils plus intégrés ou vivent-ils plus en communauté ?

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    • Scipion (---.---.1.146) 31 mars 2006 06:39

      Scaton écrit : « ...à part la couleur ces jeunes n’ont rien d’étranger toute leur culture, leurs comportements sont typiquement »français« ... »

      Je pourrais vous citer cent exemples de comportements ataviques, pour nous irrationnels ou incompréhensibles, observés au sein de ces populations typiquement « française », mais à quoi bon ?

      Ici, dès qu’ils se heurtent à des arguments qui les gênent, les gens se réfugient soit dans l’insulte soit dans la fuite. Alors, restez confit dans vos petites certitudes. Comme vous n’êtes pas en charge de la solution des problèmes de ce pays, le mal est négligeable.


    • Gil (---.---.93.79) 31 mars 2006 11:20

      Vous citez : « Les casseurs des ghettos, qui sont les mêmes émeutiers de novembre 2005, s’organisent entre eux aux travers des blogs internet pour appeler à l’insurrection lors de la manifestation anti-CEP (contrat première embauche) prévue mardi après-midi au départ de la Place d’Italie à Paris. Ces même blogs appellent à casser du »’Juif, du Blanc et du Bourge« . On peut encore y lire : »Il faut brûler la France, comme le Hamas brûlera Israël".

      Pouvez-vous mettre des liens vers quelques-uns de ces blogs qu’on se rende un peu compte, ou est-ce de la désinformation ?


  • Scaton l’africain (---.---.1.1) 30 mars 2006 11:54

    « La france a le bassin qui la démange , elle a envie qu’on la prenne » signé Villepin. « Je baiserai la france jusqu’à ce qu’elle m’aime » signé un rappeur. A mes yeux il n’y a que l’emballage qui change.

    En lisant l’ensemble des réactions on comprend mieux le malaise et le mal-être qui plombent la france. Les politiciens sont parvenus à vous faire croire que l’immigration est la cause de tous les problèmes, en êtes-vous réellement pêrsuadés ou alors il est plus facile pour vous de « taper » sur les plus faibles plutôt que de porter un raisonnement sur ce que les politiques ont fait de « bien » pour ce pays ces 30 dernières années.


    • jco4667 (---.---.75.247) 30 mars 2006 13:10

      Bien sûr, l’immigration n’est pas la cause de tous les problèmes. Elle n’en est qu’un des multiples facteurs auquel il convient d’accorder une juste attention, ni plus, ni moins qu’à l’ultralibéralisme rampant et la dégradation globale de tout notre système de valeurs.

      C’est bien là de valeurs qu’il s’agit. Au final, la décadence socio-culturelle occidentale est le reflet d’un vide moral créé par le reniement politique des valeurs laïques/philisophiques (celles de la république et des Lumières pour la France) et la ridiculisation des valeurs religieuses « transcendantes » (toutes confessions confondues) au profit d’intérêts individuels financiers et consuméristes à court terme, dopés par des médias aussi cupides qu’inconscients.

      Accabler aujourd’hui l’islam en général comme la cause de la radicalisation de certaines populations est aussi stupide que de condamner le marxisme au nom du communisme stalinien. C’est bien l’abandon des valeurs transcendantes de l’Islam (qui sont les mêmes d’ailleurs que toutes les grandes religions monothéistes) qui provoque le glissement.

      La « racaille » n’est pas solvable dans la loi.

      La loi est un concept qui ne leur parle pas. En effet, on dira ce qu’on veut, l’obéissance à la loi nécessite qu’on lui reconnaisse une force morale en référence à des valeurs partagées par la communauté. Sans bases morales, l’individu animalisé répond à des réflexes de pouvoir et de violence destinés à assurer sa survie ou son « élévation matérielle » (Car il y a plusieurs types d’élévation : avoir un portable dernier cri, une BMW vulgaire, des baskets à 1000 balles, des bagouzes et des putes est autant une élévation qu’avoir son bac. Ca dépend de la facette du prisme par laquelle on regarde et des émissions de télé diffusées en hertzien).

      La « racaille » n’est pas solvable dans la loi car que pouvons nous y faire ? Les éduquer ? Ils s’en foutent. Les embastiller à la US ? Les déporter en Guyane ? Mettre un flic au cul de chaque excité ? Il y en a même sur ce forum qui suggèrent de les renvoyer au bled... Sauf qu’il n’y a plus de bled, qu’ils sont légalement français, et que j’aimerais bien qu’on me dise quel pays s’offrira comme terre d’accueil pour une telle population. A moins qu’on les flingue à balles réelles (hypothèse également envisagée), ce qui ramènerait la collectivité au niveau bestial justement reproché à cette population difficile.

      Ce qui effraie, c’est qu’on ne va pas dans le mur. On y est. Et il n’y a aucune porte de sortie satisfaisante pour la démocratie, l’humanité, la dignité. C’est pourquoi ça fait mal en France. Notre pays et ses habitants (qui quoiqu’on en dise disposent encore d’un certain bagage culturel et philosophique) souffrent de cette impasse car ils ont conscience que cela ne va pas et n’arrivent pas à accepter le dernier reniement qui nous est demandé des ultimes restes de ce en quoi nous croyons ou avons cru. Les pays anglo-saxons (tu sais, ceux qui réussissent) ne se posent pas cette question, faute de capacité ou parce qu’ils se sont déjà reniés.

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  • a 2 balles (---.---.117.250) 30 mars 2006 12:49

    Juste une remarque à 2 balles

    Les chinois (et indochinois) sont à l’aise et ne cassent rien. C’est aussi le cas de quelques autres groupes, y compris « bronzés » (comme celui des « arabes du coin »). Tous étaient « basanés », mal vus, arrivés sans rien, parlant à peine français. Le racisme était pire qu’aujourd’hui : banal et ordinaire, à visage découvert. Le point commun à tous ces groupes ? Avoir contruit, à partir de rien, leur propre base économique, pour embaucher leurs proches et leurs enfants. Ne pas prendre l’école, ni la société en général, pour un « ascenseur », mais pour un escalier, qu’il faut gravir avec effort.

    L’homme « généreux » qui renvoit son argent « au pays » contruit le chômage de ses enfants et en fait de futurs casseurs aussi surement que celui qui épargne et investit (y compris dans sa « communauté », mais sur place) leur construit un avenir. Et c’est sa responsabilité, pas celle de la « société ».


  • Az (---.---.186.48) 30 mars 2006 14:11

    Les manifestants anti-CPE se donnent le beau rôle : cause juste, manifestation pacifique... Mais comment peut-on y croire quand les lycéens et étudiants bloquent tout. N’étaient-ce pas eux les casseurs de la Sorbonne qui détruisaient le patrimoine et lançaient des projectiles lourds (barrières de protection, pavés...) aux forces de l’ordre, qui prétendent décider à la place de gouvernants (ministres et députés) régulièrement en place, lancent des ultimatums ? Soit il y a un problème des banlieues, problème de bandes surtout, mais y a-t-il loin entre ceux-ci et les « vrais » manifestants«  ? Tous veulent tout, tout de suite, sans effort. Ils justifient leur position etleurs actes par un soi-disant manque de perspectives d’avenir, mais n’essaient même pas de construire celui-ci. Ils sont nés dans un monde plutôt florissant, souvent avec »une cuillère d’argent dans la bouche" mais préfèrent croire qu’hier tout était mieux et que cette richesse supposée est venue toute seule. Triste jeunesse... qui manifeste (pas toute par bonheur).


  • Enrico Morresi (---.---.63.191) 31 mars 2006 10:18

    Bravos ! De la part d’un journaliste de 70 ans, président de la Fondation du Conseil suisse de la Presse. Si tout journaliste... Passons ! Ne vous découragez pas, continuez le combat pour la qualité de l’information !

    Bien à vous !

    Enrico


    • Muriel Bastien 31 mars 2006 11:11

      Merci Enrico ! Vos encouragements me vont droit au coeur. C’est un monsieur de votre âge qui m’a d’ailleurs appris mon métier, l’actuel rédacteur en chef du Canard enchaîné : Claude Angeli. Pour avoir suivi ses précieux conseils sans jamais concéder le moindre pouce de terrain à la démagogie ou au mensonge, j’ai perdu mon dernier poste. Je serais une journaliste « trop militante ». Mais informer n’est-il pas l’un des plus beaux combats ? Bien à vous aussi. Muriel


  • Al-Capone (---.---.50.157) 31 mars 2006 15:45

    Les jeunes de banlieus, on les regardent defilés sous des bannieres « sos racisme », on les ecoutent 5min, et quand ils semblent calmer a coup de subvention pour une asso, on continue notre route, en les laissants dans leur asso...

    Bref, quoiqu’ils fassent, lorsqu’ils parlent comme on le devrait dans une democratie, on se fout de leur gueule. on ne les ecoute pas, quand on ne parle pas en leurs noms.

    Quand ils cassent, on se rend compte d’un coup, qu’ils vivent a coter de nous.

    Dans le CPE, ils n’ont pas leurs places dans le debat, alors ils cassent...

    Faut encore beaucoup de casse pour les prendres pour des citoyens ?

    A mon avis, comme on ne leur laisse toujours la parole, malgres que le prix de l’essence deviennent de plus en plus chere (Je crois quand memeque dans les cites, ils ont des prix sur l’essence ;), siffonage... hihi..) faut s’attendre a quelques feux de st jean...plus elles sont grosses, meiux elles brulent, les voitures...hihihi

    Mais ça, tout le monde le sait deja...

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  • Al-Capone (---.---.50.157) 1er avril 2006 12:44

    Classe dirigeante, classe dangereuse

    Lorsqu’un deputé, un syndicaliste legitime leurs actions radicales, il ne faut pas s’etonner que des jeunes emplois les memes méthodes.

    J’entends deja dire, OUI MAIS...

    quand on utiliseras se double discours pour s’abriter, le pbr ne serat pas regler...

    Les casseurs peuvent tout autant dire OUI MAIS...


  • (---.---.160.169) 6 avril 2006 00:05

    Il paraît que le problème des jeunes de banlieue, c’est qu’ils n’ont pas de travail. Prenons les au mot, donnons leur du travail et voyons quelle sera leur réaction....


    • machinchose (---.---.129.40) 6 avril 2006 00:12

      ooooh quel rebelle !

      bravo vous avez tout compris ! vous on vous la fait pas ! vous vous savez qu’en fait ces flemmards profiteurs voleurs violeurs et heu... profiteur encore ils veulent pas travailler et qu’ils se la coule douce à l’ombre de ces tours qui ne sont pas si terribles que ça. de même que le controle d’identité quotidien depuis leur 12 ans c’est trop fune ça apprend la citoyenneté.

      et avant que vous n’éructiez cher (IP:xxx.x89.160.169) sachez que non je ne considère pas que les éléments que je viens d’énoncer sont des excuses à des actions illégales et violentes qui ne trouvent pas de justifications. mais elles peuvent aider à expliquer (mais la nuance doit vous depasser un peu)


  • (---.---.160.169) 6 avril 2006 09:40

    Ce qui est bien chez machinchose c’est qu’il n’hésite pas à donner des leçons. Encore un qui doit être bardé de diplômes ( universiataire et chercheur..., cultivé en diable et fin analyste politique. Et comme son pote, il n’hésite pas à nous faire partager son savoir en tote modestie...

    Bien sûr, qu’on sait tous que les jeunes des banlieues sont des bosseurs acharnés et qu’ils profitent de l’enseignement gratuit que leur offre la France, pour étudier et se perfectionner ( ils sont d’ailleurs tous bardés de dîplômes, bac+5, 6, 7.....) !Et la France est quand même dégueulasse de les avoir accueillis et mis dans les logements au loyer modéré, comme elle est aussi déguelasse de leur donner une couverture sociale et medicale gratuite ? Bref, quel sale pays la France...


    • machinchose (---.---.129.40) 6 avril 2006 09:49

      ce qui est bien avec (IP:xxx.x89.160.169) c’est que comme il n’a rien à dire sur le fond il s’attaque aux personnes sans même prendre la peine de les lire et d’essayer de voir ce qu’on veut dire.

      quelle belle puissance dans les idées !


    • Marsupilami (---.---.167.25) 6 avril 2006 10:29

      Ce qu’il y a de pire, c’est les intervenants qui ne prennent même pas la peine de s’imaginer un pseudo.

      Ce ne sont que des numéros anonymes déshumanisés.


    • (---.---.160.169) 6 avril 2006 14:09

      Qu’est-ce que tu veux, j’ai pas la chance d’être docteur et chercheur, j’ai donc quelques difficultés à m’exprimer et même un pseudo, j’en trouve pas....


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