lundi 28 janvier 2013 - par Taverne

Les danses hongroises de Brahms

Dans les brasseries et tavernes de Hambourg, sa ville natale, le jeune Johannes Brahms joue du piano pour arrondir les fins de mois de la famille. C'est là qu'il rencontre des émigrés politiques hongrois en transit. Il apprend auprès d'eux la musique hongroise qui lui inspirera des années plus tard ses fameuses Danses hongroises dont la plus célèbre, la numéro 5, accompagne une scène hilarante du film Le Dictateur de Charlie Chaplin.

Le barbier rase la barbe de son client en suivant scrupuleusement le rythme changeant de la Danse hongroise no 5 de Brahms. Au grand dam du client effrayé. Les mimiques de Chaplin rendent inoubliables les sursauts de cette danse.

La scène en vidéo

Cette danse no 5 en version orchestrale n'est pas de Brahms qui n'a orchestré que les danses numéros 1, 3 et 10. Brahms, en effet, a composé, ses 21 danses pour piano à quatre mains et non pour orchestre : "Je les ai conçues pour quatre mains : si je l'avais fait pour orchestre, elles seraient différentes."

Les 21 danses hongroises furent publiées entre 1869 et 1880 et remportèrent un vif succès.

Antonín Dvorák fit l'orchestration des cinq dernières.

Brahms introduit des éléments du Verbunkos hongrois et principalement les csardas – danses hongroises – qui se caractérisent par des changements de temps lents à rapides. Le fait de ralentir ou d'accélérer est typique dans le folklore musical hongrois. Il faut avoir une sacrée santé pour danser sur ces rythmes-là !

Les Danses hongroises ne comportent pas de numéro d'opus, le compositeur ne les considérant pas comme des œuvres originales, mais de simples adaptations d'œuvres de musique traditionnelle. Il semble cependant que les thèmes des onzième, quatorzième et seizième soient totalement originaux.

Brahms fit un arrangement des dix premières pour piano seul. Son ami le violoniste Joseph Joachim en fit également une version pour violon et piano.

Pour en revenir à la danse hongroise numéro 5, le célèbre violoniste Yehudi Menuhin l'a aussi interprétée. Voir vidéo (2' 12).

Brahms. L'essentiel à connaître

Un amour passionnel avec Clara Schumann

C'est surtout grâce à Robert Schumann que Johannes Brahms fut connu du jour au lendemain. En 1853, Schumann demande à l’éditeur Breitkopf & Härtel de publier quelques œuvres de Brahms, et écrit un article élogieux, où il déclare que « Brahms sera une valeur sûre pour donner l’expression la plus évoluée et la plus noble aux tendances de notre époque. ». Mais peut-être Schumann fit-il entrer le loup dans la bergerie car Brahms allait devenir le confident très proche de sa famme Clara.

La jolie Clara Schumann est une virtuose du piano. Elle est aussi compositrice. Brahms inclut dans son répertoire des oeuvres de Clara (Les variations et fugue sur un thème de G.F. Haendel).

En 1854, Robert Schumann est interné. Il meurt en 1856. Sa veuve devient l'amie, la conseillère et l'inspiratrice de Johannes Brahms de quatorze ans son cadet, mais elle affirme désormais que ses seuls moments de bonheur sont ceux où elle joue ou écoute la musique de son cher disparu. Clara et Yohannes vivent pourtant dans la même maison à Düsseldorf. Et les échanges de lettres entre 1854 et 1858 ne laissent subsiter aucune doute sur leur relation mais s'ils s'entendirent pour détruire une bonne part de cette correspondance.

En octobre 1856, Brahms qui nourrit encore l’espoir de pouvoir consoler « sa » Clara pendant cette période de deuil, devra pourtant se résigner. Elle s’éloigne peu à peu de lui. Les lettres échangées perdent de leur passion.
 

1 - Les "tubes" de Brahms

- La symphonie nº 3 en fa majeur, op. 90. Elle a été composée par Johannes Brahms durant l’été 1883 à Wiesbaden. Le thème du troisième mouvement a été repris dans la chanson de Serge Gainsbourg "Baby Alone in Babylone" mais aussi par d'autres artistes.

Ecouter la symphonie nº 3 - 3ème mouvement.

- Waltz for violon. Ecouter

- Danse hongroise numéro 5

2 - Ses influences

Les maîtres de Brahms furent incontestablement Bach et Beethoven. D'ailleurs, le chef d'orchestre Hans von Bülow créa pour lui le slogan des trois "B" pour encenser Bach, Beethoven et Brahms qui selon lui résumait le génie allemand. Exit Wagner donc ! Johannes Brahms ne méprisait cependant pas ce compositeur qui n'était pas pour lui non plus un rival car Wagner composait essentiellement des opéras, genre dans lequel Brahms n'intervenait pas.

3 - Son style.

Brahms compose une musique romantique par nature, mais reste attaché aux grands maîtres préclassiques et classiques ainsi qu’en témoigne l’architecture solide de ses œuvres.

Un clivage opposa la musique de Brahms et les conservateurs adeptes de la musique pure aux nouveaux allemands progressistes, les adeptes de Franz Liszt.

Brahms est considéré par beaucoup comme le « successeur » de Beethoven. Sa première symphonie a été décrite par Hans von Bülow comme étant « la dixième symphonie de Beethoven ». Brahms prisait peu cette distinction qui servait surtout à renforcer la dispute autour du clivage musical ainsi créé.

3 - Ses principales collaborations

Dès 1848, le jeune Brahms donne des récitals dans sa ville natale de Hambourg qui le font connaître et il rencontre le violoniste virtuose Eduard Reményi avec lequel il collabore. Il l'accompagnera à travers l'Allemagne. Eduard Reményi lui présenta Joseph Joachim. Celui-ci devint par la suite son ami.

Joseph Joachim lui dédicacera le Concerto pour violon en ré majeur. Il sera un ami fidèle toute sa vie et l’introduit auprès de Liszt à Weimar. Grâce à Joachim, il fait aussi la connaissance de Robert Schumann.

Enfin, Brahms collabora beaucoup avec Clara Schumann et Hans von Bülow.

Longtemps Brahms fut considéré ennuyeux, y compris par d'autres compositeurs qui incarnaient davantage la modernité. "Fuyons, il va développer", disait Debussy. Brahms en effet maîtrisait, outre le contrepoint de Bach, le développement thématique, un procédé de composition introduite par Haydn, Mozart et Beethoven. Mais les Danses hongroises ne sont pas ennuyeuses. Loin de là !

 



8 réactions


  • La râleuse La râleuse 28 janvier 2013 16:08

    C’est une admiratrice de Brahms et de Dvorák qui vous remercie pour cet article, Taverne.

    Née en milieu rural dans une famille où la musique classique était méconnue, j’ai failli renoncer à m’y intéresser après une première expérience malheureuse avec l’achat d’un Vinyle 45 tours (les concertos n°1 et 2 pour piano et orchestres de Frantz Litz, ce n’est pas le pied pour une gamine de 13 ans).
    Une voisine m’a réconciliée avec cette musique en m’offrant les danses hongroises de Brahms.
    Plus d’un demi siècle après, je lui en demeure reconnaissante.

    Et s’agissant de Brahms, Françoise Sagan aurait été bien embêtée s’il n’avait pas existé et nous n’aurions jamais connu le film produit à partir de son roman et dans lequel nous est offert le plaisir d’écouter ses symphonie n°1 et n°3.

    Cordialement


    • In Bruges In Bruges 28 janvier 2013 16:22

      Moi aussi, j’ai eu un choc tout jeune dans mon enfance rurale, mais c’était avec Vince Taylor.
      Depuis, je ne suis toujours pas remis et erre sur Agoravox...


    • Taverne Taverne 28 janvier 2013 16:47

      Bonjour La Râleuse ,

      Comme je vous comprends. Moi-même, j’ai été très déçu par les rhapsodies hongroises de Liszt. Je leur préfère de très loin les danses hongroises de Brahms.


  • alberto alberto 28 janvier 2013 16:20

    Salut Taverne,

    Bizarre qu’il ne se soit pas compris avec Franz Liszt ?


  • La râleuse La râleuse 28 janvier 2013 17:18

    @ In Bruges,

    Comme je vous plains !
    Peut-être pourriez-vous tenter de vous échapper. Si vous y parvenez, je vous conseille un séjour dans le Pays d’Oz smiley

    @ alberto,

    Le problème, ce sont les partisans qui entretiennent et amplifient ce qui, parfois, n’est qu’un antagonisme relativement anodin. Et cela vaut pour toutes les causes et rivalités.


  • Antoine 29 janvier 2013 22:44

     Bravo pour cet article, il est si rare, surtout ici, de parler Musique et Musiciens. Toutefois, réduire Brahms aux marginales danses hongroises et son renom à un extrait de la troisième symphonie et deux bluettes revient à ramener Mozart à la petite musique de nuit et la marche turque. Alors, pourquoi passer sous silence l’ensemble de ses symphonies, ses monumentaux concertos, son requiem, ses sextuors, quintettes, quatuors et diverses oeuvres magistrales pour piano, etc... ? Comme toujours, on parle de ce qui entoure la musique et non d’elle-même. Ainsi la troisième symphonie tire en particulier son attrait et son originalité de l’oscillation incessante du fa majeur vers le mineur produisant un jeu de clair-obscur, substance de cette oeuvre. Je ne suis pas un fin connaisseur de la littérature à la Voici, mais il me semble que Brahms en a surtout pincé pour la troisième fille de Schumann, Julie, et que sa déception amoureuse se retrouve dans la superbe Rhapsodie pour voix d’alto...


    • Taverne Taverne 30 janvier 2013 13:04

      Bonjour Antoine,

      Je comprends votre critique. Mais je ne suis pas assez calé pour analyser chaque oeuvre. J’avais envisagé de donner une liste d’oeuvres « conseillées » (choix de l’auteur) mais je me suis dit que cette démarche pouvait passer pour de la prétention. Je signale quand même pour ceux qui ne connaissent pas et veulent aller plus loin : les intermezzo (intermezzi) de Brahms et certaines fantaisies ainsi que le requiem allemand, qui méritent aussi largement le détour.


    • Antoine 30 janvier 2013 23:11

      Bonsoir Taverne,
       Hélas oui, nos contemporains et les français en particulier sont d’une inculture (pour ne pas dire nullité) musicale crasse et pour preuve la ratatouille qu’ils se fourrent avec délice dans les trompes d’Eustache ! Curieux que Fergus ne soit pas venu mettre ici son grain de sel...


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