jeudi 23 juin 2011 - par Taverne

La réforme de la justice des mineurs

Le projet de loi sur la "participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs" est entré dans sa phase de discussion par les députés ce mardi. C'est une réforme bâclée à la hâte et un peu fourre-tout. Elle est assez critiquée de toutes parts. Nous examinerons ici la partie touchant à la justice des mineurs.

La méthode employée par l'UMP est contestable. Elle repose sur une vision faussée des statistiques nationales. Par ailleurs, l'UMP use ici encore de procédés qui ont déjà montré leurs limites : l'accélération de la procédure judiciaire comme moyen de répression accrue. La précipitation n'est jamais une bonne façon de rendre la justice. On se souvient de la petite phrase de Ségolène Royal exprimant son admiration pour la rapidité de la justice chinoise...

1 - Une vision faussée des statistiques nationales

Le rapporteur sénatorial, M. Lecerf, reconnaît que si la délinquance des moins de 18 ans a augmenté de 2002 à 2009 (+19%), elle a moins cru que celle des adultes (+32%). Il relève aussi l'efficacité relative de la justice : à 70 % les jeunes pris en charge par le parquet ne réitèrent pas dans l’année qui suit. Dans 87% des cas les jeunes délinquants suivis par un juge des enfants ne le sont plus devenus majeurs. Mais l'UMP a choisi de manipuler l'opinion en lui faisant croire à l'augmentation spectaculaire. Or, l'accroissement de la délinquance de mineurs s'étale sur 30 ans.

En revanche, il est exact que cette délinquance des mineurs est plus violente que par le passé. Et elle se concentre plus qu'autrefois en des lieux bien précis où l'ordre républicain n'a plus cours. Une réaction de l'Etat s'imposait donc.

2 - Des délais raccourcis au détriment de la prévention

Il s'écoule ne moyenne 9 mois entre la requête pénale initiale et le jugement en cabinet par le juge des enfants ou les 17 mois pour un jugement par le tribunal pour enfants. Or, comme le dit juge des enfants Rosencveig, ce délai n'est pas du temps perdu. C'est au contraire du temps "mis à profit – souvent avec succès – pour réduire les causes de l’asocialisation du jeune". "On confond sanction et réaction" ajoute-t-il, or "l’important n’est pas d’obtenir un jugement rapide mais une réaction judiciaire rapide".

Le prix à payer pour ces délais courts, c'est un certain sacrifice de la prévention. Désormais la comparution d'un mineur devant le tribunal pour enfants - à l'initiative du parquet ou d'un officier de police- se fera dans un délai de dix jours à deux mois après le délit. On va se retrouver avec des comparutions immédiates de gamins de 13 ans !

3 - Des mesures sécuritaires populistes et peu efficaces

Depuis 2002, la procédure pénale ne connaît plus de répit. Elle est sans cesse remaniée avec les résultats nuls que l'on sait sur le plan judiciaire autant qu'électoral pour l'UMP. La justice des mineurs en particulier devient une justice distributive où le jeune délinquant se voit appliquer une sanction sans examen attentif des problèmes qu’il rencontre. C'est le travail social qui est ici désavoué.

On crée une nouvelle juridiction : le tribunal correctionnel pour mineurs. Il aura à connaître des faits commis par les mineurs récidivistes de plus de 16 ans, ce qui revient de facto à abaisser la majorité pénale. Et des délits passibles de plus de trois ans de prison. On complexifie, hélas, les règles sur le contrôle judiciaires. Ainsi se trouve aussi mis à l'écart le juge des enfants, même s'il peut être intégré à l'équipe.

On pourra placer un jeune de 13 ans en centre éducatif fermé (CEF) dès la première infraction.

Un appel des professionnels à contester cette réforme a été signé. Parmi les signatures ont trouve celle, bien entendu, de Jean-Pierre Rosenczveig (la bête noire de Sarkozy qui s'était demandé tout haut un jour comment le virer) mais aussi celles des deux anciennes défenseures des enfants, Claire Brisset et Dominique Versini.

Ce que dénoncent ces magistrats, avocats (CNB, ACE, SAF…) et organisations de protection de l’enfance, c'est un alignement progressif et dangereux de la justice pénale des mineurs sur celle des majeurs. Ils demandent "une véritable concertation soit menée avant de réformer les principes et la philosophie de l’Ordonnance de 1945". Cette ordonnance fondatrice de la lutte contre la délinquance des mineurs fait prévaloir la prévention sur la répression.

Il est à craindre qu'avec cette réforme on s'illusionne sur la valeur d'exemple et la peur de la sanction chez des gamins qui se sentent dans la toute-puissance.

Une autre idée fait son chemin et paraît plus intéressante, c'est l'extension du TIG (travail d'intérêt général) aux mineurs d'au moins 16 ans. Il s'agirait aussi, dit le garde des Sceaux, de "diversifier les postes de TIG". Ceci, pour pouvoir proposer des heures de TIG "en soirée, en fin de semaine, en secteur rural"… et dans des domaines plus étendus que les seuls travaux d'entretien ou de maintenance.



17 réactions


  • Fergus Fergus 23 juin 2011 10:08

    Bonjour, Paul.

    Les dernières réformes de la justice voulues par Sarkozy vont une nouvelle fois ajouter du désordre et créer des difficultés budgétaires sans espoir d’une amélioration de la qualité de la justice.

    Concernant les mineurs, Rosenzweig, Brisset, Versini et la plupart des gens concernés par l’éducation des jeunes ont évidemment raison d’être vent debout contre l’évolution à l’américaine voulue par Sarkozy. A 16 ans, les jeunes sont encore très largement en phase de construction et la réponse apportée à des actes de délinquance doit être avant tout pédagogique, pas prendre la forme d’un procès de correctionnelle. D’où les rapports existants entre les actuels juges pour enfant et visant à faire prendre conscience aux jeunes de leurs fautes, pas seulement en assénant une froide réponse répressive.

    Sur les TIG, je suis d’accord. A un détail près : la justice est d’ores et déjà incapable, faute de moyens, d’encadrer correctement les rares TIG prononcés. Comment fera-t-elle ?

    Enfin, je suis très agacé par l’accusation récurrente et manipulatrice portée contre Ségolène Royal. Ce n’est pas de la justice pénale chinoise qu’elle parlait, mais de la justice commerciale, effectivement plus rapide en Chine que chez nous.

     

    Cordialement.


  • Taverne Taverne 23 juin 2011 11:27

    Pour compléter cet article :

    Le principe de la primauté de l’intervention éducative sur la sanction pénale est donné par la fameuse ordonnance de 1945 : (...) « le juge des enfants devra obligatoirement — sauf circonstances exceptionnelles, justifiées par une ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 — procéder à une enquête approfondie sur le compte du mineur, notamment sur la situation matérielle et morale de la famille, sur le caractère et les antécédents de l’enfant, car ce qu’il importe de connaître c’est bien plus que le fait matériel reproché au mineur, sa véritable personnalité, qui conditionnera les mesures à prendre dans son intérêt ».

    Mais plusieurs lois ont modifié ces dernières années l’ordonnance du 2 février 1945 dans un sens plus répressif : lois du 9 septembre 2002, du 9 mars 2004, du 5 mars 2007, du 10 août 2007, du 2 mars 2010 sur les violences en groupe.

    Ces modifications se traduisent par un renforcement des mesures de répression à l’égard des mineurs les plus jeunes et des récidivistes, avec un alignement progressif et constant des réponses pénales sur celles prévues pour les majeurs.

    Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs mesures répressives envisagées par la loi sur la sécurité intérieure (dite Loppsi 2) du 14 mars 2011, rappelant que la justice des mineurs doit répondre à des exigences constitutionnelles particulières différentes de celles applicables aux majeurs (décision du 10 mars 2011 no 2011-625 DC).

    Le mineur ne peut être jugé que si la juridiction de jugement dispose d’éléments suffisants notamment sur sa personnalité et son environnement social. Le raccourcissement intempestif du délai sans moyens supplémentaires va nuire à ce travail. Ainsi, le mineur ne peut pas relever des dispositions de droit commun de la citation directe ou de la comparution immédiate, ou encore du « plaidé coupable ». On parle, pour les mineurs, de « comparution à délai rapproché » et de « procédure de présentation immédiate ».


  • kemilein 23 juin 2011 13:20

    a quand le comparution immédiate du SarkoFacho pour haute trahison ?
    pour l’occasion je veux bien rétablir le peine de mort... (j’y suis pourtant foutrement opposé)

    lui et toute son équipe UMPS de fauxculs fascistes mériteraient particulièrement bien un passage devant un tribunal révolutionnaire.

    Qu’on leur applique leur justice > expéditive comme en 1789
    -vous êtes Coupable, un mot pour votre défense ? La Sentence, la mort par décapitation !

    au moins on risque plus d’avoir de récidive de nos chers élites traitresses ainsi coupées en deux.


  • Taverne Taverne 23 juin 2011 15:06

    Projet de loi et centres éducatifs renforcés.

    Le projet prévoit que l’on pourra placer un jeune de 13 ans en centre éducatif fermé (CEF) dès la première infraction. Le bilan des CEF est positif mais ce type de placement, au départ réservé comme alternative à la prison, a tendance à se généraliser (« dès la première infraction ») au détriment des placements en structures traditionnelles (foyers). Lire La Croix.

    Définis par l’article 33 de l’ordonnance du 2 février 1945, les centres éducatifs fermés ont été mis en place par la loi Perben (no 2002-1138) du 9 septembre 2002.


  • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 23 juin 2011 15:22

    On se souviendra que pendant le mouvement contre la réforme des retraites l’UMP taxait les lycéens manifestants de seize dix-sept ans comme étant « des irresponsables, trop jeunes, inaccomplis, qui ne devraient pas se mêler de politique », que « leur place était à l’école et nulle part ailleurs », et qu’il fallait « distinguer les choses de l’adolescence de celles des adultes ».

    Par contre aujourd’hui, quand il s’agit de les mettre en prison pour faire plaisir aux réactionnaires de la droite populaire, ça ne les dérange de tenir des discours qui soutiennent l’exact contraire.

    Tout ça fleure bon la panique. Il faut dire que les sondages de Sarko sont de plus en catastrophiques.


  • Taverne Taverne 23 juin 2011 20:10

    Un peu de chanson dans la tradition française des Brassens et copains ?

    Ecoutez le tout dernier album de Stéphane Bersier « Je ne me ferai plus griffer ». Les paroles du 1er titre sont de Voris Bian puis d’un certain...Victor Hugo (titre rappelant un peu Brassens). Bonne écoute ! smiley


  • Annie 23 juin 2011 21:41

    @Taverne,
    Excellent article. Un chiffre intéressant est que la criminalité des adultes a plus augmenté que celle des mineurs. Ce n’est pas l’impression donnée dans les médias. Comme quoi il est toujours utile de remettre les pendules à l’heure.


    • Taverne Taverne 23 juin 2011 23:10

      Sarkozy s’imagine qu’il va regagner les voix populaires que Le Pen lui chipe chaque jour en tapant sur des gosses ou sur des pauvres qui survivent difficilement avec des minima sociaux. Mauvaise stratégie et même contreproductive car la discrimination envers les pauvres se voit trop. Il faut au contraire parler du social avec sérieux et compétence pour concurrencer la démagogie et le simplisme de certains.


    • Yohan Yohan 23 juin 2011 23:24

      commentaire et constat débiles


    • Annie 24 juin 2011 10:14

      La débilité n’est pas toujours du côté qu’on croit :

      « Selon les informations transmises par la DPJJ, entre 2002 et 2009, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a crû de 19%, passant de 180 382 en 2002 à 214 612 en 2009. Cette évolution est moins forte que celle constatée chez les majeurs (+32% de mis en cause sur la même période). »


      http://www.senat.fr/rap/a10-116-5/a10-116-5_mono.html


  • Taverne Taverne 23 juin 2011 23:19

    Ce soir c’est la fête. J’ai une autre de mes chansons interprétée par un autre artiste : Pierre CTRB : Lola. Ici, je suis l’auteur des paroles et de la musique. Alors que, pour la chanson « Amélie » chantée par Stéphane Bersier, je n’ai fait que les paroles (j’avais composé une musique mais c’est l’interprète qui est le meilleur juge de la mélodie la plus appropriée). A noter que Stéphane Bersier accompagne Pierre sur Lola. les trois mousquetaires quoi ! smiley

     


  • Yohan Yohan 23 juin 2011 23:23

    Qu’est-ce que ça veut dire « Le rapporteur sénatorial, M. Lecerf, reconnaît que si la délinquance des moins de 18 ans a augmenté de 2002 à 2009 (+19%), elle a moins cru que celle des adultes (+32%). » hein ? Présentation typique des faussaires. Pourquoi ne pas faire plus simple et dire que la délinquance est en nette augmentation.
    Ensuite, que peut faire la prévention face à une telle augmentation. C’est comme mettre ses dix doigts pour boucher une fuite à 1500 trous. D’ailleurs, si la délinquance chez les mineurs comme chez les adultes augmente, c’est en partie parce que les délinquants savent comme fonctionne notre justice, soit 30 000 peines de prison inexécutées chaque année


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