La France par voix de média s’ébaubit et se pâme à élection du président Obama. Sans la moindre gêne, on parle de vote ethnique, d’honneur retrouvé des communautés noires, il n’est quasiment plus question de civisme, de citoyenneté, d’engagement politique dans le sens des partis. Obama, pour certains serait Noir avant d’être démocrate et américain. Il serait donc normal de voter pour un Noir quand on est Noir et par extension pour un Arabe ou pour un Juif quand on est membre de ces communautés. Or, les Bretons n’ont jamais voté massivement pour Jean-Marie Le Pen qui est pourtant bien de chez eux. Les scores du candidat frontiste ont toujours été inférieurs de 3 à 5 points aux moyennes nationales quelle que soit l’élection. Les Bretons ont-ils honte de leur apparence ethnique ou, plutôt, ne votent-ils pas en fonction de leurs convictions politiques sans la moindre arrière-pensée tribale ? Autre paradoxe, la Bretagne qui possède un taux assez bas d’immigration a élu deux Français d’origine africaine comme maires : Kofi Yamgnane et Auguste Senghor. Alors, doit-on considérer la Bretagne comme terre d’élection de « l’éducation citoyenne » ?
La France marche sur la tête et oublie les fondamentaux de la République, de la citoyenneté et de l’engagement politique qui reposent avant tout sur les idées, les programmes, la capacité de débattre. On nous avait déjà fait le coup de la femme à la fois forte et fragile parce que femme en la personne de Ségolène Royal, l’icône devenue véritable calamité nationale et dont l’unique mérite a été d’avoir très bien choisi son coiffeur pour le meeting du Zénith. Je ne voterai jamais « pour » un Noir, un Juif, un Arabe, encore moins « pour » une femme, un homosexuel, un handicapé, un philatéliste ou un lanceur de couteaux ou de nains ! Je compte voter pour quelqu’un que je considère compétent, dont le programme est réaliste et compatible avec mes désirs et mes intérêts. L’appartenance communautaire est superflue dans une élection. C’est simple, cela ne demande pas une intelligence particulièrement brillante, tout juste un minimum de réflexion. Les Bretons l’ont fait, alors pourquoi pas les autres communautés, y compris les Français dits d’origine.
On peut difficilement trouver plus Breton que Le Pen, mais le fait d’être né à la Trinité-sur-Mer n’en fait pas le candidat naturel des Bretons. Ils le lui ont d’ailleurs bien fait comprendre. Selon les résultats publiés par le ministère de l’Intérieur :
Présidentielle 2007
France en totalité : Le Pen 10,44 %
Bretagne : Le Pen 7,18 %
La Trinité-sur-Mer : Le Pen 9,94 %
Présidentielle 2002
France en totalité : Le Pen 16,86 %
Bretagne : Le Pen 11,81 %
La Trinité-sur-Mer : Le Pen 20,17 %
Les résultats sont équivalents pour les autres élections concernant Le Pen et aussi pour le score du Front national en Bretagne. En dehors d’un petit engouement ethnique à la Trinité-sur-Mer en 2002 (20,17 %, loin des 95 % de Noirs qui ont voté Obama d’après Le Figaro), les résultats bretons sont loin de confirmer une quelconque préférence communautaire. D’ailleurs, les Bretons n’auraient pas donné un score différent si Bruno Gollnisch s’était présenté à la place de Le Pen.
Voilà donc une population qui vote en fonction de ses opinions politiques et qui ne semble pas avoir pour autant perdu son identité ni avoir honte de ses origines, de son folklore et de ses traditions. D’autre part, la France a élu Nicolas Sarkozy, car une majorité d’électeurs (à tort ou à raison, ce n’est le problème posé ici) ont cru à son programme et à ses promesses de campagne. S’il n’avait obtenu les suffrages que des Français d’origine hongroise et juive, il n’aurait jamais dépassé les quelques pourcents !
Or, que montrent les médias à longueur d’édition, des Noirs de toutes origines, des Américains (les plus concernés en tant que citoyens du pays concerné par l’élection), des Africains, des Antillais, des Français d’origine africaine dansant, chantant en exultant, considérant Obama comme un des leurs. Où est donc la réflexion politique dans ces professions de foi ? Personne n’a encore osé faire un reportage parmi les Papous de Nouvelle-Guinée pour leur demander leur avis. De même pour les albinos africains qui ont le « cœur » noir, mais la peau rose !
Le pire étant les réactions de « Noirs » de banlieue qui déclarent hilares : « Il est des nôtres ! », alors que c’est plus un océan social et culturel que l’Atlantique qui les séparent d’Obama !
Enfin Rama Yade, oubliant qu’elle est Française nous ressort : le 11 septembre, nous étions tous Américains, nous le sommes aussi le 4 novembre ! Non, elle ni nous, ne sommes Américains, mais Français ! Cette profession de foi pro-américaine est assez choquante dans la bouche d’un membre du gouvernement.
Je le répète l’idéologie, le programme et la compétence doivent prévaloir sur la race ou l’ethnie. Un Français d’origine arabe doit pouvoir voter pour un député d’origine juive s’il partage ses convictions (cela veut bien sûr dire qu’il ne s’agit pas d’un sioniste) et un juif de France pour un candidat d’origine arabe (s’il ne s’agit pas d’un islamiste qui veut éradiquer Israël) ! Car si l’on doit aussi considérer les intérêts de sa communauté quand on va voter, cela n’est pas antinomique avec la citoyenneté si les positions du candidat ne sont pas incompatibles avec l’intérêt national.
Les électeurs bretons de Saint-Couliz et de Saint-Briac ne se sont pas choisi un Noir pour maire histoire de faire original ou exotique, mais parce qu’ils ont considéré que M. Yamgnane et Senghor avaient le profil d’édile du peuple. Ces deux élections ne sont pas un miracle, tous deux ont participé à la vie associative de leur commune et ont su se faire apprécier puis élire. Remarquons enfin, qu’il n’y a pas d’autres maires noirs en métropole en dehors de la Bretagne.
Il est en train de se rejouer à grande échelle la supercherie de la France black blanc beur de 1998, avec la mise en icône des banlieues de Zidane, étant passé sans qu’il l’ait réellement désiré du statut de footballeur d’élite à un modèle médiatique utilisé comme pare-feu à des émeutes plus sociales qu’ethniques. Inciter au vote noir, c’est nier la personnalité de l’individu, c’est mettre Tsonga, Noah et Monfils dans le même panier alors que ces trois-là sont aussi différents que Borg de Nastase ou de Federer, tant par le jeu que par le caractère.
Redescendons sur terre. Obama sera probablement un bon président démocrate pour les Etats-Unis d’Amérique. Qu’il soit métis n’a que peu d’importance. Un sondage récent montrerait que 80 % des Français pourraient voter pour un Noir. Question stupide, car une élection est avant tout politique et les critères raciaux, tribaux, ethniques devraient être secondaires, d’autant qu’il n’y a pas de communauté noire en France, mais des communautés n’ayant pas forcément les mêmes intérêts. Et puis, s’il est possible de voter pour l’équivalent d’un Obama français, doit-on élire en France un pseudo-Mugabe, ou un Louis Farrakhan, le leader américain raciste, antisémite, homophobe et sexiste, en se reportant uniquement à leur pigmentation cutanée ?
Quant à Kémi Séba, le leader français de la tribu K, est-il le candidat idéal ?
Enfin, en tant qu’individu aussi métis, je ne veux pas être cantonais (ou plutôt cantonné) à écrire uniquement sur la Chine, à manger du riz tous les jours et à jouer obligatoirement au ping-pong. Je pense que beaucoup de Noirs pensent dans le même sens et veulent être appréciés pour eux-mêmes.