mercredi 31 juillet 2019 - par Laconique

Voltaire, Schopenhauer et la haine des juifs

Tout un esprit des Lumières n’est pas seulement anti-biblique, mais bien anti-judaïque. Le rationalisme et l’universalisme des Lumières rejette violemment l’Ancien Testament et sa vision du monde. Voltaire et Schopenhauer illustrent l’un et l’autre cette position. Mais derrière les controverses religieuses et métaphysiques, c’est un véritable rapport au monde que ce rejet de l’Ancien Testament exprime. Et si le monde moderne, individualiste, sentimental et cynique, était en cela l’héritier de Voltaire et Schopenhauer ?

 À présent, chacun aspire à séparer sa personnalité des autres, chacun veut goûter lui-même la plénitude de la vie ; cependant, loin d’atteindre le but, tous les efforts des hommes n’aboutissent qu’à un suicide total, car, au lieu d’affirmer pleinement leur personnalité, ils tombent dans une solitude complète. En effet, en ce siècle, tous se sont fractionnés en unités. Chacun s’isole dans son trou, s’écarte des autres, se cache, lui et son bien, s’éloigne de ses semblables et les éloigne de lui. Il amasse de la richesse tout seul, se félicite de sa puissance, de son opulence ; il ignore, l’insensé, que plus il amasse plus il s’enlise dans une impuissance fatale.

 Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov

 

Je discutais l’autre jour avec un ami catholique.

« J’ai beaucoup lu dans ma jeunesse, me dit-il. Aujourd’hui encore, quand je retourne dans ma famille, que je passe devant ma bibliothèque, je ne peux pas revoir certains volumes sans émotion. Deux auteurs en particulier : Schopenhauer et Voltaire. Je ne suis pas du tout bibliophile, mais le beau volume du Monde comme volonté et comme représentation aux P.U.F., avec la couverture cartonnée, que j’ai dû acheter vers 2002, ou les deux volumes des Contes de Voltaire chez Folio m’attirent irrésistiblement, j’ai toujours envie de les toucher, de les ouvrir. Il suffit d’ouvrir Voltaire pour percevoir toutes les qualités de son intelligence : ces phrases parfaites, ni trop longues ni trop courtes, cette pensée nette, précise, lumineuse, cette foi dans le progrès et la civilisation qui surmonte le constat de toutes les horreurs du monde. J’aspirais à avoir précisément les mêmes qualités d’équilibre et de lucidité. Je lisais beaucoup Platon aussi, qui ressemble tellement à Voltaire et Schopenhauer par certains côtés : l’ironie, l’intelligence, le refus des jouissances vulgaires et des passions fortes. Je me souviens en particulier d’un de ses dialogues de jeunesse, Alcibiade, qui me ravissait et que j’ai lu plusieurs fois. J’avais vraiment le sentiment d’avoir trouvé ma famille intellectuelle, d’être chez moi chez ces auteurs. Il me semblait qu’ils me conduiraient tout naturellement vers un avenir radieux, loin des inepties frénétiques du monde moderne.

Il y a beaucoup de points communs entre Voltaire et Schopenhauer. Ce sont deux rentiers qui ont vécu à l’abri des tempêtes du monde, vingt ans à Ferney pour Voltaire, près de trente ans à Francfort pour Schopenhauer, dans des ermitages où ils ont pu polir des œuvres magistrales. Des solitaires, pas de femmes, pas d’enfants, des êtres totalement voués à l’aventure intellectuelle où ils se sont illustrés avec éclat. L’attirance irrésistible que ces deux auteurs ont exercée sur moi, je pense qu’ils peuvent l’exercer sur tous les êtres avides d’accomplissement intellectuel. Leur séduction est souveraine, et c’est, je te le dis comme je le pense à présent, avec l’expérience de la vie et du monde, c’est la séduction du diable. L’essence la plus pure du péché se trouve chez Voltaire et Schopenhauer, c’est pourquoi il est si difficile de leur résister. Il y a tout : le culte de l’intelligence, la volonté de se créer son petit bonheur à part (le fameux « il faut cultiver son jardin »), la déification des œuvres de l’homme (pense au statut des arts chez ces deux auteurs), la prétention de réaliser son salut soi-même, sans aide extérieure. Il y a tout, et précisément ce que veut par-dessus tout l’homme moderne : se sauver du monde, briller par ses qualités propres. Le péché d’orgueil dans toute sa pureté. Laisse-moi te lire un passage de Dostoïevski, il avait tout prévu. »

Il se leva, saisit un volume sur sa table de travail et me lut le passage suivant : « À présent, chacun aspire à séparer sa personnalité des autres, chacun veut goûter lui-même la plénitude de la vie… »

Il se tut un instant, et reprit sur un ton soucieux : « Cette influence si forte de Voltaire et Schopenhauer, j’estime qu’elle a été funeste entre toutes. C’est de Voltaire que viennent en grande partie toutes les horreurs de la Révolution : le massacre des ecclésiastiques, la profanation des lieux de culte et des tombes des rois, tout cela vient du travail de sape de Voltaire qui a tourné la liturgie catholique en ridicule pendant des décennies, sur des milliers de pages. Toute la substance spirituelle avait été détruite, il ne restait plus qu’à abattre des corps déjà considérés comme morts. Quant à Schopenhauer, tout le nihilisme du début du vingtième siècle en découle : Hitler avait son buste sur son bureau et avait emporté Le Monde comme volonté et comme représentation dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Quelle valeur accorder à la vie humaine quand on pense que tout n’est qu’illusion, voile de Maya, que notre substance profonde est indestructible ? L’homme voltairien, schopenhauerien, se coupe des autres, méprise la charité chrétienne. Mais lorsque ces influences s’emparent de peuples entiers, c’est la porte ouverte à toutes les rages destructrices, au nom du Bien évidemment.

Sais-tu ce qui est très révélateur chez ces deux auteurs ? C’est leur haine du juif, de la Bible. C’est plus que de la haine, c’est de l’obsession, chez chacun d’eux. Voltaire y revient sans cesse, sans cesse. Je te cite quelques phrases, mais tu peux ouvrir le Dictionnaire philosophique ou l’Essai sur les mœurs, cela revient à chaque page, vraiment : « On ne voit au contraire, dans toutes les annales du peuple hébreu, aucune action généreuse. Ils ne connaissent ni l'hospitalité, ni la libéralité, ni la clémence. Leur souverain bonheur est d'exercer l'usure avec les étrangers ; et cet esprit d'usure, principe de toute lâcheté, est tellement enraciné dans leurs cœurs, que c'est l'objet continuel des figures qu'ils emploient dans l'espèce d'éloquence qui leur est propre. Leur gloire est de mettre à feu et à sang les petits villages dont ils peuvent s'emparer. Ils égorgent les vieillards et les enfants ; ils ne réservent que les filles nubiles ; ils assassinent leurs maîtres quand ils sont esclaves ; ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs : ils sont ennemis du genre humain. Nulle politesse, nulle science, nul art perfectionné dans aucun temps, chez cette nation atroce  » (Essai sur les mœurs, VI). « Nous ne croirions pas qu’un peuple si abominable eût pu exister sur la terre : mais, comme cette nation elle-même nous rapporte tous ces faits dans ses livres saints, il faut la croire  » (Essai sur les mœurs, introduction). « Les Juifs seuls sont en horreur à tous les peuples chez lesquels ils sont admis  » (Essai sur les mœurs, CII).

Et chez Schopenhauer c’est à peine plus léger, il en parle moins, mais à chaque fois qu’il le fait c’est avec une hargne étonnante : « Un petit peuple de rien du tout, isolé, bizarre, gouverné sacerdotalement c’est-à-dire par la folie, parfaitement méprisé d’ailleurs de toutes les grandes nations de l’Orient et de l’Occident, ses contemporaines, je veux parler du peuple juif  » (Le Monde comme volonté et comme représentation, II, 49). Houellebecq, qui connaît bien Schopenhauer, déclare très justement : « Le monothéisme est le seul sujet qui lui fasse réellement perdre son calme  » (entretien au Point, octobre 2016).

Cette haine du juif, ce dégoût pour l’Ancien Testament, est très caractéristique, j’y vois la clé de leur vision du monde. Il faut constater, entre parenthèses, que ce sentiment est très partagé chez les agitateurs intellectuels de notre époque : les écologistes ne pardonnent pas à l’Ancien Testament son anti-panthéisme et la prééminence de l’homme sur la création, les féministes vomissent le patriarcat, les démocrates – la verticalité du pouvoir, l’homme moyen – l’anti-sentimentalisme et le ritualisme, etc. Mais ce que Voltaire et Schopenhauer n’acceptent pas, ce qui ne passe pas, en fin de compte, c’est la transcendance radicale du Dieu biblique. Yahvé est un Dieu qui intervient dans l’histoire, qui dépouille l’homme de son aspiration à forger son propre destin, à édifier son propre bonheur. Et cela, c’est inacceptable. L’intelligence se cabre : quand on est Voltaire ou Schopenhauer, on n’accepte pas de voir sa destinée remise entre les mains d’un Dieu qui parle à des bergères, à des gardeurs de moutons. On tient à ses prérogatives, on se hausse de toute la hauteur de l’intelligence humaine, seule capable d’amener la fin de l’histoire chez Voltaire, de prendre conscience d’elle-même et de déchirer le voile de Maya chez Schopenhauer.

J’ai beaucoup aimé Voltaire et Schopenhauer. J’avais entrepris des études de lettres, j’avais même commencé la rédaction d’une thèse de doctorat en littérature française et histoire des idées. J’aurais pu continuer dans cette voie, je serais peut-être professeur d’université à l’heure actuelle. Comme beaucoup, j’ai été sensible au chant des sirènes. Mais j’ai changé de voie, radicalement, le Seigneur ne m’a pas abandonné. Je ne me suis pas enfoncé dans cette solitude orgueilleuse de Voltaire et Schopenhauer, j’ai quitté Ferney, j’ai quitté Francfort. Je n’ai pas fermé la porte au Dieu de la Bible, je laisse ma vie se faire transformer et féconder par l’imprévu, par le transcendant, par l’autre. J’ai fait des rencontres, j’ai rencontré des trésors d’humanité dissimulés chez les personnes les plus simples, et de chacun j’essaie humblement d’apprendre quelque chose. Le Dieu de la Bible m’engage à partir sur les routes, à ne pas avoir peur, et même si le monde entier me pousse dans la direction contraire, vers mon confort, mes livres et mes écrans, je veux écouter la voix du Dieu de Jacob, pour ne plus rencontrer seulement l’image de la vie, bien propre, bien nette, bien voltairienne, mais la vie elle-même, enfin. »



15 réactions


  • Gollum Gollum 31 juillet 2019 18:03

    J’en profite pour faire ma pub pour un auteur qui a su bien mettre les points sur les i : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Soler

    L’intolérance est née avec le judaïsme, s’est poursuivie avec le christianisme, et se continue avec l’islam...

    Une sacrée sainte trinité.

    Et un même refus de l’intelligence, du savoir, de la culture.. (même s’il faut relativiser mais ça nous entrainerait trop loin)..

    Ceci dit je suis d’accord avec Dostoievski.

    Je suis d’ailleurs en train de lire Les Frères Karamazov en ce moment même.

    Rappelons quand même que Dostoievski ne pouvait pas voir l’Église de Rome en peinture. C’est d’ailleurs affirmé de façon nette dans ce roman. Pour lui, c’était l’Église du diable. smiley


    • V_Parlier V_Parlier 31 juillet 2019 23:10

      @Gollum
      Si Dostoïevski disait cela à propos de l’Eglise de Rome ce n’est pas parce-qu’il était contre le Christianisme en général mais contre le chemin pris par Rome depuis le schisme avec l’Orthodoxie. Quand on voit ça avec du recul aujourd’hui on se dit d’ailleurs qu’il avait quelques raisons probablement valables...

      Dostoïevski, révolutionnaire dans sa jeunesse, a radicalement changé ensuite, aux antipodes de tous les « lumiéristes ».

      Quant à l’article, il est utile (même si je ne suis pas d’accord avec tout) car il va briser les rêves de tous ces politiquement corrects qui se réclament de lumières !


    • Gollum Gollum 1er août 2019 08:28

      @V_Parlier

      Oui, m’enfin j’ai eu la naïveté de supputer que les lecteurs avaient un minimum de culture générale et que donc ils savaient que D. était un russe de confession orthodoxe. Mais il est vrai que c’est mieux de le dire.

      Il n’en reste pas moins que les orthodoxes ont toujours eu une dent contre les catholiques suite à certains massacres perpétrés par ces derniers.. Même encore aujourd’hui la rancune est tenace..

      (on se demande vraiment pourquoi, des chrétiens nourris aux saints évangiles et remplis d’amooouuurrr...)

      car il va briser les rêves de tous ces politiquement corrects qui se réclament de lumières !

      L’article ne brise rien du tout. C’est le chant du cygne des derniers membres de la secte... Ceci dit je ne suis pas pro-lumières non plus. Mais la vague de rationalisme que l’on a vu poindre découle même de l’attitude superstitieuse des membres de la secte... action ---> réaction (le Mérovingien dans Matrix)

      Rappelons que ni Voltaire ni Schopenhauer ne peuvent être qualifiés d’athées...


    • TomZzz 6 août 2019 15:27

      @Gollum Jean Soler a « redécouvert » dans La Loi de Moïse que les Dix Commandements (en fait les Dix Paroles) ne sont destinés qu’aux juifs... ce que les rabbins relèvent depuis toujours.

      Il aurait suffi aux chrétiens et aux musulmans de ne pas s’approprier un livre qu’ils ne pouvaient comprendre et appliquer sans la tradition orale, car la Torah écrite ne peut se lire qu’à la lumière de la Torah orale !

      Quant à la tolérance polythéiste, c’est un joli conte : l’obligation par Antiochus IV d’un autel à Zeus dans le Temple de Jérusalem ou sa destruction par Titus montrent l’intolérance gréco-romaine.

      L’intolérance est en effet fille du prosélytisme, que celui-ci soit polythéiste, monothéiste ou athée.


    • TomZzz 6 août 2019 15:29

      @Gollum

      Jean Soler a « redécouvert » dans La Loi de Moïse que les Dix Commandements (en fait les Dix Paroles) ne sont destinés qu’aux juifs... ce que les rabbins relèvent depuis toujours.

      Il aurait suffi aux chrétiens et aux musulmans de ne pas s’approprier un livre qu’ils ne pouvaient comprendre et appliquer sans la tradition orale, car la Torah écrite ne peut se lire qu’à la lumière de la Torah orale !

      Quant à la tolérance polythéiste, c’est un joli conte : l’obligation par Antiochus IV d’un autel à Zeus dans le Temple de Jérusalem ou sa destruction par Titus montrent l’intolérance gréco-romaine.

      L’intolérance est en effet fille du prosélytisme, que celui-ci soit polythéiste, monothéiste ou athée.


    • SALOMON2345 1er août 2019 11:47

      @Serge ULESKI
      « ...l’homme n’est rien, l’oeuvre est tout... » dites-vous ! Une oeuvre plastique (picturale)se situe en effet « au-dessus » de l’artiste. Le verbe (logos) dont les discours diffèrent des actes de qui les grave dans le marbre pose question : Voltaire, courtisan, prévaricateur et trafiquant en tous genres esclaves ici, corruptions en ventes militaires vit en pleine dichotomie : blanc dans ses attendus et noir dans l’alcove que fut son existence ! Si son intelligence fut incontestablement supérieure on voit bien ici que sur la ligne de Platon il ne vivait pas bien dans la case « sensible »... Le diable « LUCIFER » ange porteur de la lumière fut son cousin...
      Cordiales salutations


  • shadrack shadrack 1er août 2019 11:28

    Bonjour,

    J’ai beaucoup aimé votre article et je tenais à vous le dire.

    C’est lumineux.


  • paulau 1er août 2019 12:56

    La disparition des limites, effet des Lumières ?

    Trois débats nous sont imposés par les élites : le genre, les droits de l’animal, l’euthanasie.
    Derrière les bons sentiments affichés on s ’aperçoit que se font jour des conséquences absurdes sinon abjectes.
    Si le genre n’est pas lié au sexe, pourquoi ne pas en changer tous les matins ? Si le corps est à la disposition de notre conscience, pourquoi ne pas le modifier à l’infini ?
    S’il n’y a pas de différence entre animaux et humains, pourquoi ne pas faire des expériences scientifiques sur les comateux plutôt que sur les animaux ? Pourquoi ne pas avoir de relations sexuelles avec son chien ? Pourquoi les droits de l ’Homme ?
    S’il est des vies dignes d’être vécues et d’autres qui ne le sont pas, pourquoi ne pas liquider les « infirmes », y compris les enfants «  défectueux » ? Pourquoi ne pas nationaliser les organes des quasi-morts au profit d’humains plus prometteurs ?
    Il existe un point commun à toutes ces théories : la volonté d ’ effacer les limites. Limites entre les sexes, entre les animaux et les humains, entre les vivants et les morts.
    Ce sont ces limites qui nous constituent. Ces théories sont inhumaines.


  • nenecologue nenecologue 1er août 2019 13:13

    voltaire est le père des gauchistes anticléricaux.


  • Étirév 1er août 2019 13:18

    Afin d’éviter toutes confusions malheureuses, et dans le seul but de l’Histoire bien comprise, il est impératif de ne pas confondre israélites et juifs.
    Durant le Moyen Âge, les Israélites dispersés s’étaient répandus sur toute l’Europe. On les appelait Juifs, quoique les vrais Juifs eussent presque tous passé au Catholicisme, et fussent devenus les plus ardents adversaires des anciens représentants des tribus d’Israël. Ce sont les Juifs christianisés, par ironie sans doute, qui donnaient aux Israélites leur nom de Juifs qui était discrédité et détesté partout.
    Depuis leur grande dispersion, les Israélites n’avaient plus eu de centre, plus de nation. Considérés comme des gens dangereux parce qu’ils étaient restés longtemps fidèles aux principes de l’ancien régime théogonique et gynécocratique, on se méfiait d’eux.
    C’est sous le règne de Philippe-Auguste que les Juifs furent autorisés à s’établir en France. Cette détermination avait, du reste, un but intéressé, on avait besoin d’eux. Ils venaient d’établir l’assurance contre les risques du commerce (en 1182).
    D’abord Philippe-Auguste, monté sur le trône en 1180, inaugura son règne par une ordonnance de 1182 qui voulait que les débiteurs des Juifs fussent déchargés des sommes qu’ils leur devaient. Les évêques célébrèrent cette mesure de proscription. Ils obtinrent encore de ce roi dévot une ordonnance qui condamnait les jureurs et les blasphémateurs à l’amende s’ils étaient nobles, à la mort s’ils étaient roturiers. Chassés après cette ordonnance, les Juifs furent rappelés, en considération du profit que les barons tiraient des Juifs domiciliés dans l’étendue de leur baronnie par le moyen des fortes tailles qu’ils levaient sur eux. Donc, le Juif était exploité, dépouillé par le Catholique, C’est pour cela qu’il fut accusé d’exploiter, de dépouiller le Chrétien. L’accusation est toujours l’envers de la Vérité.
    Donc, les barons s’efforcèrent de se les rendre patrimoniaux ; « de là la maxime qu’il n’était pas libre à un Juif domicilié dans une baronnie de transférer son domicile dans une autre, et que, s’il le faisait, sa personne et ses effets étaient réclamés par le baron du lieu de son ancien domicile » (Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t. XXII, p. 55).
    On se disputait la présence du Juif, à cause du bénéfice qu’on en tirait. C’est lui qui, à cette époque désolée, releva le commerce, et, loin de lui en savoir gré, on lui en fait reproche. C’est qu’il était intelligent (son origine et son passé le prouvent), et tout ce qu’il entreprenait réussissait entre ses mains. En fallait-il davantage pour exciter contre lui la haine ? M. Darmesteter, dans ses Essais Orientaux, montre que c’est au Moyen Age que le Juif, chassé par l’Église Catholique de la vie politique, de toutes les charges, de toutes les professions libérales, et de la propriété immobilière, fut refoulé dans le commerce. En réalité, on ne lui laissait que cela.
    L’existence qu’on lui faisait était le pendant de celle qu’on faisait à la Femme. Et cela se comprend, ils étaient les défenseurs de la même cause, ils conservaient au fond de l’âme une invincible fidélité à la même loi, cette-loi morale si forte qu’on ne peut la vaincre, et ils savaient si bien qu’elle était vraie, que c’étaient eux qui avaient raison, qu’ils puisaient dans cette conviction une force immense, une confiance sans bornes. De là cette opiniâtreté dans l’idée qui les faisait vivre, et qui les a amenés jusqu’à nous, leur réservant la grande joie de voir la Vérité triompher. Ils n’ont jamais perdu l’espoir de voir l’ancien régime rétabli, de voir la vérité et la Femme renaître, et ils ont un secret pressentiment que, le jour de cette renaissance, eux, les sans-patrie, seront le peuple-roi.
    C’est à cette époque qu’on commença à sévir contre les Juifs.
    A la fin du XIIème siècle, il y avait à Paris un grand nombre de synagogues et d’écoles israélites. C’est vers 1182 que l’autorité ecclésiastique les fit fermer et commença à persécuter cette famille juive, dont elle ne parvint cependant jamais à altérer l’unité. Cette unité est un fait admirable dans le monde. Sans patrie, ils possèdent l’esprit national à un degré bien plus élevé que tous les autres peuples ; s’ils ne possèdent pas de territoire, l’univers est à eux, leur patrie est partout où ils se réunissent ; exclus, rejetés de la société et souvent même des lois, ils sont les dépositaires d’une loi sociale et morale bien plus parfaite que toutes celles que les hommes ont faites à l’imitation de la leur. Saint Thomas prit leur défense, considérant combien ils étaient utiles au commerce et à la science, et recommanda la douceur à leur égard, sinon au nom de la charité chrétienne, au moins comme moyen politique.
    On commença à brûler leurs livres, parmi lesquels il y en avait de remarquables.
    « Ils ont duré, dit M. Havet, pendant tout le Moyen Age, en face de l’Église, comme ils avaient fait en face de l’empire romain, également invincibles aux deux plus redoutables tyrannies qui aient jamais pesé sur l’humanité. Et leur vigueur s’est si bien entretenue sous cette éducation du malheur, qu’à mesure que la liberté moderne les fait rentrer dans le concert des peuples, ils y apportent des forces considérables, qui s’annoncent comme devant contribuer grandement aux progrès de l’avenir. On ne doit pas oublier de rappeler que l’exégèse religieuse des temps modernes est sortie principalement de la polémique des rabbins contre la théologie chrétienne. » (Havet, Origines du Christianisme, p. 330.)

    PS : Deux mots à propos de Schopenhauer
    Il faut toujours citer Schopenhauer quand on parle du déraillement intellectuel que cause la dégradation sexuelle.
    Cet homme devait, naturellement, être le premier parmi les misogynes. Dans cette voie, il a été jusqu’au terme dernier de l’odieux.
    Voici le résumé de ses idées sur la femme :
    « Le seul aspect extérieur de la femme révèle qu’elle n’est destinée ni aux grands travaux de l’intelligence, ni aux grands travaux matériels. »
    « Ce qui rend les femmes particulièrement aptes à soigner notre première enfance, c’est qu’elles restent elles-mêmes puériles, futiles et bornées : elles demeurent toute leur vie de grands enfants, une sorte d’intermédiaire entre l’enfant et l’homme. »
    « La raison et l’intelligence de l’homme n’atteignent guère tout leur développement que vers la vingt-huitième année. Chez la femme, au contraire, la maturité de l’esprit arrive à la dix-huitième année. Aussi n’a-t-elle qu’une raison de dix-huit ans, strictement mesurée. Elles ne voient que ce qui est sous leurs yeux, s’attachent au présent, prennent l’apparence pour la réalité et préfèrent les niaiseries aux choses les plus importantes. Par suite de la faiblesse de leur raison, tout ce qui est présent, visible et immédiat, exerce sur elles un empire contre lequel ne sauraient prévaloir ni les abstractions, ni les maximes établies, ni les résolutions énergiques, ni aucune considération du passé ou de l’avenir, de ce qui est éloigné ou absent… Aussi, l’injustice est-elle le défaut capital des natures féminines. Cela vient du peu de bon sens et de réflexion que nous avons signalé, et, ce qui aggrave encore ce défaut, c’est que la nature, en leur refusant la force, leur a donné la ruse en partage, de là, leur fourberie instinctive et leur invincible penchant au mensonge. »
    « Grâce à notre organisation sociale, absurde au suprême degré, qui leur fait partager le titre et la situation de l’homme, elles excitent avec acharnement ses ambitions les moins nobles, etc. On devrait prendre pour règle cette sentence de Napoléon 1er : « Les femmes n’ont pas de rang ». Les femmes sont le sexus sequior, le sexe second, à tous égards, fait pour se tenir à l’écart et au second plan.
    « En tous cas, puisque les lois ineptes ont accordé aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes, elles auraient bien dû leur conférer aussi une raison virile », etc.
    De l’Israélisme au Judaïsme


  • izarn izarn 1er août 2019 16:10

    L’opinion de Voltaire sur les juifs est remarquable de vérité....

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     smiley


    • izarn izarn 1er août 2019 16:12

      @izarn
      Mais j’excuse les juifs car il y a bien pire qu’eux :
      Les anglo saxons !
      Ce pauvre Voltaire n’avait pas vu le pire....


  • Réflexions du Miroir AlLusion 2 août 2019 17:57

    Laconique,

     N’est-ce pas ce que Souchon en a déduit pour la chanson « On s’aime pas » ?

     Avant d’aimer les autres, il faut apprendre à s’aimer soi-même, ce qui n’est pas toujours aussi simple....

     


  • Prudence Prudence 2 août 2019 21:38

    Lentement, progressivement, les esprits s’éclairent, les langues se délient...

    Le procès de ces absurdes Lumières racistes et discriminantes qui ont détruit la planète avec leur monde de l’argent industriel et rationaliste ne fait que commencer et durera des décennies pendant que nous lutterons contre des typhons toujours plus destructeurs et l’alternance des inondations et de la sécheresses.

    Il faut lire « Obscures lumières », de Bertrand Vergely (Ed. du Cerf), c’est le point de départ le meilleur.


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