mardi 4 avril 2006 - par Thibaud de Senneville

Vers un capitalisme à visage humain

Les penseurs ou personnalités politiques de droite et maintenant de gauche ont systématiquement cherché à occulter le problème de la pauvreté dans leurs modèles économiques en affichant, au coup par coup, une certaine compassion, pour des besoins électoraux (1). La caractéristique de la politique économique en France et en Europe est la même : considérer les classes financièrement dominantes comme le moteur de la croissance. L’investissement des riches tirerait ainsi la masse des classes moyennes vers le haut en leur garantissant une offre toujours plus importante. Mais quel en est le but réel ? Tirer la France vers le haut de manière à ce que notre pays et ses industries rayonnent dans le monde ? Ou bien faire en sorte que nos concitoyens, l’immense majorité d’entre eux, voient finalement leur pouvoir d’achat augmenter ? Ce sont deux choses aujourd’hui bien différentes.

Nos dirigeants politiques, quels qu’ils soient, ont une confiance aveugle dans le libéralisme économique, parce que l’histoire aurait fait ses preuves. L’histoire des politiques économiques aurait prouvé le bien-fondé du développement de la France, de ses industries, de ses entreprises petites ou moyennes par le biais d’un capitalisme libéral sans limite et d’une ouverture des marchés forcés aux pays émergents ou pauvres. Sans doute cela a-t-il pu paraître crédible jusque dans les années quatre-vingt-dix. Mais la chute du mur de Berlin, l’effondrement de l’URSS et la fin de l’équilibre de la terreur ont changé la donne.

Désindustrialisation et pillage des ressources

Lors de la Guerre froide, et encore moins avant, peu de pays pouvaient faire réellement acte de volonté concernant une véritable indépendance sur le plan de leurs actions politiques et économiques. La fin du bloc communiste a réveillé chez beaucoup le sentiment que les Etats-Unis et leurs alliés ne pourraient pas maintenir seuls « l’ordre mondial » et la défense de leurs « intérêts stratégiques ». Il devient donc désormais possible pour beaucoup de pays de se libérer des influences néfastes des industries occidentales, venant profiter des ressources naturelles sans en redistribuer réellement les dividendes aux populations locales. Acquérir une indépendance politique basée sur la démocratie leur paraît enfin réalisable. Des mouvements entiers de résistance se créent dans toutes les zones du monde, au premier du rang desquelles se trouve actuellement l’Amérique du sud. L’exemple de la Bolivie est frappant. Ce pays, qui dispose de ressources considérables en gaz naturel, pourrait profiter de cette manne pour développer son économie par le biais d’une nationalisation de cette industrie, ou tout du moins par un meilleur ratio en faveur de l’Etat bolivien concernant la redistribution de cette richesse. Au lieu de cela, la Bolivie est le pays le plus pauvre du continent. Evo Morales, le nouveau président démocratiquement élu, suivra-t-il, comme le laissent penser ses discours, l’exemple d’un Hugo Chavez au Venezuela ? Probablement. Si les provinces de la plaine forestière d’où sont extraites ces richesses ne font pas sécession.

Une partie de l’argent récolté par les multinationales qui exploitaient ces ressources gazières va donc changer de mains, affaiblissant les chiffres d’affaires des entreprises occidentales pour profiter aux populations des pays pauvres. C’est naturellement le sens de l’histoire.

Il n’y a aujourd’hui qu’une solution envisagée par les pays occidentaux pour contourner le problème, lorsque des gouvernements ne souhaitent pas appliquer une politique libérale qui siée à leurs intérêts : la guerre, les coups d’Etat ou le chantage. Il s’agit de s’accaparer les richesses d’autrui et de faire tourner une industrie de l’armement qui assure une partie importante du PIB. Mais les conséquences ravageuses de conflits comme celui d’Irak auront autant d’impact que la défaite des armées russes en 1904 contre les armées nippones annonçant la décolonisation. La résistance à l’impérialisme économique que représente la mondialisation libérale va aller en croissant. Plus l’agression s’intensifiera, plus la résistance gagnera en vigueur. C’est inéluctable. Confondre interventions militaires extérieures avec aventure coloniale, médiatiser l’ingérence en la faisant passer pour de l’humanitaire, ne pourra jamais convaincre longtemps... « Je sais que la mondialisation est un concept déjà dépassé, que les grandes luttes qu’elles a suscitées contre elle ne sont que les prémices de sa remise en cause », a écrit un ancien député du Parti socialiste français (2). Le continent sud-américain, le Moyen-Orient et l’Afrique sub-saharienne se réveillent déjà.

L’accroissement démographique mondial va créer dans le système libéral actuel toujours plus d’inégalités : les riches se situant à 10% de la population (mais accaparant la majorité des richesses créées), les classes moyennes entre 20 et 50% et le reste sous le seuil de pauvreté. Les pays émergents et pauvres basculeront forcément, grâce notamment au niveau de plus en plus élevé de conscience politique qu’acquièrent les populations les plus pauvres, vers une politique plus juste et plus égalitaire vis-à-vis de leurs populations. La pression du peuple ne tarira pas, et les guerres et les coups d’Etat échoueront de plus en plus.

Mais si les conséquences de cette approche libérale sont destructrices dans les pays pauvres ou émergents, elles le sont aussi ici en France et dans les pays occidentaux. Nos entreprises ont une activité qui sort aujourd’hui de plus en plus de l’industrie traditionnelle que constituent entre autres la métallurgie, les machines-outils ou encore l’habillement. Les secteurs qui ont forgé le développement de notre pays dans le passé sont maintenant en grande partie aux mains des industries chinoises, indiennes ou d’autres pays émergents. Ces pays disposent en effet d’un savoir-faire désormais suffisant, et surtout de conditions nettement plus favorables pour les entreprises en termes de coût du travail ou de fiscalité. Le modèle libéral s’appuie sur la conquête sans cesse renouvelée de nouveaux marchés. Or, si l’on se demande pourquoi les entreprises du CAC 40 se sont rarement aussi bien portées que durant l’année 2005, c’est précisément parce que ce sont des compagnies (contrairement à nos PME) qui tirent l’essentiel de leur chiffre d’affaires sur des marchés à l’étranger. Et cela va de pair, ces dividendes ne seront que trop peu réinjectés sous forme d’investissements humains ou technologiques en France. C’est malgré tout ainsi que l’on entretient le mirage de la bonne santé de notre économie.

Quelles seront donc les conséquences pour l’industrie des pays occidentaux, et en particulier de la France ? Dans la logique actuelle, c’est à un affaiblissement économique et social que l’on va assister, à un lent déclin, tandis que les pays émergents, qui ont choisi la logique libérale, vont continuer à voir leurs inégalités sociales s’accroître et le fossé entre riches et pauvres devenir toujours plus béant. Nous devrions arrêter de considérer le monde comme une vaste zone de compétition où tous les coups seraient permis pour s’assurer un marché, un secteur ou un pays (acheter ou se faire racheter...). Mais peut-être essayer d’acquérir un état d’esprit qui permettrait de se respecter un peu plus les uns les autres.

Une politique du bas vers le haut

On reconnaît un pays développé, ayant un fort pouvoir d’achat et un niveau d’inégalités faible, principalement à l’importance de sa classe moyenne, au développement de ses infrastructures calquées sur l’innovation technologique, et à un service public fort et bien organisé, garantissant une sécurité aux plus démunis et une prestation de qualité à l’ensemble de la population, de manière égalitaire, non discriminatoire.

Il faut donc tenter de tirer les plus démunis vers les classes moyennes et favoriser l’accession de ces dernières au pouvoir d’achat le plus élevé possible. Autrement dit, une politique du bas vers le haut. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause les fondements du capitalisme et des mécanismes de base du marché. Le capitalisme crée des richesses, et c’est précisément ce que tout le monde veut. Il s’agit simplement de trouver une voie dans laquelle l’ensemble de ces richesses puisse être mieux réparti, plus équitablement. Les solutions sont connues, mais trop largement ignorées, voire totalement occultées. Avant toute chose, il faut revenir vers un capitalisme qui abandonne la logique libérale. Un capitalisme à visage humain. Une économie qui reviendrait vers les fondamentaux : le travail et sa rémunération. On ne devrait plus juger une grande entreprise en bonne santé en fonction de la hausse du cours de son action, mais bien plus sûrement par le niveau élevé de son carnet de commandes, sur la qualité de sa production, sur son taux de recrutement et sur une mise en œuvre d’une politique de participation généralisée à l’ensemble de ses salariés. Il n’est pas normal que l’on puisse, par le biais d’une opération en Bourse par exemple, créer plus de richesses que des mois, voire des années de travail, sans créer de biens physiques (produits ou services) et surtout sans en partager plus fortement les profits. Il n’est pas normal qu’un agent de maîtrise, rémunéré 2600 euros -brut- par mois, paye environ 25% de son brut en cotisations salariales, alors qu’un cadre supérieur, payé 46 000 euros -brut- n’en paye que...13%, quasiment moitié moins ! Le produit du capital n’est donc pas assez taxé, alors que le produit du travail l’est trop pour ceux qui en ont le plus besoin. Inverser, raisonnablement mais fermement, cette tendance permettrait de créer des leviers formidables.

Sur le plan de la politique budgétaire aussi, les récentes réformes en Europe ou aux Etats-Unis vont dans le même sens. Les politiques libérales consistent de plus en plus à ne laisser à l’Etat que ses fonctions régaliennes (armée, police et justice) et à confier le reste de ses missions de service public à des actionnaires privés. Si la qualité du service public peut être assurée correctement par des acteurs privés dans le domaine du téléphone ou de l’eau par exemple, elle sera forcément rendue inégalitaire par la privatisation d’autres secteurs clés de la sphère publique, comme la santé ou la recherche (en y incluant les laboratoires pharmaceutiques). La construction de grands projets d’infrastructures, dans le domaine des transports par exemple, peut contribuer à améliorer grandement le développement des échanges et la qualité du service public sur le long terme, mais est souvent considéré comme non rentable à court ou à moyen terme par des acteurs privés ; d’où l’absence de réalisation (à moins, malheureusement, d’y faire fortement contribuer l’usager). De fait, la notion de service public est réellement inconciliable avec le capitalisme boursier. L’Etat, dans ces domaines, doit reprendre la main.

Ensuite, sur le plan international, il faut recadrer l’activité du FMI et de la Banque mondiale afin qu’ils puissent avoir une mission réellement en phase avec leurs statuts initiaux. En clair, il faut abandonner les diktats que représentent les politiques d’ajustement structurel, financer des projets de développement plus en phase avec les besoins des populations locales, et surtout revoir les mécanismes honteux du remboursement de la dette. Il faut dissoudre l’OMC, ou revoir totalement ses objectifs, revenir à plus de protectionnisme tout en développant une multitude de coopérations bilatérales permettant à tous les pays de s’enrichir en fonction de leurs richesses naturelles, de leurs produits, de leurs services, de leurs spécialités. Il faut donc construire une coopération forte entre Etats-nations souverains dans un esprit de respect mutuel. Rappelons, au passage, que le concept d’Etat-nation n’est pas dérivé de la droite nationaliste, comme on le dit trop souvent, mais représente dans cette logique un concept réellement humaniste. C’est finalement davantage le libéralisme et l’esprit de compétition à outrance qu’un protectionnisme consensuel qui créent aujourd’hui des replis et des agressions. Ainsi, cette voie, qui permettrait à la France de briller dans le monde bien plus sûrement qu’aujourd’hui et d’aider les pays pauvres à se développer souverainement, devrait permettre aussi, par voie de conséquence, de réduire considérablement les flux migratoires du sud vers le nord...

Cette politique reviendrait, nous dit-on, à la ruine de nos économies. Mais pourquoi nos entreprises, nos emplois, ici, en France, en seraient-ils menacés ? Si nous maintenons de hautes prestations d’éducation, de santé, de recherche et de transport, notre activité économique ne s’essoufflera pas, bien au contraire. Si nous assurons un système fiscal efficace et juste, l’Etat aura les moyens de les financer ou d’y participer. Si nous réussissons dans le même temps à convaincre les classes dirigeantes et populaires d’un grand nombre de pays développés (notamment de l’Union européenne) d’aller dans le même sens, on évitera alors une fuite des capitaux vers des pays pratiquant un fort dumping fiscal et social, les délocalisations n’étant en fait une fatalité que dans une logique libérale du marché...

Si toutes ces conditions sont réunies, alors les pays pauvres pourront enfin avoir une possibilité de sortir de l’ornière, et nous garantirons un meilleur avenir pour nos enfants, ici, en France. Il faudra donc du temps, mais le mouvement est en marche, les mentalités vont évoluer. Personne ne pourra bientôt plus l’ignorer.

Thibaud de Senneville

(1) Lire John Kenneth Galbraith, « L’art d’ignorer les pauvres », Le Monde Diplomatique, octobre 2005

(2) André Bellon, Pourquoi je ne suis pas altermondialiste, éloge de l’antimondialisation, Editions Mille et Une Nuit, Octobre 2004



23 réactions


  • monteno (---.---.179.94) 4 avril 2006 11:16

    Quelle est votre définition de la pauvreté ?

    Est-ce un revenu par an en $ ?

    Est-ce la moitié du revenu médian ?

    Ou bien est-ce un concept uniquement qualitatif ou moral ?


  • aimé (---.---.218.87) 4 avril 2006 12:13

    Vous posez selon moi les vrais problèmes et vous proposez quelques hypotèses de réponse plutôt intéressantes, mais qui en France pour l’instant à l’intention de faire quelque chose se raprochant de ca ? Je ne vois malheureusement personne, nos politiques sont majoritairement encore pris dans des vieux idéaux et vieilles guégères ridicules.


  • Alain (---.---.175.74) 4 avril 2006 12:44

    Le communisme et avec lui la terreur qu’il engendra s’est effondrée parce que les règles du jeu comptable n’ont pas été changées : tant que la comptabilité continuera à ignorer la richesse générée par une partie des flux de trésorerie associés à la dette alors tout ce que les uns ou les autres raconteront, ce ne sera que du blabla pour amuser les foules.

    Même Mme Marie-Georges BUFFET lors du « Ripostes » de ce dimanche dernier 2 avril -06, commence à en parler en évoquant - par une timide remise en cause - les méthodes de comptabilisation de la dette !

    Ce qu’il faut c’est réintégrer au Bilan les Engagements Hors Bilan associés à la dette (voir le communiqué de presse n° IP-03-47 du 15 janvier 2003 de la Commission européenne, DG Marché Intérieur : « il s’agit d’un pas important vers un traitement approprié des financements hors bilan ») ; là on parle d’argent pour de vrai. De combien ? C’est toute la question : la dette de la France est de 1100 ou 2000 milliards d’€ ? A l’échelle de la planète, faut-il parler de 50.000 milliards d’€ Hors Bilan ? Plus ? Beaucoup plus ? La réponse n’a pas d’importance car tant que la France maintiendra seule contre le reste du monde son sempiternel Coût historique, que tous savent faux et incapable de donner l’image légale fidèle obligatoire, alors cela aussi, c’est du blabla.

    Pourquoi la France bloque-t-elle la modernisation de l’économie mondiale ? Parce qu’elle occupe la présidence du Club de Paris qui contrôle la dette publique mondiale et qu’il ne faut rien faire qui puisse fonder une contestation juridique de la dette ... C’est la même chose que l’affaire dite du Tableau d’amortissement (arrêts de la 1ière chambre civile de la Cour de cassation des 16 mars & 20 juillet -94 ; modification par l’article 87-II de la loi n° 96-314 du 12 avril -96 de l’article L.312-8 alinéa 2 Code de consommation & amnistie des banques) au détail près que le Code de consommation exige le « Coût Total » et non pas le « Coût Historique » à l’article L.312-8 alinéa 3 : hélas ce n’est pas une farce mais c’est tout à fait sérieux. Tout ce cirque pour rien puisque le risque juridique n’était pas à l’alinéa 2 mais 3 ...

    Légalement : la 4ième directive s’impose ; l’article 27 de la Lolf s’impose depuis le 1er janvier. Les comptes doivent être FIDELES. Or en France le concept de fidélité est un Objectif : c’est-à-dire qu’il s’agit d’un but vers lequel chacun devrait s’efforcer de tendre SANS obligation de résultat. Mais en DROIT, le concept de Fidelité est un PRINCIPE : c’est contraignant et les sanctions tombent pour celui qui tente de s’y soustraire.

    Qui exigera l’application du DROIT existant en France ? Le problème est que le dispositif fut mis en place en 1789 : son but était de faire passer un coup d’Etat qui a consisté à remplacer l’aristocratie terrienne par une autre, l’aristocratie financière qui a décrété qu’à compter de ce jour, l’Intérêt Général était confondu avec son propre intérêt de classe dominante ; affaire à suivre car la partie est loin d’être terminée.

    C’est en France le 3 oct. 1789 que tout s’est joué : Seul Rocque de Saint-Pons, ce jour là comprit que les agriculteurs seraient ruinés. C’est pourquoi il s’exlamera :« en adpotant l’amendement de M. le marquis de Bonnay, vous ruinez l’agriculture ».

    Mais, malgré cette protestation que personne n’a jamais remarqué, la technique fonctionna si bien que plus tard on l’utilsa encore ... dans un contexte un peu différent : ce fut le nuage de Tchernobyl qui - c’est bien connu - s’est arrêté à la frontière française.

    Saint-Pons ce 3 octobre 1789 avait compris que le système mis en place pour ruiner l’aristocratie terrienne ne s’en tiendrait pas là, qu’il y aurait certainement des dégâts colatéraux : les agriculteurs ; aujourd’hui, ce sont les étudiants futurs chômeurs & précaires. Décidément, l’affaire est loin d’être bouclée.

    Salutations Alain Fontaine Auteur censuré - théorie PDMG http://perso.wanadoo.fr/pdmg


  • jcm (---.---.248.121) 4 avril 2006 13:20

    @ Thibaud de Senneville >

    « ...ces dividendes ne seront que trop peu réinjectés sous forme d’investissements humains ou technologiques en France. »

    On pourrait aussi avancer qu’une part de ces dividendes ne serviront qu’à des jeux financiers destinés à survaloriser les actions de ces entreprises, ne générant aucun des retours traditionnels du capital vers de réels investissements, ce que certains ont appelé « capitalisme sans objet » depuis quelques temps.

    « Quelles seront donc les conséquences pour l’industrie des pays occidentaux, et en particulier de la France ? Dans la logique actuelle, c’est à un affaiblissement économique et social que l’on va assister, à un lent déclin, tandis que les pays émergents, qui ont choisi la logique libérale, vont continuer à voir leurs inégalités sociales s’accroître et le fossé entre riches et pauvres devenir toujours plus béant. »

    « Un capitalisme à visage humain. Une économie qui reviendrait vers les fondamentaux : le travail et sa rémunération. »

    Cela est étroitement lié à une cause structurelle qui est la définition de l’entreprise comme une structure d’abord et avant tout orientée vers l’augmentation de son propre profit, au détriment de toute autre considération.

    Et c’est bien ce que nous voyons à l’oeuvre autour du monde, des entreprises qui s’enrichissent considérablement et parfois au détriment de leur « capital humain » si cela permet d’accroître le profit.

    Ce n’est donc pas en régulant de quelque façon que ce soit les entreprises que l’on obtiendra les résultats les plus probants mais en faisant en sorte que soit progressivement abandonné ce type de structure à la faveur d’autres structures qui permettent à la fois la production de richesses telle que peuvent la pratiquer des entreprises mais dans un cadre tel que cette structure ne permette en rien la captation / concentration de richesses que l’on constate de la part des entreprises.

    On a parlé « d’entreprises citoyennes » : l’entreprise ne peut pas (plus ?) être citoyenne !

    C’est ce que j’expose de façon plus détaillée dans Entreprises, anti-démocratie, facteur d’instabilité : au niveau interne, au niveau local comme au niveau mondial l’entreprise est en fait le lieu même de l’anti démocratie de de la non citoyenneté.

    Une forme de dictature très organisée, relayée par ses groupements professionnels, « lobbies », dont on a vu comme pour ce qui concerne l’amiante qu’elles peuvent dicter aux instances dirigeantes ce qui leur sera profitable, au péril du public.

    Dérives ?

    Si ce sont des dérives on doit constater qu’elles sont plus que courantes, et il suffira de se pencher sur l’histoire récente des campagnes de prévention contre l’obésité pour se remémorer l’influence écrasante que peuvent avoir les lobbies sucriers sur la teneur de ces campagnes... et par conséquent sur leur impact potentiel.

    Un capitalisme à visage humain serait possible, mais à condition de changer certaines des structures sur lesquelles repose le capitalisme.


  • Jco4667 (---.---.60.183) 4 avril 2006 13:33

    Il n’y a rien a dire. Simple, clair, humaniste, optimiste et constructif. Un bon sens qui s’adresse aux homme et femmes de bonne volonté (on disait honnêtes hommes autrefois) mais un peu trop évident pour être partagé par les acteurs politiques et les décisionnaires économiques de notre république bananière/démocratie de carnaval.


  • argoul (---.---.18.97) 4 avril 2006 17:08

    Votre article est humaniste et, à ce titre, louable, je vous en félicite. Néanmoins, il fait part de plus de « bonnes intentions » que de propositions concrètes nouvelles et c’est dommage. Comme vous, je n’ai aucune réponse tout armée aux questions que pose notre monde, mais je crois qu’il faut commencer par se fonder sur des bases saines, sans approximations.

    Vous semblez redécouvrir la guerre de prédation économique, comme si elle avait un jour été créée par George W. Busch ; c’est un peu naïf. La guerre de l’opium, la course du thé, le monopole des épices, la rivalité franco-anglaise sur les mers, la colonisation, sont des comportements d’appropriation des ressources par les plus forts, ile ne datent pas « d’aujourd’hui ».

    Vous redécouvrez alors l’Etat qui, dans les pays du tiers-monde, commence à résister à l’Amérique. Magnifique ! Mais là non plus rien de nouveau, c’est bel et bien le manque d’Etat qui ne permet pas à l’économie de fonctionner, donc fait fuir les capitaux des riches et appauvrit les pauvres, laminantla classe moyenne, seule à même de livrer un minimum d’impôts dans tous les Etats du monde.

    Vous confondez en outre (en tout cas, vous n’en faites guère la distinction) capitalisme et libéralisme en disant que le capitalisme crée des richesses mais que le libéralisme les accapare (je résume). Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire par « libéralisme » et cela me gêne étant donné que ce mot magique fait fantasmer quiconque en France et permet de mettre à peu près n’importe quoi sous son sigle. Définissons : le capitalisme est un outil, le libéralisme (économique) une idéologie qui déclare « economy first ». « Humaniser le capitalisme », comme vous dites, n’a dès lors aucun sens : voudriez-vous humaniser la faucille ou le tournevis ? Le capitalisme n’est pas humain, il est outil - efficace - créé et affiné pour cet usage (c’est pour ça que, comme un bon outil, il fonctionne bien). En revanche, c’est à la politique de « faire servir » l’outil capitalisme : et c’est là que commencent les problèmes, nos politiciens se défilent à qui mieux mieux. De la gauche à la droite normale (je ne sais pas si la droite extrême a un quelconque programme économique en dehors du Parti et de l’Etat, comme sous le fascisme ; quant à la gauche extrême, elle reste elle aussi adepte de la dictature et du rationnement, et se cantonne au « yaka » après l’échec cuisant de l’URSS et de Cuba, et du virage « capitaliste » de la Chine rouge). Donc les partis de gouvernement se défilent sous le prétexte d’un « modèle » social exceptionnel et français qu’il faudrait « conserver » ; comme ça tout le monde est content, on ne touche à rien et on laisse faire... Laisser-faire, ça vous dit quelque chose ? Eh oui, c’est le libéralisme économique le plus pur, dans son idéologie extrême ! Ne toucher à rien c’est le meilleur moyen de se laisser « naturellement » imposer n’importe quoi.

    Dès lors, votre proposition de « tirer les plus démunis vers les classes moyennes » apparaît comme louable mais bien utopique : en pratique, comment fait-on ? La droite dit « formez-vous », « diplomez-vous » et « vendez-vous » ; la gauche dit « taxation, redistribution et fonctionnarisation » (cette dernière formule étant, semble-t-il le seul moyen à gauche de « créer des emplois »). Bel et bon mais (et nous en revenons aux Etats), on ne peut taxer que ce qui est taxable (et ne s’évade pas dans les paradis fiscaux ou en résidant en pays plus accueillant, ou en faisant la grève de la production et de l’embauche par malthusianisme d’entreprise - comme aujourd’hui les PME en France, agacées que les règles changent tout le temps par interventionnite aiguë). Lorsque la taxation devient « déraisonnable », les capitaux fuient. Cette température « déraisonnable » est psychologique plus qu’absolue, elle dépend surtout du rapport coût de l’Etat/avantages qu’il fournit à tous, en Scandinavie on accepte plus d’impôt, en France on n’en accepte aujourd’hui moins qu’hier parce que le sentiment général est que le service public se dégrade nettement (école, justice, armée, ANPE, contrôles sanitaires après tchernobyl aux frontières, amiante, sang contaminé, vache folle, canicule, chikungunya...) Donc, pas d’autre solution que la croissance pour créer des emplois et faire de la redistribution d’Etat, Jospin a y réussi (3 fois plus d’emplois créés par la croissance que par les contrats publics aidés) ; Chirac a échoué. Et demain ? « Yaka » ?

    Sur l’international, comme nous n’avons pas de pétrole et peu de matières premières, nous devons en acheter. Dès lors, c’est bien la compétition mondiale qui permet de se placer comme partenaire ayant à offrir des produits que les autres n’ont pas ou pas aussi bien : l’Arabie vend du pétrole et achète des Airbus - par exemple. Le protectionnisme a toujours été la prémice de catastrophes majeures qui se terminent... par des guerres de prédation : le protectionnisme des années 30 après le krach de 1929, a conduit à la 2GM ; le protectionnisme « colonial » des « puissances » qui voulait empêcher les nouveaux pays, Allemagne, Japon, Italie de se tailler un « espace vital » colonial a conduit à la guerre de 1905 entre Russes et Japonais et la guerre de 14 avec la mainmise anglaise sur le pétrole du moyen-orient. L’économiste Ricardo a décrit ce mouvement de spécialisation de chaque pays, en régime ouvert, vers ce qu’il sait le mieux produire ; nous sommes en train d’y aller, au grand dam des Américains. Et votre proposition d’abandonner les négociations globales de l’OMC au profit des « relations bilatérales » devraient ravir ces mêmes Américains car c’est très exactement ce qu’ils font !

    Oui, l’économie ne flotte pas dans l’éther et sa réussite dépend des sociétés organisées en Etats, vous le dites fort bien. C’est ainsi que le capitalisme s’est toujours développé, en « économies-mondes » (Braudel) qui drainent par leur puissance les marchandises, les savoir-faire, les artistes et les intellectuels (ex. cités italiennes de la Renaissance). Mais contrairement à ce que vous affirmez, la notion de service public est parfaitement conciliable avec le capitalisme (aux USA, la sécurité est bel et bien publique, tout comme la monnaie et les lois du travail), elle est même la base indispensable pour gagner de l’argent en faisant uniquement ce que l’entreprise sait bien faire (produire des avions et externaliser à une autre entreprise les crèches pour les petits du personnel par ex.) L’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle, les taxes parafiscales servent à cela : rémunérer les services publics utilisés par l’entreprise. En Union européenne, la France seule ne peut pas surtaxer sans justifier d’un avantage supplémentaire, sans quoi les entreprises vont s’installer ailleurs - mais ça, c’est de la saine gestion, aux politiciens de « prendre leurs responsabilités » en gérant avec sérieux l’argent des contribuables qui les ont élus ! Rendre compte de leur gestion, pour les agents de l’Etat (commis du peuple), on l’ignore trop souvent, cela figure en toutes lettres dans la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789, repris en préambule dans notre Constitution... Faudrait peut-être commencer par veiller à son application au lieu d’accuser tout de suite « les acteurs privés ». Un Etat juste est toujours respecté, même aux Etats-Unis ! Le nôtre l’est-il ? Est-il contrôlable ? Transparent ? L’argent drainé par l’impôt est-il correctement utilisé ? « L’Etat-nation », dont vous faites grand cas, à juste titre, ne subsiste que par une adhésion de ses citoyens à son action. Commençons donc par là - mais voilà... ça gêne bien les politiciens, tout ça : mieux vaut accuser « le libéralisme » (abstrait et sans visage), comme ça on ne va pas examiner ce qui ne va pas dans nos institutions, dans notre clientélisme, dans nos ghettos, dans nos castes sociales, dans nos grèves symboliques de statutaires protégés...

    « Le mouvement est en marche », dites-vous ? Sur le plan de la déploration et des lamentations de Jérémie, sans aucun doute. Mais concrètement ? Nos politiciens se défilent, nos partis ne font pas l’éducation de leurs militants, les projets politiques se cherchent dans les « petites phrases »... et le laisser-faire règne toujours en maître ! C’est, au fond, ce qui fâche le moins de monde, n’est-ce pas ? « Ce qui arrive », personne n’en est jamais responsable, c’est toujours « le système », « l’histoire », « les autres ».


  • marcel thiriet (---.---.167.208) 4 avril 2006 18:16

    A mon avis, c’est au niveau de l’Europe que nous pouvons envisager les transformations (« révolutions » ?) que vous évoquez à juste titre et de manière généreuse.Malheureusement,la logique économique qui commande actuellement les grands choix européens ne vont pas dans ce sens,depuis que les régles néolibérales anglo-saxonnes ont pris le pas sur le capitalisme « rhénan », régulé et orienté vers des investissements à long terme...Faudra-t-il attendre une prochaine catastrophe financière pourqu’enfin on remette sur des rails un système qui s’autodétruit à moyen terme et qu’on redonne au politique toute la place qui lui revient pour que la notion d’intérêt général reprenne enfin du sens ?...


  • éric (---.---.53.150) 4 avril 2006 18:33

    « On reconnaît un pays développé, ayant un fort pouvoir d’achat et un niveau d’inégalités faible, principalement à l’importance de sa classe moyenne, au développement de ses infrastructures calquées sur l’innovation technologique, et à un service public fort et bien organisé, garantissant une sécurité aux plus démunis et une prestation de qualité à l’ensemble de la population, de manière égalitaire, non discriminatoire »

    Tous ces éléments subissent une destruction de plus en plus rapide. Je vous invite à lire mon blog et mon essai sur la destruction des classes moyennes.


  • Redj (---.---.199.180) 4 avril 2006 19:14

    Joli article, j’ajouterais que les gens qui pensent que le libéralisme peut sauver les pays occidentaux ont complètement tord, car au sens libéral du terme, nous sommes beaucoup trop en retard (USA compris) et donc nous allons nous faire croquer.

    Juste un point cependant, dans les solutions que vous proposez, vous parlez de dissoudre l’OMC ou de changer sa mission...je crois effectivement qu’il faut changer sa mission : L’OMC n’a pour raison d’être que le principe qu’il faut défendre la croissance ce qui est devenu une absurdité au sens global...En effet, la planete ne survivra pas longtemps à la croissance, donc seul la croissance de certains au détriment des autres est possible. Cette logique n’est pas celle de votre texte, et donc la solution est à mon sens de laisser l’OMC agir en tant qu’arbitre du droit du commerce, mais les dispositions qui doivent être défendues ne doivent plus être la libre concurrence, mais la libre concurrence à condition que les droits de l’homme soient respectés et que la conversion de la croissance en droit social soit effective !

    La clef est là car aujoud’hui une entreprise qui délocalise ou sous traite dans un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme est dans son plein droit vis a vis de l’OMC ! Par contre une entreprise qui recoit une subvention d’état est dans l’illégalité la plus totale ! AU MOINS CA DONNE UNE IMAGE DES VALEURS DEFENDUES PAR NOS INSTITUTIONS !


  • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 5 avril 2006 09:01

    Vos critiques de l’hyper-capitalisme financier (appelé à tort « ultra-libéralisme ») qui privilégie le profit privé à court terme aux dépens du développement économique socialement et écologiquement durable et équilibré sont tout à fait justifiées.

    Mais lorsque vous en prenez au libéralisme et à l’économie de marché, vous vous trompez de cible : L’hyper-capitalisme est réellement anti-libéral

    - sur le plan politique : en méconnaissant les droits sociaux qui font partie des droits de l’homme et en instaurant le dictature du capital financier contre les intérêts de la majorité des populations
    - sur le plan économique en neutralisant la concurrence à leur profit pour instaurer des monopoles de fait.

    L’authentique libéralisme est contre tous les despotismes, y compris le despotisme monopoliste du capitalisme sauvage. La liberté n’est libérale que si elle est universelle . L’authentique libéralisme est régulé afin que le marché profite à tous (« économie sociale de marché »).

    Confondre le libéralisme avec « la liberté du renard libre dans le poulailler libre » (Marx), c’est faire croire qu’une économie d’état de production et de distribution autoritaire serait la solution la plus juste, or nous savons d’expérience qu’un tel modèle, en effet anti-libéral (mais d’une autre manière que l’ultra-capitalisme monopoliste) et qui instaure un capitalisme monopoliste d’état sans marché libre est une catastrophe économique (gaspillage, pillage et détournement des ressources par une minorité disposant d’un pouvoir politique fusionné avec le pouvoir économique, incapacité à ajuster l’offre et la demande et à répondre aux désirs multiples et variables des consommateurs etc..) qui génère le totalitarisme politique pour contraindre la population à accepter l’économie planifiée et à se soumettre au pouvoir sans limite de ceux qui cumulent le pouvoir politique et le pouvoir économique. La critique de Hayek contre le capitalisme planifié d’état est à ce jour entièrement vérifiée par l’expérience historique mondiale.

    Il n’ y a donc pas d’ alternative démocratique anti-libérale au despotisme capitaliste ; il n’y a qu’une alternative sociale-libérale ou sociale-démocrate, précisément libérale en cela que la liberté du marché est régulée au profit du plus grand nombre ; les dirigeants de la gauche, partout dans le Monde sauf en France, l’ont compris.

    Cette alternative sociale-libérale est impossible dans la France seule, elle exige pour le poins une régulation mondiale (ne serait-ce que pour traiter les questions écologiques et du marché devenu irréversiblement mondial) et cette régulation exige la poursuite d’une plus grande intégration européenne selon un modèle social-libéral à construire.

    Les origines philosophiques de la pensée libérale

    Le rasoir philosophique


    • Elias (---.---.231.46) 5 avril 2006 16:08

      M. Reboul,

      Je suis heureux que vous rappeliez la critique de Hayek, dont l’oeuvre est effectivement libérale, et n’a rien à voir avec l’espèce de mélange féodalo-capitaliste qui nous est servi actuellement pour tenter d’imposer aux démocraties des mesures rétrogrades.

      Je rappelerais qu’il écrivait la chose suivante : « Personne ne saurait être un grand économiste en étant seulement économiste et je suis même tenté d’ajouter qu’un économiste qui n’est qu’économiste peut devenir une gêne, si ce n’est un danger ».

      Voila quelquechose que certains devraient méditer.

      Elias


  • musil (---.---.41.204) 5 avril 2006 09:42

    D’accord sur les conclusions générales de Mr Reboul, mais il ne faut pas oublier que la pensée de Hayek a servi de référence à celles de Reagan (qui n’a fait qu’appliquer les directives de l’école hyper-libérale de Chicago-les « Chicago boys »,prônant la réduction de la fonction de l’Etat a des tâches minimales),...à celle de Mme Tatcher,pour qui le mot « société » n’avait pas de sens,les individus ne devant être que des « atomes » de production et de consommation... D’autre part,l’Europe qui se « construit »(?) sous nos yeux est emportée par cette logique initiée à Chicago ,la pensée anglo-saxonne y étant maintenant dominante, visant à déréglementer à tout va ,sans contrôle politique ni projet à long terme. Comment modifier cette trajectoire purement « économiste »et déstructurante socialement pour construire une solidarité qui redonne sens à l’idée d’Europe.La croissance économique en elle-même n’est pas un but en soi et n’est même pas pensable indéfiniment (voir les terribles crises énergétiques qui se préparent,entre autres). Je crains qu’il ne soit déjà trop tard. Faudra-t-il une crise économique majeure pour comprendre qu’il faut redresser la barre ?...


  • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 5 avril 2006 10:20

    « mais il ne faut pas oublier que la pensée de Hayek a servi de référence à celles de Reagan »

    Je dirais plutôt instrumentalisée et détournée de son contexte(lutter contre les idéologies totalitaires et étatistes) et par le passage à la trappe de certaines exigences sociales qu’Hayek avait pointées.

    Du reste il est arrivé la même désavanture à A. Smith

    Conclusion ; il faut relire les penseurs libéraux et lire aussi et surtout Amartya Sen : Un nouveau modèle économique, chez Odile Jacob, le plus grand penseur social-libéral de notre temps (après John Stuart-Mill du XIXème).


    • Thibaud de Senneville (---.---.10.139) 5 avril 2006 11:30

      Je suis d’accord avec vous Mr Reboul lorsque vous dites que nous ne pourrons rien faire seul ici en France sans une coordination européennes et mondiale d’une telle politique. Et je pense que cela peut être possible dans quelques dizaines d’années ou moins si les politiques s’affranchissent du pouvoir dictatorial des banquiers... Par contre, je ne comprends pas bien le sens du mot « social libéral », qui pour moi est contradictoire. Je ne fais pas de différence entre le libéralisme et l’ultralibéralisme ou l’ultra capitalisme au sens de Friedman. Le libéralisme conduit inéluctablement à des inégalités surtout dans des secteurs clé comme la santé, l’éducation, l’accès à l’eau... L’alternative n’est pas, à mon sens, une économie planifié du type soviétique ou l’Etat et ses quelques castes dominantes accaparent la majorité des richesses et des privilèges mais bien plutôt par une définition claire des secteurs les plus stratégiques dans lesquels les inégalités ne doivent pas apparaître et dans lesquels l’Etat doit en être le garant...de manière souple. Mais le sens général de mon texte est quelque peu différent : Il ne s’agit pas ici de brider les forces du marché ! Il s’agit simplement de démontrer que les gouvernements choisissent de favoriser les classes dominantes sur le plan des charges sociales ou fiscales car ils considèrent que ce sont eux qui tirent la croissance vers le haut. Là est l’erreur. Qui crée de l’emploi ? Les milliers de PME ou artisans. Les aider en abaissant leurs charges sociales ou fiscales (et dans le même temps augmenter légèrement celles des grandes entreprises pour respecter les équilibres des comptes sociaux) profiterait bien plus à l’économie que de créer de nouveaux types de contrats par exemple...


  • Z (---.---.107.66) 5 avril 2006 11:59

    Merci pour votre article, Thibaud, dont les motivations sont fort louables.

    Maintenant, comme l’ont fait remarquer quelques commentateurs précédents, comment intégrer dans ce discours la notion de décroissance, qui rend caduque une des bases de votre raisonnement : « Le capitalisme crée des richesses, et c’est précisément ce que tout le monde veut. »

    Il semble en effet évident que la raréfaction des ressources va entraîner une lutte encore plus acharnée pour l’accaparement de celles-ci, et des inégalités encore plus grandes entre les riches et les pauvres dans les quelques décennies qui viennent. D’où l’intérêt de développer une culture de la répartition des richesses et de coopération plutôt que de compétition, à la fois à l’échelle inter- et intranationale, pour préserver un semblant de paix...

    Vous dites notamment « Il faut donc tenter de tirer les plus démunis vers les classes moyennes et favoriser l’accession de ces dernières au pouvoir d’achat le plus élevé possible. » Est-ce à dire qu’il faut encourager une augmentation de la consommation (quelle qu’elle soit) ? N’est-il pas un peu criminel de continuer à encourager la croissance alors qu’il semble logique qu’une décroissance (économique) va s’imposer d’ici moins de 50 ans (peut-être beaucoup moins, personne ne connaît la date exacte, mais 50 ans me semble être le grand maximum) en raison de la raréfaction des ressources énergétiques (principalement le pétrole) ? Ne faudrait-il pas plutôt, finalement, une politique du haut vers le bas ? C’est complètement contraire aux aspirations de chaque individu, pourtant cela doit devenir une aspiration collective.

    La véritable question qui devrait occuper les débats ne devrait-elle pas être : « Comment se préparer à vivre cette décroissance tout en conservant un modèle social équilibré » plutôt que « Comment relancer la croissance afin de créer de la richesse pour ensuite la répartir » ? Cela passe par une réorganisation de la société, des prises de conscience individuelles, une remise en cause de ses objectifs de vie, etc...

    Je continue de m’interroger sur les raisons pour lesquelles cette problématique n’apparaît - quasiment - jamais dans les discours de chacun sur l’économie, la politique, etc... Car pourtant j’ai l’impression qu’elle rend tous ces discours particulièrement irréalistes et de fait erronés. Peut-être pouvez-vous me renseigner sur votre cas. Est-ce parce que vous estimez que cette notion de « fin du pétrole pas cher » est un mythe, ou bien qu’elle n’aura pas lieu avant un siècle ou deux ? Pourquoi cette question est-elle toujours superbement ignorée ? Je pense personnellement que c’est parce que les gens n’y croient pas. Pourtant les faits sont là. Nier la réalité n’a jamais réussi à changer la réalité.

    Je vous serai très reconnaissant de bien vouloir discuter sur ce point.


    • Thibaud de Senneville (---.---.10.139) 5 avril 2006 12:35

      Merci pour votre réaction Mr Z. Votre réflexion est à mon sens fort intéressante. La raréfaction des ressources fossiles est naturellement inéluctable et se rapproche rapidement avec l’augmentation de la population mondiale. Mais les sources d’énergies alternatives et renouvelables existent déjà. Le processus de fusion thermonucléaire prendra le relais du nucléaire et des centrales thermiques d’ici 50 ans. Personnellement, je fais confiance à nos scientifiques pour nous développer des solutions propres à l’avenir. Quand au moteur à eau ou à air comprimé, sans parler des combustibles propres que sont les biocarburants, ils existent aussi depuis bien longtemps. Mais Les appliquer rapidement aurait pour conséquence directe de ruiner les compagnies pétrolières, gazières, parapétrolières ainsi que l’économie d’un grand nombre de pays exportateurs qui ne vivent quasiment que de ces ressources. Ils en ont conscience. La transition doit donc être longue et adaptée. Je ne pense donc pas que nous manquerons un jour d’énergie pour suffire à notre développement. Par contre, les grandes batailles passées ou actuelles de prédation au Moyen Orient ou en Asie centrale sont bien plus faites pour empêcher certains (Chine...) de se développer en leur privant de l’énorme quantité d’énergie dont ils ont besoin rapidement pour accélérer leur développement...


    • Z (---.---.107.66) 5 avril 2006 14:30

      Merci également pour votre réaction !

      Mais cela confirme mes petites craintes.

      Je pense très sincèrement que vous négligez l’ampleur du problème. Vous vous bercez d’illusions.

      Des types d’énergie alternative et renouvelable existent, mais vous confondez 1 et 1000, ce qui est facheux. Aucune source d’énergie renouvelable ne permettra jamais de produire suffisamment d’énergie pour remplacer la consommation actuelle d’énergies fossiles. Lisez ceci : http://www.manicore.com/documentation/renouvelables.html . Vous parlez des biocarburants. Même problème, lisez ceci : http://www.manicore.com/documentation/carb_agri.html . Vous parlez de la fusion. Effectivement, on ne peut pas espérer grand chose de ce côté-là avant 50 ans je crois. A priori, on aura des problèmes bien avant cela.

      Vous dites : « Je ne pense donc pas que nous manquerons un jour d’énergie pour suffire à notre développement. » Prenez seulement conscience qu’il ne s’agit ici que d’une croyance, qui n’est basée sur aucune donnée réelle et qui va complètement à l’encontre de toutes les données dont on dispose actuellement.

      Pourquoi faites-vous confiance aux scientifiques pour nous sortir du pétrin alors que vous ne leur faites pas confiance lorsqu’ils vous disent qu’on ne peut guère en sortir qu’en diminuant la consommation d’énergie ? N’est-ce pas que vous refusez de voir les choses en face ? Croire que, de toute façon, l’homme trouvera toujours une solution à ses problèmes est strictement équivalent à croire en l’existence d’un Dieu bienveillant qui protègerait l’humanité (car c’est faire le postulat qu’aucune véritable catastrophe ne puisse jamais arriver). Pourtant la première croyance me semble beaucoup plus répandue que la seconde. Cela tend à prouver, à mon sens, que la majorité des gens raisonnent de façon fausse (c’est à dire vivent dans un déni de réalité). Il faut y remédier.

      Ayez le courage de ne pas ignorer tout cela !


  • patricemorize (---.---.200.12) 5 avril 2006 22:11

    Décidement ce cite sent de plus en plus les beaux parleurs à l’image du pays et de ses dirigeants ,ça parle pour ne rien dire (ya plus de fric ,ya plus de boulot,les grands patrons on pillé le pays avec la complicité des politiques ,les grands patron sont a bruxelle ville qui leurs permet de ne pas étres impôsés )et pendant ce temps il y à les premiers de la classe qui débattent ,et pendant ce temps le peuple fait savoir qu’il existe ,cette foi c’est le peuple qui va avoir le dernier mot ,trop tard mais il va faire tomber des tétes .Les gens en place ne serons plus qu’un mauvais souvenir ,leurs carrieres sont à jeter .Arrêtons de parler ,agissons .Pour beaucoup les propos de profs bobo tenus sur ce site ne leurs coute pas chére ,les gens dans la merde n’on pas trop la possibilité de s’exprimer du fait qu’ils n’on pas internet et le verbiage prétentieux de ceux qui parlent et ne bougent pas leurs cul .Et merde .


  • Manu (---.---.125.209) 6 avril 2006 13:59

    Sans aller aussi loin que Patrice Morize, je suis d’accord qu’il y a une indécence énorme à parler de préserver les entreprises pétrolières quand des milliers de personnes meurent chaque jour de l’égoïsme de notre société.

    Pourquoi toujours parler de compétition alors que la nature nous démontre presque systématiquement que ce sont les fonctionnements collaboratifs les plus efficaces. Je ne souhaite pas « vaincre » économiquement les autres. La guerre économique reste une guerre, avec son cortège interminable de cadavres et, tout comme la guerre militaire, est payé par le sang des faibles pour la gloire et la richesse des puissants.

    NON, il ne faut pas « négocier », « arranger », « modérer », il faut redéfinir notre objectif, qui ne peut être la croissance perpétuelle, car dans ce cas, quelle sera la méthode utilisée pour faire « croitre » notre planète afin qu’elle puisse subvenir aux besoins.

    Le but à viser, est l’équilibre. Equilibre entre ressources et consommation, équilibre du partage entre les hommes.

    J’ai la désagréable impression de voir des pompiers discuter de la meilleur manière d’éteindre un incendie pendant que les gens brulent à l’intérieur.

    Si rien n’est fait, nous allons droit vers l’explosion de notre société, qui ne profitera à personne si ce n’est aux autres formes de vie terrestre, pour lesquelles l’homme est un animal extremement nuisible.


  • patricemorize (---.---.200.76) 6 avril 2006 20:02

    Merci Monsieur , j’ai pété les plombs , j’ai des enfants et je me fait d’énormes soucis ’j’ai bossé 40 ans et de voir ce spéctacle ,de vivre ce que nous vivons me perturbe ,je ne comprend pas :QUI EST RESPONSABLE :nous ou les mafieux de la politique complices du patonnat voleur ?


  • www.jean-brice.fr (---.---.151.130) 10 avril 2006 21:14

    Il ne faut pas réver, mais pour votre gouverne, allez sur le site RUEFF (Jacques) et vous aurez des réponses...


  • Concerned for France (---.---.84.204) 6 juin 2006 02:33

    Citizens ! Sans Culottes ! Buers ! I will respond in my native language English which will be the first reason for you all to dismiss my comments.

    This thesis show the intellectual decline of the left and our inability to find new solutions. Any sustainable transformation which delivers greater equality will require thinking beyond an analysis suggested by the author which has its origins in French revolutionary thought and practice.

    This thesis does not take into account the increased participation in capital in most liberal democracies and of modern business practices which highlight worker participation. The level of shareholding in Western Liberal democracies has grown considerably as have the middle class. It is true that they still struggle with infrastructure issues but are aware of the pressing needs in this area and tend to enjoy new levels of prosperity and social cohesion. Poverty in the West and the rest of the World remains a pressing question. Its solution is not a new extended protectionism or the return to the supreme Nation state handing out largesse to the grateful masses. A retreat to old doctrine or dogma, however deftly disguised, is not the way forward. Further the naive suggestion of the Nation state concept (which resulted in the recent rejection of the EU constitution) which will see France returned to its former glory and to extend its influence and munificence in the world, is bound to continue the decline in France. There is no doubt that advances in health, science and education are important to long term prosperity but the authors method of addressing these issue is glib and outmoded. By 2015 France faces a 22 Billion shortfall in its health funding, in 2004 it was 11.6 billion. France’s current public debt is 66% of GDP and by 2014 will be 100% of GDP. This cannot be sustained and compromises both Frances economic revival and the likelihood of future investment in these essential areas. This is not the case in the liberal democracies the author refers to. Protectionism seems to be glorified even deified by the author in defiance of historical precedent. It is time for France to embrace the world. Solutions to the pressing social needs of the both France and the poor of the world are not to found in the this article.

    Indeed the irony of the French revolutionary ideals are that they are in effect totalitarian and intolerant of individualism or separate identity whilst espousing a more human face through the worthy ideal of equality. The French Republican/Socialist model, from which the author proceeds, asserts that all French citizens have only one acceptable identity ; a hegemony which is reflected in his ideas. This concept has long expressed itself in France as the insistence on the same cultural identity. To achieve this shared identity, all citizens have to speak the one official language and be educated according to a common curriculum. But they also enjoy equal rights, and have the same duties, in the public arena. All this is not only fostered by the state, but also requires the kind of uniformity that only a centralized state can impose. Three components of this model incited France’s current crisis and make it difficult for the French Republic to address it effectively. Equally it is clear this model infects the authors thinking and those of most of your respondents. It might be wise to examine the underpinning factors at work in French thinking using an outsiders perspective. The first component is the classic French Republican prohibition on gathering data in the official census - or by government agencies or public or private enterprises - on ethnicity, religion, and even social class. Collecting these data would, it is argued, violate the Republican tenet that France is “one and indivisible.” But the absence of a secondary breakdown of such data, like the UK-style, four-fold class analysis (plus examination of patterns of unemployment by ethnicity or religion), makes it hard for social workers, public heath officials, and economic planners to diagnose new problems. Without the necessary data for analysis, public health policies, for example, cannot be directed toward groups that are especially disadvantaged or otherwise at risk. The second factor is the classic French Republican rejection of, and legal norms against, any form of “affirmative action,” or positive discrimination, even of the most inoffensive kind. Like the prohibition of fine-tuned data - without which positive discrimination is in any case impossible - affirmative action is seen as damaging to the Republican model because it is based on recognition of ethnic differences. And so capital must adopt a more « human face » or in other words fit closer to the French social model.

    The third component is the post-welfare state, which is now part of the French model of citizenship and guarantees all full-time employees one of the highest minimum wages in the world and high employer-paid benefits. This makes it extremely difficult to let workers go, which makes employers reluctant to hire new people in the first place. Many of the social-democratic countries of Europe, like Sweden, Holland, and Denmark, created similar norms in their full-employment eras. Unlike France, however, they also used census data to identify pockets of new unemployment, and to invest socially and politically, not only in excellent job-training programs, but in job creation, and, just as importantly, in job-placement schemes. France is now very bad at creating new jobs. It has few training programs, but high benefits for the unemployed and strong restrictions against firing workers. Put all of this together, and it is like slamming a door in the face of young minority men looking for work. This is the primary cause of the 30-50% unemployment rates among minorities aged 16-24 in many French “urban zones of sensitivity.” Thus, the riots that France is now seeing emerge from French policies, not from instigations by Islamists. France has simply failed to incorporate minority citizens - many of them third-generation immigrants who have been educated for twenty years in assimilationist public schools. But few political leaders accept that the crisis has anything to do with the French model of citizenship. Indeed, they confidently wait for assimilation to kick in. The problem with the authors article is the same it proceeds from a French model of the world. But in today’s high unemployment, low job-creation, and now multicultural France, assimilation will not occur without big changes. However, so long as second- and third-generation minority citizens are taught that the only acceptable cultural identity is French, but are not in fact accepted as French - indeed, are blocked from enjoying the full rights of French citizenship - the Republican model will fuel alienation rather than democratic integration. The French Republican model enshrines the laudable abstract principles of liberty, equality, and fraternity. The author seeks to enshrine these concepts in his model. And the world will continue to pass by which makes me immensely sad.


  • Concerned for France (---.---.84.204) 6 juin 2006 09:59

    ps : This is worth looking at for those who may be interested. http://www.eustonmanifesto.org/joomla/translations/manifesto/fr/euston_mani festo.html


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