samedi 11 juillet 2015 - par
Fracture européenne
L'Union européenne, par ses dirigeants, par son tropisme libéral du "marché tout puissant" ne pourra plus jamais se présenter avec le label dont elle se targue -au nom de la civilisation-, je veux dire le mot "DEMOCRATIE". Sachant que (et l'Histoire le retiendra) à chaque fois que des peuples consultés l'ont désavouée, elle a passé outre, avec l'efficacité sophistiquée d'une dictature froide au service de son oligarchie, c'est à dire des intérêts de classse.
Définitivement, après l'exemple français du NON en 2005 sur le traité constitutionnel, et le NON de 2015 du peuple grec sur le plan de politique économique de l'U.E. donc sur le "système" des dettes souveraines, les instances européennes ont perdues toute crédibilité.
Alors :
- Fallait-il accepter les conditions posées par la troïka (nouvelles coupes budgétaires) pour maintenir le système d'aide des créanciers ?
- Etait-il réaliste de refuser le énième plan d'austérité des créanciers -appuyé par l'ENSEMBLE DES PAYS QUI COMPOSENT LA ZONE EURO- en opposant le NON du peuple à 61 %, sensé lui fournir un soutien dans les négociations ?
- Peut-on à la fois demander des aides et nier les créanciers ?
En voulant à la fois prendre (reprendre) sa souveraineté sur sa politique économique et rester à l'intérieur des instances gouvernantes européennes, Alexis Tsipras allait dans une impasse.
Son ministre Grec de l'économie Varoufakis l'avait compris, lui qui était chaque semaine au contact de l'humiliation du "machin européen". Il a préféré ne pas continuer dans ces conditions. Il en connaissait l'issu.
Des économistes iconoclastes (tels Jacques Sapir et Frédéric Lordon) l'avaient eux aussi prévu. L'euro ne permet pas une politique sociale efficiente, ce n'est pas dans ses gènes. C'est même le contraire. Le curseur c'est la baisse globale des prestations sociales et du niveau de vie par le jeu de la concurrence mondiale. Le moins disant social c'est le dogme.
Pour Syriza c'était soit "Le torticolis de l'autruche", "le grand écart", "la quadrature du cercle", au choix. Tu joues, de toute façon tu perds.
Il était surréaliste lundi de voir Tsipras à Strasbourg passer l'oral devant ses maîtres au Parlement européen. Il a fait une bonne intervention, équilibrée, mais on voyait bien cela ne suffirait en rien.
C'est un rapport de force : David contre Goliath, c'est de la mythologie grecque. C'est pour les enfants sauf que..
On sait que le gouvernement ne peut pas (plus) payer ses fonctionnaires ni les aides de protections sociales si le plan d'austérité (condition sine qua none) n'est pas accepté. Depuis quelques jours les banques aux guichets des distributeurs ne sont plus approvisionnées, décision de guerre de l'Euro groupe du Président des paradis fiscaux, le chef de la mafia M Juncker (avec en vedettes américaines MM Sapin et Moscovici). Mme Merkel a produit le film "le grexit ".
LE POIDS DU VOTE NON...
Il y avait la croyance qu'une position d'un gouvernement grec consolidé par référendum allait peser, ce qui confirmerait ainsi le programme de Syriza de janvier. Ceci pour "tenter" de négocier l'effacement partielle de la dette de 30% (resterait 70% ré-échelonnée sur 30 ans ).
Histoire de voir si la troïka accepterait, sachant que les Allemands étaient en pointe pour couper le mal à la racine...
Il est clair que Syriza craignait l'aventure pour quitter l'Euro € ; dommage c'était l'occasion pourtant.
Quadrature du cercle pour Tsipras car il a toujours souhaité, malgré tout, rester dans les structures européenne. On est loin d'une gauche si radicale comme on voulait le faire croire pour agiter l'épouvantail de l'inconnu. Il croyait au rapport de force supposé que donnerait un NON majoritaire à ses options sociales. Il pensait que l'U.E. aurait peur "d'un vent de panique" sur les marchés monétaires et l'effritement de l'Euro qui perdrait en confiance. Il escomptait que le rapport de force serait galvanisé par le risque supposé de faire tâche d'huile auprès des pays endettés comme l'Espagne et le Portugal qui pourraient eux aussi vouloir, sous la pression populaire, renégocier leurs dettes et même laisser tomber l'Euro monétaire qui handicape les exportations et du coup conduit au surendettement par des programmes d'austérité (nouvelles restrictions sociales, nouveau tour de vis sur les avantages acquis).
Ceci alors que depuis 4 ans les pensions et salaires ont pourtant diminués de 25 %, le smic descendu à 450 €, l'âge de la retraite déjà relevé, on arriverait à 67 ans, des privatisations, des ventes d'îles, du patrimoine. Les armateurs prédateurs grands bénéficiaires de l'Euro sont intouchables car domiciliés dans les eaux internationales ils ne payent pas d'impôts sur l'activité du port du Pirée. Sinon ils se tirent !
Il y avait un chantage que les eurocrates ont fait aux grecs afin de faire tomber le gouvernement actuel jugé pas assez docile et qui résiste trop à leurs yeux.
LA DETTE QUI L A DOIT ?
Cette fameuse dette, sur laquelle on nous culpabilise (vos enfants doivent 1750€ à la naissance !) que les citoyens sont tenus de rembourser, lorsque l'on sait que celle-ci n'a servie qu'à éponger les défaillances ...des banques par recapitalisation, sinon le système bancaire s'effondrait en 2009. Les banques financent les dettes souveraines par la privatisation de l'émission de monnaie, l'abandon du rôle des banques centrales nationales, réduites à des chambres d'enregistrement de la BCE qui domine le jeu.
La grande leçon c'est que lorsque l'on remet sa souveraineté à des instances supra-nationales, celles-ci deviennent maître du jeu (de monopoly). C'est du B.A. BA
Pareil pour tous les pays de la zone euro.
L'ex gouvernement Sarkozy , parlons en, a porté la dette française de 1200 milliards à 1800 milliards en 5 ans, soit 50% d'augmentation record absolu dans toute l'histoire gouvernementale, chiffres de la comptabilité nationale. Ceci pour pouvoir dire : " j'ai sauvé les banques en 2009".
Les banques qui deviennent plus fortes que les Etats. La BNP par exemple qui a une activité de créances de plus de 2000 milliards/an dans ses tuyaux, c'est à dire l'égal du PNB français. Laissez la s'écrouler en faillite : ce serait un nouveau Lhemann Brother. On le sait:TOO BIG TO FAIL. Les banques ont pris le cap de la navigation économique et sociale par le biais de leur puissances financières. Ils ont enfermés les Etats dans des mâchoires dans lesquelles la voie au Keynésianisme devient de la préhistoire.
La crise financière de 2008 avait pourtant révélée tous les outils sophistiqués du trading THF, qui sont supra-nationaux, à savoir :
- le shadows banking (les comptes bidonnés par des montages experts)
- les produits dérivés (on gagne à la hausse, on gagne à la baisse)
- les CDS (assurances qui garantissent sur les pertes)
- la titrisation qui renferme des créances pourries que l'on se repasse comme une patate chaude jusqu'à l'explosion de la bulle financière
Qu'a fait Hollande sur le traité budgétaire européen signé par Sarkozy et Merkel ? rien il n'a rien fait ; il a dit qu'il le ferait ? résultat il s'est couché, en mettant (bigre quelle audace !) une appendice sur la "croissance"...mot magique .
Les Républicains (ex UMP) disent qu'il faut faire des "réformes courageuses" comprendre : licencier des fonctionnaires..comme s'il s'agissait de kleenexs. Ou ? dans les Hopitaux ? dans l'Armée ? dans la Police ? dans l'Enseignement ? silence de carpe...
CONCLUSION
Privatisation des profits sinon socialisation des pertes. C'est ça la dette dont on nous rabâche.
En Grèce, PAS UN CENTIME de cette dette n'a été dans le porte monnaie des citoyens. Pas prévu, pas nécessaire, tu craches. Et tu baisses la tête, profiteur, non mais !..
On contraire, on demande à l'Etat de rembourser les recapitalisations bancaires ; eh oui la dette n'est pas une abstraction.
Tsipras au fond est trop gentil, du coup trop frileux et trop bon avec ces prédateurs ; Il fait ce qu'il peut, c'est certain. Lui au moins il veut mettre en place le programme qu'il a défendu pour être élu. Mais il n'a pas la main dans une Europe de la zone euro acquise depuis des lustres aux thèses de Milton Friedmann.
L'Europe de Strasbourg, la Commission, la BCE, sont largement à droite toutes. Hollande n'a jamais eu l'intention d'être socialiste, c'est le fils spirituel de Delors, fondateur de l'U.E.
Alexis Tsipras et Syriza devraient quitter l'U.E., la monnaie, revenir au drachme et bénéficier de la dévaluation pour relancer leur économie. Ainsi à terme il pourrait maintenir les avantages acquis avec une politique fiscale revisitée et exigeante pour le bien du plus grand nombre, en incluant des dispositions fiscales pour contraindre les véritables bénéficiaires à l'Europe marchande. En assainissant la fraude fiscale véritable fléau qui touche tous les Etats..
Qu'a fait l'Europe la dessus ? rien. Et malgré les discours elle ne fera rien.
De toute façon, à terme, la Grèce sortira de l'Euro. Juste une question de temps.
Et ça sera le cas pour d'autres pays de la zone Euro. Avec à la clé l'effondrement d'un jeu de dominos.
Les peuples ont la mémoire longue.