Lettre à France
Ma France,
C’est dans un étrange sentiment, que je te quitte, je ne sais pour combien de temps.
Te voila, depuis maintenant, de longues années, plus spécifiquement les dernières, et pour de longues années encore, hélas, aux mains des forces de l’argent, du démantèlement de ton système et de ton lien social, au profit d’un état devenant de plus en plus policier, de lois de plus en plus répressives, des lois d’exception, sous le prétexte pseudo compassionnel de faits divers érigés en faits de société.

Frappée, comme les autres pays du monde, par cette crise provoquée par les banksters et les spéculateurs d’ un système inique, oppresseur, aggravant les inégalités, créateur de misère, de famines ; tes dirigeants, comme ceux des autres pays, s’empêchent d’en tirer la leçon, et, derrière les discours de façade destinés à égarer la galerie, s’apprêtent à relancer la même machine, dont le fonctionnement produira les mêmes effets dévastateurs pour les mêmes catégories de ciotyens ; tout à l’heure, demain, après-demain….
Bien sûr, tu ne pourrais rien toute seule, liée que tu es dans ce système absurde, où les mafias du libéralisme imposent au monde leur loi du plus fort, et retirent les prodigieux bénéfices d’une exploitation de plus en plus irréversible des hommes et de la terre.
Mais là où, en d’autres temps, tu sus montrer aux hommes le chemin vers plus de justice, d’égalité, de liberté, de fraternité, où ton peuple, grâce à son esprit rebelle, sa saine révolte, sut indiquer le chemin des droits de l’homme , tu n’es plus, aujourd’hui, qu’une voix atone dans le concert des nations prises dans le filet de la consommation, du pseudo libre-échange, de l’individualisme, du morcellement, de la résignation au laisser-faire dévastateur des tout-puissants marchés.
Là où tu indiquais la route du progrès d’une seule voix, pour le profit de tous tes fils, ne s’élèvent plus que quelques clameurs corporatistes, destinées à conforter des égoïsmes sectoriels, et, grâce au jeu classiquement machiavélique des forces de pouvoir, des oppositions de catégories de citoyens entre eux, du rejet, des schismes, des communautarismes s’excluant les uns les autres.
Toi qui a toujours été une fille d’immigrés, venus de tous horizons, et qui ont fait la richesse de ta culture métisse, te voilà devenue bassement raciste, laissant s’opposer tes enfants entre eux, reniant la diversité qui fut ta force.
Toi qui fut la fille des lumières qui éclairèrent le monde de leur formidable clarté, te voilà plongée dans l’obscurantisme de la chasse aux sorcières et des charters de la honte.
Toi qui fus la patrie de Piaget, de Freinet, de Dolto, toi qui érigea en modèle pour le monde ton école obligatoire, libre et laïque, te voilà à faire la traque à tes propres enfants, à les ficher, les encarter, les fliquer, dès l‘âge de 3 ans (! !!!)
à vouloir les enfermer à 12 ans,
quand les vrais truands tiennent, en toute impunité, le haut de ton pavé…
Marianne, on t’a mis un sale grappin dessus, et on ne sent plus ta force de révolte contre cet asservissement des tes idéaux.
Certes, tu n’es pas la seule à subir cette oppression ; elle est, aujourd’hui, comme on dit, globalisée, mondialisée : les forces qui l’exercent se moquent bien des états, des frontières, des océans ; elles ne connaissent aucune barrière à leur soif de pouvoir, de domination, de profit de quelques vampires, au détriment des 9/10 èmes de l’humanité.
Certes, il y a, sur cette terre, plus de la moitié de ses habitants qui survivent dans des conditions indignes, indécentes, honteuses, sans accès à l’eau, aux soins, à la nutrition, à l’éducation, à une simple vie décente,
Mais, sur ton sol même,
alors que plus de 10% de tes fils vivent sous le seuil de pauvreté, que 3,3 millions sont mal logés, que plus de 100 000 vivent sans toit, meurent dans tes rues, que les inégalités s’aggravent, que la paupérisation gagne tes travailleurs, que le chômage explose, que la précarité s’accroît pour tes anciens, chacun semble confiné à essayer de tirer sa propre épingle du jeu, en détournant les yeux de ses voisins, et en désignant à la vindicte quelques boucs émissaires…
Toi qui es à l’origine de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ta liberté fout le camp de tous les côtés, sans qu’on entende le grondement de la légitime colère qui devrait, comme aux heures graves, faire descendre ton peuple dans la rue.
Ta télé, tes journaux, tes médias sont aux ordres ; on démolit ton école, tes hôpitaux, ta justice, on supprime tes droits si chèrement acquis ; on te vole au profit de ceux qui t’exploitent, on dénature ta terre, on pollue tes eaux, on souille l’air que tu respires, on te fiche, t’encarte, on te flique…
Dans les taudis laissés pour compte de tes banlieues urbaines, une partie de tes fils sont laissés à l’abandon d’une vie sans amour, sans occupation, sans espoir, surtout…livrés au désoeuvrement, matrice de toutes les dérives…
Dans tes prisons surpeuplées, où l’on n’a jamais enfermé autant, cohabitent, dans des conditions indignes, de petits bandits, des malades qu’on ne soignera jamais, des désespérés qui n’ont plus que la mort pour solution, de pauvres hères, de plus en plus jeunes,livrés en pâture à ce terreau de la délinquance, condamnés à vie, même leur peine finie… quand les vrais voyous, ceux qui jouent ton destin au casino de leur soif inextinguible de tes richesses ; volées, truandées, captées, soustraites, dilapidées, pavanent dans les paradis dorés où un soleil livide blanchit l’argent des armes, de la drogue, du sang et de la sueur…
Tu es, Marianne, comme le monde entier, soumise au joug des mafias financières, des ploutocrates obscènes, des prédateurs et des privatiseurs du vivant ; et tu sembles te laisser faire, résignée, inerte, divisée…
C’est vrai que tu ne peux pas, seule, renverser le cours des choses, opérer l’indispensable redistribution des cartes, des biens, de la justice : alors, il te faut t’allier, allier ta jeunesse, et tous ceux que la révolte, la colère, la soif de justice habitent encore, à cette multitude, qui, tout autour du monde, subit cette oppression, mais se bat, avec l’espoir d’y mettre fin.
Tu peux déclencher, toi ; la belle, la rebelle, l’insoumise, ce mouvement d’aile de papillon qui pourra parcourir la terre, comme une vague libératrice, vers les horizons enfin éclaircis de ton espérance…
Tu peux être, de nouveau, le phare d’un monde plus juste, plus libre, plus fraternel : encore y faut-il retrouver ta solidarité, la fraternité de ton peuple, la chaleur d’être ensemble, le plaisir du partage…
Je ne saurais désespérer de ta prochaine révolte ; elle va venir, je le sais ; déjà ta jeunesse retrouve le chemin de la rue, de la solidarité, de la saine rébellion…
En attendant, je te quitte pour quelques temps, pour des cieux plus sereins, plus amicaux, plus pacifiques.
Tu vas probablement me manquer, mais je dois avouer que je ne suis pas fâché de partir m‘enrichir d‘autres horizons, d‘une autre culture, respirer un air moins pesant, moins confiné, moins soumis à cette oppression rampante qu’imposent, quotidiennement, ceux, au pouvoir, qui usurpent ton nom…
Je reste à soutenir tous ceux qui continuent à combattre pour empêcher ton asservissement, pour retrouver ta liberté, ton souffle, ton esprit frondeur.
A côté de tous ceux qui se battent, chaque jour, pour assurer leur survie.
A tous les ennemis de la liberté, aux complices des affameurs, des mafias, de l’assujettissement des autres, aux valets du dieu-fric, à tous les membres de la secte du « marché », du chacun sa gueule et de la loi de la jungle, à tous les racistes, les xénophobes, les « de souche », les diviseurs des français entre eux, je te promets qu’on va bien finir par les empêcher de te nuire…
A tous ceux qui peuvent profiter encore de ta douceur de vivre, je compte sur leur solidarité, pour y associer, y recueillir tous tes enfants, de quelque couleur, de quelque confession, de quelque endroit qu’ils viennent.
Que renaisse ta tradition de terre d’accueil, ta chaleureuse bienveillance, ton hospitalité offerte aux enfants du monde en souffrance, comme un fanal de liberté et de fraternité.
Et, puisque je m’éloigne, sache que tes images, tes parfums, tes rivages, ne manqueront pas de me manquer...
Allez, pas d’effusions larmoyantes, je sais que tu vas te ressaissir, retrouver ta fierté rebelle, le souffle de ta liberté.
Et, comme disait l’autre ; ce n’est qu’un...
;-)