Siné Hebdo
Est-il possible de devenir directeur de presse à 80 ans ? A cette drôle de question, Bob Siné répond sans hésiter par un grand OUI ! Et nous donne au passage une belle leçon de vie, à méditer par les petits et les grands : il n’y a pas d’âge quand on aime. A 80 balais passés, on peut encore prendre des risques et se lancer dans un projet fou. Nous nous sommes donc rendus sur place, chez M. et Mme Sinet, pour prendre les dernières nouvelles de leur bébé.

Tout d’abord, je tiens à vous féliciter, car après Hara-Kiri , la revue le Fou parle et la revue Zoo, nous étions nombreux à penser que l’on ne verrait plus jamais de journal de cette trempe-là. Par exemple, Zoo est mort, écrasé sous les procès et les amendes, pour avoir fait des blagues sur Céline Dion et Vanessa Demouy. Nous sommes dans une période où tous les canards sont inféodés à la pub et à la pensée unique, avec au-dessus de leur tête l’épée de Damoclès de la censure et des procès. Finalement, heureusement qu’il y a eu cette affaire-là (l’affaire du licenciement de Siné par Val), car ça a débloqué une situation que...
Siné intervient :
... que tout le monde ressentait.
C’est donc grâce à vous que renaît cette presse satirique. Et il fallait une figure mythique et tutélaire, qui soit vraiment emblématique comme un Prévert ou un Pr Choron, avec une carrure, une respectabilité et une notoriété, pas seulement chez les anars, car on parle aussi de presse et de liberté d’expression, pour redonner à tous cet élan de liberté.
![]() Siné devant le BAT de Siné Hebdo
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Où en êtes-vous au bout du troisième numéro, après un numéro un qui faisait beaucoup appel au name dropping avec des noms connus comme Michel Onfray, Guy Bedos, etc. ? Car pour intéresser la presse, il faut des noms connus, on ne prend pas Rachid du coin ou Pierre le boulanger, eussent-ils le talent de Michel Onfray. Va-t-il y avoir de nouveaux noms, plus de roulement, quelle est votre ligne éditoriale ?
Catherine Sinet : Evidemment, on ne va pas laisser tomber nos noms connus, Bedos, Porte, Onfray..., loin de là, mais on va essayer de plus en plus d’introduire des papiers de fond.
De Font ?
C. Sinet : ... Des papiers d’actualité. On ne va pas se baser sur des commentaires de politiques, on va traiter de préférence de sujets non traités dans la presse. Là, on passe un grand papier sur les radios libres qui sont menacées de mort, ensuite on fait quelque chose sur les intermittents du spectacle alors qu’on n’en parle plus en ce moment. Là, on commence une chronique sur les « emmerdeurs », qui sont des personnages hauts en couleur, qui emmerdent le monde. Là, il s’agit d’une petite dame qui est actionnaire chez Mattel, qui les poursuit partout en conseil d’administration pour leur poser des questions sur le travail de leurs ouvriers, etc. Une vraie emmerdeuse professionnelle.
Que fait Isabelle Alonso dans Siné Hebdo ?
C. Sinet : Isabelle Alonso est, je le sais, très controversée. Je la connais depuis très longtemps. Elle a été aux Chiennes de garde pendant un an ou deux, mais les a quittées il y a cinq/six ans. Je l’ai appelée en lui disant, je ne veux même pas que tu parles de tous ces problèmes-là, je veux que tu parles de gâterie, de plaisirs, etc. Cette semaine, elle parle du Sénat, mais elle a un regard qui n’est pas du tout celui auquel on est habitués de sa part, et moi j’aime beaucoup ce décalage entre Isabelle Alonso telle qu’on l’imagine et ce qu’elle écrit dans le journal, donc je demande à ce qu’on la juge sur ce qu’elle écrit dans le journal. Moi, Alonso, j’aime bien, et puis de toute façon, une voix de femme, ça fait du bien.
Siné : Je suis un peu pareil au niveau du dessin. Il y a une équipe de dessinateurs qui reviennent et sont toujours présents, Lindingre, Faujour..., qui sont des copains, mais il y en a plein aussi que je ne connais même pas, des gens qui nous envoient ça par mail. Il y a un Belge, un Flamand, je ne sais pas d’où ils sortent, ni l’âge qu’ils ont. On va essayer d’avoir Ralph König qui est exceptionnel, un Allemand homosexuel qui fait que des trucs sur les pédés, c’est hilarant. On va essayer de renouveler un peu, qu’on n’ait pas toujours la même chose.
C. Sinet : On aurait bien aimé avoir Lefred-Thouron, mais il a un contrat d’exclusivité au Canard. Il a essayé de contourner le truc en faisant des photomontages, ça me faisait rigoler, mais les photomontages, je n’ai pas envie d’en mettre, ça rappelle trop l’époque Hara-Kiri. Il y a Lefred et Pétillon qui ne peuvent pas. On aimerait aussi Willem qui est un sacré mec, mais pour l’instant il reste fidèle à Charlie. Si on trouve des nouveaux, ce serait le paradis. Il y a sûrement des mecs en province ou à l’étranger, des mecs bien. En attendant, il y a beaucoup de dessins qu’on fout en l’air en se disant, c’est n’importe quoi.
Il y a une plume que je suis très content de retrouver dans Siné Hebdo, car non seulement il écrit bien, mais, en plus, il fait un travail de fond indispensable à la société, qui est une sorte de Michael Moore à la française, c’est Denis Robert.
C. Sinet : Oui, Denis Robert, par exemple, a porte ouverte. Il a envoyé trois textes, on l’a publié trois fois.
Et où en êtes-vous après le gros buzz du numéro Un où tous les numéros sont partis dans la journée ?
C. Sinet : C’était miraculeux. Là on devrait être, sur le troisième, à 80 000, ce qui est déjà beaucoup. On ne s’attendait pas à ça. Vendredi matin, on était à 50 000.
Quel est votre seuil de rentabilité ?
C. Sinet : 40/50 000, quelque chose comme ça. On a déjà 1 200 abonnés.
Siné : Plus on aura d’abonnés, plus on sera tranquilles.
(www.hermaphrodite.fr)