vendredi 13 janvier 2012 - par orianeborja

Journées du refus de l’échec scolaire ou Cachez ces notes ou ces maîtres, que l’on ne saurait voir

Que peut donc lier certaines banques, grandes surface, boîtes de recrutement, le gotha des associations de l’économie sociale et solidaire, et les institutions gouvernementales ?

Ils investissent ou s’investissent côte à côte dans des actions de lutte contre l’échec scolaire, c‘est tout du moins ainsi qu‘ils le présentent.

Initiée en 2008 par l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville créée en 1991), la Journée du Refus de l’Echec Scolaire est portée par un vaste réseau d’organisations représentant les enseignants, les familles et parents d’élèves, des acteurs de l’éducation populaire, des médias. L’initiative est placée sous le haut parrainage de l’Unicef ( Fonds des Nations Unies pour l’enfance) qui se base lui-même sur les rapports de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques).

C’est de ces Journées du refus de l’échec scolaire qu’est sortie l’idée de suppression des notes en milieu scolaire au profit d‘une évaluation par compétences. On ne s’étonnera pas qu’on applique là à la lettre, les directives de l’OCDE qui est chargée d’évaluer les politiques éducatives à l’aune de ses propres prescriptions.

Si Luc Chatel a concédé qu’ « on n’en (était) pas là », il a fait valoir que la loi Fillon sur l’école de 2005 avait prévu, à côté de l’actuel système de notation par les enseignants, « une évaluation par connaissances et compétences » acquises ou non par l’élève de 6 à 16 ans, tout au long de sa scolarité obligatoire.

Si plusieurs personnalités ont signé l’appel de l’Afev : Daniel Pennac, Marcel Rufo, Michel Rocard, Axel Kahn, Boris Cyrulnik et autres Richard Descoings, c’est que tous dénoncent les conséquences « désastreuses » de ce système de classement sur les élèves.

Au cœur du problème, il serait question de la confiance en soi qui serait indispensable à la réussite scolaire : fissuration de l’estime de soi, absence de valorisation, détérioration des relations familiales et, à terme, souffrance scolaire.

Pour nos néopédagogues, il s’agirait donc de mettre la charrue avant les bœufs en fixant comme but, ce qui n’est qu’une conséquence ; comme c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en travaillant que l’on prend de l’assurance dans son travail, sauf à se rendre sûr et fier de son incapacité, ce qui revient à confondre arrogance et confiance en soi.

Ce n’est pas une nouveauté que de vouloir la suppression de tout classement entre nos chères petites têtes plus ou moins blondes, l’idéologie avait déjà fait son œuvre dans le primaire sous la dictature des néopédagogues des IUFM.

Points rouges, points oranges, points verts et autre permis à points pour éviter de punir les élèves en cas de mauvais comportement, NA, VA, A, assortis d’émoticônes pour les acquisitions de compétences, lesquelles laissent parfois rêveur quand la compétence « Bouge son corps » équivaut à la résolution d’une consigne en mathématiques par exemple. Mais il faut bien valoriser la compétence de ceux à qui on n’en demande pas justement.

Cela n’empêche pas nos petits écoliers en pantacourts de comptabiliser et de comparer entre eux, minutieusement, le nombre de tels ou tels « bonhommes verts » qu’ils ont récoltés du fruit de leur travail, le nombre de « bonhommes rouges » du fruit du non-effort qu’on leur aura demandé, ou de l’incompréhension, le cas échéant, la sélection naturelle revenant au galop.

C’est l’OCDE qui nous somme de nous aligner sur son modèle éducatif uniformisé mondial. Dès 1997, l’OCDE met en chantier un programme de définition et de sélection des compétences dites « clés » (DeSeCo), dans le but explicite de « fournir un cadre conceptuel pour orienter le développement à long terme des évaluations et l’extension à des nouveaux domaines de compétences ».

Ces orientations, confirmées par les conseils européens de Stockholm (2001) et Barcelone (2002), ont débouché en novembre 2005 sur une proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil, présentée par la Commission, concernant « les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie ». Cette proposition a été adoptée le 26 septembre 2006. Le document adopté précise que « selon les études internationales, on entend par compétence une combinaison de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes appropriées à une situation donnée. Les compétences clés sont « celles qui fondent l’épanouissement personnel, l’inclusion sociale, la citoyenneté active et l’emploi ».

Elles sont définies dans le Cadre européen des Compétences clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie, et sont au nombre de huit :

Communication dans la langue maternelle ; Communication dans une langue étrangère ; Culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies ; Culture numérique ; Apprendre à apprendre ; Compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques ; Esprit d’entreprise ; Sensibilité culturelle.

Jamais il ne sera question de savoirs maîtrisés, il s’agit simplement d’une aptitude à entrer dans un monde du travail adapté à l’économie flexible.

La flexibilité étant la clef de la rentabilité, il s’agira d’être flexible dans l’objet de son emploi, dans sa géographie, dans sa rémunération, le tout ponctué de formations s’inscrivant dans l’éducation « tout au long de la vie » qui signifie que sa vie durant, il faudra s’adapter à l’économie mondiale fluctuant au gré des besoins du marché.

Notre conception de la vie, enracinée, sécurisée, à visage humain, vole en éclat au profit de l’homme nomade et corvéable à merci.

Les néopédagogistes jouant à plein les idiots-utiles du système libéral.

Le bilan de compétences est en effet à la fois inspiré par les pseudo sciences de l’éducation baignées par les Dolto et autres méthodes Montessori, et par le rapport PISA de l’OCDE dont l’objectif est l’adéquation au marché.

Il était ainsi déjà adopté par les écoles primaires car faisant partie intégrante de l’idéologie des IUFM, mais pas à partir du collège, les enseignants y étant plus spécialisés que les « professeurs des écoles « , subissaient moins le joug de la dictature des IUFM. C’est fini, ils vont peu à peu se mettre au diapason des « projets pédagogiques », travail en équipe et autres, compétences transversales.

Ou, comment le nouvel ordre éducatif mondial poursuit son emprise sans que les personnels éducatifs, voire politiques, sachent véritablement quelles sont les sources et les objectifs des évidences qui leur sont imposées.



7 réactions


  • kueny 13 janvier 2012 05:56

    Tous les professeurs ne sont pas aveugles et savent que c’est du bidon. Le problème, c’est que dans ce système soviétiforme on les tient. Il n’ont pas la liberté de ne pas appliquer les réformes qui viennent d’en haut


  • Tristan Valmour 13 janvier 2012 11:51

    S’il y a dans cet article quelques réflexions fondées, d’autres le sont moins.

    Par exemple, rares sont les évaluations capables de mesurer ce qu’elles prétendent évaluer. Un test, quel qu’il soit, mesure avant tout les compétences textuelles, et la capacité à réussir le test en question. D’autre part, en évaluant, on cherche moins à s’assurer la maîtrise de compétences ou connaissances qu’à éliminer un candidat. Si on cherchait à ce qu’un candidat démontre son savoir, pourquoi limiter la durée des tests ? Les cerveaux qui sont lents parce qu’ils intègrent les données à d’autres plus profondes pour obtenir un compréhension globale du sujet en sont pour leurs frais. Il faut au contraire sortir du système de l’évaluation-sanction qui n’apporte rien aux élèves et ne reflète nullement leur niveau. Combien d’élèves répondent mal à un test alors qu’ils ont la bonne réponse mais ne la livrent pas, soupçonnant un piège ? Combien d’élèves arrivent fatigués au test et le réussiraient s’il était fixé à une heure plus propice ? Bref, la capacité à réussir un test dépend certes de la maîtrise du sujet, mais surtout de la capacité à lire et comprendre ce qu’on nous demande, et des aléas biologiques et psychologiques.

    Un test en temps limité ne mesure pas les connaissances ou compétences, mais la mémoire de travail !!!

    Les tests sont donc bâtis pour éliminer, pas pour aider à progresser ni même pour mesurer les compétences ou autres connaissances.

    Enfin, vous méconnaissez totalement les travaux des psychologues spécialisés en motivation. Que démontrent ces travaux ?
    -  les bons étudiants qui travaillent pour la note se découragent davantage que les autres lorsque arrive une mauvaise note, et peuvent plus facilement sombrer dans la dépression. Habitués à la compétition, ce sont les êtres les plus fragiles lorsqu’ils se sentent déstabilisés, et adoptent plus que d’autres des comportements à risques. Bref, ils sur réagissent.
    -  Les mauvais étudiants qui travaillent pour la note ne sont absolument pas stimulés par une bonne note, sauf si ces dernières se répètent ; ils se sont habitués à leur image dégradée d’eux-mêmes.
    -  Etudier pour la note, c’est voir les études comme un moyen de se faire évaluer par une force supérieure à soi. Etudier devient donc une sanction, non pas un moyen de se développer, de parvenir à un autre soi-même, supérieur. Ceux qui prennent le plus de plaisir à étudier sont les adultes qui étudient pour eux-mêmes, pas pour la note. Et ce sont les meilleurs étudiants.
    -  On est motivé lorsqu’on réussit à faire quelque chose d’un niveau un peu plus supérieur à son niveau actuel, pas lorsqu’on réussit quelque chose de trop facile, ni lorsqu’on échoue.

    Voilà des vérités scientifiques obtenues lors d’études longitudinales sur une population de plusieurs milliers d’élèves de toutes sortes. Voilà des vérités scientifiques obtenues en confrontant des groupes de contrôles à des groupes tests.

    On en fait ce qu’on veut et pourra préférer lire dans le marc du café. Après tout, l’astrologie fait fureur, comme les tests de personnalité dans Biba.


    • Giordano Bruno - Non vacciné Giordano Bruno 14 janvier 2012 00:10

      Tristan, je suis intéressé par les travaux en psychologie de la motivation dont vous parlez. Auriez-vous quelques références bibliographiques à m’indiquer pour explorer le sujet ?

      Merci


  • jef88 jef88 13 janvier 2012 21:06

    Et la pédagogie ?
    Oubliée ? NON !
    Mais considérée comme inutile !!

    La preuve ? On enseigne sans formation à ....................... l’enseignement !!!!!!!!


  • loco 13 janvier 2012 23:36

     
     Bonsoir,

     Me laisse rêveur, par expérience personnelle,cette affaire de « comparaison » des résultats obtenus entre les élèves....ça doit être moderne ,je n’ai rien connu de tel. Quant à cette affaire de mesurer le résultat de son travail par les notes ou par le classement, je n’y crois pas plus, ayant , oh combien, obtenu de bons résultats en laissant aller, et, parfois, de mauvais en bossant vraiment. Je reste persuadé, comme je le fus à l’école, que mon classement était dû à la nullité de mes commensaux bien plus qu’à mes prouesses... Alors, notes et classement, foutaises.
     Par contre, une école accueillante, avec la possibilité d’approfondir ce que l’on aime, dans un cadre chaleureux où l’on aime autant les matheux que amateurs de biologie, sans se demander lequel est promis à un brillant avenir, ça, ça me paraît une bonne piste.


  • Tristan Valmour 14 janvier 2012 14:28

    Bonsoir Bruno

    D’abord, et comme pour toute chose en matière d’éducation, il faut lire les ouvrages en neurosciences. Achetez donc un manuel général, il en existe avec CD ROMS. Vous pourrez compléter vos informations par la lecture d’ouvrages spécialisés sur les amygdales et les sentiments (ex : Damasio qui est accessible), ainsi que sur les neurotransmetteurs et neuromodulateurs. Cela vous permettra par la suite de discerner en psychologie les théories qui tiennent la route de celles qui sont plus fantaisistes.

    Ayant passé mes doctorats en anglais, je connais assez mal les auteurs français. Cependant, je sais qu’on peut faire confiance en psychologie à Alain Lieury qui est très clair et qui appelle un chat un chat. Il a publié pas mal d’ouvrages grand public et naturellement des livres pour ses étudiants.

    En Anglais, vous aurez un large choix, avec en plus des ressources gratuites sur le net, vu que les enseignants publient sur leur site perso leurs cours, ce que font difficilement les profs français qui ont peur que leur génie ne soit copié. Différence de mentalité quoi !

    Ensuite, quand on veut étudier seul un sujet particulier et qu’on ne sait pas par où commencer, voici ce que je conseille toujours :
    -  se référer aux encyclopédies spécialisées sur le sujet recherché. Voici quelques éditeurs où vous trouverez votre bonheur : Oxford press, MIT press, Wiley, Pearson, Cambridge Press, Elsevier, etc.
    -  Se référer aux journaux spécialisés qui ont l’avantage de présenter un résumé des derniers travaux avec des références bibliographiques pour approfondir ses connaissances.

    Des manuels sur la motivation :
    -  Handbook of competence and motivation
    -  Handbook of motivational science
    -  Research on motivation in education

    Un journal de reference sur la question :
    - The psychology of learning and motivation

    Pêle-mêle, un copié-collé de ma base de données (sur la motivation intrinsèque/extrinsèque, la self motivation, etc.) sur les ouvrages de base que je conseille aux personnes que je forme. Après, j’ai de nombreuses autres références, mais je crois que cela vous occupera un certain temps. Si vous voulez plus d’info, il vaut mieux me laisser un message en commentant l’un de mes articles, je ne lis pas souvent les commentaires, par manque de temps.

    Perkins, D., & Ritchhart, R. (2004). When is good thinking ? In D. Y. Dai & R. J. Sternberg (Eds.), Motivation, emotion, and cognition : Integrative perspectives on intellectual functioning and development (pp. 351–384). Mahwah, NJ : Lawrence Erlbaum.
    Bandura, A. (1986). Social foundations of thought & action : A social cognitive theory. Englewood Cliffs, NJ : Prentice Hall.

    Cameron, J., & Pierce, W. D. (2002). Rewards and intrinsic motivation : Resolving the controversy. Westport, CT : Greenwood Press.

    Eisenberger, R., & Cameron, J. (1996). The detrimental effects of reward : Myth or reality ? American Psychologist, 51, 1153–1166.

    Kohn, A. (1999). Punished by rewards : The trouble with gold stars, incentive plans, A’s, praise, and other bribes. Boston : Houghton Mifflin.

    Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American Psychologist, 55, 68–78.

    Sansone, C., & Harackiewicz, J. M. (Eds.). (2000). Intrinsic and extrinsic motivation : The search for optimal motivation and performance. San Diego, CA : Academic Press.
    McClelland, D. C. (1987). Human motivation. New York : Cambridge University Press.
    Kanfer, R., & Ackerman, P. I. (1989). Motivation and cognitive abilities : An integrative/aptitude-treatment interaction approach to skill acquisition. Journal of Applied Psychology Monograph, 74, 657–690.
    Schwarz, N., & Bohner, G. (1996). Feelings and their motivational implications : Moods and the action sequence. In P. M. Gollwitzer & J. A. Bragh (Eds.), The psychology of action : Linking cognition and motivation to behavior (pp. 7–26). New York : Guilford.
    Weiner, B. (1985). An attributional theory of achievement motivation and emotion. Psychological Review, 92, 548–573.
    Deci, E. L., Eghrari, H., Patrick, B. C., & Leone, D. R. (1994). Facilitating internalization : The self-determination theory perspective. Journal of Personality, 62, 119–142.

    Deci, E. L., Koestner, R., & Ryan, R. M. (1999). A meta-analytic review of experiments examining the effects of extrinsic rewards on intrinsic motivation. Psychological Bulletin, 125, 627–668.

    Deci, E. L., & Ryan, R. M. (1985). Intrinsic motivation and self-determination in human,behavior. New York : Plenum.

    Deci, E. L., & Ryan, R. M. (2000). The ‘‘what’’ and ‘‘why’’of goal pursuits : Human needs and the self-determination of behavior. Psychological Inquiry, 11, 227–268.

    Levesque, C., Zuehlke, A. N., Stanek, L. R., & Ryan, R. M. (2004). Autonomy and competence in German and American university students : A comparative study based on self-determination theory. Journal of Educational Psychology, 96, 68–84.

    Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American Psychologist, 55, 68–78.

    Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2006). Self-regulation and the problem of human autonomy : Does psychology need choice, self-determination, and will ? Journal of Personality, 74, 1557–1585.

    Bonne nuit et bonne année. Ainsi qu’à l’auteur.


    • Giordano Bruno - Non vacciné Giordano Bruno 14 janvier 2012 20:50

      Bonsoir Tristan,

      Je vous remercie beaucoup d’avoir pris le temps de m’écrire cette longue réponse. Je vais avoir de quoi m’occuper un certain temps.

      Giordano


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