mardi 4 février - par Alexandre Gerbi

« Echec de l’assimilation » : éléments idéologiques d’une crise majeure

Le refrain n’est pas nouveau mais, mine de rien, nous dansons plus que jamais sur un volcan. Retailleau et Darmanin, taïaut-taïaut et baratin, font le spectacle. En attendant, derrière le rideau, la marmite est en ébullition. Toutes soupapes ouvertes, elle menace quand même d’exploser. C’est en tout cas ce que murmurent des gens bien renseignés. Alors, devant les centaines de zones de non-droit armées jusqu’aux dents, kalach en bandoulière et splif aux lèvres, on fait quoi ? Avant d’en venir aux mains, rapide plongée dans la psyché du client...

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Le Tout-Paris se triture l’esprit devant cette énigme digne du Sphinx : « Pourquoi l’immigration est-elle en échec d’intégration, alors que les générations précédentes se sont assimilées ? »

Et les deux grandes explications de fuser :

Explication numéro 1 : « Le nombre », le « grand remplacement », « la submersion ».

Explication numéro 2 : La distance civilisationnelle, liée notamment à la religion, en l’occurrence, en France en l’an de grâce 2025, l’islam : an 1446 pour le calendrier musulman, soit plus d’un demi-millénaire d’écart. Tandis que les plus rigoristes de nos contemporains entendent en revenir tout bonnement au VIIe siècle.

Le fameux choc des civilisations, qui est aussi, et peut-être surtout, un choc de chronologies…

 

Archéologie de l’assimilation

Bien sûr, à l’école ou au collège, un petit immigré seul dans la classe parmi trente petits Français de souche ou assimilés, quelle que soient leur race ou leur religion, s’imprégnera de culture et de manière d’être françaises de façon incomparablement plus efficace que s’il est scolarisé exclusivement avec des petits immigrés. Il y a même pas mal de chance, pour peu que son milieu familial l’y encourage et l’accompagne, qu’il devienne un parfait petit Français. Le nombre est donc, évidemment, un facteur majeur.

Mais pour autant, il n’est pas un facteur absolu. Pas plus que la civilisation ou la religion.

Les indépendances néocolonialistes imposées par De Gaulle, en paupérisant dramatiquement l’Algérie et l’Afrique noire, ont provoqué au fil des décennies des vagues d’immigration en direction de l’ancienne métropole. Suivant un constant crescendo.

Auparavant, depuis le XIXe siècle, la France avait connu bien des vagues d’immigration, essentiellement européennes… Mais dès le XIXe siècle, quelques Arabo-Berbères s’établirent en France. D’abord en très petit nombre, puis de plus en plus nombreux au fil des décennies. Ces Arabo-Berbères se sont parfaitement fondus dans le corps français. La remarque vaut pour les Africains subsahariens. Pendant des décennies, l’écart civilisationnel, le choc des civilisations ne s’est pas manifesté.

On est frappé, lorsqu’on regarde les documentaires de l’INA des années 1960, 1970 ou même 1980, de constater que les Algériens étaient beaucoup plus francisés à l’époque que ne le sont, dans bien des cas, les jeunes Français d’origine maghrébines de nos jours. Car une contre-culture s’est constituée depuis ces époques révolues.

 

Un fou nommé Boualem Sansal

Dans notre monde défrancisé, un Boualem Sansal, d’ailleurs récemment naturalisé, fait figure de fossile.

« Qu'on ne se raconte pas d'histoire ! Les musulmans, vous êtes allé les voir ? Vous les avez regardés avec turbans et djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français. (...) Essayez d'intégrer de l'huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d'un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. »

La prophétie autoréalisatrice de De Gaulle se fracasse sur le cas Sansal. L’écrivain ne porte ni turban ni djellaba. Exemple de vinaigre qui tend à rejoindre l’huile. Irrésistiblement et profondément. Comme tant d’autres avant lui. L’habileté de De Gaulle aura été de mettre en place une vaste mécanique, une immense broyeuse qui fasse qu’il n’y ait plus de Sansal. Et que tout ceux qui aurait dû l’être ne le soient jamais.

Sous cet angle, la seule place censée pour Sansal, idéologiquement cohérente, historiquement pertinente, politiquement rigoureuse, conforme à l’époque, est en prison. Dans un cul-de-basse-fosse à Alger, ancienne somptueuse deuxième ville de France, capitale dévastée du FLN que De Gaulle fit tyran d’Algérie. A défaut, pour Sansal le fol, d’une camisole de force en asile psychiatrique…

Boualem Sansal est une métaphore inversée de la défrancisation, en particulier de celle de l’Algérie. Il incarne la francité interdite, la francité enfermée, la francité internée, la francité refoulée. Il reflète l’assassinat de la France et la façon dont elle meurt, proscrite et abandonnée…

 

Contre-culture programmée

Cette contre-culture, ou plutôt cette opposition culturelle radicale, est le contrecoup du reflux civilisationnel français. Un reflux voulu par l’alliance gaullo-communiste.

Derrière De Gaulle, les Anglo-Saxons. Derrière les communistes, les Soviétiques. Dans les deux cas, au gré d’idéologies différentes et officiellement opposées, portée par des puissances étrangères elles-mêmes impérialistes, la conclusion était la même : la France devait larguer l’Algérie et le reste, car en aucun cas Algériens et Africains n’étaient français, ne devaient être français. Il convenait plutôt de les renvoyer à leur culture d’origine. A force de le leur répéter, les uns et les autres ont fini par retenir la leçon.

Franchement, n’est-il pas un peu hypocrite de s’étonner que tant de jeunes Français issus des anciens départements d’Algérie et territoires subsahariens haïssent la France, alors qu’on leur répète depuis des décennies que la France est haïssable ?

Comment s’étonner que ces jeunes et moins jeunes ne se sentent pas Français, alors qu’on ne cesse de leur raconter que leurs parents voulaient tellement ne pas l’être qu’ils ont mené une guerre héroïque pour chasser la France et les Français de chez eux ?

Comment pourraient-ils aimer un pays qui s’est comporté comme une puissance impérialiste, criminelle à des échelles inouïes, dans un déchaînement de violence, de mépris et d’oppression, leur répète-t-on comme à plaisir, pour la plus grande douleur de leurs aïeux ?

Comment pourraient-ils se sentir d’un peuple, le peuple français, qu’on leur dit héritier de cette civilisation obscène et ensanglantée, peuple, par-dessus le marché, perclus de racisme jusqu’au trognon ?

Il faut une lucidité à toute épreuve pour résister à pareil bourrage de crâne.

Et une force de caractère hors du commun pour s’affranchir du groupe que l’Etat, sur les deux rives de la Méditerranée, pousse par tous les moyens au rejet absolu d’une France abominable…

 

La déesse et le monstre

Tout à l’opposé, les générations d’immigrés précédentes, qu’elles aient été européennes ou non, voyaient la France comme une splendeur extraordinaire. C’est pour cette raison qu’elles se sont si facilement assimilées. On embrasse plus facilement une déesse qu’un monstre.

En Algérie française, où les immigrés européens venus d’Espagne étaient très nombreux et parfois majoritaires, l’assimilation à la France se fit néanmoins efficacement. En dépit du nombre. Parce que ces gens s’identifiaient à un pays grandiose, fier de lui-même, de son histoire et de son avenir. Dans ce contexte, et là encore malgré le nombre, bien des Arabo-Berbères tenaient, eux aussi, la France pour leur patrie. Beaucoup d’ailleurs moururent pour elle sur les champs de bataille des deux guerres mondiales. Mais l’image que la France d’alors se donnait d’elle-même n’avait pour ainsi dire rien à voir avec celle que certains s’emploient à lui donner depuis des décennies. Elle était l’exact contraire du visage tuméfié, couvert de crachats par ses dirigeants et ses médias, que la France présente depuis des lustres aux Français issus de l’immigration, en particulier aux plus jeunes d’entre eux. Avoir vingt ans en 2025, c’est être né en 2005, année des émeutes, mais aussi de la loi sur les aspects positifs de la présence française outre mer. Finalement abandonnée…

A mesure que disparaissent les générations, les souvenirs réels de la période coloniale, période vécue et regrettée amèrement par les vieux Africains (longtemps ils répétèrent : « Quand la France va-t-elle revenir ? »), ne peuvent plus agir comme un bouclier idéologique. Les générations sans mémoire, les jeunesses endoctrinées, persuadées que les souvenirs de haine sont la vérité exclusive, que l’histoire d’amour n’a jamais existé, en font la matrice de leur rapport à la France et de leur comportement à son égard et à l’égard des Français.

Au regard de cette propagande cyclopéenne qui a emporté plusieurs générations, concassé les mémoires, effacé et remplacé les souvenirs, l’échec de l’assimilation tient bien moins à une civilisation en soi, quelles qu’en soient les spécificités et les écueils, qu’au destin qu’on a bien voulu lui donner. Les pétrodollars ayant simplement mis cinq sous à la musique.

Pas sûr que notre époque puisse encore le comprendre, quand les rejets parfois épidermiques provoqués par d’insupportables situations bouleversent les consciences et faussent les jugements. Pas sûr qu’on échappera à une nouvelle guerre d’Algérie.

 



9 réactions


  • Durand Durand 4 février 11:12

    Explication numéro 3 : chute vertigineuse de l’emploi industriel et agricole que l’on doit à l’interdiction du protectionnisme par les traités européens et à l’Euro, trop cher pour la France. Avant Maastricht on ne parlait pas de délocalisations.

    Dans les années 60/70 l’intégration des immigrés s’est faite exclusivement par le travail. Apprentissage du Français, des us et coutumes, du système administratifs et débuts de la scolarisation des enfants de harkis (j’étais au cour préparatoire et ils garnissaient tout le fond de la classe…

    ..


    • Durand Durand 4 février 11:21

      J’ajoute pour ceux qui ne le savent pas encore que la politique migratoire est décidée par la Commission Européenne à Bruxelles et non-pas par les députés nationaux des états membres.

      Ursula vient de déclarer que l’UE fera rentrer 4 millions de migrants pour la période 2025-2030… Plus les migrants illégaux…

      FREXIT !

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    • Seth 4 février 16:55

      @Durand

      Pour le dire simplement il n’existe rien hors des décision de l’impératrice pustula, plus aucune assemblée de députés n’a de pouvoir et encore moins l’européenne où l’on se contente de salaires grassouillets et où même nos chers socialisses ont voté pour la hyène de grand cœur. L’Allemagne s’en tire bien : 3 guerres contre la France dont 2 guerres mondiales, tout le monde se lamentant sur le traité de Versailles ayant eu pour but de faire payer des dommages de guerre, puis par la suite aucun dommage payé pour 39-45 (accord de Londres en 1953 soutenu par les us) et la mère machin aujourd’hui à la tête de l’europe, cherchez l’erreur.  smiley

      A part des bombes vitrifiant sur Strasbourg et Bruxelles, pas de solution.


    • Durand Durand 4 février 20:22

      @Seth

      Ou/et faire péter la prestituée…

      ..


  • ZenZoe ZenZoe 4 février 11:36

    L’histoire de l’humanité est faite principalement de guerres de territoires, Je ne vois pas pourquoi ce serait différent aujourd’hui, les humains n’ont pas miraculeusement changé de psyché au siècle dernier. L’Europe, encore riche, encore attrayante, mais déboussolée, ouverte à tous les vents et corrompue, est une cible idéale.

    Chacun de nos ennemis y va de sa stratégie : les USA nous siphonnent tout ce qu’ils peuvent, les Chinois nous inondent de leur camelote, et les pays arabo-musulmans nous achètent et nous colonisent, lentement mais sûrement. Dans ces conditions, vous pensez bien que l’assimilation n’est pas dans le sens de celle que nous envisageons. Mais débattons, débattons, encore et toujours...


    • Seth 4 février 17:04

      @ZenZoe

      L’europe a mis des siècles à définir ses territoires après tant de guerres et pour 300 000 cadavres, les us prétendraient décider via pustula, descendante de nazi sortis économiquement vainqueurs de la dernière guerre en n’ayant pas payé un fifrelin par la volonté de ces mêmes amerloques, comment y mettre fin !

      On est cul par dessus tête sur ce continent !


  • Louis 6 février 00:35

    « L’habileté de De Gaulle aura été de mettre en place une vaste mécanique, une immense broyeuse qui fasse qu’il n’y ait plus de Sansal. Et que tout ceux qui aurait dû l’être ne le soient jamais ». je dirais plutôt la matoiserie et le crime de de Gaulle plutôt que l’habileté .je constate que vous faites parti des rares personnes qui ont tout compris compris


  • Eric F Eric F 9 février 10:33

    L’auteur apporte la réfutation de son propre article, l’assimilation des sud-méditerranéens s’était effectivement produite en petit nombre en métropole jusque dans les années 50, avant les grandes vagues entrainant l’accrétion communautaire.

    Quant à la phrase ’’dans ce contexte [Algérie coloniale], et là encore malgré le nombre, bien des Arabo-Berbères tenaient, eux aussi, la France pour leur patrie’’, certains, oui, mais pas la masse, qui vivait ’’à côté’’ et dans sa propre culture. Ce n’est que très tardivement que l’enseignement s’est ouvert à la quasi totalité de la population locale, mais il était déjà trop tard dans le contexte historique d’alors pour maintenir la fiction coloniale fraternelle et émancipatrice.


  • jjwaDal jjwaDal 9 février 11:50

    Aux USA et en U.E. l’immigration imposée est voulue par les décideurs (Trump n’a rien compris des raisons sinon qu’il y avait un créneau opportuniste à exploiter), car les citoyens sont conscients que leur progéniture éventuelle n’aura jamais leur niveau de vie et vivra dans un pays très différent sociologiquement de celui qu’ils ont connu. En résumé la natalité baisse notablement alors que les salaires réels baissent aussi, ce qui a un effet de contraction de l’économie. Or la décroissance économique implique une perte de puissance et est incompatible avec tout remboursement de nos dettes et il y a des limites à ne pas franchir pour préserver un semblant de crédibilité.
    Ils n’augmenteront pas les salaires, frontières grandes ouvertes pour ne pas clochardiser leur économie, donc sans pouvoir sur la natalité qui va continuer sa baisse, ils résolvent le problème en important de la « main-d’œuvre ». Qu’elle ne soit pas assimilable est le cadet de leurs soucis.
    L’immigration est la panacée pour eux car elle cache les tendances délétères des politiques suivies. Ces gens vont consommer et la consommation est 70% du PIB à la louche, garantissant que toutes leurs foutaises seront financées par cette augmentation artificielle de la population.
    L’assimilation ne se fait pas pour de multiples raisons, notamment l’absence de croissance significative de nos économies. Sans recours à l’endettement et à l’immigration nos économies seraient en décroissance probablement depuis le premier choc pétrolier, à défaut le début des années 1980.
    Les causes et conséquences sont devenues tellement évidentes que Von Der Machin travaille sur de nouveaux jouets pour censurer l’opinion en ligne (tout ce qui lui déplaira à la louche) et un « Bouclier démocratique » qui vise à interdire en pratique à tout parti souverainiste (extrême droite ou pas) de lui casser son jouet qui ne tient debout désormais que grâce aux magouilles détaillées brièvement plus haut.
    Les traités européens interdisaient déjà tout débat démocratique sur des champs essentiels, c’est donc perçu par elle et eux comme une extension pour verrouiller un peu plus les peuples dans l’observation impuissante de leur mise à mort.
    On n’a pas besoin des autres pour finir dans la poubelle de l’histoire, ils s’en chargent.


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