Journées du refus de l’échec scolaire ou Cachez ces notes ou ces maîtres, que l’on ne saurait voir
Que peut donc lier certaines banques, grandes surface, boîtes de recrutement, le gotha des associations de l’économie sociale et solidaire, et les institutions gouvernementales ?
Ils investissent ou s’investissent côte à côte dans des actions de lutte contre l’échec scolaire, c‘est tout du moins ainsi qu‘ils le présentent.
Initiée en 2008 par l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville créée en 1991), la Journée du Refus de l’Echec Scolaire est portée par un vaste réseau d’organisations représentant les enseignants, les familles et parents d’élèves, des acteurs de l’éducation populaire, des médias. L’initiative est placée sous le haut parrainage de l’Unicef ( Fonds des Nations Unies pour l’enfance) qui se base lui-même sur les rapports de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement économiques).
C’est de ces Journées du refus de l’échec scolaire qu’est sortie l’idée de suppression des notes en milieu scolaire au profit d‘une évaluation par compétences. On ne s’étonnera pas qu’on applique là à la lettre, les directives de l’OCDE qui est chargée d’évaluer les politiques éducatives à l’aune de ses propres prescriptions.
Si Luc Chatel a concédé qu’ « on n’en (était) pas là », il a fait valoir que la loi Fillon sur l’école de 2005 avait prévu, à côté de l’actuel système de notation par les enseignants, « une évaluation par connaissances et compétences » acquises ou non par l’élève de 6 à 16 ans, tout au long de sa scolarité obligatoire.
Si plusieurs personnalités ont signé l’appel de l’Afev : Daniel Pennac, Marcel Rufo, Michel Rocard, Axel Kahn, Boris Cyrulnik et autres Richard Descoings, c’est que tous dénoncent les conséquences « désastreuses » de ce système de classement sur les élèves.
Au cœur du problème, il serait question de la confiance en soi qui serait indispensable à la réussite scolaire : fissuration de l’estime de soi, absence de valorisation, détérioration des relations familiales et, à terme, souffrance scolaire.
Pour nos néopédagogues, il s’agirait donc de mettre la charrue avant les bœufs en fixant comme but, ce qui n’est qu’une conséquence ; comme c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en travaillant que l’on prend de l’assurance dans son travail, sauf à se rendre sûr et fier de son incapacité, ce qui revient à confondre arrogance et confiance en soi.
Ce n’est pas une nouveauté que de vouloir la suppression de tout classement entre nos chères petites têtes plus ou moins blondes, l’idéologie avait déjà fait son œuvre dans le primaire sous la dictature des néopédagogues des IUFM.
Points rouges, points oranges, points verts et autre permis à points pour éviter de punir les élèves en cas de mauvais comportement, NA, VA, A, assortis d’émoticônes pour les acquisitions de compétences, lesquelles laissent parfois rêveur quand la compétence « Bouge son corps » équivaut à la résolution d’une consigne en mathématiques par exemple. Mais il faut bien valoriser la compétence de ceux à qui on n’en demande pas justement.
Cela n’empêche pas nos petits écoliers en pantacourts de comptabiliser et de comparer entre eux, minutieusement, le nombre de tels ou tels « bonhommes verts » qu’ils ont récoltés du fruit de leur travail, le nombre de « bonhommes rouges » du fruit du non-effort qu’on leur aura demandé, ou de l’incompréhension, le cas échéant, la sélection naturelle revenant au galop.
C’est l’OCDE qui nous somme de nous aligner sur son modèle éducatif uniformisé mondial. Dès 1997, l’OCDE met en chantier un programme de définition et de sélection des compétences dites « clés » (DeSeCo), dans le but explicite de « fournir un cadre conceptuel pour orienter le développement à long terme des évaluations et l’extension à des nouveaux domaines de compétences ».
Ces orientations, confirmées par les conseils européens de Stockholm (2001) et Barcelone (2002), ont débouché en novembre 2005 sur une proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil, présentée par la Commission, concernant « les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie ». Cette proposition a été adoptée le 26 septembre 2006. Le document adopté précise que « selon les études internationales, on entend par compétence une combinaison de connaissances, d’aptitudes et d’attitudes appropriées à une situation donnée. Les compétences clés sont « celles qui fondent l’épanouissement personnel, l’inclusion sociale, la citoyenneté active et l’emploi ».
Elles sont définies dans le Cadre européen des Compétences clés pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie, et sont au nombre de huit :
Communication dans la langue maternelle ; Communication dans une langue étrangère ; Culture mathématique et compétences de base en sciences et technologies ; Culture numérique ; Apprendre à apprendre ; Compétences interpersonnelles, interculturelles et compétences sociales et civiques ; Esprit d’entreprise ; Sensibilité culturelle.
Jamais il ne sera question de savoirs maîtrisés, il s’agit simplement d’une aptitude à entrer dans un monde du travail adapté à l’économie flexible.
La flexibilité étant la clef de la rentabilité, il s’agira d’être flexible dans l’objet de son emploi, dans sa géographie, dans sa rémunération, le tout ponctué de formations s’inscrivant dans l’éducation « tout au long de la vie » qui signifie que sa vie durant, il faudra s’adapter à l’économie mondiale fluctuant au gré des besoins du marché.
Notre conception de la vie, enracinée, sécurisée, à visage humain, vole en éclat au profit de l’homme nomade et corvéable à merci.
Les néopédagogistes jouant à plein les idiots-utiles du système libéral.
Le bilan de compétences est en effet à la fois inspiré par les pseudo sciences de l’éducation baignées par les Dolto et autres méthodes Montessori, et par le rapport PISA de l’OCDE dont l’objectif est l’adéquation au marché.
Il était ainsi déjà adopté par les écoles primaires car faisant partie intégrante de l’idéologie des IUFM, mais pas à partir du collège, les enseignants y étant plus spécialisés que les « professeurs des écoles « , subissaient moins le joug de la dictature des IUFM. C’est fini, ils vont peu à peu se mettre au diapason des « projets pédagogiques », travail en équipe et autres, compétences transversales.
Ou, comment le nouvel ordre éducatif mondial poursuit son emprise sans que les personnels éducatifs, voire politiques, sachent véritablement quelles sont les sources et les objectifs des évidences qui leur sont imposées.