La sécurité c’est la liberté
Notez la délicate ambiguïté de cette phrase !! Il aurait fallu dire : la liberté est sécurité, mais cela ne me convenait pas ; ou bien : la seule sécurité est la liberté, mais cela aurait été au delà de ma pensée parce que je ne suis pas sûre que ce soit le cas, pas plus que pour la première alternative. Donc je garde ce titre et explique : la sécurité la plus fiable, c'est notre liberté.
Pourquoi plus fiable ? Parce qu'elle ne dépend que de nous. Se mettre dans les pattes de qui que ce soit est un risque plus grand qu'être autonome et, en tout cas d'échecs, on ne peut s'en prendre qu'à soi-même, c'est-à-dire une belle occasion d'évoluer. Sinon, comme on le voit de manière quasi systématique aujourd'hui, accuser l'autre de notre malheur, fige la destinée, nous dédouane et nous laisse dans l'immaturité de la dépendance.
L'indépendance nous est chantée, uniquement, dans le fait de gagner sa vie ; or, pour gagner sa vie et quoique l'on fasse, on est dépendant, des clients, de la mode, du patron ; c'est un chant féministe qui considère la dépendance aux horaires, aux patrons, au commerce ou à la politique du moment comme accessoire voire insignifiante tandis que la dépendance à sa famille , c'est le bagne, l'horreur, l'esclavage !
Je pense à peu près exactement le contraire ; ce n'est pas un oxymore, regardez-y de plus près ! À peu près, c'est presque ; on est presque arrivé ! Il y a un point contraire, j'y suis presque.
La liberté décide de ses attachements ; ceux-ci font partie intégrante de notre psychologie, amour, compagnie, coopération, entraide,etc.
On paye les conséquences de nos choix libres et on sait le faire puisque la liberté veut dire l'accord avec soi-même, en responsabilité ; la connaissance de cause, peut-être, mais personne ne détient la connaissance des conséquences. Seule la vigilance, peut-être la prudence, nous épargne. Mais parfois elle ne nous épargne pas, c'est là que la liberté peut être, a posteriori, hissée au rang d'héroïsme. Parce que quoiqu'il arrive, il nous faut assumer.
La liberté, ce n'est pas marcher le nez au vent, sans souci, sans attaches ; ça peut l'être aussi mais cette image est repoussoir pour tous les sédentaires, tous les entreprenants, tous les créateurs ; la liberté n'est pas que contemplation et vide. L'exigence de la liberté est énorme et elle apporte dans notre bas monde son lot d'entraves, d'attaques de la part de tous ses ennemis.
L'arbre est-il libre ? Il donne tout ce qu'il peut en fonction du terrain où il grandit, où il vit. Pour l'homme, ce devrait être aussi cela. Alors oui, il y a des arbres entravés dans leur croissance par la présence d'un autre plus gros, plus haut, juste à côté d'eux ; peu importe, ils croissent au mieux. Pour l'homme, ce devrait être aussi cela. Il y a des arbres qui poussent par hasard dans une faille de falaise, ils mettent des années à pousser leur racines jusqu'à trouver l'eau et la terre. Pour l'homme, ça devrait être ça aussi.
Mais pour savoir le faire, il faut se connaître, connaître son terrain, ses limites. Ou bien vivre dans une société primitive, qualificatif que le civilisé déprécie à tort.
On peut circuler sur une spirale dans des entrelacs à chaque niveau de celle-ci ; un mot se fige et pose un fait, une vérité, une idée à l'instant : on choisit ou pas ce niveau, on éternise ou pas cet instant ; tout énoncé, toute communication appartiennent à un tout mais ne sont que peu de chose en soi ; comme nous sommes peu de chose dans l'univers alors même que nous sommes tout pour nous-mêmes puisque morts, rien ne subsistera.
Il faut donc relativiser. La liberté est relative tout comme la sécurité.
La sécurité est intérieure, si on l'attend d'un autre c'est que l'on est resté enfant ; il y a de bonnes thérapies pour résoudre ce défaut encombrant mais surtout extrêmement nuisible à ceux, émancipés ou qui s'émancipent, qui tentent de mener leur vie en accord avec eux-mêmes et la vie en groupe.
Du reste la pathologie est la même pour ceux qui se croient parents et donnent à tour de bras, leçons et infligent punitions !
La thérapie devrait être obligatoire, vu le nombre de ceux à libérer de leurs chaînes, cela créerait des emplois !!
Notre vraie sécurité est notre conscience, notre vigilance et notre aptitude à la répartie, à la désobéissance ; notre vraie sécurité est notre santé, notre rythme propre préservé. La sécurité qu'on nous vend, c'est la prison. La prison chimique des médicaments, la prison réelle des rythmes imposés, de l'obéissance qui détruit l'imaginaire et la créativité, la prison du regard des autres qui propose l'uniformisation comme seule intégration possible au groupe. Mais surtout, la prison qui empêche la connaissance de soi qui libère. L'audace comme évidence, le don et l'entraide comme relations saines.
Mais c'est la maladie qui est au goût du jour.
Nous nous comportons comme un peuple manipulé comme jamais, qui s'écrase dans l'obéissance ou qui se distrait ou qui râle, mais qui subit. Car la liberté n'est jamais individuelle, elle ne saurait l'être, elle inscrit nos actions dans le grand mouvement social, depuis la famille jusqu'à la politique ; elle inscrit nos actions respectueuses dans les activités qui nous font vivre ; elle est l'arbre dont je parlais plus haut qui a ses racines en terre et ses feuilles dans le vent. Si nous agissons avec conscience et respect, et si la majeur partie des gens le font, alors la sécurité est quasi absolue ; notre vigilance et notre connaissance de soi nous protègent des accidents, des abus, notre respect de l'autre nous protège des impairs et des abus, notre amour de la terre nous protège des violences et des abus. Cette liberté là donne de la joie, ni exaltation ni jouissance, joie.
Mais au lieu de cela, on nous a vendu le « toujours plus » comme étant une partie intégrante de la nature humaine ; ceci est aussi naturel que l'est le capitalisme ! Du reste c'est son système qui nous préparait là : vous n'y pouvez rien, c'est comme ça, nous sommes comme ça, et tant pis pour toutes les sociétés de tous les temps où on ne voyait rien de tel. Alors, mon commerce marche bien ? J'en faire un deuxième, un troisième... une multinationale. Combien d'entreprises humaines aujourd'hui ? Autant que de familles, d'associations, de clans ?
Toujours plus, d'objets/de déchets, toujours plus d'argent/de démunis, toujours plus de performance/de stress/ de dopants,etc.
Pourquoi cela a-t-il marché ?
Il y a tout ce qu'on sait ; la fabrication du consentement, la publicité, la consommation, l'instruction puis l'éducation au rabais,etc. Mais il y a plus, plus profond, plus définitif : la fabrication de la honte, de la honte de soi ; la honte d'être un pagus, un pécras, un bouseux, un péquenot, un cul-terreux, un pignouf, un plouc et autres joyeusetés locales. Et puis toutes les petites mains des ateliers, c'était tellement mieux de faire secrétaire. La honte d'être franc-Comtois, Auvergnat, même pied-noir : vite perdons notre accent, parlons pointu comme à Paris, comme à la radio... ah ce n'était pas du consentement, c'était une féroce ambition.
Et là, on nous l'a vantée, la liberté, le feuillage était si venté que l'arbre s'est déraciné ; c'était tellement nul, ces racines, et tant en sont encore persuadés. Et tout ce qui va avec : la sédentarité, terminée, à nous le monde, à nous les trips, les travels ; fini l'ennui, vive la télé où l'on montre aux filles à quoi il faut ressembler, à tous dans quoi il faut vivre, jamais le deux pièces en HLM qui attend, mais la cuisine américaine et les ustensiles qui vont avec, finis les passoires, les juliennes, vivent les centrifugeuses, les mixers...
Les mots anglais fleurissent, on flippe soudain, on a le blues, on prend un lift pour Paris, on porte des jeans et des sweaters, on réserve un loft, on commande un brunch, on aménage un dressing, on ne court plus, on fait du jogging, on excursionne plus, on fait du trekking, et ça n'arrête pas. Mais on le dénonce.
C'est le progrès, si rapide mais qui vient d'où ? De soi, de nous ?
Pendant ce temps-là on s'oublie un peu beaucoup passionnément mais on se montre, on s'expose, on parade, comme un mannequin porteur d'habits à vendre. Mais ce ne sont pas seulement des draps qu'on a mis par dessus les épaules, des parures, des fêtes, c'est la chair qu'on a vidé de ses fluides, c'est l'âme qu'on a vitrifiée. Les premiers revenaient et retrouvaient avec tendresse maman et sa cuisine, son jardin et ses poules, papa aux mains calleuses et au parler franc ; les deuxièmes, les plus chanceux aimaient jouer avec les chats, ne grimpaient plus dans l'arbre mais s'y balançaient ; les troisièmes n'ont jamais connu ça. Alors les plus simples aiment encore leurs joujoux qu'on sophistique un poil par an pour les tenir à cran. On converse sur leur génialité.
Il semble que la honte réapparaît aujourd'hui, mais sous un nouveau jour ; la chimère est terrassée, mais ce n'est pas Bellérophon qui en libère, c'est l'épuisement de l'errance. Neptune tiens. La frustration exaspérait les désirs et les a transformé en douleur. Cette chimère qui peut aussi bien être un monstre dévastant un pays que le règne néfaste d'un souverain perverti.
Encore un pas peut-être et nous en sortirons.
Le mal est profond, je ne vois que des êtres au moule ou bien des névrosés, et c'est exceptionnel d'en rencontrer un, d'être libre ; on le repère au premier coup d'oeil, on ne peut pas se tromper.
Il n'y a bien que la musique qui s'est fait réapproprier, et aux succès des bals trad' on comprend qu'ils n'étaient pas une mode mais une manière de vivre sa promiscuité. Et que cette forme de fête existe encore, bouger danser ensemble, chorégraphes spontanés sur une musique simple mais pas bête, bien vivants bien présents sans besoin de s'extasier.
La liberté dont je parle n'est pas une utopie, ce but lointain qui fait chanter les poètes, mais bien ici maintenant ; mais au fond, j'y mêle de manière inextricable : la vie, cette vie que ceux qui l'ont en eux et ne la trouvent plus ici, vont chercher dans toutes les contrées, nombreuses, où elle existe encore. La vie, et l'authenticité. D'autres s'y posent par instant dans les concerts, les festivals, car la musique, sauf exceptions, est si vivante, nous touche si profond, qu'elle régénère. Mais la vie, c'est pas une friandise qu'on s'offre le dimanche ou dans laquelle on plonge à l'agonie d'un proche, c'est chaque instant.,
Je sens que je ne me fais pas comprendre.
La vie est forcément libre, la vie totale, pas la survie, pas le fonctionnement ; j'ai fonctionné assez longtemps pour savoir que je n'étais pas vivante, et je n'étais pas libre, toute souffreteuse ; il y a des millions de gens atteints, certes, plus ou moins, mais atteints dans leur psyché, dans leur énergie vitale qui bascule dans la dépression ou bien l'excitation ; pathologies. Les émotions se blessent facilement et entraînent alors une ribambelle de symptômes. On prend ses ressentis pour une vérité sans connaître les filtres qu'on a accumulés là ; on escalade la violence comme une défense ultime, désespérée, fatale. On confond pulsion et instinct, et on insiste.
Où est la liberté dans ce fatras figé ? Où est notre sécurité dans cette susceptibilité ? Et c'est interchangeable !
Alors voilà, nous ne sommes pas sécurisés, parce que nous ne sommes pas libres, alors, nous nous débattons, nous affolant sous le filet qui nous étouffe ; on s'invente des repères, des schémas, des cadres, des cases, des dogmes, des vérités, et, suffoquant, on veut qu'ils soient reconnus, par tous si possible, et si on y croit, on prend le pouvoir puis on abat ses cartes. Ou bien on se bat, des mots des armes comme si l'on défendait sa vie. Car sa névrose c'est sa vie. Oui.
Pour certains, la sécurité est un horizon ouvert, une maison à plusieurs portes jamais fermées ; pour d'autres des étages, des barreaux et des clés. La liberté de fuir s'il y a danger ou l'illusion d'être protégé dans sa prison.
À certains moments, la sécurité est de se retirer, quand la tristesse a gagné.