vendredi 9 septembre 2005 - par Sébastien

Contre une VIème République !

L’hospitalisation du chef de l’Etat, le besoin de se distinguer exprimé par la jeune garde du parti socialiste, la passion des Français pour la table rase, tout cela concourt à la définition d’une nouvelle Constitution, où, quels qu’en soient les auteurs et les variantes, le Président de la République verrait ses prérogatives rognées et le Parlement les siennes, élargies.

Pour ma part, je ne vois ni l’urgence ni la pertinence d’un tel changement.

Certains prétendent que cette révolution légale est urgente parce qu’elle constituerait un préalable pour réformer le pays : mais, enfin, en quoi les règles actuelles interdisent-elles à un gouvernement de réformer ? En quoi un changement de régime, qu’il soit présidentiel à l’américaine, ou parlementaire à l’allemande, aurait-il plus de chances de convaincre syndicats et autres "révolutionnaires du statu quo" d’accepter demain les réformes qu’ils refusent aujourd’hui ?

Et, à bien y réfléchir, la Vème République, à l’inverse des régimes qui l’ont précédée, a plutôt fait preuve de solidité et de souplesse. Ni la guerre d’Algérie, ni mai 68, ni la cohabitation n’ont empêché en fin de compte l’Etat de poursuivre sa tâche.

En outre, un système dyarchique, dans lequel l’un s’occupe de politique étrangère et l’autre se concentre sur la politique intérieure, est de nature, à mon sens, à répartir des tâches qui, circonscrites dans les mains d’un seul, paraissent difficiles à assumer pleinement.

Bien sûr, des aménagements sont possibles : davantage de représentativité à l’Assemblée nationale, une réforme du Sénat indispensable, des précisions sur le statut du chef de l’Etat.

Mais rien de tout cela n’est impossible. Loin d’être condamnée à mourir, la Vème République peut s’améliorer par aménagements successifs et bien compris.

En réalité, cette "révolution légale" que certains appellent de leurs voeux, n’est ni plus ni moins que la version légitimiste de cette passion française pour la table rase, cette idée bien ancrée que rien de nouveau ne peut se faire sur ce qui a déjà été construit. La révolution plutôt que la réforme !



10 réactions


  • grellety (---.---.151.198) 9 septembre 2005 14:56

    Donc Sebastien décrète qu’une 6ème République n’est pas à l’ordre du jour, de mise, etc... Et quels sont ses arguments ? Solidité et souplesse du régime ? Oui, c’est vrai, pour de la solidité, c’est de la solidité la 5ème République ; puisque ce n’est pas une démocratie ! Née dans les fanges de conflits algériens qui ont permis aux gaullistes de s’emparer du pouvoir par un « putsch », même d’apparence légal, le régime a été taillé sur mesure pour un De Gaulle monarchiste et autoritaire ; et depuis plus de 40 ans, nous vivons dans un Etat omnipotent dont les aristocrates parlent à tous vent de réformes alors qu’ils refusent de le réformer et de mettre fin à leurs privilèges, titres, ... Le Sénat est un héritage de la chambre des pairs de France. Devons-nous conserver cette tutelle gérontocratique et contrôlée par la grande bourgeoisie française ? Est-ce « moderne » ? Démocratique ? Juste ? Efficace ? Réformer, ce ne sera certainement pas attaquer le code du travail pour que les plus faibles soient encore affaiblis mais pour que les puissants le soient moins, y compris au coeur de l’Etat. La devise républicaine interdit que tout individu soit au-dessus des lois. Un « président », même élu, devra répondre à un juge. Les milliers d’expatriés qui vivent souvent dans des conditions de luxe indécents avec des salaires importants devront voir leurs traitements diminuer. Mais ceux et celles qui dirigent et profitent de l’Etat gaulliste sont incapables de cette réforme, de cette honnêteté et de cette rigueur intellectuelles qu’ils ont toujours eu en horreur. Depuis 1793-94, la coupure entre la bourgeoisie et le peuple est vive, la « fracture sociale » n’a jamais été « comblée » par une quelconque fraternité, et l’égoïsme, l’hypocrisie, les mensonges des puissants prépare une nouvelle révolution. Il faudra au moins les remercier pour cela.


  • L'équipe AgoraVox Manu 9 septembre 2005 23:34

    À mons sens, la mise en place d’une nouvelle constitution se justifie essentiellement par un besoin d’équilibre entre les pouvoirs : je ne pense pas que notre constitution respecte ce principe. La simple existence de la grace présidentielle est une preuve flagrante. Les pouvoirs doivent devenir réellement indépendants afin de garantir leur rôle de contrôle mutuel.


  • L'équipe AgoraVox Courouve 10 septembre 2005 10:54

    La Constitution de 1958 a de grands mérites, et d’abord d’avoir, par le parlementarisme rationalisé (art. 49), supprimé l’instabilité des gouvernements de la IVe République. Les règles actuelles donnent au gouvernement de grands moyens, sous le double contrôle du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel. Un changement de régime, un peu plus présidentiel ou un peu plus parlementaire, est envisageable, encore faudrait-il moderniser le fonctionnement du Parlement, interdire les cumuls de mandats et introduire les lois de commission, préférables aux ordonnances. C’est exact, la Vème République, à l’inverse des régimes précédents, a fait preuve de solidité et de souplesse (les cohabitations) ; mais tout évoluant, cette Constitution doit aussi évoluer. En particulier, il conviendrait qu’elle soit plus lisible pour le citoyen lambda ; je propose qu’un exemplaire de la Constitution soit envoyé à tout nouvel inscrit sur les listes électorales ; il faudrait donc que cette Constitution soit plus précise (c’est une des plus courtes en Europe). Le Sénat pourrait être rénové, mais non supprimé. Il y a dans le bicamérisme, le dialogue des deux assemblées, un facteur d’équilibre et une chance de légiférer mieux, de rectifier précocement des erreurs.

    Sans doute conviendrait-il d’introduire une limite d’âge supérieure pour le Président de la République et les membres du Conseil constitutionnel, et une exigence de compétence juridique pour ces derniers. On pourrait aussi penser à une saisine directe par tout citoyen du Conseil constitutionnel, et bien sûr au référendum d’initiative populaire.


  • L'équipe AgoraVox rouergue 10 septembre 2005 10:56

    Si la VIème République est désormais de plus en plus au coeur du débat politique et citoyen, c’est que chacun sent bien que le fonctionnement de nos institutions n’est plus satisfaisant, la république gaullienne de 1958 est assez peu adaptée au monde de 2005, de plus le quinquennat a déséquilibré le pouvoir au bénéfice du Président de la République, disposant déjà d’un pouvoir considérable. Là où en 1958, la décision politique empruntait une voie verticale, venant d’en haut et s’imposant à tous sans discussion, la société française de 2005 exige davantage de concertation, le modèle du réseau, sur un mode nécessairement horizontal appelle à repenser la République. La parution dans quelques jours, le 15 septembre, d’un ouvrage aux éditions Odile Jacob, précisément consacré à ce thème contribuera sans doute à nourrir le débat. Le Monde daté de vendredi a d’ailleurs consacré un article à cet ouvrage.


  • sébastien (---.---.210.118) 12 septembre 2005 09:50

    A la lecture de vos commentaires respectifs, j’observe que nous sommes plutôt d’accord dur le fond : la Vème République n’est pas une oeuvre immuable, des aménagements sont nécessaires mais ce n’est pas pour autant qu’il faut changer de régime.

    Ainsi, la suppression de la grâce présidentielle, une réforme du statut du chef de l’Etat, une suppression du cumul des mandats - autant de propositions que vous faîtes et que j’approuve - sont réalisables sans qu’il soit nécessaire de modifier le régime.

    Je m’interroge sur les propositions de ceux qui prônent un bouleversement complet, de nature à modifier l’équilibre des pouvoirs.

    Par exemple, dans son projet de 6ème république, Montebourg réserve les inaugurations de chrysanthèmes au président, mais souhaite qu’il soit élu comme maintenant au suffrage universel direct.

    Cela n’a pas de sens. Comment le peuple acceptera d’élire son premier représentant tout en sachant qu’il ne pourra rien faire. Ne trouvez-vous pas ça absurde ?


  • rouergue (---.---.169.247) 12 septembre 2005 10:56

    Faire élire un Président sans pouvoir peut sembler surprenant, mais en 1958 il dispose des mêmes pouvoirs qu’aujourd’hui alors qu’il n’est pas élu. Le lien entre élection et pouvoir n’est donc pas une donnée intangible, même si en démocratie il est naturel que celui qui dispose de pouvoirs importants dispose d’une forte légitimité. La situation inverse d’une forte légitimité avec peu de pouvoirs est donc moins problématique. Au-delà de ce contexte général, l’élection est maintenue pour plusieurs raisons : 1. Les français y sont attachés, or une bonne Constitution se doit de répondre aux attentes du peuple, qui est en démocratie à la source de toute constitution. 2. Il ne fait pas qu’inaugurer les chrysanthèmes, c’est un véritable arbitre, une autorité morale, aussi pour lui confier davantage de poids pour incarner la Nation et un Etat impartial, il est bon de le faire désigner par le plus grand nombre. 3. Enfin, sortons du franco-centrisme, au Portugal, en Finlande, en Irlande et en Autriche (à vérifier), le Président est élu au suffrage universel direct sans que cela nuise à la bonne marche institutionnelle. Au fond, l’élection présidentielle telle qu’elle existe n’aurait rien à voir avec celle prônée dans un nouveau régime, elle ne serait pas l’unique horizon de notre champ politique et l’obsession envahissante d’un grand nombre de politiciens, elle deviendrait (tous les 7 ans) un temps fort de notre démocratie, l’intérêt général dépassant les ambition personnelles, ne serait-ce que parce que le le mandat ne serait pas renouvelable. Voilà pourquoi l’absurdité n’est qu’apparente ou si elle existe elle doit se loger ailleurs que dans le maintien de l’élection.


  • Sabine72 (---.---.119.116) 13 septembre 2005 15:35

    C’est dur de se faire une idée, il n’y a pas encore beaucoup d’analyses sur les propositions de Lang et Montebourg.

    Je vous signale quand même celle que je viens de trouver au hasard de ma recherche sur le Net, étonnante, vigoureusement opposée au parlementarisme soutenu par Montebourg. Elle propose toutefois quelques aménagements à la 5ème République :

    un mandat spécifique pour les élus (afin de renforcer le contrôle du peuple sur les élus et éviter qu’ils ne s’autorisent à voter sur des sujets dont leur élection n’a aucunement dépendu, comme pour le TCE) ;

    la constitutionnalisation, pour tout ce qui en est possible, du Programme de la Résistance (apparemment dans le but de rendre à la nation la maîtrise de son économie, donc de sa richesse nationale, donc de sa redistribution en faveur des plus pauvres) !

    A lire sur www.ineditspourlenon.com

    C’est long mais dynamique. Je vous conseille la lecture au format PDF.

    Sur le fond, je ne crois pas que la solution à nos problèmes institutionnels soit de changer de République. En France surtout, il faut extrêmement prudent avec ces choses là. Commençons plutôt, d’abord, par appliquer correctement la nôtre et par en exploiter toutes les ressources. Par exemple sur la question du contrôle des parlementaires : la fonction du Parlement est de contrôler l’action du gouvernement. Or on constate que s’il est du même bord que le dit gouvernement, il laisse tout passer, et inversement si ce n’est pas le cas. Ca, déjà, c’est travestir nos institutions : les parlementaires choisissent alors, sciemment, de ne pas exercer leur mission de contrôle du gouvernement au nom de leur intérêt de parti. C’est donc le fait que la logique de parti prime la logique des institutions qui est dommageable pour la démocratie, pas la nature même de nos institutions. Commençons par réformer le mode de scrutin, par faire en sorte de donner une parole libre à nos représentants (en les déliant des consignes de parti, ce qui pourrait être le cas s’ils ne devaient pas toute leur élection à leur seule présence sur la liste d’un parti), ce sera déjà bien. Mezzo mezzo.


  • rouergue (---.---.170.7) 14 septembre 2005 18:00

    Propositions Montebourg :

    1. Le président de la République est élu pour 7 ans non renouvelable 2. La quasi totalité des pouvoirs du président de la République est transférée au Premier ministre 3. Le Premier ministre et son Gouvernement sont responsables devant l’Assemblée nationale, et réciproquement, celle-ci peut être dissoute. 4. L’Assemblée nationale est élue pour 5 ans au suffrage uninominal majoritaire à deux tours 5. Le Sénat est directement élu pour 6 ans à la représentation proportionnelle 6. L’article 49-3 est limité au projet de loi de finances 7. L’usage des ordonnances est fortement restreint 8. Le président de la commission des finances appartient à l’opposition 9. la mise en cause de la responsabilité pénale du président de la république est facilitée, y compris dans le cadre de ses fonctions. 10. une cour constitutionnelle et un conseil supérieur de la justice sont créés 11. tout mandat parlementaire est exclusif de tout autre mandat électoral local 12. il est interdit d’exercer plus de trois mandats de parlementaires successifs

    (Le texte qui suit n’est pas de moi) Propositions Lang :

    L’étude des caractéristiques de notre régime politique (une présidentialisation des institutions aggravée par la fiction de la responsabilité gouvernementale) amène au constat suivant : Notre régime, ce particulièrement sous la houlette de Jacques Chirac, n’est plus démocratique. La crise politique que la France traverse depuis l’échec du référendum du 29 mai commande de renouveler en profondeur nos institutions. La tentation du simple « toilettage » doit être écartée, tant la crise est profonde. Après Pierre Mendès-France, c’est Montesquieu qui est maintenant appelé à la rescousse. Le régime parlementaire classique est « impossible » en raison de la persistance de l’élection du Président au suffrage universel direct, même si ce régime a la préférence de l’auteur. S’il existe bien des pays où le Chef de l’Etat est élu par le peuple mais ne disposant pas de pouvoirs nominaux - l’Autriche, l’Irlande, le Portugal depuis 1982, pays à la diplomatie planétaire et dont le rang militaire est mondial s’il en est -, « en France, la pratique a au contraire toujours tendu à un renforcement du rôle présidentiel ». Jack Lang théorise ainsi sa proposition : un régime présidentiel « à l’américaine »... où le Président, élu par les Français (pour quatre ans, comme l’ensemble des autres élus, et pour deux mandats maximum) pourrait être démis de ses fonctions par l’Assemblée, organe qui pourrait être dissous uniquement après la censure d’un gouvernement dont le chef serait lui aussi élu au suffrage universel direct... Pour l’auteur, il s’agit d’emprunter aux Etats-Unis un système équilibré où les pouvoirs sont séparés, mais de laisser au peuple le soin de trancher les conflits entre les organes exécutif et législatif. Il s’agit alors plutôt d’un système parlementaire moniste, puisque le point nodal du pouvoir retournerait au Parlement, bien que l’auteur ne l’indique pas explicitement. Voulant déposséder le Président d’une grande partie de ses pouvoirs, Jack Lang oublie malgré cela d’évoquer l’article 16 de la Constitution... Est-ce à dire que le Président reste souverain ? L’exécutif exerce-t-il alors toujours le pouvoir, mais un pouvoir saucissonné entre ses deux détenteurs ? Et l’auteur de critiquer la place du Parlement dans la Constitution (faisant l’objet du titre IV, après le Président et le Gouvernement)... pour le reléguer à la fin de ses réflexions sur l’évolution du régime ! Au demeurant, les recettes avancées pour renforcer le Parlement restent très classiques (meilleure maîtrise de l’ordre du jour, accroissement du nombre de commissions permanentes, statut de l’opposition, etc.) Les dernières propositions sont convenues, et faiblement traitées en fin d’ouvrage : fin du cumul des mandats, suppression du Sénat et transformation en « Conseil de la République » comme le voulait le général de Gaulle, féminisation accrue, présence de « candidats issus de l’immigration et des DOM-TOM », réforme de la justice, pluralisme médiatique...

    L’auteur reconnaît que son attelage constitutionnel est « baroque ». Pourtant Jack Lang semble ne pas refuser la réalité et les exigences du pouvoir politique : les Français réclament des institutions fonctionnant efficacement, et ils attendent « du changement, de l’action ». Diviser le pouvoir en autant d’organes rendus autonomes les uns par rapport aux autres, tentation fréquente pour une gauche politiquement « libérale » et opposée au pouvoir personnel, n’est plus de mise dans un système majoritaire reposant sur l’homogénéité de l’offre politique structurée par les partis. Jack Lang reconnaît d’ailleurs l’effet structurant de l’élection présidentielle et du fait majoritaire qu’elle implique. Continuer de faire élire le Président par les Français, c’est accepter le fait majoritaire. Supprimer l’article 49-3 de la Constitution, ou faire élire le Premier ministre revient, au mieux, à limiter la marge d’action du Président, au pire à circonscrire celle des partis politiques. Finalement, on ne comprend pas très bien la logique des propositions de Jack Lang.


  • Sabine72 (---.---.112.49) 16 septembre 2005 09:56

    Merci pour ton analyse, Rouergue. Très intéressant ton complément d’infos.

    Je lis aujourd’hui dans la presse que Jean-Michel Baylet, président du parti radical de gauche (PRG) s’y met lui aussi : il appelle à « ouvrir le chantier de la VIème République » pour sortir des « ravages » et des « perversions » de l’élection du Président de la République au suffrage universel.

    Mais qu’est-ce qu’ils ont tous contre le suffrage universel, ces politiques ? Pourquoi vouloir toujours déposséder le peuple de la dernière fraction de pouvoir direct qui lui reste ?

    La réponse me paraît assez simple : moins le peuple peut exercer directement son pouvoir, plus les hommes politiques (qui sont des « intermédiaires » dans une démocratie représentative) en auront.

    Rien d’étonnant donc à ce que, dans la suite du référendum où ils ont vu que le peuple ne comprenait décidément rien du tout à son intérêt, nos bons hommes politiques ne trouvent rien de mieux qu’à se protéger un maximum contre ces deux derniers moyens d’expression directe du peuple que sont 1/ le référendum 2/l’élection du président de la République au suffrage universel duirect.

    « Ho gué, les talismans », comme dirait l’autre...


  • wwww.jean-brice.fr (---.---.157.251) 19 février 2006 16:35

    Avant de faire une VIème République, ne vaudrait-il pas mieux remettre sur pied la Vème ... Allez sur mon site www.jean-brice.fr et vous aurez une réponse : merci.


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