Les Djihadistes sur le retour : le paradoxe
Les Djihadistes sur le retour : le paradoxe (1).
Des individus sont partis de leurs cités de banlieue pour aller tuer dans les rangs de diverses unités combattantes ayant comme objectif de renverser les autorités gouvernementales syriennes. Quand ils n’ont pas été éliminés sur place d’une manière ou d’une autre, notamment après qu’on a pu les localiser, et qu’ils rentrent en France, on leur fait application, à eux, à leur femme, et aux gens qui tournent autour d’eux, de diverses dispositions du droit pénal.
Mais on pourrait aussi leur réserver un statut auquel on ne pense pas, pas même leurs avocats semble-t-il : celui de collaborateurs occasionnels du service public. Ce qui leur permettrait d’être presque félicités et même (allons jusqu’au bout de la même logique) d’être indemnisés des préjudices qu’ils ont pu subir dans l’exercice de leur mission (2).
Expliquons ce propos volontairement iconoclaste (1).
Lorsque les détenteurs d’intérêts économiques ou financiers des Etats-Unis d’Amérique ou d’Etats dirigés par des politiciens acquis aux causes et à la suzeraineté des USA (« appelés communément les « Occidentaux »), ont décidé qu’un dirigeant étranger (rebelle à la satisfaction des intérêts en question) sera éliminé, on procède ainsi.
Les services secrets des Etats « occidentaux » prennent attache avec des sectes (salafistes et autres wahhabites par les temps qui courent), les financent, les arment, les conseillent (directement ou par l’intermédiaire d’Etats non occidentaux qui ont un intérêt commun à l’élimination du dirigeant en cause). Pour que ces dernières attaquent l’armée régulière de l’Etat dont il faut éliminer le dirigeant indocile. Ces groupes recrutent alors des miliciens qu’ils font venir d’un peu partout, notamment de France. Pays dont les cités de banlieue abandonnées à tout, et surtout à rien, constituent des viviers rêvés de recrutement potentiel.
A Washington, Londres ou Paris, les dirigeants politiques occidentaux « vendent » les opérations à leurs opinions publiques de la manière suivante : il faut éliminer le dirigeant rebelle parce que c’est un « sale type » qui, s’il n’a pas fait quelque chose d’horrible qu’on lui impute quand même, pourrait l’avoir fait ( … ce qui revient au même, ajoute-t-on). Et ceux qui essaient de le faire passer de vie à trépas, en étant lourdement équipés pour mener à ces fins de véritables opérations militaires, sont de braves opposants qui font du « bon boulot ».
Enfin quand les braves opposants ont mis le pays en cendres, les dirigeants occidentaux envoient leurs aviation ou leurs hommes de l’ombre, pour donner l’estocade. Surtout quand le dirigeant visé reprend du poil de la bête. Par exemple quand, par le fait de l’intervention militaires d’Etats … non occidentaux, les gentils opposants piétinent ou perdent du terrain. (3). Et puis, le résultat obtenu, les « Occidentaux » travaillent (parfois avec difficultés, mais le principal est acquis) à mettre en place des dirigeants qui auront l’heur de leur plaire et qui seront ipso facto des dirigeants « démocratiques ».
Que l’on redoute que les citoyens français qui ont contribué au « bon boulot » sur place (en Syrie), aient envie de faire du sale boulot (en réalité la même chose : tuer du mécréant) une fois revenus en France est une préoccupation réaliste. Qui peut légitimement déclencher la mise en œuvre de diverses mesures, … si possible dans le respect des principes et de la loi.
Mais qu’on reproche audits citoyens leurs combats en Syrie paraît s’inscrire dans le cadre d’une analyse incomplète.
Ces citoyens ont été appelés au combat et ont été recrutés par des organisations que les Occidentaux ont financées, armées, conseillées, pour éliminer un chef d’Etat. Ils ont commis des actes de guerre sur le terrain, tandis que les soldats des armées régulières occidentales menaient en parallèle de semblables actions, par exemple à partir de leurs avions.
Bref, ils ont agi, comme les soldats desdites armées régulières, en symbiose avec eux, pour les buts assignés par les dirigeants Occidentaux.
Leurs activités sur le terrain se sont effectuées au sein d’organisations dont le comportement a même été qualifié par tel ministre en exercice de « bon boulot ».
Ce qui fait que ces personnes sont dans une situation paradoxale :
Ils ont fait ce que les dirigeants occidentaux voulaient. Alors que les dirigeants occidentaux ne sont pas poursuivis pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste criminelle ».
Mais ils sont poursuivis, eux, sur la base de ces incriminations, alors que sous un certain rapport, ils ont été des collaborateurs, particulièrement zélés et efficaces qui plus est, du service public de la défense nationale.
Pour les condamner les juges sont obligés de rechercher si ces individus avaient l’intention de commettre les actions violentes qu’ils ont commises.
Tandis que si les juges avaient à juger les politiques pour ces mêmes faits, ou à tout le moins sur le chef de la complicité, ils n’auraient pas cette peine. Puisque tous les hommes politiques occidentaux ont annoncé clairement et publiquement leurs intentions guerrières et ont exhorté à éliminer tel individu.
C’est ce qu’on appelle le « paradoxe du Djihadiste ».
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
(1) Le paradoxe est le moyen le plus tranchant et le plus efficace de transmettre la vérités aux endormis et aux distraits ». (De Miguel de Unamuno
(2) voir cette question dans tous les manuels de droit administratifs.
(3) Les lecteurs qui auraient du mal à comprendre, peuvent se reporter aux différentes phases de l’affaire syrienne encore en cours. Et aux dernières déclarations des officiels français. Elles peuvent aussi se reporter aux opérations d’élimination des présidents Kadhafi, S. Hussein pour les plus récentes et les plus connues.